Mathilde Cayot, Etude du critère du dommage causé à l’économie dans l’appréciation des
pratiques anticoncurrentielles en droit français
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« La science économique n’est certes pas une science exacte ; ce n’est pas une science
occulte », Maître Lagrange1.
1.- Le droit de la concurrence est un droit économique « par excellence »2. En ce
sens, les analyses économiques ont largement pénétré la pratique et le raisonnement
juridique3. Le droit de la concurrence est donc imprégné d’économie et il est très
souvent défini comme un « droit économique » par la doctrine4. Pourtant, son objectif
premier s’inscrit bien dans une perspective politique : il vient protéger la concurrence,
mais aussi les concurrents et finalement, il protège les consommateurs. Il n’en demeure
pas moins que le juge doit prendre en considération des réalités économiques lorsqu’il
l’appréhende. « Il s’agit d’appliquer un droit qui l’invite à chausser des lunettes
d’économiste pour aborder les faits »5. Le droit des pratiques anticoncurrentielles6 ne
fait pas exception à cette logique économique. La qualification des ententes et des abus
de domination s’appuie largement sur des notions de natures économiques7. Plus
encore, la sanction de ces pratiques est établie par le biais d’un raisonnement en grande
partie économique et, notamment, l’un des critères de la sanction, « l’importance du
dommage causé à l’économie »8. Au demeurant, la rencontre entre le raisonnement de
l’économiste et celui du juge ne va pas de soi9. Il n’est pas commun pour le juge
d’appréhender des notions économiques. Le dommage à l’économie suscite donc des
interrogations tant il est empreint de notions économiques et qu’il a pour vocation de
mesurer l’effet d’une pratique anticoncurrentielle sur l’économie.
2.- Sanction des pratiques anticoncurrentielles - En matière de pratiques
anticoncurrentielles, trois types de sanctions peuvent être prononcées : les sanctions
1 Conclusions de l’avocat général Lagrange : CJCE, 16 juillet 1956, aff. 8/55, Fédération charbonnière de
Belgique / Haute Autorité : Rec. P. 231, p. 284
2 A.-L. SIBONY, Le juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence, préf. G. Canivet,
LGDJ, Coll. Droit et économie, 2008
3 M.-CH. BOUTARD LABARDE et G. CANIVET, Droit français de la concurrence, Coll. Droit des
affaires, LGDJ, 1994
4 En ce sens : A.-L. SIBONY, Le juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence, préf. G.
Canivet, LGDJ, Coll. Droit et économie, 2008.
5 A.-L. SIBONY, Le juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence, préf. G. Canivet,
LGDJ, Coll. Droit et économie, 2008
6 C. Com. Articles L 420-1 et s.
7 Ces pratiques sont majoritairement qualifiées en considération de la définition d’un marché pertinent,
lui-même établi grâce à des notions purement économiques.
8 C. Com. Article L 464-2
9 B. VESTERDORF in A.-L. SIBONY, Le juge et le raisonnement économique en droit de la
concurrence, préf. G. Canivet, LGDJ, Coll. Droit et économie, 2008