Argumentaire relatif au titre professionnel lié au bachelier en psychomotricité Un métier spécifique du domaine de la santé Le Forum Européen de la Psychomotricité associe, depuis 1996, des délégués de 20 associations partenaires de la Belgique, du Danemark, de la France, de l'Italie, du Grand-Duché du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Norvège, de l'Autriche, du Portugal, de la Suisse, de la Suède, de la Slovénie, de l'Espagne, de la République Tchèque et de l'Allemagne. Il donne de la psychomotricité la définition suivante : " Basé sur une vision holistique de l'être humain, de l'unité du corps et de l'esprit, le terme Psychomotricité intègre les interactions cognitives, émotionnelles, symboliques et corporelles dans la capacité d'être et d'agir de l'individu dans un contexte psychosocial." Concrètement, le psychomotricien traite spécifiquement les troubles de la posture et du geste c’est-à-dire les troubles du mouvement ayant sens aux différents âges de la vie. Concrètement, le psychomotricien intervient pour réharmoniser les liens entre le corps, la pensée et les émotions. Dès 1980, les actes en psychomotricité ont été progressivement identifiés et, pour certains, intégrés à la nomenclature des actes délivrés par des professionnels de la santé reconnus et agréés. La volonté des différents acteurs étant d’aboutir à un profil commun selon le mouvement européen et de faire émerger une profession à part entière, la psychomotricité. Sur le terrain, la pratique psychomotrice trouve sa place dans des secteurs variés d’intervention comme ceux du handicap, de la santé mentale, de l’enfance ou encore de la personne âgée. Il est impératif que les interventions du psychomotricien soient reconnues, en Belgique francophone, comme actes d’un professionnel de la santé, distinct d’autres praticiens de la santé. 1 En effet, s’il prend en charge le patient en étroite collaboration avec d’autres intervenants comme les médecins, les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, les logopèdes, il est le seul professionnel de la santé à approfondir les multiples facettes de l’être humain, entité psychomotrice. Une formation spécifique pour un métier déterminé En Fédération Wallonie-Bruxelles, le bachelier en psychomotricité fait déjà l’objet d’une demande de programmation en 2007. En 2009, un profil professionnel officiel est élaboré par l’Enseignement supérieur de Promotion sociale. Et finalement en 2012, sous l’égide du Ministre de l’Enseignement supérieur Monsieur Marcourt, une formation de bachelier en 3 ans est créée dans l’Enseignement supérieur de plein exercice, ainsi que dans l’Enseignement supérieur de Promotion sociale et est intégrée au Décret du 25 octobre 2012 relatif aux grades académiques au terme d’une longue réflexion menée par le Conseil supérieur paramédical et le Conseil général des Hautes Écoles (CGHE) qui ont démontré le besoin sociétal de cette formation. Les professionnels de la santé, qui ont été sollicités par les Hautes Écoles lors de la constitution de leur dossier d’ouverture, ont appuyé l’idée de créer ce nouveau professionnel de la santé. De plus, l’élaboration de ces dossiers a bénéficié du soutien de l’Institut Supérieur de Rééducation psychomotrice (ISRP) et, avec son accord, des travaux de la Fédération française des Psychomotriciens dans ses différentes démarches auprès du ministre français de la Santé. Il ressort clairement par la comparaison des grilles avec d’autres sections telles que la kinésithérapie, l’ergothérapie et la logopédie que le contenu de cette formation se distingue par son approche spécifique de la psychomotricité dans toute sa dimension relationnelle. 2 En effet, le psychomotricien favorise l’intégration des fonctions motrices, cognitives, émotionnelles et symboliques de la personne. Il considère le corps, et plus particulièrement la mise en action tonique et corporelle, comme le fondement de la construction psychique. Il prend en compte les notions de schéma corporel et d’image du corps. À partir de son engagement corporel et du dialogue tonico-émotionnel avec le patient, il s’emploie à construire avec lui des expériences corporelles qui lui permettent d’instaurer ou de restaurer le lien entre le somatique et le psychique. Ce professionnel assure une prise en charge holistique des personnes confrontées à différents types de «problèmes de santé». Notons que 1250h d’activités d’enseignement sont consacrées à la psychomotricité dans la grille de la formation. Les stages du Bachelier en psychomotricité sont exclusivement effectués dans ce domaine, au contraire des autres professionnels pour lesquels un stage en psychomotricité n’est même pas obligatoire. Problématique de la non-reconnaissance du bachelier en psychomotricité comme donnant accès à une profession de santé En septembre 2012, les Hautes Écoles et l’Enseignement supérieur de Promotion sociale ouvrent la formation. Fin 2012, la Ministre fédérale de la Santé de l’époque, Madame Onkelinx sollicite le Conseil National des Professions paramédicales du SPF Santé publique (CNPP) afin d’émettre un avis sur une éventuelle reconnaissance professionnelle conduisant à l’agrément de la pratique comme profession paramédicale. Celui-ci rend un avis défavorable en juillet 2013. Les motifs invoqués sont la différence entre la vision néerlandophone et la vision francophone sur la pratique de la profession et la non-nécessité de faire de cette pratique une profession paramédicale distincte. Parmi les membres du CNPP qui officie au niveau fédéral, on retrouve des kinésithérapeutes, des logopèdes et des ergothérapeutes qui sont habilités à poser des actes de psychomotricité, ce qui peut aussi justifier l’avis négatif rendu. 3 Cette formation en Fédération Wallonie-Bruxelles placée au niveau 6 du Cadre européen de certification, concerne 5 Hautes Écoles et 2 Écoles d’Enseignement supérieur de Promotion sociale, 200 jeunes diplômés en 14-15 sont concernés par cette problématique. Actuellement, les diplômés sont confrontés à une situation difficile quant à l’insertion professionnelle. Ils ne peuvent donc pas exercer la psychomotricité auprès de leurs patients au titre de psychomotricien paramédical après leurs trois ans de formation. Pourtant, chaque année, le nombre d’étudiants qui s’engagent dans la formation est stable et reflète un réel enthousiasme pour cette nouvelle formation qui permet directement de se former au métier de psychomotricien (métier, par ailleurs, décrit par le FOREM et faisant l’objet de nombreuses offres d’emploi chez nos voisins français). L’absence d’une réglementation fédérale donnant l’accès et l’exercice de la profession de psychomotricien compromet l’accueil et la reconnaissance de l’équivalence du diplôme par d’autres pays membres de l’Union européenne, ce qui est une entrave au droit de tout citoyen européen de circuler librement et de travailler dans l’UE (Article 45 du Traité CEE, Directive 2004/38 et règlement 492/2011 ). Tous ces facteurs induisent une situation précaire autour des principaux acteurs de la psychomotricité en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pistes de solutions Dans le cadre des discussions qui se sont notamment déroulées le 3 février 2016 en Inter Cabinets entre le pouvoir fédéral, les régions et les communautés, le dossier du bachelier en psychomotricité a été listé parmi les nouvelles professions de santé à discuter ; cependant, aucun agenda n'a encore été fixé. En outre, la Commission Mobilité de l’ARES qui travaille actuellement sur les possibilités de passerelles d’un 1er cycle vers un 2ème cycle pour l’ensemble des formations en Fédération Wallonie-Bruxelles a ouvert l’accès au Master universitaire en santé publique au bachelier en psychomotricité pour la rentrée académique prochaine. 4 Néanmoins, il est impératif qu’une définition claire de la psychomotricité soit établie au niveau du Service Public Fédéral Santé Publique. Cette même autorité devrait valider un profil d’enseignement, le référentiel de compétences ainsi que les actes et les prestations techniques du psychomotricien. D’autre part, une présence officielle du psychomotricien dans les instances du CNPP est souhaitable. Cela lui permettrait d’être associé aux réflexions aux côtés des autres professionnels de la santé et d’apporter ses compétences sur toutes matières à mettre en place pour garantir au patient des soins de qualité qui répondent à ses besoins. Ultérieurement, les prestations effectuées par les psychomotriciens devraient pouvoir faire l’objet d’un remboursement INAMI. Pour mention, en Belgique, depuis janvier 2015, certaines mutuelles prennent en charge le remboursement de séances de psychomotricité prestées par les psychomotriciens, sous conditions spécifiques. Enfin, il serait prioritaire qu’il puisse disposer d’un statut juridique défini en Fédération Wallonie-Bruxelles. En effet, à l’heure actuelle, il est important de pouvoir combler ce « flou » juridique au niveau du droit à l’embauche et aussi d’avoir la possibilité d’établir librement des contrats avec les crèches, les écoles d’enseignement spécialisé, les centres d’hébergement, les maisons de repos, les centres médicaux. Conclusions Lorsqu’on examine la situation de la profession de psychomotricien en Europe, nous ne pouvons que constater que la Belgique a pris du retard. En effet, dans de nombreux pays européens, France, Suisse, Italie, Espagne… psychomotricité, kinésithérapie et ergothérapie sont 3 professions bien spécifiques oeuvrant côte à côte de façon complémentaire. La formation de bachelier en psychomotricité prépare le professionnel à l’exercice d’un métier bien identifié qui répond à des besoins sociétaux réels. Nous nous associons aux organisations représentatives communautaires des étudiants et à l’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones afin que le titre de psychomotricien soit reconnu en tant que profession paramédicale à part entière. 5