LA DECOLONISATION ET LA NAISSANCE DU TIERS MONDE 02 août 2014
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Chap. 8
L’ACCESSION A L’INDEPENDANCE DU MONDE ASIATIQUE : LE CAS DE L’INDOCHINE
INTRODUCTION
L'Indochine française
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(Đông Dương thuộc Pháp en vietnamien) est une partie de l'ancien
empire colonial français, création de l'administration coloniale, regroupant plusieurs
territoires aux statuts officiels différents :
les protectorats du Tonkin et de l'Annam et la colonie de Cochinchine, regroupés à
partir de 1949 au sein de l'État du Viêt Nam (territoire identique à celui de l'actuelle
République socialiste du Viêt Nam) ;
le protectorat français du Laos ;
le protectorat français du Cambodge ;
et le comptoir du Kouang-Tchéou-Wan, actuelle Péninsule de Leizhou, dans la
province du Guangdong, en Chine.
I- LA CONSTITUTION DE L’ « UNION INDOCHINOISE » PAR LA FRANCE
Colonie française d'Indochine en 1900
L'Indochine, colonie française de 1887 à 1954, correspondait aux États actuels du Viêt Nam, du Laos et du
Cambodge.La conquête française de la péninsule indochinoise s'est faite en plusieurs étapes : maîtrise de la
Cochinchine et protectorat sur le Cambodge dans les années 1860 ; protectorat sur l'Annam et le Tonkin en
1884 ; création de l'Union indochinoise (rassemblant ces différents territoires) en 1887 ; enfin, conquête du
Laos en 1893.
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On l'appelle souvent « Indochine », ce qui crée une confusion avec la notion géographique d'Indochine ou
péninsule indochinoise qui désigne les pays situés entre l'Inde et la Chine, soit les pays suscités ainsi que la
Birmanie, la Thaïlande et la partie continentale de la Malaisie.
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Initiée par Napoléon III, poursuivie par la IIIème république de Jules Ferry, l'annexion de
plusieurs royaumes du Sud-Est asiatique va permettre à l’empire français de constituer
l’Indochine. A l’Ouest les protectorats du Cambodge et du Laos, à l’Est les trois provinces du
Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine, au départ royaumes indépendants, qui formeront
plus tard le Vietnam
2
.
Tout débute par l’arrivée des premiers missionnaires catholiques de nationalités portugaise,
espagnole, italienne et française mirent le pied en Indochine au XVIIe siècle
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. Des
communautés chrétiennes y avaient été fondées dès le XVIIe siècle. Les premières
interventions militaires françaises remontent à 1858, sous le Second Empire (1852-1871) avec
comme prétexte la protection des missionnaires pendant la répression sanglante de l'empereur
d'Annam. Les premières interventions
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furent la prise de Tourane (Danang aujourd'hui) et la
campagne de Cochinchine. En 1862, par le traité de Saigon, la cour de Huê
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cède à la France
plusieurs provinces dans le delta du Mékong, dont la Cochinchine orientale. En 1867, la
totalité de la province est annexée par la France.
En 1863, la France, qui cherche à étendre son influence en Indochine, assume les droits du
Viêt Nam et offre sa protection au Cambodge, de nouveau menacé par les Siamois. Le roi
Norodom Ier accepte le protectorat, qui stipule que le Cambodge s’interdit toute relation avec
une puissance étrangère sans l’accord de la France. Un résident général veille à l’exécution du
traité. La monarchie cambodgienne reste en place mais, à partir de 1884, elle a perd de facto
toute autorité fonctionnelle.
La IIIe République achève la conquête commencée sous le second Empire. Après deux échecs
au Tonkin, en 1883, Huê et le delta du Sông Hông (fleuve Rouge) sont occupés, et deux
traités sont signés en août 1883 et en juin 1884 : le Tonkin et l’Annam deviennent des
protectorats français. En effet, depuis une décennie, forte de ses positions en Cochinchine et
au Cambodge, la France tenait à mettre la main sur le Tonkin, car cette zone du delta du
fleuve Rouge commandait l'accès au Yunnan et à la Chine du Sud. De plus, les richesses
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Au XIXe siècle, à la veille de la conquête française, le Viêt Nam est un empire (empire d'Annam), dirigé par la
dynastie des Nguyn, qui s'étend du nord au sud de la péninsule indochinoise, sur sa côte orientale, du delta du
Fleuve Rouge à celui du kong. Il est bordé à l'ouest par l'actuel Laos, morcelé en principautés, et au sud-ouest
par le royaume khmer, entré dans une longue période de décadence.
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C’est dans les années 1620-1630 que les premiers missionnaires français arrivent en Indochine. Le jésuite
Alexandre de Rhodes organise une mission au Tonkin avant d’être expulsé pour avoir fait imprimer un
catéchisme en écriture romanisée quôc ngu. La fondation de la Société des missions étrangères, en 1664,
amplifie le mouvement. Lorsqu’en 1784 le prince Nguyên Anh se réfugie à Bangkok, il y rencontre Mgr Pierre
Pigneau de Béhaine (1741-1799), vicaire apostolique de Cochinchine. Persuadé de l’intérêt d’aider le prince
héritier, le prélat convainc Louis XVI de signer un traité d’alliance (1787) avec Nguyên Anh et revient avec des
navires et une troupe de mercenaires. Son aide permet au jeune prince de battre ses adversaires Tây Son. En
1801, il s’empare de Huê et, en juillet 1802, il entre dans Hanoï et devient empereur sous le nom de Gia Long.
Le Dai Viêt est rebaptisé Viêt Nam en 1804.
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Sous l’impulsion du ministre de la Marine et des Colonies, Chasseloup-Laubat, et des milieux catholiques, le
gouvernement de Napoléon III décide une intervention. L’Espagne et la France attaquent alors Đa Nang
(Tourane) en 1858 et s’en emparent. Mais un échec devant Huê amène les Espagnols à se retirer.
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Fondée vers le iiie siècle av. J.-C., Huế fut la capitale de l’empire annamite et le siège du palais impérial
annamite. L’Annam, devenu protectorat français en 1884, eut pour capitale Huế jusqu’en 1946. Pendant la
guerre du Viêt Nam, la bataille de Huế dura du 31 janvier au 29 février 1968 ; des unités des Marines américains
et des troupes sud-vietnamiennes chassèrent les forces nord-vietnamiennes de la ville.
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agricoles
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et minières du Tonkin tentaient les milieux d'affaires. Aussi dès 1880, Gambetta
(1838-1882) poussa déjà à envahir le Tonkin
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. Lorsque Jules Ferry revint au pouvoir en
février 1883, la décision d'asseoir l'autorité de la France sur le Tonkin fut prise, au risque d'un
affrontement avec la Chine. De fait, de novembre 1883 à mai 1884, Français et Chinois se
battirent. Le 11 mai 1884, le traité de Tien-Tsin entérina la victoire française : la Chine retira
ses troupes, reconnut le protectorat français et ouvrit ses frontières au commerce. Mais, La
Chine rechigna à appliquer le traité de Tien-Tsin et à retirer ses troupes. Par conséquent, cela
obligea Jules Ferry à poursuivre la guerre. Il choisit de conquérir Lang Son (poste-clé situé
près de la frontière chinoise, qui commandait l'accès au delta du fleuve Rouge et donc la
sécurité du Tonkin contre les incursions chinoises qui étaient toujours venues de là), et de
s'approcher des frontières chinoises pour forcer la Chine à céder enfin. Ce fut chose faite fin
février 1885. Fort de ses succès militaires, Ferry négocia en secret avec les Chinois, à Berlin,
puis à Londres et à Paris. Les concessions de la Chine allaient au-delà du traité de Tien-Tsin.
La France mit la main sur l'Annam ; routes, canaux, voies ferrés du Tonkin furent prolongés
en Chine : le rêve du Tonkinois fut réalisé. L'accord secret d'armistice fut conclu le 25 mars
1885. Le gouvernement chinois signa officiellement le 30 suivant. Le 4 avril 1885, les
préliminaires de la paix avec l'Empire chinois des Qing sont conclus et le protectorat
français sur toute l'Indochine est acquis. Le 9 juin, le nouveau traité de Tientsin est
signé, la France finit par mettre la main sur le Tonkin.
Les autorités françaises s’emploient à asseoir leur pouvoir et, en 1887, le Viêt Nam, le
Cambodge sont regroupés au sein d’une Indochine française confiée à un gouverneur
général
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.
Par ailleurs, au XIVe (1353) siècle, Fa Ngum réalise l’unité des principautés lao en fondant le
royaume indépendant du Lan Xang. Son fils lui succède sur le trône et continue la
consolidation et l’organisation du royaume. Le royaume de Lan Xang connaît une très forte
expansion territoriale au XVIe siècle. Mais, à la mort du roi Suriya Vongsa (1637-1694), les
prétendants au trône s’affrontent et le pays se scinde en deux royaumes fratricides ayant pour
capitales respectives Vientiane et Luang Prabang. Les États voisins tentent naturellement de
profiter de cet affaiblissement du Laos. Le Siam (Thaïlande), la Birmanie et le Viêt Nam
cherchent chacun à placer le Laos sous leur souveraineté. Vientiane, occupée par les Then
1778, doit reconnaître la souveraineté siamoise, Luang Prabang est aussi contrainte de
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La colonisation de l’INDOCHINE était centrée sur l’exploitation économique : riz, poivre, thé, opium (dont la
culture est à l'époque autorisée à but médicinal mais qui nére bien des trafics) et surtout l’hévéa, c'est-dire le
caoutchouc naturel. Les propriétaires de plantations peuvent compter sur une main d’œuvre nombreuse et
corvéable à merci, les coolies.
L'accès au marché chinois, que les Britanniques voulaient atteindre en reliant la Birmanie au Yunnan, devint une
priorité. Évidemment, pour les missionnaires catholiques, la conquête du Tonkin représentait pour eux un moyen
de protéger les minorités chrétiennes du Viêt Nam qui étaient persécutées. Tout poussa donc à envahir le Tonkin,
comme Gambetta (1838-1882) y invitait déjà en 1880 dans son journal, La République française: « Il faudra […]
que la France s'établisse au Tonkin afin de mettre la main sur l'Annam, sur le royaume de Siam et sur la
Birmanie, et d'avoir ainsi barre sur les Indes et d'aider la civilisation européenne contre la race jaune. »
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Dans son journal, La République française, il affirmait: « Il faudra […] que la France s'établisse au Tonkin afin
de mettre la main sur l'Annam, sur le royaume de Siam et sur la Birmanie, et d'avoir ainsi barre sur les Indes et
d'aider la civilisation européenne contre la race jaune. »
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La France prend en charge les finances, perçoit les impôts au nom de l’empereur du Viêt Nam ; le Conseil des
ministres est présidé par le gouverneur général plaçant l’empereur sous une tutelle complète.
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reconnaître la suzeraineté du Siam. De nouvelles migrations : celle des tribus Hmong venues
du Yunnan puis celle des Ho, font évoluer la situation. Les nouveaux venus dévastant les
régions frontalières, le Siam cherche à établir sa souveraineté jusqu’aux frontières du Viêt
Nam. La cour de Huê demande alors à la France de faire respecter ses droits. En 1893, une
expédition militaire française prend le contrôle des principales villes du pays et contraint les
Siamois à reconnaître le protectorat français sur l’ensemble du territoire situé sur la rive
gauche du Mékong. C’est ainsi que le Laos est placé sous protectorat français et rentre
dans l’ « Union indochinoise ».
Sur le plan militaire, la conquête de l'Indochine, qui progressa du Sud vers l'ouest et le nord
de la péninsule, fut officiellement achevée en 1896
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, mais la pacification de la gion ne fut
réelle qu'à la fin de la Première Guerre mondiale.
Après des années d'hésitation entre l'administration directe (le statut de colonie) ou indirecte
(le régime du protectorat), les Français choisirent le « protectorat » pour le Cambodge et
l'Annam. Mais le protectorat se mua rapidement en administration directe. Seule la
Cochinchine fut à proprement à parler une colonie. Le Tonkin et le Laos eurent un régime
mixte. Mais, les monarchies indochinoises furent réduites à des formes vidées de leur
substance: une administration coloniale dirigeait en fait le pays, sous la responsabilité du
gouverneur général et du ministère des Colonies. Dans leurs Mémoires, l'empereur d'Annam,
Bao Daï (intronisé par les Français en 1932) et le roi du Cambodge Norodom Sihanouk
(intronisé en 1941) ont évoqué avec humour leur rôle purement symbolique, qui leur permit à
tous deux de mener des « vies de play-boy » pendant quelques années.
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Un traité conclu en 1896 par la France et le Royaume-Uni, prévoyait l'extension territoriale de leurs colonies et
protectorats respectifs. Ce traité prévoyait la réunion au profit de la Birmanie du nord-ouest du Siam, et au profit
de la Malaisie britannique, des provinces du sud récemment annexées par le Siam. La France de son côté, devait
étendre son influence à tout le nord-est du Siam (Isaan). Le Siam aurait donc constitué selon les modalités de ce
traité, un état-tampon entre les possessions britanniques et françaises en Indochine. Finalement, seuls quelques
territoires furent rattachés à la Birmanie, et les provinces de Mélou Prei et Tonlé Repou furent rattachées au
Cambodge en 1904, et les provinces de Battambang et Siem Reap en 1907.
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Expansion territoriale française et britannique en Indochine
Début XVIIe siècle : Arrivée des missionnaires catholiques.
1858 : Première intervention des Français et début de la conquête de la Cochinchine.
5 juin 1862 : Traité de Saïgon : La France se fait remettre plusieurs provinces qui
constitueront la Cochinchine française.
1863 : Le Cambodge est placé sous protectorat français.
1881-1885 : Guerre franco-chinoise ; expédition du Tonkin à partir de 1883, ordonnée
par Jules Ferry.
1884 : Le Tonkin et l'Annam sont placés sous protectorat français
1887 : La région est baptisée « Union indochinoise ».
1887-1893 : Lutte entre Français et Siamois ; les pays Laos sont placés sous
protectorat français.
1896 : Fin de la conquête, d'un point de vue militaire.
27 mai 1898 : Annexion du Guangzhou Wan qui est rattaché à l'Indochine française
(territoire de Kouang-Tchéou-Wan, Fort Bayard, Chine)
1907 : Le Cambodge récupère sur le Siam les provinces de Battambang et de Siem
Reap : frontières de l'Indochine française jusqu'à la guerre franco-thaïlandaise de
1941.
17 Octobre 1887
Création
1899
Ajout du Protectorat du Laos
II- LE DEVELOPPEMENT DU NATIONALISME INDOCHINOIS ET LE REFLUX DE
LA FRANCE EN INDOCHINE
A- Les facteurs du nationalisme indochinois
Le développement du nationalisme indochinois est une réaction aux injustices subies par les
peuples indochinois durant l’occupation française
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.
Tout d’abord, les Indochinois étaient exclus à tous les échelons hiérarchiques de
l’administration coloniale du fait de la discrimination raciale, malgré l’œuvre
civilisatrice dont ils avaient bénéficié. Il faut déjà dire à ce sujet que la tentation de
l'assimilation (faire des enfants d'Indochine de petits Français) fit face à de vives résistances
de la part des peuples de de cultures anciennes dans les années 1920 et surtout 1930. Aussi,
les enfants de l'œuvre civilisatrice française, de formation équivalente ou à diplômes
identiques, se voyaient souvent refuser l'égalité de statut et de traitement avec les Français, car
dans cette société coloniale, la minorité européenne occupait le sommet de la hiérarchie. En
effet, Plus que la fortune, l'appartenance raciale était un indicateur du statut social d'une
personne vivant en Indochine.
Ensuite, les Indochinois ne bénéficiaient pas des libertés les plus élémentaires. Par
exemple, un Français coupable d'un meurtre sur la personne d'un Indochinois était frappé
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Abondant dans ce sens, le gouverneur général Alexandre avait prévu que si des droits ne leur (aux
Indochinois) étaient pas octroyés, ils les réclameraient eux-mêmes.
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