Les douze heures à l`hôpital… L`exception n`est pas la

Les douze heures à lhôpital Lexception nest pas la règle
Le 9 décembre 2013, le tribunal administratif de Paris annule la décision dun directeur
dhôpital augmentant lamplitude de travail quotidien à douze heures dans un service de
réanimation chirurgicale dun hôpital parisien (1). Sur fond de polémique, cette décision met
en lumière la règle de droit applicable en la matière : lorganisation du temps de travail
quotidien en douze heures est lexception.
Une exception permise par le décret du 4 janvier 2002.
En application du de larticle 7 du décret 2002-9 du 4 janvier 2002 modifié relatif au
temps de travail et à lorganisation du travail dans les établissements mentionnés à larticle 2
de la loi 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique hospitalière, « les règles applicables à la durée quotidienne de travail, continue ou
discontinue, sont les suivantes :
1° En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder neuf heures pour
les équipes de jour, dix heures pour les équipes de nuit [] ». Cette même disposition prévoit
lexception suivante : « Toutefois lorsque les contraintes de continuité du service public
lexigent en permanence, le chef détablissement peut, après avis du comité technique
détablissement, ou du comité technique, déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour
les agents en travail continu, sans que lamplitude de la journée de travail ne puisse dépasser
douze heures. »
Le dispositif règlementaire est explicite : en cas de travail continu, la durée quotidienne de
travail ne peut excéder neuf heures pour les équipes de jour, dix heures pour les équipes de
nuit. Et, par exception, le directeur dun établissement public de santé peut, après avis du
comité technique de létablissement (CTE), augmenter ces durées quotidiennes de travail,
dans la limite de douze heures lorsque les contraintes de continuité du service public
lexigent en permanence. Mais, en pratique, lorganisation du temps de travail en douze
heures deviendrait presque le principe.
Une exception généralisée en pratique
En pratique, il faut noter que les journées de travail en douze heures, censées nêtre que
dérogatoires, tendent à devenir systématiques à lhôpital. Effectivement, sil nexiste aucun
chiffre officiel sur le sujet, en Île-de- France par exemple, cela concernerait près de 71% des
hôpitaux (2). Auparavant limitée aux services des urgences et de réanimation, lorganisation
du temps de travail quotidien en douze heures sétend à dautres services : chirurgie,
gériatrie, médecine, psychiatrie Face à cette situation, le débat naît : dun côté, les
défenseurs du temps de travail en douze heures, de lautre ses opposants. Pour les premiers,
le travail en douze heures permet notamment une amélioration de la qualité des soins par
une diminution du nombre de transmissions orales et la possibilité dun réel suivi du patient
ARTICLE paru dans la revue Gestions hospitalières, n°533
Février 2014 3 avril 2014
Manon QUILLEVERE
Juriste, consultante du Centre de droit JuriSanté - CNEH
par le personnel soignant, une meilleure gestion des plannings et une plus forte attractivité
de lhôpital. Pour les seconds, le travail en douze heures nuit à la santé des agents concernés
et crée un risque pour la prise en charge des patients. Aussi, certains soulignent quil « est
nécessaire de savoir faire émerger un compromis, au niveau local, [] pour créer les horaires
et les roulements les plus acceptables [] (3) ». Sagissant de lorganisation du temps de
travail en douze heures, la question demeure en suspens dans les hôpitaux. Cependant, au
regard de la réglementation en vigueur (art. 7, du décret 2002-9 du 4 janvier 2002), le
juge administratif sest prononcé.
Le juge, garant du respect de la réglementation
Le juge administratif est régulièrement saisi sur ce sujet, les syndicats portant devant les
juridictions les décisions des directeurs augmentant la durée du temps de travail quotidien à
douze heures. Lorsquune telle décision est attaquée devant le juge administratif, ce dernier
en contrôle les motifs. Effectivement, il apprécie stricto sensu la conformité de cette décision
avec larticle 7, 1° du décret du 4 janvier 2002 précédemment mentionné.
En dautres termes, le juge se pose la question suivante : les contraintes de continuité du
service public exigent-elles en permanence que le directeur dun établissement augmente la
durée de travail quotidienne ? À cette question, le tribunal administratif de Besançon a, par
un jugement du 21 septembre 2006 (4), répondu par laffirmative, considérant comme motif
valable pour un dépassement de lamplitude de la journée quotidienne de travail le contexte
de sous-effectif chronique. Autrement dit, le sous-effectif chronique dans un service dun
établissement public de sanentre dans le champ dapplication de larticle 7, du décret
du janvier 2002. Le tribunal administratif de Besançon ajoute qu« il nappartient pas au juge
de substituer sa propre appréciation des nécessités du service à celle qui a été faite par
ladministration, mais quil ressort des pièces du dossier que lappréciation des nécessités
dans la continuité du service public, dont procède la nouvelle organisation du temps de
travail, ne pouvait être manifestement erronée ». Devant lambiguïté de la notion de «
contraintes de continuité du service public », le juge administratif vérifie que lappréciation
du directeur détablissement ne soit pas manifestement erronée. À linverse, le 9 décembre
2013, le tribunal administratif de Paris a répondu par la négative à cette interrogation. En
lespèce, le juge considère que nentre pas dans le champ dapplication de larticle 7, du
décret du 4 janvier 2002, le fait que les personnels concernés aient vivement souhaité une
augmentation de lamplitude journalière du temps de travail en douze heures. En effet, un
tel motif ne correspond aucunement à une contrainte de continuité du service public. Dès
lors, la décision du directeur augmentant lamplitude de la durée du temps de travail
journalier dans un service de réanimation chirurgicale est annulée en raison de sa non-
conformité à la réglementation en vigueur. Le juge contrôle donc le respect des décisions
des directeurs vis-à-vis du décret 2002-9 du 4 janvier 2002 et rappelle ainsi la règle de
droit à appliquer. Par une interprétation stricte des textes, le juge administratif soppose à
un passage généralisé du temps de travail journalier en douze heures à lhôpital. Le juge
rappelle que le temps de travail en douze heures à lhôpital est une exception, permise dans
des conditions réglementairement définies.
(1)Dépêche Hospimedia, 15 janvier 2014, « Le TA de Paris juge illégal le travail en 12 heures en réanimation
chirurgicale à lhôpital Tenon ».
(2) Chiffre tiré du dossier Hospimedia Ressources humaines, juin-juillet-août 2013, « Les 12 heures à lhôpital :
une polémique sans fin?»
(3) Propos du directeur adjoint des ressources humaines au CHU de Nancy
http://www.directhopital.com/Travailen-
12-heures--les-pieges-a-eviterpour- les-DRH-NS_1169.html
(4) TA de Besançon, 21 septembre 2006, n° 0600422.
Pour tout renseignement :
Nadia HASSANI 01 41 17 15 43
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