Petite histoire de la pensée économique

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Petite histoire de la pensée économique
Notre objectif est de proposer ici aux élèves des classes de la filière ES quelques repères
historiques concernant les « écoles de pensée » et de présenter au passage quelques grandes
figures de ce qu’on a appelé l’économie politique puis, à partir de la fin du XIX, les sciences
économiques.
Nous débuterons avec les mercantilistes (ou le système mercantile pour reprendre l’expression
d’Adam Smith), ce qui ne signifie absolument pas que la réflexion économique débute au XVI.
Ce sont les grecs qui inventent le mot économie: oikos signifiant maison et nomos règles. Pour les
grecs, dont Aristote (384-322 avant JC), l’économie c’est l’art de bien administrer un domaine sur
lequel vivent les membres de la famille et les esclaves, l’économie se borne donc à la sphère
domestique ou à la sphère privée. Aristote condamne ce qu’il appelle la chrématistique,
l’accumulation sans limite de richesse (Valier, 2005).
La réflexion économique - dont les bases sont posées par Aristote - se développe. Ainsi, à titre
d’exemples, le théologien Saint Thomas d’Acquin (1226-1274) façonnera la doctrine de l’église en
condamnant le prêt à intérêt (l’usure) et le penseur arabe d’origine tunisienne Ibn Khaldoun (13321406) considèrera que le travail est la source de la richesse ou que prix d’une marchandise doit
permettre de rémunérer le producteur, le marchand mais aussi l’État sous forme de taxes,qu’il faut
modérer pour ne pas freiner l’activité économique (Dostaler, 2012).
Beaucoup de penseurs s’intéresseront donc aux questions économiques et il n’y a pas de
séparation stricte entre philosophie, réflexion politique et économie au moins jusqu’ à la fin du XIX,
des auteurs comme Jean-Jacques Rousseau (1) (1772-1778) ou Alexis de Tocqueville (2) (18051859) ont débattu, dans leurs écrits, d’économie.
(1)
(2)
Discours sur l’économie politique (1758), 2010, Éditions de l’Épervier
Textes économiques réunis par JL Benoît et E. Keslassy, 2005, Agora Pocket
Bibliographie sommaire
De nombreux ouvrages sont et ont été consacrés à l’histoire de la pensée économiques, nous
en indiquerons quelques uns, parmi les plus abordables (en prix et en difficulté !)
-Les Cahiers français, 1997, Histoire de la pensée économique.
Les cahiers français ont consacré plusieurs numéros aux théories économiques, notamment
contemporaines (après la seconde guerre mondiale).
-JACOUD Gilles, Tournier Éric, 1998, Les grands auteurs de l’économie, Hatier
-VALIER Jacques, 2005, Brève histoire de la pensée économique, Flammarion
-DOSTALER Gilles, 2012, Les grands auteurs de la pensée économique (Alternatives
Économiques Poche, (12,5 euros). (Très accessible, excellent rapport qualité / prix !)
Remarque importante:
importante:
le diaporama est le support d’un cours, il ne suffit pas à luilui-même, de nombreuses précisions
et explications sont nécessaires, la pensée des grands économistes
économistes ne s’appréhende pas facilement,
et surtout elle ne doit pas donner lieu à des caricatures ou des raccourcis que peut nourrir toute
synthèse. Le cours s’adresse à des élèves de première ou terminale.
terminale.
Les mercantilistes (XVI-XVIII)
Le message mercantiliste: le commerce est le principal moteur de le croissance économique, il
faut l’encourager et protéger le royaume de la concurrence des autres pays.
Comment enrichir le roi et le royaume ?
Il faut développer le commerce (avoir un
excédent commercial) et pour cela:
-importer des matières premières bon marché et
exporter des produits manufacturés (politique
protectionniste pour limiter les exportations
étrangères)
Jean-Baptiste COLBERT
(1619-1683)
Contrôleur général des
finances de Louis XIV
-créer des manufactures royales, si besoin en
copiant la production étrangère et en débauchant
des travailleurs étrangers qui disposent des
savoir-faire
Le commerce est un jeu à somme nulle: il y a
des gagnants et des perdants. Le mercantilisme
ne correspond pas au libre-échange !
Les physiocrates (XVIII)
Le message des physiocrates: l’agriculture est le moteur de la croissance économique, il faut
encourager l’activité des producteurs agricoles (moins d’impôts) et développer le libre-échange.
La société est divisée en trois classes qui sont
en inter-relation économique
-La classe productive (producteurs agricoles)
-La classe stérile (artisans, commerçants, …)
-Les propriétaires fonciers (aristocratie, clergé)
Comment enrichir le royaume ?
Il faut développer l’agriculture et pour cela:
François QUESNAY
(1694-1774)
Médecin et économiste
français
-supprimer les douanes intérieures et réduire les
droits de douanes aux frontières
-diminuer les impôts sur les producteurs agricoles
Les physiocrates vont poser les bases de la
doctrine libérale en économie: baisse des impôts
et libre-échange
Les économistes classiques (XVIII-XIX)
Le message des classiques: l’industrie et le développement du commerce (libre-échange) vont
favoriser la croissance économique. La libre entreprise et la concurrence permettent
d’augmenter la richesse des Nations, l’État ne doit pas intervenir dans l’économie ou de façon
très limitée.
L’École classique regroupe quatre grands
auteurs qu’on peut associer à plusieurs
concepts ou lois:
-Adam Smith (1723-1790): La main invisible,
la division du travail
-David Ricardo (1772-1823): la théorie des
avantages comparatifs
-Robert Thomas Malthus(1766-1834): la loi
de population
-John Baptiste SAY (1767-1832): la loi des
débouchés
Adam Smith (1723-1790)
Adam Smith est considéré comme le père fondateur de l’Économie Politique, son œuvre
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nation (1776) posera les bases de la
réflexion économique moderne, notamment les rôle respectifs du marché et de l’État.
-La division du travail (la spécialisation) dans les
manufactures permet d’augmenter la productivité du
travail et le niveau de vie de la population.
-Le progrès économique né de la spécialisation ( y
compris entre Nations) et de l’extension des marchés
profite à l’ensemble des classes sociales
-La recherche par chacun de son intérêt égoïste
conduit dans une économie de marché (où règne la
concurrence à la satisfaction de l’intérêt général.
(« La Main invisible »)
Adam SMITH
(1723-1790)
-L’État doit laisser les agents économiques
entreprendre librement, il doit toutefois développer les
Philosophe et économiste, infrastructures (ponts, ports,…) si l’initiative privée est
défaillante. Les pouvoirs publics doivent garantir la
théoricien du libéralisme
propriété privée et l’ordre public mais aussi participer
économique
au financement de l’éducation des plus pauvres !
Karl Marx (1818-1883)
Karl Marx va s’attacher dans plusieurs ouvrages, Le Capital (1867), Le manifeste du parti
communiste (1848) co-écrit avec son ami Friedrich Engels, à décrire le fonctionnement du
capitalisme dont il prophétisera la chute. Selon lui, la révolution prolétarienne doit donner le coup
de grâce au capitalisme (miné par ses contradictions internes) et débouchera sur un nouveau
mode de mode de production: le socialisme.
-Le capitalisme est un système d’exploitation, la
bourgeoisie ne verse pas aux travailleurs la contrepartie
monétaire de la valeur créée par le travail mais seulement
de quoi subvenir à ses besoins essentiels. La bourgeoisie
s’accapare la plus-value (ou profit)
-La crise économique est inévitable, elle s’explique par la
sous-consommation et le sur-investissement des
entreprises.
Karl Marx (1818-1883) -Les prolétaires, victimes de l’exploitation, de la
paupérisation et de l’aliénation, n’ont que leurs « chaînes à
Philosophe, économiste perdre ». Guidés par le parti communiste, ils vont faire la
Révolution (lutte des classes) et mettre en place un
et militant politique
nouveau système économique: le socialisme, dans lequel
la propriété des moyens de production sera collective et
l’État incarnera l’intérêt général.
Les néoclassiques (Fin XIX-XX)
Quatre économistes: William Stanley Jevons (1835-1882), Léon Walras (1834-1910), Carl Menger
(1840-1921) et Alfred Marshall (1842-1924) vont, à partir des théories développées par les
économistes classiques, construire les fondements de la science économique contemporaine et
défendre l’économie de marché contre les partisans d’une économie planifiée ou de l’intervention
forte de l’État dans l’économie. De nombreux autres auteurs vont se reconnaître dans cette approche
et vont réactualiser la doctrine libérale au XX. (1)
-Les agents économiques sont de êtres rationnels qui
cherchent à maximiser leurs bénéfices ou leur satisfaction
(homo oeconomicus). La valeur des biens est définie par leur
utilité appréciée par le marché.
-L’économie de marché est efficace, la loi de l’offre et de la
demande - dans un système concurrentiel - conduit à un retour
à l’équilibre.
-Le chômage est volontaire et s’explique par l’ensemble des
mécanismes qui entravent la baisse des salaires
(responsabilité de l’État ou des syndicats notamment).
-L’État ne doit pas intervenir dans l’économie, son action
entraîne des effets pervers (pénurie, gaspillage, effet
d’éviction, sous-investissement,...). L’État doit rester modeste.
La pensée de chaque auteur est souvent plus riche et plus complexe qu’une doctrine, Walras disait de lui qu’il était un « socialiste scientifique libéral
et humanitaire et Marshall sympathisait avec le socialisme et le coopératisme tout en étant hostile au marxisme et au syndicalisme (Dostaler, 2012).
John Maynard Keynes (1883-1946)
Dans les notes finales de son ouvrage La théorie Générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie (1936), Keynes estime que deux vices caractérisent l’économie de marché le
premier c’est que le plein emploi n’y est pas nécessairement assuré, le second c’est que « la
répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d’équité ».
-Les agents économiques ont des comportements
moutonniers (esprits animaux), ils obéissent davantage à
une logique collective qu’individuelle.
-Le chômage est involontaire et s’explique par une
insuffisance de la demande effective.
-Les pouvoirs publics doivent mettre en place une politique
de relance pour stimuler la croissance économique et
l’emploi.
John Maynard
KEYNES
(1883-1946)
Économiste anglais,
haut fonctionnaire.
-L’épargne est un vice; les taux d’intérêt élevés n’ont
aucune justification économique. La disparition des
rentiers est souhaitable !
-Le rôle de l’économiste c’est de veiller au bon
fonctionnement de l’économie pour maintenir la paix et
éviter le communisme.
Joseph Aloys Schumpeter (1883-1950)
Joseph Schumpeter est un économiste autrichien qu’on qualifie d’hétérodoxe, il critiquera toutes
les écoles de pensée de son temps et mettra en lumière le rôle des entrepreneurs et du progrès
technique dans la croissance économique, son ouvrage de référence est: Capitalisme, socialisme
et démocratie (1942).
-La croissance économique est cyclique, elle est liée aux
innovations (cycle Kondratiev de 50 ans environ avec une phase
d’expansion et une phase de récession / dépression d’une durée
approximative de 25 ans)
-L’innovation est le résultat de l’action des entrepreneurs.
-Le progrès technique est un processus de destruction
créatrice. Les nouveaux produits et les nouveaux procédés rendent
obsolètes - dépassés techniquement ou symboliquement - les anciens.
-Les situations de monopole ne doivent pas être
condamnées, elle accompagnent le processus d’innovation
Joseph SCHUMPETER
Économiste, banquier,
professeur d’université
-Le chômage est inévitable (reconversion vers les nouveaux
secteurs de la population active) mais le capitalisme pourra
pourvoir aux besoins des sans-emploi
-Le capitalisme sanctionne la réussite des meilleurs, c’est un
système efficace et juste mais il est menacé par les attaques
des intellectuels, les réflexes des ratés, la disparition des
entrepreneurs et le progrès des valeurs hédonistes.
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