Manager
par la marque
Jean Baptiste COUMAU, Jean-François GAGNE
et Emmanuel JOSSERAND
© Éditions d’Organisation, 2005
ISBN : 2-7081-3233-4
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© Éditions d’Organisation
chapitre 4
les choix à faire
par le management
Maîtriser, choisir, décider, trancher ; voilà des leitmotiv qui baignent les
cursus des Business School – lors des nombreuses études de cas par exem-
ple. Dans la pratique, vous avez peut-être la sensation de ne pas toujours
être en mesure de choisir. La lourdeur des contraintes, le poids du
consensus dans votre organisation, la pesanteur des enjeux, la gravité
des risques ont souvent laminé vos marges de manœuvre. Vous-même
dites d'ailleurs souvent à vos subordonnés : « Oui mais là, on n’a pas le
choix ! » Installer un management par la marque va réclamer une tout
autre posture. Initier une telle démarche réclame des choix en amont.
Cela va vous demander un investissement personnel important, suscep-
tible de vous engager, au sens où les échecs pourront directement vous
être attribués. Vous devrez prendre des risques et faire des choix parfois
contre-intuitifs, vous devrez aussi heurter certaines habitudes et parfois
trancher entre les tenants d'options totalement opposées.
Dans le management par la marque, c'est vous qui devrez choisir la
route et le moment, puis tenir le manche au décollage. Vous ne devrez
jamais quitter le cockpit avant d'avoir atteint l'altitude de croisière.
Mais l'installation d'un management par
la marque est également une orientation
collective à faire prendre à toute votre
organisation. C'est une impulsion qui vient d'en haut mais qui doit se
décliner dans toute l'entreprise de façon transversale plutôt qu'en
cheminée.
Dans ce chapitre nous abordons ce qui est vraiment important dans le
démarrage d'un projet de management par la marque : c'est-à-dire votre
rôle et vos choix. En effet, vous aurez à faire ces choix avant de
Les décisions de marque sont des
décisions de patron.
une approche spécifique de l'organisation et du changement
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démarrer, face à une grande diversité de situations de départ, confronté
aux principaux champs de décisions qui s'ouvriront à vous au fur et à
mesure et aux leviers de management que vous devrez continuer à
tenir. Ce n'est que dans le chapitre suivant que nous aborderons ce qu'il
convient de faire, étape par étape, et surtout comment le faire.
Montrons donc les orientations clés avant de parler des outils car de
celles-ci dépend le succès.
Les curseurs à régler avant de démarrer sont :
L'architecture de marques ;
La configuration des lancements ;
L'articulation entre les étapes interne et externe ;
Le rythme de mise en tension de l'organisation.
Nous considérons que ce sont les quatre facteurs de succès du manage-
ment par la marque.
En matière d'architecture de marques nous poussons à une remise en
question des choix historiques du marketing et nous en expliquons les
raisons.
Pour des questions d'impact, nous poussons à des lancements en big-
bang, donc à des prises de risques forts que nous analyserons.
L'articulation des étapes internes et externes est un élément clé qu'il
convient de régler en fonction de la situation. Nous essayons d'apporter
des grilles d'analyse et un éventail de choix.
Pour mettre en tension votre entreprise, une grande part de la réussite
viendra enfin de votre talent à impulser à cette transformation une
dynamique soutenue. Pour réussir sur ce dernier point dites-vous que le
premier levier que vous avez est de « tenir la montre » : maîtrisez le
rythme, surprenez, imposez des délais tendus, accélérez le tempo !
chapitre 4. les choix à faire par le management
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© Éditions d’Organisation
Donner un coup de hache
dans l'architecture de marques
Nous pensons que le temps des architectures de marque complexes est
compté. Nous analysons le détail de ce phénomène dans les parties
suivantes
1
. Dans cette première étape nous proposons une méthode de
diagnostic permettant de simplifier au maximum l’architecture de
marques.
L’approche traditionnelle en marketing conduisait à introduire de
multiples niveaux de marques cloisonnés entre eux. Cette approche,
utilisée par plusieurs générations de chefs de produit, est le modèle
mental qui a porté le développement des fonctions marketing des
années soixante à quatre-vingt-dix. Son origine se situe dans les
marchés de grande consommation. Il se
justifie par la nécessité de sursegmenter
les marchés pour positionner et justifier
des écarts de prix importants entre des produits aux fonctions similai-
res. Le rayon des shampoings est un des meilleurs exemples de surseg-
mentation que l'on puisse trouver ; cette pratique conduit à une multi-
plication à la fois du nombre des marques et des niveaux de marques et
empêche le lien entre produits vers la marque corporate. C'est encore
une pratique courante chez les grands lessiviers : même si
PROCTER
&
GAMBLE
a communiqué sur la rationalisation de son portefeuille de
marques dès le début des années quatre-vingt, ses marques constituent
toujours un ensemble cloisonné et sans lien avec le nom du groupe.
Un modèle alternatif est apparu dans les années quatre-vingt-dix. Il a
pris source dans le secteur des services où l'approche produit est moins
importante que l'approche institutionnelle vis-à-vis du client. Il a
permis l'émergence de la gestion de marque et la création de postes de
Brand manager dans les entreprises. Il aboutit à une concentration des
moyens de communication sur une seule marque. Il facilite une gestion
multi-canal tout au long de l'expérience client, la différenciation se
faisant dans la relation client et non plus dans le produit ou dans la
communication.
1. Pour plus d’informations sur ce point, voir le chapitre 7 « La montée du corparate »,
dans la troisième partie.
Une architecture simple est un
impératif clé pour la mise en œuvre.
une approche spécifique de l'organisation et du changement
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Ce nouveau modèle a été rapidement pris en compte par certains
tenants de l'ancien pour des raisons de coûts et pour pouvoir rester dans
la course à la notoriété globale face aux marques de services. Plusieurs
géants dans leur secteur comme
L
ORÉAL
,
DANONE
ou
NESTLÉ
sont passés
à une architecture décloisonnée exploitant systématiquement les syner-
gies entre les différents niveaux de marque. Ce décloisonnement, asso-
cié à une simplification du portefeuille, est essentiel pour pouvoir
manager par la marque.
UNILEVER
l’a bien compris et lance pour les
années à venir un vaste programme qui va permettre à la fois de
concentrer les investissements sur un nombre réduit de marques à
l’échelle mondiale et de créer le lien entre les marques commerciales et
la marque corporate
UNILEVER
. C’est donc l’un des derniers bastions de
l’hyper-segmentation qui change de camp, très certainement pour le
plus grand bien de l’entreprise. L’un des objectifs de ce changement est
justement de permettre une articulation entre des opérations de
communications externes institutionnelles et les efforts de manage-
ment au sein du groupe. Dans un environnement où la relation avec le
client, le service, la nécessité de concentrer les investissements et les
messages ainsi que le développement international deviennent incon-
tournables, ces changements dans l’architecture de marques sont
inéluctables.
Nous présentons tout d’abord la logique dans laquelle il faut se placer
pour aborder une simplification du portefeuille de marques. La suite de
cette partie traite du comment et présente les outils de diagnostic qui
permettent de mener à bien le décloisonnement.
Il est utile de se pencher sur les théories marketing descriptives des
architectures de marque.
L’architecture de marques vue par le marketing (e. 8)
Kapferer1 propose une typologie des marques comportant six caté-
gories.
La Marque produit correspond à un seul produit, elle vise à véhi-
culer une innovation et permet dans certains cas d’accroître la part
de marché en limitant les causes d’échec. Maintenir une marque
1. Voir Kapferer J.-N., op. cit., Éditions d’Organisation, 2001.
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