STUDIA UNIVERSITATIS BABE -BOLYAI, PHILOLOGIA, LIII, 2, 2008
LA MÉTAPHORE DANS LE DISCOURS PROVERBIAL
OANA-AURELIA GENCARAU
ABSTRACT. The Metaphor in the Proverbial Discourse. In the following article we
examine the manifestation of some rhetorical figures, mainly the metaphor, in the proverbial
discourse. The angle under which rhetorical figures in general and the metaphor in
particular are examined, is rhetoric; the purpose of the analysis of these figures is semantic,
because the building of the figure is important for the building of the sense.
Key words: metaphor, metonymy, synecdoche, literal meaning, figurative meaning
1. Considéré tantôt comme unité inventoriée pareille à toute autre unité de
langue (Milner: 1969; Kuusi: 1972), tantôt comme unité n’appartenant qu’à un
langage particulier (Cram: 1983; Norrick: 1981), le proverbe a un sens qui lui est
propre et que l’on peut cerner par une interprétation spécifique nommée
‘interprétation proverbiale standard’. Une telle interprétation peut soit coïncider à
une lecture littérale du proverbe, soit nécessiter une lecture des figures impliquées
dans le proverbe: si l’interprétation proverbiale standard coïncide avec la lecture
littérale (du proverbe), la classe des proverbes à laquelle s’applique cette
interprétation aura un sens littéral et sera considérée comme une classe de
proverbes littéraux; d’une manière implicite, si l’interprétation proverbiale
standard ne coïncide pas avec le sens résultant de la lecture littérale, il faut accepter
qu’on se trouve dans la présence d’un sens figuratif. (Norrick: 1985:2, p. 101).
Ainsi, un proverbe littéral n’aura qu’un sens littéral, tandis qu’un proverbe
figuratif aura à la fois un sens littéral, établi par l’interprétation proverbiale
standard, et un sens figuratif établi par des démarches interprétatives ultérieures à
l’interprétation standard. Les démarches d’identification du sens littéral1 et du sens
figuratif nous font affirmer qu’on a une lecture littérale lorsque, pour identifier le
sens, on ne recourt qu’à l’inventaire lexématique et structural de l’énoncé
proverbial, alors que la lecture figurative implique des relations extra lexématiques
et extra structurales2. Même si le trait ‘figuratif’ n’est pas un trait définitionnel pour
University of Oradea, Romania. E-mail: oanagen@yahoo.fr
1 La notion est antérieure à la proposition de Norrick ; elle esthiculée par Taylor (1975: 71) et reprise par la
plupart des interventions ultérieures : Arnaud (1991), Michaux (1999), Kleiber (2000). Conenna et Kleiber
(2002) définissent le sens litral comme le sens obtenu par la compositionali du proverbe à partir de ses
constituants, et expriment des réserves sur la possibili qu’un proverbe soit absolument dénotatif.
2 L’opposition sens littéral/sens figuratif reprend, selon Michaux, (1999 :92), l’opposition idiomatique/non
idiomatique, car, de me que dans le non idiomatique, le sens littéral est acti dans des mots, alors
que le sens figuratif n’est pas actidans des mots mais dans des unis supérieures.
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l’énoncé proverbial, il est évident que ce fait de langue, le proverbe, oppose une
classe de proverbes à sens littéral à une classe de proverbes à sens figuratif.
2. Du point de vue des catégories rhétoriques traditionnelles la classe des
proverbes figuratifs se construit par:
(a) la synecdoque espèce-genre, lorsque l’interprétation proverbiale standard
renvoie à une relation microcosme-macrocosme: /Qui veut aller loin ménage sa
monture/ /La langue va où la dent fait mal./ /C’est en forgeant quon devient forgeron./
(b) la métonymie, lorsque l’interprétation proverbiale renvoie à un rapport
de contigüité: /Loin des yeux, loin du cœur./ /Qui terre a, guerre a./ /Morte la bête,
mort le venin./
(c) la métaphore, lorsque l’interprétation renvoie à une similitude: /Qui se
fait brebis le loup le mange/ /Les belles paroles n’écorchent pas la langue./
(d) l’hyperbole, lorsque l’interprétation renvoie à une amplification
marquée lexicalement: /Qui vole un œuf, vole un bœuf./
(e) le paradoxe, lorsque linterprétation renvoie à un rapport contradictoire entre
les termes engagés dans l’énoncé proverbial: /Nest pas beau ce qui est beau (est beau ce
qui plt)./ /Bon à tout, bon à rien./ /Les pots fês sont ceux qui durent le plus./
(f) la tautologie: /Un sou est un sou./ /Les affaires sont les affaires./
2.1. La figure qui semble être la plus fréquente dans l’énoncé proverbial est
la synecdoque. Elle présente surtout des exemples l’on prend le genre pour
l’espèce et le tout pour la partie3. Le proverbe /C’est en forgeant qu’on devient
forgeron./ a un sens littéral équivalent à /Si un homme s’exerce à l’activité de
forger, il devient forgeron./ mais insuffisant pour déchiffrer le proverbe. Le sens
figuratif de l’énoncé implique une synecdoque qui remplace l’espèce /forgeant,
forgeron/ par le genre /activité, spécialiste/.4
De même le proverbe anglais /Far shooting never killed the bird./ a un sens
figuratif parce que l’interprétation proverbiale conduit à un énoncé de langue
commune l’on fait l’affirmation / hunters shoot birds/les chasseurs chassent des
oiseaux/ équivalente à un sens littéral de l’énoncé, mais insuffisante pour son
codage. Le sens figuratif de l’énon s’identifie par le rapport esce-genre, où
shooting/chasser représente l’espèce, et acte, le genre. Le décodage du proverbe
comme un avertissement à l’égard du fait que les actes indirects n’atteignent jamais
leur but implique également, dans la représentation sémantique de bird/oiseau, le
3 Le Guern (1973: 29), de même que Norrick, remarque la possibilité d’interpréter les substitutions esce-genre
et partie-entier comme métonymies mais il les interprète comme synecdoques en consirant que: Alors que
dans les deux cas il y a à la fois modification de la chne pare et glissement de rérence, on peut estimer que
le second aspect est plus nettement prédominant dans ce type de synecdoque que dans la métonymie.
4 Conenna & Kleiber (2002) considèrent ces lemes comme étant en relation hypéronymique noms de
profession’-’profession’; Lakoff & Turner (1989) parlent d’une métaphore qu’ils désignent par Generic
is Specific. Krikmann (2005b) les accepte mais comme synecdoque.
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trait ‘pour être chassé’, afin que le terme bird soit entendu comme but, et le
proverbe comme un avertissement.
2.2. Les proverbes dont le sens figuratif recourt au rapport de contigüité
entre l’objet proprement-dit et l’objet qu’on veut nommer sont les proverbes
métonymiques5. Ces proverbes impliquent, le plus souvent, un rapport instrument-
fonction ou parole-locuteur. Le proverbe elliptique /Loin des yeux, loin du cœur./
correspond à l’interprétation /celui qui est loin de vue est loin du cœur/. Le
proverbe désigne littéralement deux organes représentant les fonctions qui leur sont
couramment et culturellement associées. De même dans le cas de /Le visage est le
miroir du cœur/. Dans les limites de l’interprétation proverbiale standard on peut
dégager seulement le sens littéral de ces proverbes, qui, dans le premier cas, serait
l’équivalent d’une information anatomique concernant la distance entre les yeux et le
ur, ou, dans le deuxième proverbe, une information symptomatologique. Le rapport
métonymique implique des instructions de lecture pour les ‘substituants’, de façon
que le terme /cœur/ soit décodé comme /émotions/ dans les deux proverbes
lexicalisés comme tels. La règle de lecture pour ces proverbes serait: remplacer
une expression désignant un instrument avec une autre désignant la fonction qui
lui est communément associée (Norrick: 1985: 131).
2.3. Les corpus de proverbes attestent une fquence plutôt faible pour la
métaphore, et plus élevée pour la métonymie et la synecdoque, ce qui ne veut pas dire
que l’étude de la métaphore présente moins d’int soit pour l’approche rtorique de
l’énon proverbial, soit pour la construction du sens de cette classe de textes.
2.3.1. La métaphore a été considérée à la fois comme un critère définissant
de l’énoncé proverbial et comme un indice d’identification. Un aperçu des
interprétations précisant son rôle, même réduit à l’énumération des affirmations
générales, nous semble nécessaire. Taylor (1975: 71) considérait que les proverbes
ayant des attributs métaphoriques sont plus faciles à identifier. La généralisation
dans le proverbe se produit grâce à la métaphore car la métaphore offre les
stratégies pour des situations propres à une structure sociale donnée, où les
individus doivent nommer les objets qu’ils manient (Whiting: 1932: 275). La
métaphore encode l’énoncé de manière que le proverbe puisse exprimer la norme
(Cauvin: 1980: 328). La métaphore est une condition indispensable à l’existence du
proverbe; renoncer à la métaphore serait un dépérissement du proverbe, car la
métaphore le remplit de sens et pas seulement de sens littéral (Rey: 1990: XXIV). La
métaphore impose les gles de la performance de l’énoncé proverbial en lui assurant
l’efficacité rhétorique dans le contexte de la conversation juridique il a toujours
fonctionné comme argument d’autorité (Buridant: 1976: 388; Yankah: 1986: 288).
5 Dans le même sens Le Guern, op. cit, mais aussi Morier (1975).
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La typologie primaire du proverbe peut s’organiser en fonction de la présence ou
l’absence de la métaphore (Arnaud: 1991: 14). La métaphore participe à la
distinction des sous-classes des expressions figées: elle inclue le proverbe dans la
classe des expressions polylexématiques (Gross: 1996: 40), elle pare le dicton du
proverbe (Greimas, 1970), (Rodegem, 1972), (Buridant, 1976), Rey (1990), ou l’adage
du proverbe (Gouvard6). Pour Gouvard, la taphore, à savoir la taphore non
conventionnelle7, fait partie de la texture inextricable du proverbe, et la modification
d’une taphore conduit à la déproverbialisation. Belo considère que la taphore
distingue le proverbe comme type discursif8, du dicton comme type gnoséologique.
Enfin Conenna et Kleiber (2002: 58) remarquent le fait que dans l’histoire des
approches du proverbe il y a un consensus quant à la métaphoricité de cette classe
de textes, consensus qui se transforme en désaccord dès qu’on pose le problème de
la définition, de la fonction et du rôle de cette figure.
2.3.2. Intéressé plutôt par le classement des proverbes métaphoriques que
par la définition des figures, Norrick (1985: 108) considère que cette classe de
textes construit deux types de métaphores:
a) par l’extension d’une propriété: le terme nominal sujet d’un proverbe
prend un trait sémantique d’un autre constituant.
b) la métaphore ‘objet-propriété’: un terme nominal d’un proverbe se
présente par un de ses traits, à savoir par son trait le plus saillant.
Le proverbe /La faim chasse le loup hors du bois./ est un exemple pour le premier
type de métaphorisation: le terme faim participe à la construction du sens figuratif
car étant métaphoriquement animé il permet la sélection du verbe chasser.
/La vertu est un bijou./ /Fair play is a jewel./ repsente le deuxième modèle de
métaphorisation: le constituant nominal jewel / bijou participe à la production du sens
figuratif par le trait /valeur/ qu’il renferme dans son sémantisme.
2.3.3. Norrick (1985: 124) distingue trois sous types de métaphores construites
par l’extension ou le transfert d’un trait sémantique au constituant nominal9sujet.
6 Gouvard (1999: 71), en insistant sur le le jo par la lexicalisation dans la production de la figure, et en
considérant que la métaphoricité est propre au proverbe, la repère aussi dans «Tel couteau, tel fourreau»,
proverbe construit selon la formule «Telre, tel fils» et considéré enral comme non figuratif.
7 Pour la définition des taphores non conventionnelles, Gouvard renvoie à Sperber & Wilsson, La
Pertinence, Paris, 1989.
8 Belo (1984: 26): Je proposerai de distinguer trois types linguistico-textuels, définis comme suit: a) le type
narratif, caracrisé par le sysme de la non-personne et le système temporel verbal autour de l’aoriste ou
pas simple; b) le type discursif, caracri par le système de la personne, et par le système temporel
verbal autour du psent de l’énonciation, c) le type gnoologique ou sémantique. Les Proverbes revent
des noms concrets et du narratif.
9 Elena Slave (1967: 175) a manifesté de l’intérêt pour les constituants nominaux; elle applique les
principes de la distribution sémantique sur un corpus de proverbes roumains en poursuivant le degré de
placement mantique obtenu par l’association des mots sans restrictions en ce qui concerne le
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2.3.3.1. L’anthropomorphisation: le sens métaphorique se produit par le
transfert de la pdication /est humain/ au constituant nominal sujet. L’interptation
métaphorique du proverbe implique la comparaison durent d’un constituant nominal
avec l’humain10. Dans /La fortune sourit aux audacieux./ le transfert du trait humain se
fait à partir du verbe sourit. Conformément à la grammaire standard, le substantif fortune
ne peut pas se combiner avec des verbes dont le sujet implique le trait humain.
Lanthropomorphisation conduit à une réécriture des règles d’interprétation qui
permettent au constituant nominal de s’adjoindre la pdication extra proverbiale /est
humain/; par conquent la sélection sujet humain verbe humain devient possible.
De même dans les proverbes /Petite gligence accouche d’un grand mal./
/Le ur ne parle pas, c’est la bouche qui fait tout le mal./, dans le proverbe anglais
/Fancy may bolt bran and think it flour/, ou roumain /Frica p zeste bost n ria./, le
transfert du trait humain vers le constituant nominal sujet, fait à partir des verbes
accouche, parle, bolt, think ou p zeste, assure l’anthropomorphisation qui permet à
son tour la sélection sujet humainverbe humain.
2.3.3.2. L’animation. La métaphore se produit par le transfert de la prédication
/est ani/ au constituant nominal sujet. Dans ce cas l’interprétation taphorique
implique une comparaison du référent du constituant nominal avec un ani. Les
proverbes qui renferment une telle métaphore présentent des lexicalisations en partie
similaires à celles des proverbes comportant des métaphores construites par
anthropomorphisation: /La faim chasse le loup hors du bois/. Selon les règles de la
grammaire standard, faim ne peut pas choisir un verbe dont le sujet possède le trait
animé; chasse, qui contient le trait [animé], le transre à faim. L’animation termine
la réécriture des gles d’interptation qui permettent l’association de la prédication
/est animé/ au constituant nominal sujet, et la sélection sujet animé verbe ani. De
même dans /Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse./ /Adev rul umbl cu
capul spart./ /Minciuna are picioare scurte./ /Fancy flees before the wind/.
2.3.3.3. La concrétisation. La métaphore se produit par le transfert de la
prédication /est concret/ au constituant nominal sujet qui n’avait pas cette propriété
avant. L’interprétation métaphorique implique une comparaison entre ce que le
constituant nominal désigne habituellement et un objet concret. Dans le proverbe
/Beau parler n’écorche pas la langue./ la concrétisation métaphorique implique le
transfert du trait [concret] de n’écorche pas à beau parler. La concrétisation
conduit à une réinterprétation qui attribue la prédication [est concret] au constituant
sujet et permet la sélection sujet concret - verbe concret. Nous retrouvons à peu
transfert. Pour Slave ce qui compte c’est la position du constituant nominal dans l’énoncé, la présence ou
l’absence d’un terminant du sujet, la sphèremantique du complément.
10 Pour Morier (1975), l’anthropomorphisation, aussi bien que l’animation font partie de la définition
rtorique de la taphore.
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