Faculté de Médecine de Marseille
DCEM 3 – Module n° 6
Douleur – Soins palliatifs – Mort 1
Soins palliatifs pluridisciplinaires chez un malade
en fin de vie. Accompagnement d’un mourant et
de son entourage (69)
Pr. R. Favre
Septembre 2005
1. Avant propos
Malgré l’importance quantitative de cet item (n°69) le chapitre sur la douleur est
volontairement résumé car ce sujet est particulièrement développé dans le module 6 puisqu’il
correspond à trois items (n° 65, 66 et 68).
Les chapitres V, VI, VII et VIII ont été écrits en collaboration avec Monsieur Eric
DUDOIT, psycho-oncologue et Madame Anne DORMIEUX-VIGIANO, Cadre
Infirmier en oncologie médicale.
2. Introduction
On peut distinguer deux grandes orientations thérapeutiques en médecine. La première se
rapporte aux traitements curatifs qui ont pour but la guérison des patients. La deuxième se
rapporte aux traitements palliatifs qui ne visent pas la guérison mais surtout l’amélioration de
la durée de vie et du confort des patients. On se situe dans un concept de qualité de vie plutôt
que de quantité de vie. Bien que n’étant plus dans un processus de guérison, il faut insister
lourdement sur le fait que nous sommes toujours dans un processus de soins, dans une
véritable philosophie de soins.
De plus, les traitements palliatifs ne sont qu’une composante, certes très importantes mais non
exclusive, des soins palliatifs. Il faut traiter les symptômes et si possible tous les symptômes
gênants ou très gênants pour les patients. Cependant, non seulement les soins palliatifs ne se
limitent pas aux traitements des symptômes mais il n’y a pas de frontière absolue entre les
différents soins et traitements, avec parfois, comme cela peut être le cas en cancérologie, le
passage d’un type de concept à l’autre. Ainsi, on peut concevoir les soins continus intégrés
comme étant l’ensemble des différents concepts thérapeutiques : les traitements curatifs
utilisent des stratégies de guérison, les traitements et les soins palliatifs concernent les
traitements des symptômes et les soins permettant d’améliorer la qualité de vie du patient,
l’accompagnement correspond à une attitude qui soutient le patient en le soignant, ainsi que
son entourage.
Pour les soins palliatifs, il n’y a pas de véritable hiérarchie thérapeutique, tout est soin. Toutes
les structures de soins sont au service de toutes sortes de soins en même temps (consultations,
soins externes, hospitalisation de jour, hôpital de semaine, hospitalisation classique,
hospitalisation et soins à domicile….).
Par exemple, il faut prendre en compte la souffrance du malade dans sa globalité, c’est-à- dire
aussi la souffrance morale de ses proches en donnant aux demandes le degré d’urgence
qu’elles ont pour celui qui les formule.
La prise en charge globale d’un patient en soins palliatifs et en accompagnement est un devoir
de la médecine actuelle qui dispose de multiples traitements efficaces qu’il faut continuer,
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Douleur – Soins palliatifs – Mort 2
sans oublier une approche humaine capitale même si elle s’appuie sur un socle technique
indispensable.
Pourtant, il faut se résoudre à accepter le caractère inéluctable de la fin de vie. Nous sommes
là, nous, médecins et soignants pour traiter, soulager, accompagner, en un mot : soigner.
3. Historique et fondements des soins palliatifs
Il est impossible d’indiquer avec précision l’origine réelle des soins palliatifs et de
l’accompagnement car ce comportement de soins devait exister bien avant les véritables
traitements curatifs. Dès l’instant où un être humain s’est préoccupé de son semblable
souffrant, on peut penser que les soins palliatifs sont nés. L’objectif de calmer est
probablement apparu avant celui de guérir. Même si le début des soins palliatifs remonte à
l’origine même de la médecine, on retrouve des points de repère précis dans la littérature
médicale qu’il est naturellement important de citer car ils correspondent à une prise de
conscience du problème par la communauté médicale et parfois par la société dans son
ensemble.
C’est probablement Cicely Saunders qui fut une des premières à institutionnaliser les soins
palliatifs. Il y a presque cinquante ans, dans un contexte où le cancer représentait le symbole
de l’incurabilité, cette jeune femme médecin britannique comprit que « lorsqu’il n’y a plus
rien à faire », il y a encore quelque chose à faire. Lorsqu’il n’est plus possible de « traiter »
(« cure » en anglais), on peut encore soigner (« care » en anglais). Elle est à l’origine de la
création du Saint-Christopher’s Hospice qui a été le modèle d’établissement de soins palliatifs
et d’accompagnement et qui a eu une influence considérable, non seulement dans le monde
anglo-saxon, mais en Europe en général et en France en particulier. L’approche globale,
holistique, d’un malade avec humanité et respect est la caractéristique, la base, des soins qu’a
proposés l’humaniste Cicely Saunders. Parfois un peu utopiste, cette approche qui s’appuie
sur la communication verbale et non verbale a eu le mérite d’être une des premières à être
verbalisée et même relativement codifié. Les bases d’une transmission, voire d’un
enseignement, des soins palliatifs étaient ainsi jetées.
En 1967, l’année où le Saint-Christopher’s Hospice ouvrait dans la banlieue de Londres, une
psychiatre installée à Chicago, Elizabeth Kubler-Ross, allait profondément modifier
l’approche des soignants qui font face à la mort. Elle est rapidement convaincue que les
derniers temps de la vie peuvent être tout autre chose qu’une morne attente de la fin, que ceux
qui partent, comme ceux qui restent, ont besoin d’être soutenus, aidés, entourés par la
communauté des vivants. C’est par son livre « Les derniers instants de la vie » qu’Elizabeth
Kubler-Ross devient célèbre. Elle décrit le chemin parcouru par les patients à la fin de leur
vie. Ce chemin peut être long. Elle y distingue cinq étapes : la dénégation, la colère, le
marchandage, la dépression, l’acceptation. La tristesse de devoir quitter la vie est inéluctable.
Il faut rester à côté du patient et par quelques paroles et beaucoup de silence, essayer de créer
une ambiance de calme propice à l’expression de la souffrance, pour traverser cette dernière
période pénible pour atteindre le rivage de l’acceptation avec une certaine sérénité.
Le message d’Elizabeth Kubler-Ross est de redécouvrir que le « mourant » n’est pas un être
d’une autre espèce que nous-mêmes et qu’il est jusqu’au bout un « vivant ». Le patient est
ainsi replacé au centre, impliqué dans un dialogue. Invité à instruire le soignant, il redevient
un acteur du système de soins.
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Au début des années 70, des fondations pour la prise en charge des patients cancéreux en fin
de vie étaient créées dans le Royaume-Uni et dans le monde anglo-saxon. Par exemple, le
Docteur B.MOUNT créait au début de l’année 1975 une unité de soins palliatifs à Montréal
devenue très célèbre. Cette unité, avec celle de l’hôpital Notre Dame (francophone) à
Montréal, a influencé le courant déjà existant. Plus discret, ce courant des soins palliatifs
existait en France. On retrouve cette influence dans la circulaire ministérielle du 26 août 1986
qui concerne l’organisation des soins palliatifs et l’accompagnement des malades en phase
terminale. On retrouve aussi cette influence dans la création de la première unité de soins
palliatifs française, formalisée et médiatisée, à l’hôpital international de l’université de Paris,
en juin 1987, par le Docteur Maurice Abiven.
Le courant des soins palliatifs devient ainsi plus présent en France. Il véhicule une certaine
idée de la mort, de la vie, de la solidarité. Il s’affronte à la souffrance. La vie humaine même
diminuée et affaiblie doit être respectée, encouragée et honorée dans toutes ses dimensions.
Le malade n’est pas réduit à son organe malade mais est envisagé dans sa totalité organique et
psychique et aussi comme un être humain appartenant à une communauté.
Une équipe pluridisciplinaire, élargie à des bénévoles et à des ministres du culte, est une
structure adaptée pour prendre soin de la personne malade dans toutes ses dimensions.
Ainsi, un véritable courant de soins continus intégrés est progressivement apparu. Depuis la
loi du 31 juillet 1991, les établissements publics de santé dispensent aux patients les soins
préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état. Ce droit des malades a été ensuite
étendu à l’ensemble des établissements de santé et aux institutions médico-sociales (article 7
de la loi du 9 juin 1999).
Le développement des soins palliatifs en milieu hospitalier a débuté depuis la circulaire du 26
août 1986 grâce aux unités pilotes.
Les Unités de Soins Palliatifs (U.S.P.) avec des lits d’hospitalisation traditionnelle
Les équipes mobiles de soins palliatifs (E.M.S.P.) ont permis d’appliquer les objectifs de la
circulaire : développer un nouveau modèle de soins, former des soignants et des formateurs,
approfondir la recherche.
Les progrès ont été lents, mais en ce début de vingt et unième siècle, le mouvement paraît
correctement amorcé.
Le nombre des U.S.P. et des U.M.S.P. est toujours trop insuffisant mais augmente
progressivement.
Sur le plan qualitatif, il faut se donner les moyens d’avancer dans le domaine des soins
palliatifs au domicile.
Il faut reconnaître que, pour les soins palliatifs, la démarche française a été longue et un peu
tardive. Maintenant, tous les professionnels et les acteurs de soins sont conscients de leur
devoir de s’investir dans une démarche plus proche des réalités vécues par les patients et par
leurs proches. Les soins palliatifs ne sont pas qu’un ensemble de techniques mais sont aussi
un autre regard porté sur la personne malade.
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4. La souffrance globale chez un patient en fin de vie
4.1. La souffrance
L’expression de la souffrance va dépendre de la personnalité et du caractère du patient qui se
sont construit tout au long de la vie. La personne est unique. Ainsi, certains malades cacheront
leur souffrance, d’autres en parleront parfois de façon démunie.
L’être humain se structure par la relation à l’autre, aux autres. La maladie et la souffrance
altèrent parfois cette capacité relationnelle de chacun. Il est capital de chercher à maintenir
une communication, en tenant compte des aspects sociaux, culturels, familiaux, et
professionnels.
La maladie engendre des souffrances multiples, ou, si l’on veut, la souffrance globale a des
composantes multiples :
La douleur en est la première composante, soit douleur aiguë qui permet souvent de poser un
diagnostic, soit douleur chronique, lancinante, continue avec quelques paroxysmes.
La rupture de l’équilibre quotidien demande des efforts parfois considérables : respirer, se
laver, aller aux toilettes…
La dépendance peut entraîner un sentiment d’humiliation souvent exacerbé par une véritable
vulnérabilité.
La fatigue est très pénible et très gênante pour le patient. Parfois, le malade peut se sentir
exclu, il n’arrive plus à tenir ses rôles socio-familiaux.
La peur est souvent un sentiment fort, peur de souffrir, peur de quitter ses proches, peur de
mourir.
Enfin, la souffrance de l’entourage est ressentie par le patient ; elle accentue sa propre
souffrance.
4.2. Prise en charge de la douleur
Il est indispensable de prendre en charge la souffrance des patients. Cette prise en charge
commence par celle de la douleur.
Il faut commencer par préciser le type de douleur : douleur aiguë ou chronique.
La douleur aiguë a une fonction d’alarme. En général, elle est limitée dans le temps. Elle
comprend trois éléments : la lésion tissulaire causale, la douleur et l’anxiété. L’éviction de la
cause avec un traitement antalgique adapté pendant la durée de la douleur permettront la
régression des lésions tissulaires, de la douleur et la disparition de l’anxiété.
La douleur chronique évolue souvent depuis plusieurs mois. On peut rencontrer un véritable
syndrome douloureux chronique avec des manifestations physiques, psychologiques,
comportementales et sociales. Il peut se retrouver dans des affections bénignes comme les
céphalées, les douleurs postopératoires, rhumatologiques, viscérales, postzostériennes ou les
lombalgies, les radiculalgies, les douleurs après amputation, les douleurs neuropathiques, les
algoneurodystrophies, les douleurs psychiques.
Les douleurs chroniques se rencontrent souvent dans l’évolution d’un cancer ou d’un SIDA,
mais des douleurs aiguës sont parfois au premier plan. Il faudra savoir proposer les bonnes
attitudes pour favoriser une bonne prise en charge des deux types de douleurs, donc bien
évaluer la douleur ainsi que son incidence sur le psychisme et le comportement du malade. Le
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but est d’éviter le passage à un syndrome douloureux chronique qui est toujours plus difficile
à traiter.
Il faut commencer par faire un diagnostic précis de la douleur, et pour cela, croire la plainte
du patient, l’interroger ainsi que sa famille et parfois les soignants. Il faut aussi observer les
comportements du patient au repos et en mouvement. L’examen clinique complet est un
moment capital qui sera toujours complété par l’évaluation des différentes caractéristiques de
la douleur. On précise d’abord le mécanisme générateur de la douleur : par excès de
nociception , par désafférentation ou psychogène. Ensuite, on évalue la douleur notamment
par l’utilisation des différentes échelles de la douleur.
4.3. Les échelles d’évaluation de la douleur
Les échelles d’évaluation de la douleur permettent de quantifier, de visualiser et de comparer.
Les échelles verbales quantitatives concernent les situations où le malade doit quantifier
l’intensité de sa douleur en ayant recours à des mots simples. Il existe de nombreuses grilles
d’évaluation dont la plus simple est la suivante :
0 – pas de douleur,
1 – douleur légère,
2 – douleur modérée,
3 –douleur sévère.
Ces grilles d’évaluation peuvent être proposées sous forme de graphique dont la lecture est
rapide et facilite le suivi de la douleur et son évolution dans le temps.
Les échelles visuelles analogiques (E.V.A.) sont matérialisées par une ligne horizontale ou
verticale de 10 cm, non graduée. Le patient inscrit une croix au niveau correspondant à sa
douleur. La mesure est réalisée chaque jour. Il est important que le malade voie ce qu’il a noté
la veille. Actuellement, une réglette avec un curseur que le malade déplace simplifie encore la
lecture.
Les échelles numériques consistent à demander au patient d’estimer
par un chiffre de 0 à 100 la douleur ressentie pendant les heures précédentes. L’éventail de
possibilités entre 0 et 100 donne une vue plus détaillée des fluctuations de la douleur.
Les échelles quantitatives et qualitatives correspondent à un questionnaire qui rassemble tous
les mots descriptifs de la douleur utilisés couramment. Ces mots sont groupés en trois classes
principales. Les premiers décrivent les qualités sensorielles, les deuxièmes les qualités
affectives et les troisièmes des mots non spécifiques. Les résultats obtenus avec ces
questionnaires peuvent être traités statistiquement. Cependant, ils sont parfois critiqués car
tous les patients ne comprennent pas tous les mots ; il peut y avoir de grandes différences
entre la signification officielle d’un mot et celle que lui donne le malade. En fait, là aussi, ce
qui est important c’est l’évolution au cours du temps de l’évaluation de la douleur.
Les échelles multidimensionnelles fournissent une évaluation à la fois quantitative et
qualitative.
Il s’agit par exemple du questionnaire « Mac Gill Pain », du QDSA (Questionnaire de Saint
Antoine) ou grille du club français d’algologie. Ils permettent d’évaluer les mécanismes de la
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