représentations qu’ils supposent partagée par leurs publics. Ils mobilisent ainsi, plus
ou moins consciemment, toute une imagerie sociétale ainsi que la “charte sociale” qui
l’accompagne. Ces bribes de discours prélevées dans leur milieu nourricier,
constituent autant de documents authentiques sur notre culture contemporaine. Or,
élaborés au terme de multiples phénomènes d’associations ou bien d’emprunts, ils ont
comme particularité d’en dire souvent plus que cette dernière. Car cette parole qui se
sédimente au jour le jour se construit et prend corps à travers le filtre de
représentations préexistantes, responsables de multiples phénomènes de
cristallisation, de dévoilement ou bien de masquage.
Un imaginaire interdiscursif
Dès lors, on peut avancer l’hypothèse qu’à travers cette logorrhée envahissante et
cette porosité constitutive qui caractérisent le discours publicitaire, c’est une part de
ce que Cornélius Castoriadis appelait « l’imaginaire social 2» propre à chaque
collectivité humaine qui affleure. En définitive, ces types de messages se présentent
comme d’efficaces révélateurs exhibant derrière des tranches de vie anodines
certaines des formes sédimentées de ce magma interdiscursif de représentations
sociales. Et ce reflet, même si c’est celui d’un miroir déformant, exacerbant les
contrastes et les uniformités, constitue un vaste kaléidoscope sans cesse en
mouvement susceptible de révéler les valeurs et les savoirs que chaque collectivité
sociale se partage.
Certes, chaque annonce, à travers sa charte de consignes et de déictiques, active
certaines des composantes familières du paysage du consommateur lambda. Au cœur
de cet environnement quotidien dédié au produit, c’est l’annonceur qui semble de
toute évidence prendre la parole. Or, il faut bien faire le constat que, le plus souvent,
ce cadre de référence se trouve dépassé et prolongé à travers la figuration d’un
univers de représentations plus lointain et plus symbolique. Le publicitaire veut en
dire toujours plus. C’est en cela que la visée référentielle du discours publicitaire
apparaît fondamentalement ambiguë. Les images qu’il véhicule comme l’affirme
Anne-Marie Houdebine, ont pour fonction de toujours dire le « vrai-faux » 3 puisque à
l’issue du procès de sémiotisation, « l’objet présenté n’est plus le même, ni le sens ».
Son statut a radicalement changé, il est devenu littéralement un objet “imagé” ou un
objet-image. Ce qui nous conduit à avancer que l’énonciation publicitaire ressemble
fort à cette parole stratifiée et discontinue observée par Claude Lévi-Strauss dans la
plupart des mythes (le feuilletage) ou encore, pour paraphraser Oswald Ducrot, à
2 Selon sa définition, cette entité doit être perçue : « comme la courbure spécifique à chaque espace
social ; comme le ciment invisible tenant ensemble cet immense bric à brac de réel, de rationnel et de
symbolique qui constitue toute société et comme le principe qui choisit et informe les bouts et les
morceaux qui y seront admis. » Castoriadis, Cornélius, L’institution imaginaire de la société, Paris,
éditions du Seuil, collection Essai, 1975, p. 216.
3 Houdebine, Anne-Marie, « Du langage de la publicité, transgressions linguistiques et représentations
sociales. », Travaux de linguistique n° 5-6, mai 1994, Université d’Angers, p. 57-72.