survol de l`histoire de la pénétration française en indochine

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SURVOL DE L’HISTOIRE DE
LA PÉNÉTRATION FRANÇAISE EN INDOCHINE
(1625 - 1939)
Au moment où nous voyons, avec une douloureuse inquiétude, se poser non
plus seulement la question du maintien de l'Indochine dans une Union Française
d'avenir incertain maïs même celle de notre simple présence dans les territoires
du Vïêt-Nam, il ne paraît pas sans intérêt de rappeler, sous la forme laconique
d'éphémérides, les différentes étapes de l'établissement de l'influence française
dans ces terres lointaines, auxquelles, quoi qu'il advienne, nous demeurerons attachés par d'impérissables souvenirs.
C'est aux anciens d'Indochine, ceux d'avant 45 comme ceux d'après — car
j'unis les uns et les autres dans une identique et fraternelle estime — que je dédie
ce court travail. Puissent-ils y trouver la justification des efforts et des sacrifices
qu'ils ont si généreusement consentis pour tenter, trop souvent sans en avoir les
moyens et dans l'indifférence et l'incompréhension de la Métropole, d'assurer la
pérennité de l'œuvre sacrée de trois générations consécutives, sans compter les
précurseurs.
Général NYO.
L'Indochine sous la Royauté,
la Révolution et le Premier Empire
1625-1645 — Sous Louis XIII, le Père Jésuite
Alexandre de Rhodes effectue plusieurs séjours en
Cochinchine, Annam et Tonkin. Il en dresse une première carte et en écrit l'histoire. Il est l'introducteur de
la pensée française en Indochine.
1658 — Le Pape, à l'instigation de Louis XIV et
de Mazarin, nomme en Extrême-Orient des vicaires
apostoliques français pour évangéliser les ExtrêmesOrientaux : Monseigneur Poilu pour le Tonkin et le
Laos — Monseigneur Lamothe-Lambert pour la Cochinchine et le Japon.
Avant de partir. Monseigneur Fallu crée un établissement pour la formation des missionnaires.
Les missionnaires vont désormais implanter
là-bas une tradition française et établir un premier
lien entre Extrême-Orient et Occident.
1667 — II faut se rappeler, pour situer l'histoire de la pénétration de notre influence en Extrême-Orient dans son cadre d'ensemble, que la
Compagnie Française des Indes créait à partir de
1667 ses premiers comptoirs aux Indes, auxquels
Louis XIV portait un intérêt particulier, que, sous
Louis XV, Dupleix, après avoir été de 1721 à 1741
"Premier Conseiller de la Compagnie et Commissaire Général des Troupes des Indes", puis Directeur Général de la Compagnie, fut de 1741 à 1754
"Gouverneur Général des Indes" que c'est enfin le
16 janvier 1761 que la capitulation de Lally-Tollendal
à Pondichéry se traduit par la perte des Indes.
Ni le Gouvernement de Louis XV, ni l'opinion
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publique n'avaient voulu consentir les sacrifices nécessaires pour sauver l'œuvre de Dupleix, mais ils
rendirent, seul, responsable de la catastrophe Lally,
objet d'un procès inique qui le conduisit à l'échafaud
en mai 1766.
Mgr. Pigneau de Behaine
1685 — Louis XIV envoie un chargé de mission à la cour de Hué en vue d'obtenir l'autorisation
officielle pour les missionnaires de prêcher le catholicisme et d'établir des relations entre France et Annam.
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1686 — Une Ambassade siamoise vient à Versailles et défraiera longtemps la chronique de la cour.
1748 — Sous Louis XV la compagnie de Law
envoie des missions commerciales en Cochinchine
mais il ne s'ensuit aucune relation durable.
1749 — L'intendant Pierre Poivre, chargé
par Dupleix d'étudier l'organisation des comptoirs
en Annam, débarque à Fai-Fo au sud de Tourane
et obtient de l'Empereur d'Annam la permission de
s'y établir et d'y faire commerce.
La Métropole ne donne aucune suite à cet accord.
Il visite la Cochinchine qu'il étudie sous le rapport des possibilités d'échange et réunit sur ce sujet
une première documentation.
OCTOBRE 1765 — Le missionnaire Pigneau
de Behaine, futur évêque d'Adran, est affecté à la
mission d'Hatien pour évangéliser les indigènes du
Bas-Cambodge. Il fonde à Hondat un séminaire indigène.
1767 — II devient coadjuteur du vicaire
apostolique de Cochinchine.
1770 — A vingt-huit ans, il est nommé évêque du diocèse de Cochinchine avec le titre
d'évêque d'Adran (il aurait administré jusqu'à
cent mille chrétiens).
1775 — L'insurrection des Tay-Son ayant,
de 1770 à 1776, chassé du Tonkin la dynastie
des Trinh (les Seigneurs du Nord) et de l'Annam
la dynastie des Nguyen (Seigneurs du Sud), et
massacré le roi Due Thuong, son neveu et héritier, Nguyen Anh (futur Gia-Long) se réfugie à
Saigon.
En vue de rétablir la paix et d'asseoir l'influence de la France dans ce pays, l'évêque
d'Adran le recueille.
Il se fixe pour but de l'aider, avec l'appui de la
France, à reconquérir son empire.
1782 — Avec une troupe recrutée en partie
parmi les chrétiens, grâce à l'aide de l'évêque,
Nguyen Anh attaque les Tay-Son à Saigon. Il
échoue mais organise la guérilla autour de la
ville.
Chassé de Cochinchine et du Cambodge, il
se réfugie à Poulo-Condor. L'évêque lui conseille
de faire appel à l'aide de la France et se rend à
Versailles pour appuyer sa requête.
28 NOVEMBRE 1787 — Un traité d'alliance
est signé entre le "Roi de France et de Navarre"
et Nguyen Anh "Roi de Cochinchine". La France
organisera et équipera l'armée annamite de
Nguyen Anh et lui fournira un encadrement de
dix-huit cents hommes à réunir aux Indes. Elle
obtient en échange la cession de Poulo-Condor,
la copropriété du port de Tourane, le monopole du
commerce sur tous les territoires à reconquérir
par Nguyen Anh et une alliance militaire.
JUIN 1789 — Les clauses françaises ne
sont pas respectées. L'évêque d'Adran se fait
homme de guerre.
Avec quelques officiers et volontaires français venus de "l'Ile de France" (Ile Maurice) sur
"La Méduse", il prend en mains l'organisation ces
forces de Nguyen Anh. Il concentre, au Siam,
troupes indigènes et volontaires français puis débarque à Cap Saint-Iacques où il a donné rendezvous à Nguyen Anh. Un officier français, Dayot,
qui a pris le commandement de la flotte cochinchinoise, armée par des annamites, détruit la
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flotte des Tay-Son.
1791-1801 — En dix ans avec l'appui et
les conseils de l'évêque d'Adran et de la mission
militaire française Nguyen Anh reconquiert Cochinchine, Annam et Tonkin.
Victor Olivier construit la citadelle de Saigon, puis celle d'Hanoi. — J.B. Chaigneau est
nommé "Général de l'Armée du Centre".
En 1799, Nguyen Anh rentre à Hué dans le Palais de ses ancêtres. Il est proclamé empereur sous le
nom de Gia-Long et se fera reconnaître par la Chine
en 1804.
OCTOBRE 1799 — Mort de Monseigneur
Pigneau de Behaine. Il a jeté les fondements de
notre future souveraineté en Indochine.
Restauration, Deuxième République,
Second Empire
1820 — Mort de Gia-Long.
Ses successeurs, à commencer par Ming-Mang
(1820-1841), témoignent une hostilité marquée aux
étrangers, persécutent les chrétiens, font mettre à
mort plusieurs missionnaires.
JANVIER 1833 — Un édit de la cour de Hué
prescrit une persécution générale des missionnaires.
Ils sont chassés ou suppliciés. Seul, le mandarin des
provinces du Sud Le Van Duyet, ancien compagnon
de Gia Long, les protège jusqu'à sa mort.
1848 — 1851 — 1855 — Les édits nouveaux décrètent la mort des prêtres européens et indigènes.
Plusieurs missionnaires français et espagnols et de
nombreux prêtres annamites sont exécutés.
1856 — Napoléon III envoie à Tourane le
"Catinat" afin d'obtenir réparation
pour le meurtre des missionnaires. Le Commandant
du Catinat fait occuper les forts mais ne peut obtenir
satisfaction.
1857 —.Le Consul de France à Shangaï — de Montigny — vient à Hué. Il demande l'installation d'un
Consul en cette capitale, la liberté religieuse et des
relations commerciales. Il se voit opposer un refus
formel de l'empereur Tu Duc.
En vingt-cinq ans — 1833-1858 — sept évêques et quinze prêtres français et espagnols sont assassinés.
C'est une croisade religieuse qui, pour une
large part sous l'influence de l'Impératrice Eugénie,
va être à l'origine de la conquête de la Cochinchine.
1858 — Tu Duc fait assassiner l'évêque catholique M. Diaz de nationalité espagnole.
SEPTEMBRE 1858 — Napoléon III décide
d'intervenir. L'amiral Rigault de Genouilly, à la tête
d'une escadre franco-espagnole et de trois mille
hommes de troupe dont huit cents chasseurs tagals envoyés par le Gouverneur des Philippines,
détruit les forts de Tourane et s'empare de la ville.
Mais il n'a pas assez d'effectifs pour marcher sur
Hué, les troupes étant décimées par le choléra. Il
décide d'agir en Cochinchine d'où provient le riz
indispensable au ravitaillement de l'Annam.
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Tombeau de Tu Duc
FEVRIER 1859 — L'Amiral fait occuper puis
détruire la citadelle de Saïgon (commandant Jaureguiberry) incendie les approvisionnements en riz
destinés à l'Annam et met des garnisons dans les
forts du sud de la ville.
NOVEMBRE
1859
— L'amiral Page
(successeur de Rigault de Genouilly) demande à
l'Empereur d'Annam, au nom de Napoléon III, la
liberté des cultes, l'installation de trois consuls
français dans des ports ouverts à notre commerce
et d'un chargé d'affaires à Hué. Tu-Duc oppose un
refus global.
MARS 1860 — Page rejoint avec le gros de ses
forces l'amiral Charner pour participer à la Guerre
de Chine. Il laisse à Saïgon une garnison de sept
cents Français et cent Espagnols sous les ordres
du capitaine de vaisseau français d'Aries et du
colonel espagnol Palanca.
MARS 1860 - FEVRIER 1861 — La garnison
de Saïgon soutient un siège difficile contre une armée de douze mille Annamites.
OCTOBRE 1860 — Fin de la campagne de
Chine. Le traité de Pékin accorde à la France la
protection des missions en Chine et Indochine.
FEVRIER 1861 — Le corps expéditionnaire
de l'amiral Charner (Brigade d'Infanterie de Marine du colonel puis général de Vassoigne) revenu en Cochinchine détruit ou disperse au prix de
pertes sérieuses l'armée régulière annamite fortement retranchée à Chi-Hoa — six kilomètres
de Saigon.
AVRIL 1861 — L'amiral Charner fait, reconnaître le réseau des rivières qui unissent Mékong et Rivière de Saïgon. Après avoir dégagé
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les abords de Saïgon, le général de Vassoigne
(dont la Division d'Infanterie de Marine s'illustrera
à Sedan, en 1870, en détruisant à Bazeilles une
Division bavaroise — épisode de la maison des
dernières cartouches) occupe Mytho. Charner renoue en outre avec le Cambodge des relations
interrompues.
OCTOBRE-DECEMBRE 1861 — L'amiral Bonard, pour assurer la sécurité de Saïgon contre des
bandes de rebelles et de pirates, fait occuper par
de Vassoigne tout le paya de la rive gauche du
Donaï ainsi que Bien-Hoa et Baria.
MARS-JUIN 1862 — Une agitation générale en Cochinchine au cours de laquelle Cholon
est incendiée par les rebelles entraîne une série
d'opérations vers l'ouest et l'occupation de VinhLong.
5 JUIN 1862 — Traité de Hué. Privé du riz
de Cochinchine et menacé d'un soulèvement
chrétien, Tu-Duc signe un traité qui nous cède
les trois provinces de Saïgon, Mytho et Bien-Hoa
ainsi que Poulo-Condor et ouvre à notre commerce les ports de Tourane, Balat et Quang-An.
Nous rétrocédons Vinh-Long. Le traité nous accorde, en outre, une sorte de protection sur l'Annam au cas où son intégrité serait menacée par
des étrangers ou par des insurrections intérieures. L'amiral Bonard devient le premier Gouverneur de Cochinchine.
DECEMBRE 1862 — Tu-Duc soutenant en
sous-main les éléments rebelles à notre tutelle,
une insurrection générale éclate en Cochinchine.
Elle est vigoureusement réprimée.
14 AVRIL 1863 — Tu-Duc ratifie définitivement à Hué le traité du 5 juin 1862 qui nous livre
la moitié de la Cochinchine.
SEPTEMBRE 1863 — Tu-Duc envoie à
Paris une ambassade conduite par Phan Than
Giang pour demander la rétrocession des trois
provinces sachant que le gouvernement impérial
engagé dans la difficile et impopulaire expédition
du Mexique hésite à conserver la Cochinchine.
Giang propose un vague protectorat étendu à
toute la Cochinchine, avec occupation limitée à
Saïgon, Cholon et Cap Saint-Jacques.
Les crédits demandés au budget de 1854 pour la
Cochinchine sont supprimés.
Il faut l'action vigoureuse du Ministre de la Marine
Chasseloup-Laubat, de l'amiral de la Grandière,
gouverneur de Cochinchine et la propagande de
quelques officiers tenaces en séjour en France,
pour sauver notre possession et amener le Gouvernement à s'en tenir au traité de 1863.
Par la force des choses et la ténacité de quelques hommes, la croisade religieuse va se
transformer en une entreprise coloniale.
Cette entreprise sera d'ailleurs une des
plus âprement discutées de la Troisième République, surtout en Indochine derrière laquelle se
profile l'inquiétante silhouette de la Chine.
FEVRIER 1864 — Francis Garnier proclame : "Que la France ne doit pas se proposer
exclusivement pour but l'expansion de son commerce et se contenter du mobile unique de l’appât du gain. Elle a une plus haute mission, celle
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l'émancipation, de l'appel à la lumière et à la liberté des races et des peuples encore esclaves
de
l'ignorance
et
du
despotisme"
A l'origine, pour les pionniers — militaires et explorateurs — il faut le noter, l'action coloniale va
se révéler en Asie comme en Afrique Noire,
comme un moyen de réaliser, dans un monde arriéré, une soif d'idéal, que celui-ci soit religieux,
humanitaire, national ou scientifique.
1866-1867 — Devant l'hostilité de certains
mandarins qui actionnent des bandes armées
contre nous, des opérations minutieusement
préparées d'accord avec le Gouvernement impérial, nous entraînent à occuper toute la basse
Cochinchine repaire de rebelles et de pirates.
Une expédition parcourt la Plaine des Joncs, l'un
de leurs principaux refuges.
L'amiral de la Grandière pacifie, organise
et annexe les trois provinces de l'Ouest VinhLong, Chaudoc et Hatien.
En huit ans, la Cochinchine a été, en totalité, placée sous notre souveraineté.
nationaux la liberté du commerce et de religion et
nous reconnaît le droit d'installer un Résident à la
cour de Pnomh-Penh. Napoléon III hésite à ratifier
de crainte de s'aliéner les Anglais dont il recherche
l'alliance. Il faut encore toute l'insistance et l'autorité
du Ministre de la Marine Chasseloup-Laubat pour le
décider.
Relations avec le Cambodge et le
Laos
RAPPELONS que l'Empire Khmer d'origine et
civilisation hindoues, constitué au VIe siècle s'étendait à toute la Cochinchine, au Cambodge actuel, à
une partie du Siam et du Laos.
La décadence commença au XVe siècle. Dès
cette époque, les Annamites et les Thaïs (d'origine
thibétaine), les uns progressant par les côtes, les autres par les vallées de la Meman et du Mékong, engagent contre les Khmers un long conflit qui, à notre arrivée, était sur le point de se terminer par la disparition du vieil Etat. L'Annam avait, à cette époque, occupé toute la Cochinchine, le Siam, les provinces occidentales du Cambodge : Siemreap, Sisophon, Battambang.
1847 — An-Duong, roi du Cambodge, accepte
de payer tribut à l'Annam et au Siam agissant en coprotecteurs.
1859 — A la mort d'An-Duong, ce n'est
qu'après approbation du Siam, érigé en protecteur,
que son fils Norodom lui succède.
AVRIL 1863 — Considérant que la possession
de la Cochinchine nous donne sur le Cambodge les
anciens droits de suzeraineté de l'Annam, l'amiral
de la Grandière décide pour la sécurité de la Cochinchine et l'avenir commercial de Saigon (qu'il
considère comme l'exutoire du Cambodge et du
Laos) de faire valoir nos droits. Il envoie le lieutenant de vaisseau Doudart de Lagrée en mission
près de Norodom à Pnomh-Penh avec l'aviso "GiaDinh".
11 AOUT 1863 — Doudart de Lagrée, gagne
la confiance et la sympathie de Norodom et réussi: a
négocier un traité de protectorat que l'amiral de la
Grandière vient signer à Oudong le 11 août 1863.
Moyennant notre appui contre les empiétements du Siam, le roi du Cambodge accorde à nos
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Guerrier Khmer
3 JUIN 1864 — Devant ces hésitations, le versatile Norodom accorde, à notre insu, un autre traité
de protectorat aux Siamois. Il accepte de n'être plus
qu'un simple vice-roi, de tenir la couronne royale du
roi du Siam et de payer tribut. Il accepte même une
occupation militaire siamoise. Sous la menace de
Doudart de Lagrée qui fait tirer des salves de tous
les canons de son aviso, Norodom effrayé et craignant de perdre son royaume, revient au Traité
d'Oudong. Le Siam remet la couronne royale qu'il
détient au représentant de la France qui la rend à
Norodom. Celui-ci se couronne lui-même.
25 JUILLET 1867 — Un traité franco-siamois
reconnaît le protectorat de la France sur le Cambodge, mais le Siam conserve les provinces de Battambang et de Siemreap. Il les rendra au Cambodge en 1907.
JUIN 1866 — Doudart de Lagrée, avec Francis Garnier comme adjoint, quitte Saïgon à la tête
d'une petite expédition, pour reconnaître le moyen
et le haut Mékong.
SEPTEMBRE 1866 — II atteint Bassac.
MARS 1867 — II entre à Luang-Prabang et y
séjourne six mois.
18 OCTOBRE 1867 — II pénètre en Chine à
Sze-Mao. Le Mékong devenant impraticable en direction du Thibet, il s'oriente vers le Yunnam en
pleine insurrection à cette époque.
NOVEMBRE 1867 — II atteint le cours supérieur du Song-Koi (Fleuve Rouge) dont Francis Garnier reconnaît la navigabilité qui en fait un débouché
du Yunnam.
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JANVIER 1868 — Doudart pensant retrouver le
Mékong part pour Tong-Tchouen par des pistes de
montagne.
MARS 1868 — Epuisé par un abcès au
foie, Doudart de Lagrée meurt à deux jours de
marche du Yang-Tsé-Kiaiig.
Francis Garnier ramène l'expédition à HanKeou (où il fait la connaissance du négociant
Jean Dupuis qui devait quelques années plus
tard, chercher à utiliser pour son commerce la
voie du Song-Koi et sera à l'origine de la
conquête du Tonkin), puis Shanghai.
29 JUIN 1868 — Francis Garnier arrive à Saigon. Doudart de Lagrée, l'une des plus attachantes figures de notre épopée coloniale, a ouvert la
voie à notre pénétration au Laos.
Broglie est opposé a son occupation militaire, fait
rappeler à Hanoï les forces françaises du Delta.
Son délégué, l'inspecteur des affaires indigènes
Philastre, signe à Hanoï avec les négociateurs de
la cour de Hué une convention stipulant l'évacuation du Delta.
L’Indochine sous la III° République
1871 — La cour de Hué demande au viceroi chinois de Canton aide et assistance pour rétablir l'ordre troublé auTonkin par les bandes armées de pirates chinois, les Pavillons Noirs.
Les autorités chinoises s'adressent à Jean
Dupuis — commerçant français d'Hankéou — pour
doter d'armement et équipement européens les
troupes régulières chinoises devant agir au Tonkin.
1872 — Jean Dupuis, homme d'entreprise,
tempérament ardent, amène à Hanoï une flottille
portant le matériel demandé qu'il compte transporter en Chine par le Fleuve Rouge.
Le maréchal annamite Nguyen-Tri-Phuong lui interdit d'aller plus loin.
Dupuis occupe Hanoï avec ses mercenaires
et fait appel à l'amiral Dupré, Gouverneur de Cochinchine pour débloquer sa cargaison.
1873 — L'amiral Dupré envoie à Hanoï le
lieutenant de vaisseau Francis Garnier — qui, on
l'a vu, a connu Dupuis en Chine et, sans doute,
conçu des projets avec lui pour la pénétration du
Tonkin — avec mission de se livrer à une enquête
sur la situation dans le delta.
30 NOVEMBRE 1873 — Devant les tergiversations des mandarins, d'ailleurs détestés du peuple tonkinois et de leurs troupes, car ils entretiennent le désordre pour en profiter, Garnier, avec un
aviso, deux canonnières et cent quatre-vingt-cinq
hommes, enlève d'assaut la forteresse de Hanoï,
occupée par sept mille Annamites. Puis il profite
de la situation politique favorable pour s'étendre
dans le delta avec quelques centaines d'hommes
dont une certaine proportion de troupes indigènes
soigneusement encadrées.
L'aspirant d'Hautefeuille occupe Bac-Ninh,
le sous-lieutenant Trentinian, Phu-Ly, l'enseigne
de vaisseau Balny d'Avricourt, Hung-Yen.
Francis Garnier est tué près de Hanoï, le 22
décembre 1873, ainsi que Balny d'Avricourt.
L'amiral Dupré, qui n'a pas les moyens de
pacifier le Tonkin et qui sait que le Ministère de
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Jules Ferry
15 MARS 1874 — Le traité de Saigon place sous
notre entière souveraineté les six provinces de
Cochinchine qui nous appartiennent en fait depuis
1867. Il proclame l'entière indépendance de l'Empereur d'Annam vis-à-vis de toute puissance
étrangère (il vise la Chine) et lui promet, sur sa
demande, la protection militaire française. Tu Duc
s'engage à conformer sa politique extérieure à
celle de la France et à ne signer aucun traité politique sans nous en donner connaissance.
Liberté de navigation sur le Fleuve Rouge et
dans chacun des ports ouverts au trafic
(Haïphong - Hai-Duong - Hanoï) où nous pourrons
entretenir un consul et une escorte de cent hommes. Liberté religieuse pour missionnaires et
chrétiens.
La France promet de faire don à Tu-Duc de
cinq vapeurs, cent canons, mille fusils et de mettre à sa disposition des instructeurs militaires et
des ingénieurs.
Le traité de Philastre contient en germe le
protectorat français sur l'Annam dans la mesure
où le gouvernement français sera résolu à en assurer l'exécution.
Mais en raison de certaines de ses clauses,
ce traité soulève de vives protestations aussi bien
en France qu'en Indochine.
Quant à Jean Dupuis, abandonné après le
traité Philastre, il voit ses navires et marchandises
confisqués par les mandarins tonkinois.
FEVRIER 1882 — Le traité de Saigon, très
critiqué, n'est appliqué ni en Annam ni au Tonkin.
La cour d’Annam s’entend avec les chinois pour
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pour l'envoi de troupes régulières chinoises au
Tonkin tandis que les mandarins tonkinois embrigadent à leur solde les Pavillons Noirs et les bandes de pirates et rebelles qui infestent le pays.
Mais c'est le peuple annamite déjà opprimé et
pressuré par les mandarins qui fait les frais de ces
opérations. Aussi leur apparaîtrons-nous comme
de possibles libérateurs.
Tu-Duc provoque, par ailleurs, des troubles en
Cochinchine.
Le Myre de Villers, premier gouverneur civil
de Cochinchine, décide de doubler la garnison
d'Hanoï.
Le capitaine de frégate Henri Rivière est
chargé de l'opération avec un bataillon et une
batterie.
tice.
25 AOUT 1883 — Le traité de Hué reconnaît le
protectorat de la France sur l'Annam et le Tonkin et
nous charge de chasser les Pavillons Noirs du Tonkin d'où doivent être rappelées les troupes annamites.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1883 — Les généraux Brière de l'Isle et de Négrier achèvent l'occupation du Delta tonkinois et abordent la moyenne région.
16 DECEMBRE 1883 — L'amiral Courbet s'empare de Sontay.
1884 — Pour agir contre les troupes régulières chinoises et les Pavillons Noirs, le corps expéditionnaire du Tonkin est porté à quinze mille hommes {il atteindra cinquante mille en 1900).
12 MARS 1884 — Le général Millot s'empare de
Bac-Ninh
défendu
par
vingt-cinq mille chinois.
17 MAI 1884 — La Chine
cède et par le traité de
Tien-Tsin renonce à toute
suzeraineté sur l'Annam
et le Tonkin. Elle reconnaît notre protectorat sur
ces territoires et promet le
rappel de ses troupes régulières.
1er JUIN 1884 — La prise
de Tuyen Quang achève
la conquête du Delta, but
de la campagne entreprise par Jules Ferry.
Mort du commandant Rivière (19 mai 1882)
9 JUIN 1884 — Par le traité dit « Patenotre » l'Empereur d'Annam reconnaît le protectorat de la
AVRIL 1882 — Rencontrant de la part des
France sur l'Annam et le Tonkin. Il accepte un Rémandarins la même hostilité que jadis Francis
sident général à Hué, un Résident à Hanoï. Le RéGarnier, Rivière s'empare de vive force de la citasident général présidera aux relations extérieures
delle d'Hanoï. Puis il occupe Honghaï, Nam-Dinh
de l'Annam-Tonkin. La province des Binh-Tuan
et Haïphong et conquiert le Delta. Mais Annami(Phan-Thiet) rattachée à la Cochinchine est rétrotes, Pavillons Noirs et troupes chinoises font
cause commune et reprennent leurs attaques
cédée à l'Annam. La Cochinchine forme union
contre Hanoï.
douanière avec Annam-Tonkin.
19 MAI 1882 — Rivière est mortellement
23 JUIN 1884 — Une colonne de trois cents
blessé au cours d'une sortie pour dégager la ville.
hommes sous le commandement du commandant
Dugenne partie pour occuper Langson qui devait
Ses troupes se replient sur Hanoï avec des
être évacuée par les Chinois d'après les accords
pertes sérieuses.
de Tien-Tsiri se heurte à cinq mille réguliers chinois
Mais les initiatives de Rivière nous engadont le chef prétend ne pas avoir reçu d'ordres.
gent. Elles vont nous amener à occuper tout le
Dugenne engage le combat qui lui coûte cent cinTonkin.
quante hommes. Il doit battre en retraite. PatenoAVRIL 1883 — Pour défendre le prestige
tre va négocier à Shanghaï. Echec. Le terme "chide la France, sur proposition de Jules Ferry, Prénoiserie" n'est pas un vain mot.
sident du Conseil, le Parlement vote les crédits
nécessaires à une importante expédition confiée
21 JUILLET 1884 — Malgré une violente opposiau général Bouet, Commandant supérieur des
tion, Jules Ferry obtient à une forte majorité les crétroupes de Cochinchine, malgré l'opposition de
dits nécessaires à une action contre la Chine.
Clemenceau et d'une partie des députés ; le
5 AOUT 1884 — L'amiral Lespés bombarde
contre-amiral Courbet est mis à la tête d'une Diviet prend Kelung (Formose) puis l'évacué.
sion Navale du Tonkin.
23-24 AOUT 1884 — En Chine, Courbet pénètre dans la rivière Min hérissée d'obstacles et d'ouJUILLET 1883 — Bouet, de juillet à septembre
vrages défensifs. Il bombarde Fou-Tchéou unique
1883, procède à l'occupation du Delta tonkinois.
port de guerre chinois. Il y détruit la flotte de guerre
19 AOUT 1883 — L'amiral Courbet attaque
chinoise et l'arsenal ainsi que les batteries défenHué et s'empare de ses forts. L'Empereur d'Annam
sives.
Hiep-Hoa, successeur de Tu-Duc, sollicite un armis-
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OCTOBRE 1884 — Courbet et Lespés se présentent à nouveau devant Formose. Courbet occupe
Kelung. Lespés échoue à Tamsui. Courbet propose
d'aller occuper Port Arthur et Wei-Hai-Wei. Jules Ferry, craignant des interventions étrangères, refuse.
JANVIER 1885 — Le général Brière de l'Isle,
Commandant en Chef du Corps Expéditionnaire, dirige sur Langson deux brigades (sept mille hommes)
commandées par le général de Négrier (Légion) et le
colonel Giovanninelli (Infanterie de Marine) tandis
que Tuyen-Quang est confiée à la garde du commandant Dominé.
9 FEVRIER 1885 — Prise de Dong-Son camp
retranché chinois.
15 FEVRIER 1885 — Entrée du général de
Négrier à Langson.
23 FEVRIER 1885 — Entrée du général de
Négrier à Dong-Dang.
3 MARS 1885 — La brigade Giovanninelli
dégage Tuyen-Quang où depuis le 20 novembre
les six cents hommes du commandant Dominé
sont assiégés par quinze mille Chinois qui les attaquent à la sape et à la mine (mort héroïque du
sergent Bobillot).
29-31 MARS 1885 — Courbet par une opération brillamment menée occupe les îles Pescadores et organise le blocus du riz dans les eaux
de la Chine du Nord, seul moyen efficace d'amener la Chine à composition.
24-30 MARS 1885 — Affaire de Langson —
une armée régulière chinoise forte de quarante à
cinquante mille hommes se rassemble au nord
de Langson. Négrier l'attaque en territoire chinois
à Bang-Bo. Devant la supériorité numérique de
l'ennemi, il se replie à Dong-Dang à dix-huit kilomètres au nord-ouest de Langson.
Le 26, il rentre à Langson sans incident. Le
28 un télégramme expédié par le général Brière
de l'Isle sur renseignements du lieutenant-colonel
Herbinger qui vient de remplacer Négrier blessé,
annonce que les Chinois débouchant en grande
masse, Langson a été évacuée, et qu'Herbinger
rétrograde sur Do-Son et Than-Moi. Ce télégramme réclame de nouveaux renforts. En réalité, le 28 mars a été un succès de nos troupes
qui, avec trois mille cinq cents hommes, ont mis
hors de combat à Kin-Lua douze cents Chinois.
L'évacuation de Langson puis de Dong-Son et de
Than-Moi ne s'explique que par l'affolement
d'Herbinger qui, d'après l'enquête dont il fut l'objet, aurait agi en état de surexcitation lui faisant
perdre son self-contrôle.
Le colonel d'Artillerie de Marine Borgnis Desbordes qui remplace Herbinger à la tête de la 2e Brigade réoccupe, sans combat, la plus grande partie
du terrain perdu.
30 MARS 1885 — Le télégramme du 28 février de Brière de l'Isle annonçant l'évacuation de
Langson provoque à Paris des manifestations. Lorsque Jules Ferry se présente le 30 mars à la Chambre pour annoncer l'envoi au Tonkin de dix mille
hommes et demander un crédit de deux cents millions pour le Ministère de la Guerre et cent pour celui de la Marine, il se heurte à une opposition animée par la haine de Clemenceau pour le Président
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du Conseil ; il le somme d'abandonner "le haillon
colonial".
Devant la crainte des élections proches, la demande de crédits est repoussée par trois cent six
voix contre cent quarante-neuf. La Chambre n'ose
cependant pas voter la mise en accusation du Président du Conseil réclamée par un député radical et
un député de droite.
Monarchistes et bonapartistes, unis aux radicaux soutenus par les députés du centre ont, pour
des raisons de politique intérieure ou d'intérêts personnels, renversé le Ministre auquel la 3e République doit la plus grande partie de son domaine colonial.
L’Amiral Courbet
9 JUIN 1885 — Les négociations engagées
par Jules Ferry depuis janvier 1885 se traduisent par
le traité franco-chinois du 9 juin sur lequel Langson
n'a eu aucune influence. La Chine renonce définitivement à la suzeraineté sur l'Annam et le Tonkin et
s'engage à respecter les traités signés entre France
et Annam. Les deux contractants sont d'accord pour
détruire les bandes d'irréguliers qui poursuivent la
guerre, la France au Tonkin, la Chine sur ses provinces contiguës. La Chine promet, pour ses travaux
publics de donner la préférence à des ingénieurs
français. Une convention commerciale francochinoise suivra ce traité en avril 1886.
11 JUIN 1885 — Mort de l'amiral Courbet
(épuisé par ses campagnes) à bord du "Bayard".
Malgré la chute de Jules Ferry, malgré la mort
de l'amiral Courbet, la France a recueilli les fruits de
la politique prudente et ferme de l'homme d'Etat et
de l'action perspicace, vigoureuse et désintéressée
de l'homme de guerre.
Cependant, il faudra encore de longues
années pour assurer la pacification du pays.
7
La pacification du Tonkin
SITUATION EN JUIN 1885 — Les villes et les localités principales sont bien sous notre autorité. Mais il
reste à l'étendre à l'ensemble du territoire des Provinces, à les pacifier, à les organiser administrativement, à développer leur économie au profit des
populations qu'il s'agit de rallier à notre cause. Il
faut donc au préalable débarrasser tout le territoire
des bandes armées de toute nature qui le mettent
en coupe réglée et font vivre les populations dans
la terreur.
Toute la haute région du Tonkin entre le Delta (et
même Hanoi) et la frontière de Chine constitue "une
marche abandonnée à la piraterie et aux chefs de
bandes qui considèrent ce territoire comme leur
fief" (Lyautey). Nos troupes sont partout cernées
dans les postes où elles sont réparties pour marquer notre présence et attester nos droits et notre
autorité.
4-5 JUILLET 1885 — Le général de Courcy,
nouveau Commandant en Chef du Corps Expéditionnaire, chargé des pouvoirs politiques en Annam-Tonkin, se présente devant Hué pour remettre à l'Empereur d'Annam ses lettres de créance.
Sur l'ordre du Régent, nos troupes sont attaquées par des forces annamites. Celles-ci sont repoussées. Le général de Courcy déporte le Régent
et dépose l'Empereur. En septembre 1881, il choisit
un nouveau souverain, Dong-Khan, le gouvernement ayant résolu de maintenir le régime du protectorat tandis que le Général proposait la déchéance
de la dynastie et l'annexion pure et simple de l'Annam et du Tonkin.
Le Lt-colonel Pennequin
JANVIER 1886 — Le général de Courcy est
remplacé par un Résident civil, Paul Bert, nommé
Résident Général de l' "Annam et du Tonkin".
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OCTOBRE 1887 — La Cochinchine et le
Cambodge, colonies qui relèvent du Ministère de la
Marine, l'Annam et le Tonkin, protectorats, qui relèvent des Affaires Etrangères, sont groupés en une
seule Fédération administrée par un Gouverneur
Général dépositaire des pouvoirs de la République
Française.
1886-1891 — Un ensemble d'opérations est
dirigé sur toute la haute et moyenne région contre
les bandes armées, mais sans grand succès. Les
colonnes pourchassent les bandes insaisissables
qui se dérobent en les harcelant puis réoccupent le
terrain quand elles sont passées. Dans ce pays très
couvert, nos colonnes subissent de fortes pertes qui
augmentent le prestige des chefs rebelles auprès
des populations à leur merci. L'administration civile
trop tôt mise en place et impuissante hors des lieux
de résidence a tendance à adopter la solution facile
qui consiste à tolérer cette situation de fait qui rend
impossible, cependant, l'établissement de notre autorité et nuit à notre prestige près des populations
que nous sommes incapables de protéger.
Si la pacification du Delta est à peu près achevée vers 1890, on se bat encore parfois aux portes
même d'Hanoi. L'insécurité règne dans la haute et
moyenne région où toute organisation administrative
se heurte à l'action des bandes.
1891 — M. de Lanessan est nommé Gouverneur Général de l'Indochine. Il décide de faire procéder à une occupation méthodique et progressive de
tout le Tonkin. Il divise la Haute Région en quatre
territoires militaires dont les chefs-lieux sont a SeptPagodes, Langson, Cao-Bang et Lao-Kay.
L'œuvre est entreprise par le général Duchemin,
Commandant Supérieur, secondé par le lieutenant-colonel Pennequin, le colonel Servière et le
colonel Gallieni.
1892-1836 — De 1892 à 1896, le colonel Gallieni joue le rôle essentiel dans la pacification du Tonkin comme commandant du 1er Territoire à SeptPagodes puis du 2e à Langson. De 1894 à 1896, il a
Lyautey comme chef d'Etat-Major. Gallieni y met au
point les principes de pacification et d'organisation que son élève Lyautey appliquera par la suite
au Maroc en y ajoutant la marque de son génie
propre. Au lieu de lancer des colonnes qui ne font
que passer et n'occupent pas le terrain en permanence, il applique la politique de la tache d'huile.
Il édifie une barrière solide de postes à l'abri desquels on trace des routes et ouvre des marchés
et des écoles. Progressivement la ligne des postes est portée en avant assurant la pacification et
l'organisation d'un territoire de plus en plus vaste.
En outre, Gallieni n'hésite pas à armer les villages
menacés par les pirates et leur fournit tous les
moyens d'organiser une défense efficace. La méthode obtient un plein succès, complétée par une
étroite combinaison de l'action politique et militaire. . "Tout mouvement de troupe en avant doit
avoir pour sanction l'occupation officielle et définitive du terrain". En 1896, la pacification est à peu
près terminée. Cependant les opérations contre le
De-Tharn, le plus dangereux chef de bande, se
poursuivront jusqu'en 1909 et il ne sera tué qu'en
1913.
8
NOVEMBRE 1897 — Alors que la pacification semble achevée, le Gouvernement Général,
pour créer un climat d'apparente sécurité favorable au lancement d'un emprunt de deux cents millions de francs, accepte la soumission du DeTham. Réinstallé dans son fief, il devient à nouveau le centre d'attraction de toutes les bandes
dispersées de 1891 à 1896.
ternationale, favorisé par une propagande antifrançaise menée par des agitateurs étrangers, à
l'intérieur même de l'Indochine, ne cesse de se
développer. Il se traduit par des attentats et des
révoltes locales (Yen-Bai, Vinh et Hatinh en 1930)
auxquelles ont même pris part des tirailleurs.
Un avion survole pour la première
fois le sol de l’Indochine
DE 1905 A 1908 — Exploitant la victoire
des Japonais contre les Russes (victoire des Jaunes contre les Blancs), il prend figure de chef rebelle s'insurgeant contre la domination étrangère,
et fomente des soulèvements. Il tente même de
soulever les troupes indigènes d'Hanoï. Les bandes réapparaissent et font régner l'insécurité et le
pillage dans le Haut-Tonkin.
JANVIER 1909 — Une série d'opérations,
préparées en grand secret., est déclenchée le 29
janvier contre le De-Tham. Elle dure onze mois,
nous coûte cent tués et cent soixante blessés. Le
De-Tham nous échappe mais il est définitivement
isolé. C'en est fini de la résistance de ses bandes.
9 FEVRIER 1913 — Menant une existence
de bête traquée, le De-Tharn est tué le 9 avril
1913 par les partisans de l'ancien chef pirate rallié, Luong-Tam-Ky.
EN 1913 — Des attentats à la bombe, à caractère politique, organisés par des sociétés secrètes hostiles à notre souveraineté ont lieu à
Saigon et Hanoï. Une opposition politique à notre
tutelle commence à se manifester parmi les évolués.
1914-1918 — Les troubles continuent, pendant la guerre, encouragés par des agents allemands expulsés d'Indochine et réfugiés au Siam.
L'Empereur d'Annam, qui nous est hostile, est déposé. Cependant, l'Indochine participe activement
à l'effort de guerre.
1918-1939 — Dans les années qui suivent la
guerre, le calme n'est jamais complètement rétabli. Le développement de l'anarchie dans les Provinces chinoises du Sud-Est à l'origine d'incessantes incursions de bandes chinoises aux frontières du Tonkin et du Laos. Le mouvement nationaliste annamite, encouragé par la propagation
des principes Wilsoniens et appuyé par la IIIe In-
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Elles entraînent des répressions meurtrières qui
sèment, là où elles se sont produites, des haines
inextinguibles.
Le passage d'une économie rurale élémentaire à une économie plus évoluée et partiellement
industrielle amène la création d'un prolétariat particulièrement exposé aux propagandes extérieures.
Il existe, tant dans les milieux intellectuels formés
aux disciplines occidentales, qui estiment ne pas
avoir la place qui leur revient dans la gestion des
affaires de leur pays que parmi certains éléments
miséreux du peuple, un mécontentement qui, à la
suite de nos revers de 1940, de la perte de prestige qui s'ensuivit et surtout de l'occupation japonaise, devait tourner à l'hostilité déclarée.
L’occupation du Laos 1885-1890
1 8 8 6 — Le Laos, comme jadis le Cambodge,
est menacé à la fois par l'expansion siamoise et
l'expansion annamite. Les Siamois, accompagnés
d'agents anglais (l'Angleterre a annexé le 11 janvier
1886 la Birmanie et les Etats Shans dont Jules Ferry
voulait faire un tampon entre possessions françaises et anglaises) occupent Luang-Prabang et pénètrent jusqu'à Muong-Son. Mais l'action de notre
premier vice-consul à Luang-Prabang, Auguste Pavie — ancien engagé dans l'Infanterie de Marine
(1869-1870) puis fonctionnaire aux P.T.T. en Cochinchine, enfin explorateur de premier plan, — va
déjouer les projets siamois. Pavie parcourt tout le
Laos en pleine anarchie et rallie à notre cause de
nombreux chefs indigènes dressés les uns contre
les autres.
9
19 FEVRIER 1888 — Pavie rencontre près de
Son-La un détachement de troupes françaises venues d'Hanoï : Première liaison Laos-Tonkin.
13 MAI 1888 — Pavie, seul, se rend de LuangPrabang à Hanoi.
AOUT 1888 — II en repart accompagné du
commandant Pennequin et d'une escorte. Tous deux
remontent la Rivière Noire et annexent le Haut-Laos.
Ils réussissent après certains actes initiaux d'hostilité
à gagner la confiance de Deo Van Tri, chef des Méos
du Laos, qui accepte notre protection contre le Siam
et l'établissement de postes français dans sa région.
SEPTEMBRE 1888 — Pennequin renforcé par
des Méos occupe Dien-Bien-Theng. Les Thaïs acceptent notre souveraineté pour se défendre contre les
troupes siamoises.
DECEMBRE 1888 — Tout le Haut-Laos est
occupé sans un coup de fusil grâce à Auguste Pavie
et Pennequin.
1890 — Notre protectorat est établi sur le
Royaume de Luang-Prabang et les Etats du Laos.
cause, par intérêt, par culture commune et surtout par sympathie, les éléments divers d'une société indigène très variée.
La Pacification des pays Moïs et
Khas (1905-1936)
Annamites, Laotiens (Thaïs) et Cambodgiens
(Khmers) ne sont pas les premiers autochtones de
l'Indochine. Les uns et les autres sont des envahisseurs. A l'origine, elle était occupée par les Moïs
("sauvages" en annamite) ou Khas ("sauvages" en
laotien) de même race, eux-mêmes mélange de malais et de polynésiens, plus près de la race rouge
que de la race jaune (beaucoup d'analogies avec les
Peaux-Rouges d'Amérique du Sud).
Les invasions successives ont refoulé les
Moïs des côtes et des deltas dans la chaîne annamitique, couverte d'une forêt primaire continue, entre
la Haute-Sékong (à l'ouest de Hué) et la côte de Cochinchine vers Phan-Thiet.
Ils sont divisés en de nombreuses tribus dispersées,
compartimentées par la nature montagneuse de
leur pays, parlanl des dialectes différents (bien
que tous de même racine).
La population moï et kha pouvait être évaluée à
un million cinq cent mille.
Moïs et Khas sont les hommes de la forêt où ils
vivent comme poissons dans l'eau.
La "Cordillère" annamitique est demeurée leur
domaine inviolé où, ni Chinois, ni Cambodgiens,
ni Annamites, ni Thaïs, n'ont cherché à pénétrer. Ils y mènent une vie très primitive (riz de
montagne, chasse, pêche, un peu d'élevage)
mais sont animés d'un farouche esprit d'indépendance.
Monument d’Auguste Pavie
à Vientiane
JUILLET 1893 — A la suite d'incidents avec
le Siam aux frontières du Cambodge et du Laos,
une flottille française vient s'embosser dans la Méman devant Bangkok. Reçue à coups de canons,
elle procède au blocus des cotes siamoises.
AOUT 1893 — Un accord franco-siamois fixe
les frontières communes avec le Cambodge et le
Laos.
1895 — Un accord avec l'Angleterre fixe les
limites communes de la Birmanie et du Laos (région
d'Houei-Sai).
Nous sommes les maîtres incontestés d'un riche territoire de 730.000 km2 qui s'étend de la pointe
de Camau à la frontière de Chine.
Il reste à en achever la pacification, à l'organiser, à développer son économie, à la moderniser, à y faire œuvre humaine, à lier notre
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1905-1914 — La première pénétration se
fait assez facilement à partir de la Côte est
(Phan-Rang - Nhatrang en Sud-Annam) sur la
zone des Hauts Plateaux de parcours facile, du
Darlac puis du Kontoum (Pays des Rhadés, Sedangs, Djaraïs et Banhards). De 1905 à 1912,
elle est surtout l'œuvre de l'administrateur Sabotier et de ses miliciens et d'un aventurier français
qui se baptise Marie 1er Roi des Sedangs.
Celle des multiples tribus de la montagne
forestière se révèle beaucoup plus difficile du fait
même des obstacles d'un pays couvert d'une forêt dense et de l'esprit d'indépendance de ses
habitants.
Elle est entreprise progressivement à partir
de 1903 par un Administrateur audacieux et
d'une rare énergie, Maitre, par le Cambodge.
Mais Maitre est tué, en juillet 1914, par les Moïs,
sa petite troupe détruite près du nœud des trois
frontières (Cochinchine, Annam, Cambodge)
ainsi que quelques postes qu'il avait fondés
dans le Sud du Cambodge et occupés par des
miliciens. L'œuvre de cinq années d'efforts est
réduite à néant.
10
1918 — Sur le versant ouest de la Chaîne
d'Annam, seule la région de Voeune Sai au nord
de la Srepok (est de Stung-Streng) reste partiellement contrôlée par nous.
1918-1933 — La pénétration est tentée à
nouveau de l'Ouest, du Laos à la Cochin-chine,
par des administrateurs du pourtour actionnant
des miliciens. Les Moïs et Khas, hostiles à la pénétration européenne, s'y opposent par tous
leurs moyens.
Au total, entre 1905 et 1933, seize chefs de
provinces ou de délégations françaises du pourtour des pays moïs et khas cherchant à les placer sous notre autorité sont tués ainsi que de
nombreux miliciens.
gnes et forêts en tous sens de la Cochinchine au
Bas-Los et obtenu la soumission successive de
toutes les tribus,
Sa tâche, en dépit des obstacles de la forêt
et des déboires sanitaires qu'elle occasionne, est
facilitée par les différends qui séparent les tribus,
conséquences de multiples griefs ancestraux résultant de l'insuffisance des espaces vitaux —
aux très maigres ressources — de chacune d'elles. Toute tribu soumise fournit renseignements,
émissaires, guides, porteurs, travailleurs et souvent partisans pour agir contre la voisine. C'est de
la sorte que les plus petites bandes peuvent être
atteintes au fin fond de la forêt jusqu'alors impénétrée.
La création de postes, l'ouverture de pistes
praticables aux véhicules automobiles complètent
un réseau de bons sentiers de forêts entretenu
par les Mois, permettent l'exercice réel de notre
autorité sur ce pays de parcours si difficile qui
nous fournira d'excellents tirailleurs.
Cette fois l'Indochine toute entière est placée sous notre tutelle et notre autorité s'exerce
sur toute son étendue.
C'est l'œuvre de soixante-dix-sept ans d'efforts
continus (1859-1936).
Le flux de notre entreprise Extrême-Orientale
a tout recouvert. *
Hélas le reflux va le suivre de près.
Après la capitulation japonaise d'août 1945, des
interventions étrangères des plus pernicieuses qui
n'émanaient pas uniquement du camp exennemi — jointes à l'absence de clarté, de fermeté et de continuité dans les desseins gouvernementaux et aux sérieuses lacunes de notre organisation de défense impériale, vont placer
constamment le commandement militaire en Indochine en présence de problèmes insolubles militairement avec les moyens mis à sa disposition.
Femme Moï
DECEMBRE 1933-JUILLET 1936 — A la
suite de l'assassinat et de la torture du Délégué
Français de Nui-Bara et de l'attaque du poste de
Bou-Coh (Cochinchine) par les Moïs (août 1933),
le Gouverneur Général Robin décide de pacifier
définitivement cette dernière zone d'Indochine encore inconnue qui échappe encore à notre autorité
et confie cette fois la pacification à l'autorité militaire. Un chef de bataillon d'Infanterie Coloniale
en est chargé. Il y parvient en trois ans après
avoir atteint et détruit dans leurs repaires de forêts et de montagnes, qu'ils croyaient inviolables,
les trois chefs principaux qui animaient la lutte
contre notre pénétration (Yang en Cochinchine en
avril 1934, Pu Trang-Lung au Cambodge en mai
1935 — celui là même qui avait tué Maître de sa
main puis détruit sa petite colonne et nos postes
du Sud du Cambodge en 1914 — Komadam
dans le Bas-Laos, juillet 1936), parcouru monta-
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Malgré le dévouement, le courage, l'esprit
de sacrifice et souvent l'héroïsme des troupes de
métier européennes et indigènes des T.F.E.O. —
l'élite de l'Armée Française — ce défaut constant
d'ajustement des moyens militaires et des buts politiques, joint à l'insuffisance de nos institutions militaires, va nous conduire, d'épreuves en épreuves, à l'épilogue de Dien-Bien-Phu et à la liquidation de Genève.
Tardive et tragique adaptation finale de notre politique indochinoise à l'état militaire et moral
de la Nation, face aux obligations et aux sacrifices
que comportait, au lendemain de la Libération, la
fondation d'une grande Union Française englobant, avec des statuts particuliers adaptés aux circonstances, toutes les possessions d'outre-mer
héritées des générations précédentes.
Général NYO.
Paru dans la revue
TROPIQUES n°378
de novembre 1955
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