Module
PHILOSOPHIE
LEÇON 1 : LA PHILOSOPHIE ET LE TRAVAIL SUR LES MOTS
Nombre de pages : 6
Plan de la leçon
I.Les niveaux de sens d’un mot .................................... Erreur ! Signet non défini.
A. Sens courant et « bon sens » ............................. Erreur ! Signet non défini.
B. Analyser le sens d’un mot
C. La notion de niveau de sens
II. Du mot au concept
A. La construction d’un sens
B. Comment faire de la philosophie ?
Module de Philosophie
Introduction
La philosophie est née en Grèce, au Vème siècle avant Jésus-Christ. La
première caractéristique de cette nouvelle manière de penser réside
dans le fait que les hommes se sont mis à interroger leur propre raison
pour répondre à leurs questions. L’objet de cette interrogation, c’est le
sens de l’existence, la nôtre et celle du monde.
Dans la vie courante, quand on entend parler de la « philosophie » de
untel ou untel, ou d’une façon de prendre les choses « avec
philosophie », on désigne la plupart du temps par ce terme une sorte de
sérénité ou de retrait devant les événements.
Prenant le contre-pied de cette image, Nietzsche écrit :
« La sagesse, aux yeux du vulgaire, c’est un refuge, un moyen, un artifice
pour tirer son épingle du jeu ; mais le véritable philosophe, ne le sentons-
nous pas mes amis, ne vit ni en “philosophe” ni en “sage”, ni surtout en
homme prudent et sent peser sur lui le fardeau et le devoir des cent
tentatives, des cent tentations de la vie ; sans cesse il se met lui-même en
jeu, il joue le mauvais jeu par excellence... ».(Par-delà le bien et le
mal)
Le philosophe est malmené par les questions qu’il soulève : qu’il
parvienne ou pas à y répondre, il lui faut en répondre, c’est-à-dire porter
la responsabilité d’un questionnement qui dérange les idées reçues. Le
premier et le plus célèbre peut-être d’entre eux, Socrate, ne fut-il pas
condamné à mort par les citoyens bien pensants d’Athènes ?
Cette lutte contre le préjugé, l’opinion irréfléchie, le philosophe la mène
en travaillant sur le sens des mots.
I. LES « NIVEAUX DE SENS » D’UN MOT
« J’aurais voulu premièrement y expliquer ce que c’est que la philosophie, en commençant par
les choses les plus vulgaires, comme sont : que ce mot « philosophie » signifie l’étude de la
sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une
parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour la conduite de sa
vie, que pour la conservation de sa santé et l’invention de tous les arts ».
DESCARTES, Principes de la philosophie ( 1644).
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A. SENS COURANT ET « BON SENS »
Les « choses vulgaires » évoquées par Descartes sont des choses « communes » ou accessibles au
tout venant : vulgus en latin signifie « foule » ( ce qui est plus neutre que notre sens moderne de
« vulgaire »…).
Descartes est le philosophe pour lequel le bon sens est la chose du monde la mieux partagée.
L’étude du Discours de la méthode sera l’occasion de préciser le sens d’une telle affirmation qui,
rapidement expliquée, revient à ceci :
le « bon sens » est une capacité de raisonner, présente en chaque homme (c’est ce qu’on
appelle une qualité innée), que l’éducation devra affiner afin d’en faire l’instrument privilégié
de la connaissance et donc de l’acquisition de la sagesse.
B. ANALYSER LE SENS DUN MOT
1. Les deux aspects de l’analyse philosophique
Descartes emploie deux procédés :
- il donne l’étymologie du mot « philosophie »
- il développe cette étymologie en expliquant quelles idées, quelles significations se cachent sous les
« mots-racines », c’est-à-dire les mots auxquels on parvient grâce à cette étymologie.
2. Schéma de l’analyse du mot « philosophie »
(pour le détail, voir le cours médiatisé) :
o La philosophie a pour racines les mots grecs philein (aimer) et sophia (sagesse)
(ceci est l’analyse : on décompose un mot en ses éléments étymologiques)
o la sagesse est accessible à tout homme (puisqu’elle dépend de l’usage perfectionné du « bon
sens »)
(début du développement : on dit quelque chose de nouveau sur la sagesse)
o donc la philosophie est naturellement présente en tout homme, en tant que désir et recherche de
la sagesse, laquelle est notre but final.
(on revient à notre mot de départ avec un éclairage de plus sur lui)
C. LA NOTION DE NIVEAU DE SENS
Un niveau de sens n’est pas l’équivalent d’un sens fixe, cela renvoie à ce qu’on pourrait appeler
une « situation d’usage ».
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Pour donner un exemple, lorsqu’un élève demande à un professeur « est-ce que je peux sortir de la
salle ? », sa question ne porte pas sur une possibilité physique (il est entendu que l’élève est capable
de marcher…) mais sur une possibilité légitime ou encore une autorisation (il veut savoir s’il a la
permission de sortir).
Au moment où l’élève pose sa question, le professeur ne se trompe pas de sens, même si les deux
sens sont contenus dans le même mot.
C’est la situation dans laquelle le mot est employé qui fait la différence, car cette situation
n’admet pas n’importe quelle signification.
1. Un exemple : le verbe « pouvoir »
Les choses se compliquent quand une phrase emploie le verbe « pouvoir » sans préciser la situation
d’usage. Exemple : « Peut-on tout savoir ? ». S’agit-il de la possibilité concrète de tout savoir (c’est-
à-dire de posséder tous les documents, toutes les informations possibles) ou bien d’une sorte
d’autorisation – en supposant que certains savoirs soient défendus…- ?
En l’occurrence, ce qui est intéressant c’est l’influence réciproque de ces deux sens : ils sont
différents mais liés entre eux, et cela a des conséquences sur le message que le verbe « pouvoir » va
faire passer.
2. L’influence réciproque et ces divers « effets »
Cette influence réciproque des différents niveaux de sens d’un mot n’est pas sans rapport avec
la « pratique » :
on peut remarquer que sans l’autorisation de faire quelque chose, on n’aura jamais l’occasion
de savoir si on en est « capable » et inversement, peu importe qu’on ait le droit de faire quelque
chose si on n’en a pas la possibilité concrète.
Ex : vous avez le droit d’aller dans l’eau
– c’est gentil mais je ne sais pas nager…
l’autorisation qu’on me donne perd tout intérêt, elle est vide.
II. DU MOT AU CONCEPT
A. LA CONSTRUCTION DUN SENS
Construire un sens, c’est dépasser le stade de l’analyse (c’est-à-dire de la décomposition) pour faire
apparaître quelque chose de nouveau (« créer » et non plus « défaire »).
1. Un « supplément » de sens
Le philosophe éprouve le besoin d’exprimer en mots ses intuitions, ce qu’il comprend du monde sur
lequel il réfléchit. Pour cela, il ne se contente pas des significations existantes, il lui faut de
« nouveaux mots », ou plus exactement il lui faut des mots suffisamment riches de sens pour
contenir ses idées. Est-ce à dire que chaque philosophe invente une nouvelle langue ?
En quelque sorte…Mais dans la mesure où le philosophe est aussi un homme qui, souvent, cherche
à partager ses idées, il ne va pas créer des mots entièrement nouveaux, incompréhensibles pour les
autres hommes. Il va donner un « supplément de sens » à des mots usuels. Ce faisant, il reconstruit
les mots pour en faire des concepts.
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2. La création d’un concept
Comprendre ce que dit un philosophe, c’est suivre la façon dont il crée des concepts, dont il
s’empare de mots pour leur donner un sens nouveau, spécial.
Pour créer des concepts, le philosophe va « travailler » avec les niveaux de sens dont nous avons
déjà parlé.
B. COMMENT FAIRE DE LA PHILOSOPHIE ?
Selon l’époque à laquelle il vit et selon ses préoccupations majeures, chaque philosophe va avoir
une manière particulière de travailler .
1. L’exemple de Descartes
Pour Descartes, le travail le plus important, si l’on veut obtenir un concept, ou pour le dire dans son
langage, si l’on veut parvenir à des connaissances vraies et non brasser des opinions, le travail donc
consiste à éliminer de son esprit toutes les idées fausses ou même simplement approximatives.
2. Faire le ménage par le doute
Ces idées fausses gênent la connaissance de la vérité, elles alourdissent l’esprit. Pour s’en défaire,
l’esprit va devoir s’exercer à une discipline spéciale, celle du doute. Le doute cartésien est un
principe de tri, c’est une épreuve de sélection au terme de laquelle seules demeureront les idées
évidentes et vraies, tandis que les autres seront mises de côté. Une fois ce tri effectué, on va pouvoir
construire un vrai savoir, en ordre, où les idées s’enchaîneront selon la vérité, et non au hasard. Ce
vrai savoir sera un savoir total, ou presque : on pourra grâce à lui connaître tout ce que notre esprit
limité peut aborder (pour connaître absolument toutes choses, il faudrait être Dieu, mais l’homme
n’est qu’une créature de Dieu, c’est pour cette raison que son esprit est limité…).
En l’occurrence pour Descartes, le tri précède la construction proprement dite d’un savoir, mais en
même temps on gagne des idées vraies en sachant les discerner des fausses, de plus, une fois
dégagées de leur gangue, ces idées nous guident réellement pour trouver d’autres idées vraies.
3. Création d’un concept : le « doute cartésien »
On peut dire qu’en ayant l’idée de cet exercice de purification de l’esprit, Descartes « rénove » le
sens du mot doute, il crée un concept.
N.B. : la preuve de ce que Descartes a créé un nouveau concept, c’est qu’on parle de « doute
cartésien », ce qui est une manière de marquer son titre de propriété… !
Si l’on reprend la définition de la philosophie donnée au début de la leçon, on s’aperçoit que de la
même façon, Descartes « crée » le sens du mot philosophie, en donnant une interprétation de son
étymologie.
(L’analyse détaillée de cette citation se trouve dans le cours médiatisé : comparez les étapes de
cette analyse avec ce que nous venons de dire sur la « construction du sens »)
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