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Son physique
Gabrielle Emilie n'était pas une beauté mais elle n'était pas laide. Elle avait un visage et un
corps bien faits. Il existe plusieurs portraits d'elle. L'un, de Marianne Loir, une élève de Nattier vers
1745, nous la montre assise dans un fauteuil avec une robe de velours bleu, décolletée, et avec une
fleur dans sa main gauche. L'expression de son visage qui esquisse un sourire, est réservée, presque
timide. Un autre portrait de l'Ecole Française du 18e siècle nous la montre à la mode de l'époque,
également avec la poitrine dénudée, les cheveux tirés en arrière, avec un noeud vert autour du cou et
un autre de la même couleur sur la poitrine, un compas à la main droite, les deux bras appuyés sur
une table de travail. Son regard est rêveur et le sourire est aussi réservé.
Les descriptions du physique de Madame du Châtelet sont très différentes selon qu'il s'agisse
de ses ennemies, de ses connaissances, de ses amis ou de Voltaire.
Ainsi, Madame de Créqui, sa cousine, qui ne l'aime pas affirme :« c'était un colosse en
toutes proportions [...]elle avait des pieds terribles et des mains formidables ; elle avait la peau
comme une râpe à muscade ; enfin, la belle Emilie n'était qu'un vilain cent suisse ». Et Madame de
Deffand, une autre cousine, affirme :« Représentez-vous une femme grande et sèche, sans cul, sans
hanches, la poitrine étroite, deux petits tétons arrivant de fort loin, de gros bras, de grosses jambes,
des pieds énormes, une très petite tête, le visage aigu, le nez pointu, deux petits yeux vert-de-mer, le
teint noir, rouge échauffé, la bouche plate, les dents clairsemées et extrêmement gâtées. Voilà la
figure de la belle Emilie, figure dont elle est si contente qu'elle n'épargne rien pour la faire valoir :
frisures, pompons, pierreries, verreries, tout est à profusion ». Cependant Madame Denis, nièce de
Voltaire, affirme en 1738: « C'est une femme de beaucoup d'esprit et fort jolie qui emploie tout l'art
imaginable pour le (Voltaire) séduire » et Madame de Graffigny affirme dans sa Correspondance
(lettre du 4 Déc. 1738) : Madame du Châtelet « a une robe d'indienne et un grand tablier de taffetas
noir : ses cheveux noirs sont très longs, ils sont relevés par derrière jusqu'au haut de sa tête et
bouclés comme ceux des petits enfants ; cela lui sied fort bien » (1).
Pour Cideville, un très bon ami de Voltaire et d'Emilie, elle est à la fois un grand homme et
la plus aimable des femmes et lorsqu'elle lui envoie un exemplaire de son livre les Institutions de la
Physique, il affirme: «Quoi, l'auteur sublime de ce livre grave et dogmatique est la femme adorable
que je vis dans son lit, il y a trois mois, avec de grands yeux si beaux et si doux ; cette philosophe
noble, ingénieuse et piquante (...) nous donnait en vérité à tous à penser à autre chose que la
philosophie » (2).
Madame du Châtelet aime les sciences, la philosophie, il est vrai, mais elle a aussi la passion
des vêtements, des diamants, des pompons, des chaussures, du maquillage, passion qu'elle acquit
lors de sa première visite à la cour de Versailles en 1722 (3).
Cependant à Cirey, lorsqu'elle étudie avec Voltaire, elle n'est pas coquette. Selon Madame de
Graffigny elle se présente devant son amant sans être coiffée et fort mal habillée. Elle n'est, alors,
que la camarade de travail de Voltaire, occupés tous deux de physique, de métaphysique, de
mathématiques et les « fanfreluches » étaient plutôt des obstacles (4). Par contre en public, elle
s'habille de tous ses pompons, noeuds, rubans, diamants et pierreries et cela amuse Voltaire qui