LA GRANDE FÊTE
DU THÉÂTRE MUSICAL
Une grande partie de la profession (cela se voyait au nombre
de bises échangées dans le hall) était réunie le 11 mai dernier au
Comédia pour La Grande Fête du théâtre musical co-organisée par
Diva et Regard en coulisse qui célébrait ses 10 ans (joyeux anni-
veeeeersaire, joooyeux anniiiiveeeersaiiiire).
Quand les rideaux se lèvent et qu’apparaissent les 80 interprètes
sur scène (environ, je n’ai pas eu le temps de compter) un seul
mot vient à l’esprit : impressionnant ! Et nous voilà partis pour
3h de spectacle (ouf ! allez, je le lâche tout de suite, ça sera fait.
Impressionnant donc, mais très long) retraçant dans un ordre
aléatoire 50 ans de musicals français et anglophones, des titres
archi-connus aux projets en devenir.
Alors, voyons voir… petite sélection (très personnelle) des numé-
ros programmés… :
Les moments d’anthologie comme par exemple les deux chansons
des Misérables regroupant une grande partie du casting de 1991
ou encore Alexandre Bonstein et Amélie Munier reprenant leur
rôle dans Cats (joué respectivement à Londres pour l’un et à Paris
pour l’autre), 99 millions d’euros (Chance !) dont il serait vain pour
le coup de tenter de rassembler la multitude d’interprètes y ayant
joué l’un des six personnages et un Tango des tueuses (Chicago)
très applaudi. Entre autres encore, deux magniques duos : Frank
Vincent et Isabelle Ferron sur Est-ce que tu m’aimes ? (Un Violon sur
le toit) et dans un genre très diérent Michel Hermon et Alyssa
Landry (Anything you can do tiré de Annie get your gun).
Quelques fous rires également, l’un heureusement contenu par
Laurent Bàn face à une salle hilare (le pauvre, entamer La Musique
de la nuit du Fantôme de l’opéra alors qu’en coulisses un poste de té-
lévision tombait et implosait, forcément ça fait désordre), d’autres
lors des interventions épiques de Madame Raymonde, de Liliane
de Montevecchi (plagiait-elle Gaby Monbreuse ?) et de l’ange
de Créatures. En sourires aussi, des chansons issues de nouveaux
projets (à suivre donc) : Sette Voce de Samuel Sené sur un air de
Star Wars, Poil de Chienne (où la petite histoire dit que ce specta-
cle aurait été écrit par Alexandre Bonstein en réaction à Cats) et
Tupper, tupper, tupperware du Gai versan.
Espérons que contrairement aux propos de la chanson nale (Le
Cabaret des hommes perdus) venant clore la soirée, il y ait une se-
conde édition l’an prochain. Toutes les belles occasions de réunir
des professionnels d’un genre qui nous plaît tant sont bonnes à
prendre ! D.G.
ANNE GRANDIT
Intéressante cette façon d’aborder l’histoire avec
la visite de la maison d’Anne Frank par des lycéens.
Une des lycéennes présentes deviendra, malgré elle,
l’héroïne de cette tragédie et voyagera dans le temps
jusqu’aux années noires de la terreur. Au travers des
scènes qui s’enchaînent, ce sont tous les aspects de
la captivité qui sont abordés : de la promiscuité aux
émois de l’adolescence, des questions de ravitaille-
ment à l’ennui, de l’attente à la peur quotidienne
d’être découverts… jusqu’à ce jour fatal. Quelques
très jolies chansons ponctuent les mois qui passent
(Ce Lieu chargé, La Leçon d’anglais…) rehaussées par
les chœurs de l’AICOM (que l’on exploite un peu trop
souvent à mon avis). Le nal laisse un peu à désirer,
sa mise en scène contemporaine (mais intéressante)
arrivant trop tôt. Cela dit, l’émotion reste entière tout
au long de l’histoire dont on en connait malheureuse-
ment le dénouement. D.G.
THÉÂTRE DEJAZET JUSQU'AU 27 JUIN
Plus d’infos sur www.annelemusical.com
TANGOPÉRA
De ses doigts souples de pianiste, Fernando Albinarrate nous plonge dans le
monde du jazz et explore les connections entre tango et musique lyrique. Juan
Ramos, sensuel chanteur de tango, ouvre le spectacle avec Buenos Aires en es-
pagnol. Là, Anahi Scharovsky entre en trombe sur scène avec La Veuve joyeuse
et son interprétation généreuse glisse vers les sommets de l’opéra classique.
Beaucoup d’autodérision dans ce spectacle mis en scène par les réactions aller-
giques de Juan à chaque fois que la voix d’Anahi atteint un nouveau pic ou que
le piano de Fernando dérape machiavéliquement vers des notes rebelles de jazz.
Finalement, Fernando réconcilie ces diérents types de musique. Commençant
par le thème jazzy Old man river, il reformate sa musique successivement en tan-
go puis en opéra dans ce qui appelle La Salade d’Albinarrate. C’est une agréable
performance qui mériterait, toutefois, une trame plus substantielle. C.V.
THÉÂTRE
DE LA VIEILLE GRILLE
SOURICOLOR
Connaissez-vous Rosalie ?
Rosalie a une jolie maison, de bons copains com-
me Thomas, secrètement amoureux d’elle, qui
adore la boîte de sardines au gruyère qui lui sert
de lit… ou Bruno, qu’elle admire tant. Rosalie va
à l’école apprendre vocabulaire et calcul avec la
maîtresse Madame Bique. Et puis Rosalie rêve ;
elle aimerait tellement devenir chanteuse, com-
me son idole Rick Autoreverse, le perroquet roc-
ker super star…
Bref, Rosalie est une souris comme toutes les pe-
tites souris… Et c’est un grand jour pour elle, car
c’est aujourd’hui son anniversaire !
Thomas arrivera-t-il à attirer l’attention de sa bien-
aimée grâce aux conseils de Bruno ou à l’interven-
tion magique du Prince Arthur, transformé en cra-
paud ? Lucas le Chat est-il féroce ou gentil ? Quel
cadeau orir à Rosalie ? Et enn comment faire
venir Rick Autoreverse à la fête ?
Comédie musicale pour enfants, Souricolor fait éga-
lement la joie des parents. On y chante, on y danse,
sur des airs entraînants pop, rock, twist… Tout y
a été pensé, jusqu’au livret de 16 pages à colorier
qui accompagne le CD. Souricolor est un spectacle
à découvrir sans plus attendre. Actuellement au
Théâtre Musical Marsoulan A-M.H.
LE CID, VERSION FLAMENCA
Au risque de susciter la grogne des puristes, la version amenco du Cid voulu par
Thomas Le Douarec est assumée et rendue accessible à tous. Fini le Corneille en-
nuyeux qu’on apprend sur les bancs de l’école, cette adaptation quelque peu sul-
fureuse dépoussière le texte sacralisé de Corneille. Autant dire que cette tragédie
se paye une nouvelle jeunesse tragi-comique voire caricaturale par moment. On rit
beaucoup dans cette adaptation haute-en-couleur et tout particulièrement grâce
au roi extravagant entre transformisme et opéra-boue, interprété brillamment par
Florent Guyot, qui mène sa cour d’une main de fer en gant pailleté. Et on ne doute
pas que ce Rodrigue-là (Olivier Bénard) ait du cœur tant son jeu est empreint de
profondeur et de sensualité. Dommage que sa Chimène (Clio Van de Walle) man-
que parfois de nuances dans sa quête de vengeance.
Dicile par contre de parler d’un spectacle musical quand le amenco sert d’in-
terlude (dansé et chanté) ou d’accompagnement en fond de salle. Il n’empêche
qu’il réchaue le propos, rythme les alexandrins et accompagne les combats
d’épée… Un Cid andalou à découvrir sans attendre au Théâtre Comédia ! G.K.
THÉÂTRE COMÉDIA ACTUELLEMENT
MONIQUE EST DEMANDÉE EN CAISSE 12
CAISSE FERMÉE
S’il est un spectacle que l’on était curieux de voir cette saison,
c’est sans aucun doute celui de Raphaël Mezrahi. Créer un
spectacle musical autour d’une caissière de supermarché, voilà
qui n’est pas banal. En arrivant au Théâtre des Variétés, on est
agréablement surpris par la décoration dans le hall : banderoles
publicitaires, caddies empilés, il ne manque que la voix annon-
çant les promos ou que le petit François attend ses parents à l’ac-
cueil ! Mais la (relative) bonne surprise laisse place très vite à la
consternation. Pierre Bellemare, sur deux écrans de chaque côté
de la scène, tente de nous raconter l’histoire de Monique, cais-
sière chez Casino. Aujourd’hui, c’est un grand jour, on inaugure
le rayon sur roulettes avec la présence exceptionnelle d’Evelyne
Leclerc. Voilà en une seule phrase le topo de la pièce. Pendant
1h40, le spectateur va donc suivre les aventures ô combien bar-
bantes du personnel : entre un poissonnier (Pierre Palmade dont
on se demande – et lui sans doute aussi – ce qu’il fait là) et sa
mère grabataire (pauvre Ginette Garcin qui, cela dit, s’en sort
sans trop d’égratignures puisque c’est l’une des meilleures chan-
teuses), un boucher inexistant, un manutentionnaire sur roulet-
tes, la pauvre Monique suicidaire dont on se che nalement pas
mal de ce qui lui arrive, une femme inerte sur une chaise en bout
de caisse dont on imagine qu’elle avait besoin d’heures pour son
intermittence et un patron, Raphaël Mezrahi, qui s’écoute un
peu trop. Rajouter Evelyne Leclerc pour faire "couleur locale" et
cela vous donne un spectacle inutile dont les artistes, perdus, ne
sont ni chanteurs ni danseurs (les chorégraphies sont d’ailleurs
bien navrantes). Tout cela manque d’originalité - aucun eort
sur le décor, emprunté à un Casino en travaux sans doute, alors
que l’on aurait pu aller plus loin dans la fantaisie et l’absurde. Le
summum reste sans conteste la médiocrité des chansons dont
on nous avoue, à la n, qu’il s’agit de véritables 45 tours parus au
siècle dernier et qui, nous l’avions très vite compris, n’avaient pas
reçu le succès escompté. On notera quand même la présence de
trois musiciens sur scène pour étoer un peu.
A la n du spectacle, Raphaël Mezrahi tente une explication :
c’est son humour et il faut le prendre tel quel. Si Casino avait
voulu se payer une bonne publicité, c’est raté et ce n’est pas
avec la distribution de produits de la marque à la n que cela
va changer (surtout qu’il n’y en a pas pour tout le monde, une
partie du public s’en va donc frustrée). J’ai, en outre, une pensée
toute particulière pour ces pauvres artistes qui n’ont pas eu de
discernement à la lecture de la pièce, pour le créateur des eets
visuels sur écran qui, manifestement, était en panne d’inspira-
tion et enn pour les milliers d’hommes et de femmes travaillant
dans un supermarché en France qui n’ont rien demandé. Public,
si tu veux connaître l’histoire de Monique, entre plutôt dans un
vrai supermarché : la vraie vie est là, pas sur cette scène. H.M.