Rien que des bouts de science. Aucun raisonnement, aucune question. La jeunesse séduite par les
industries de la communication n'est que consommatrice . On se contente : « la science est religion
et la religion est science » (117). La science n' a pas de domaine autonome.
En Occident, un discours ambigu sur l'évolution.
J.-B.Lamarck (1744-1829) avait déjà admis que les êtres vivants pouvaient se transformer. Sous
l'influence d'une adaptation au milieu extérieur, d'un avantage. « Cependant, si l’on considère que
les oiseaux aquatiques (comme les palmipèdes), que les échassiers et que les gallinacés ont cet
avantage sur tous les autres oiseaux, que leurs petits, en sortant de l’œuf, peuvent marcher et se
nourrir... » . De la même manière, le développement d'une palme entre deux doigts permet la
marche sur un sol instable, incertain, imbibé d'eau, comme un marais.
Ch. Darwin (1809-1882) écrit en 1859 un livre dont le titre est tout un programme : « On the Origin
of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Flavoured Races in the Struggle
for Life ».
Les dates ont de l'importance : le livre fut publié 28 ans après l'embarquement de Darwin à bord du
Beagle en direction de l'Amérique du Sud. C'est dire qu'il fut l'objet d'une longue rumination5 car il
jetait un regard nouveau sur l'origine des espèces, ce « mystère des mystères ».
Origine des espèces- Sélection naturelle- lutte pour l'existence.
Darwin avait bien étudié les habitudes des éleveurs de son époque qui ne gardaient pour la
reproduction que les meilleurs spécimens d'une race (de bovins,..). Et il avait constaté que ces
petites modifications se maintenaient d'une génération à l'autre et changeaient le profil d'une race6.
On voit là deux éléments importants de la théorie que Darwin s’apprêtait à énoncer dans ce si
fameux livre : les petites modifications, leur transmission par sélection artificielle (dans le sens
d'une sélection relevant de l'art humain).
La « confession du meurtre » : « ...la lutte pour l'existence, avec, comme conséquence, la sélection
naturelle, conduisant à la divergence de caractère et à l'extinction des formes les moins
perfectionnées7 ».
Dans la nature, de petites modifications peuvent apparaître à chaque instant et elles peuvent être
retenues ou éliminées par une sélection naturelle dans le cadre d'une lutte pour l'existence.
Et cela conduit à la divergence des caractères (122), à la spéciation, dirions-nous.
Dans une formulation plus récente, nous disions que l'évolution procédait de « mutations » (tout
changement dans la séquence des nucléotides), survenant par hasard et soumises au crible de la
nécessité. Notre livre de chevet était alors le livre de J.-C.Monod, « le hasard et la
nécessité »(1970), un titre qui résumait bien des choses.
1831, L'embarquement à bord du Beagle ; 1859, L' « origine des espèces » ; 1871, « la descendance
de l'homme et la sélection liée au sexe ».
C'est la conception d'une origine unique de la vie excluant « un acte séparé de création »....
Bien entendu, cette conception n'alla pas sans subir d'énormes attaques dont certaines sont passées
dans l'histoire, notamment celle de l'évêque d'Oxford qui s'adressait à T.H. Huxley, ami de Darwin :
« Mr Huxley, j'aimerais savoir : est-ce de par votre grand-père, ou par votre grand-mère que vous
prétendez descendre du singe ? »8.
5 « Cuidado », Sois prudent, écrivait le le jeune Darwin.
6 « Même les éleveurs ont été étonnés par leurs propres résultats... L'homme , par ce pouvoir d'accumuler les
variations, a adapté les êtres vivants à ses désirs ». Dans la lumière des ombres, Darwin et le bouleversement du
monde, J.-C. Ameisen, Fayard, 2008, p.111.
7 Dans la lumière des ombres, Darwin et le bouleversement du monde, J.-C. Ameisen, Fayard, 2008, p.43.
8 Et, il y a quelques mois, ici à Liège, une jeune dame me disait, horrifiée : « Moi descendre du singe ? Jamais ».