Les droits des organisateurs sportifs dans l`Union européenne

Les droits des organisateurs sportifs dans l'Union européenne
18 Juin 2014
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Lancée en janvier 2013, une importante étude consacrée aux droits des organisateurs sportifs
dans l'Union européenne a été réalisée par l'ASSER Institute en collaboration avec de
nombreux spécialistes internationaux parmi lesquels figure Fabienne FAJGENBAUM (Cabinet
Nataf Fajgenbaum & Associés) pour la France, pays précurseur dans ce domaine avec
notamment la consécration dans le Code du sport du droit au pari. Cette dernière nous fait part
des résultats, récemment publiés, de cette étude et des recommandations faites en la matière.
Le sport joue un rôle majeur dans les économies nationales et
internationales, à la fois en termes de PIB et d'emploi. La portée
sociale du sport, notamment à des fins d'éducation, ne doit pas
non plus être négligée. Surtout, le sport amateur trouve bien
souvent une importante source de financement dans les
recettes redistribuées par le sport professionnel.
La protection juridique des organisateurs de manifestations sportives est donc un enjeu majeur. Il est
en effet essentiel de fournir à ces organisateurs des outils juridiques adaptés pour lutter contre les
atteintes qui sont portées à leurs intérêts légitimes, que ce soit par la retransmission non autorisée de
matchs télévisés (streaming en live, etc.) ou l'utilisation non autorisée d'événements sportifs par les
opérateurs de paris sportifs. Il est surtout urgent que le régime de protection des manifestations
sportives soit adapté aux nouvelles menaces auxquelles elles sont confrontées, notamment par le
biais d'Internet. A cet égard, la reconnaissance explicite du droit pour les organisateurs d’événements
sportifs de consentir à l'organisation de paris sur leurs manifestations par la loi n° 2010-476 du 12 mai
2010 a démontré la grande réactivité du législateur français et sa capacité d'adaptation des moyens
juridiques aux évolutions techniques. La France peut incontestablement s'enorgueillir d'être pionnière
en la matière.
Quel est l’objectif de cette étude consacrée à la protection des droits des organisateurs
d’événements sportifs ?
L’objectif principal de l’Etude ASSER (ci-après, l'Etude) était de fournir une analyse complète et
critique des droits liés aux événements sportifs (droits des organisateurs sportifs) dans les 28 Etats
membres de l'Union européenne (UE), en tenant notamment compte des dispositions du droit de l'UE.
Sans surprise, l'Etude met en lumière des divergences de réglementation selon les pays quant à la
nécessité, la forme et l’étendue d'une protection juridique accordée aux organisateurs de
manifestations sportives. La nature complexe de ces droits et l'antagonisme des intérêts en cause
expliquent largement l'approche différente adoptée en fonction de la culture juridique de chaque pays.
Aujourd’hui, quelle est la situation en Europe des organisateurs d’événements sportifs ? De
quelle protection peuvent-ils bénéficier ?
La première partie de l’Etude ASSER est consacrée à la nature de la protection juridique qui est
actuellement accordée aux organisateurs d’événements sportifs à travers l'Europe. Elle révèle
notamment l'existence d'un "house right" reconnu par les juridictions de plusieurs Etats membres, plus
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particulièrement aux Pays-Bas, en Allemagne et en Autriche. La majorité des événements se
déroulent en effet dans des installations dont les organisateurs sont propriétaires ou sur lesquelles ils
détiennent un droit d’usage exclusif. L'organisateur jouit donc en pratique du pouvoir d'écarter tout
individu ou média non autorisé des installations concernées et ainsi d’imposer des conditions
contractuelles d’accès. Il se trouve donc libre d’établir des accords spéciaux avec certains diffuseurs
audiovisuels et de leur réserver l’exclusivité de l’enregistrement et de la diffusion de l’événement
sportif.
A noter que le "house right" n’est pas une catégorie juridique en tant que telle mais correspond à une
expression consacrée par les doctrines et tribunaux locaux. Il s'agit donc d'une forme de protection
par défaut. L'Etude conclut que la combinaison du "house right", des contrats d’exploitation et de la
protection des contenus audiovisuels par les droits de propriété intellectuelle, permet aux
organisateurs d’événements sportifs de contrôler et d’exploiter de manière exclusive ces contenus. Le
système du "house right" trouve naturellement ses limites s'agissant du streaming, qu'il ne permet pas
d'empêcher ; par ailleurs, il ne peut trouver d'application concrète que pour des manifestations ayant
lieu dans des enceintes fermées.
S'agissant du droit d'auteur, l'Etude relève que, suite à l’arrêt "Football Association Premier League
Ltd C/ QC Leisure " de la Cour de Justice, les juridictions des 28 Etats membres de l’Union
européenne ont massivement jugé qu'un événement sportif ne peut pas être considéré comme une
œuvre de l’esprit (cf. CJUE, 4 oct. 2011, aff. C-403/08). De même, un consensus semble exister pour
écarter (sauf circonstances particulières) les athlètes du régime de protection des artistes-interprètes.
Abordant la question de la protection des manifestations par le droit de la concurrence, l'Etude
constate la difficulté rencontrée par les organisateurs de manifestations sportives à invoquer ce
fondement pour protéger la valeur commerciale de leurs événements contre l'appropriation illicite par
des tiers. Toutefois, les tribunaux du Danemark ont, en une occasion particulière, protégé la valeur
d'événements sportifs dans une théorie de l'appropriation illicite.
Existe-t-il dans certains pays européens des protections particulières, spécialement mises en
place au bénéfice des organisateurs d'événements sportifs ?
L’Etude souligne que cinq Etats membres (France, Bulgarie, Grèce, Hongrie et Roumanie) ont mis en
place des protections spéciales pour les organisateurs d’événements sportifs dans le cadre de lois sur
le sport.
Le système français est incontestablement le plus abouti. L’article L. 333-1 du Code du sport dispose
en effet que les fédérations et organisateurs d’événements sportifs sont propriétaires des droits
d’exploitation des événements ou compétitions sportives qu’ils organisent. La Cour d’appel de Paris a
défini le champ d’application de ce droit comme recouvrant chaque et toutes les activités
économiques générant des profits qui n’auraient pas existé si l’événement sportif n’avait pas existé.
Les tribunaux et cours français interprètent donc ce droit de manière extensive, lequel recouvre aussi
bien les images prises durant la manifestations, que la captation des compétitions et la publication
d'un livre dédié à l’événement. Cette expansion a finalement débouché sur le droit de consentir à
l'organisation de paris sur les manifestations sportives, consacré à l'article L. 333-1-1 du Code du
sport.
La législation bulgare prévoit que les clubs de sport sont titulaires des droits de diffusion des
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événements sportifs qu’ils organisent, dans le respect des règles établies par les fédérations (article
13 § 3 de l’Acte relatif à l’éducation physique et aux sports). Des règles similaires existent en Grèce
(article 84 § 1 de la loi n° 2725/1999 relative au sport amateur et professionnel), en Hongrie (article 36
§ 1 du Sport Act) et en Roumanie (article 45 de la loi sur le sport).
Dans d'autres pays, l'Etude rapporte que les droits des organisateurs de manifestations sportives sont
organisés et réglementés à travers les statuts des fédérations sportives, quand bien même ces
derniers ne lient naturellement que les membres des fédérations et associations. L’Etude donne
notamment l'exemple de la Ligue professionnelle de football espagnole, ayant prévu à l'occasion
d'une de ses assemblées générales que l'exploitation des droits de diffusion audiovisuelle de matchs
nécessite l'autorisation des deux clubs protagonistes ; les statuts de l’Association de football tchèque
prévoit que les droits d’exploitation sont garantis à tous les niveaux aux organisateurs de la
compétition ; le Portugal et la Suède organisent également ces droits par l’intermédiaire des
règlements des fédérations et associations sportives.
L'Etude aborde également la question du droit à l'image des sportifs. Quel type de protection
est prévu à cet égard dans les pays européens ?
L'Etude relève que, à la différence du droit d'auteur et des droits voisins, la protection du droit à
l'image n'a fait l'objet d'aucune harmonisation au niveau communautaire. Sa protection s'appuie donc
sur des doctrines juridiques différentes selon les pays, que ce soit sur le fondement des droits de la
personnalité ou du droit au respect de la vie privée et familiale. La protection et sa portée varient donc
d'un pays à l'autre.
Si des pays comme la France, l’Allemagne et les Pays-Bas garantissent une protection minimale du
droit à l’image des sportifs contre toute exploitation non autorisée à des fins commerciales, le
Royaume-Uni ne reconnait aucune protection similaire.
De façon logique, plusieurs décisions récentes en Allemagne et aux Pays-Bas ont eu l'occasion de
rappeler que les sportifs ne peuvent pas invoquer leurs droits à l’image pour bloquer ou réclamer une
compensation pour la diffusion audiovisuelle des événements sportifs auxquels ils participent. Ces
décisions s’appuient sur le droit à l’information et l’intérêt du public et confirment donc qu'aucune
autorisation n'est nécessaire pour un usage de l'image d'un sportif à des fins d’information.
Certains Etats membres ont choisi d'adopter des règles spéciales s'agissant du droit à l'image des
sportifs. A titre d'exemple, la loi sur le sport adoptée en 2010 par la Pologne confère le droit aux
associations sportives nationales d’exploiter économiquement et commercialement les images des
sportifs qui portent les couleurs du pays. En Hongrie, les clubs sportifs doivent obtenir l’accord exprès
et écrit de leurs joueurs concernant le sponsoring et le merchandising. En Espagne, un décret royal
prévoit que l’image des sportifs peut être exploitée par leur club.
Une harmonisation des régimes de protection des droits des organisateurs d'événements
sportifs est-elle envisageable en Europe ?
En définitive, l'Etude constate que dans l’immense majorité des Etats membres, les droits des
organisateurs d’événements sportifs sont ancrés dans le droit général des contrats et le droit de
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propriété, lesquels ne sont que peu susceptibles à courte échéance d’être harmonisés au niveau
européen. C’est aussi le cas en ce qui concerne les droits à l’image des athlètes, qui sont protégés de
manières hétérogènes et selon des doctrines juridiques divergentes d’un Etat membre à l’autre, sans
que la sécurité juridique puisse être garantie.
L'Etude conclut qu'une protection renforcée des organisateurs des manifestations sportives est
légitime du fait de la valeur médiatique éphémère de nombre de ces événements. Ces manifestations
perdant le plus souvent leur intérêt une fois la couverture en direct achevée, les organisateurs ont le
plus grand intérêt à obtenir une protection juridique leur permettant de lutter rapidement et
efficacement contre le piratage des retransmissions en direct. Emettant des doutes quant à la mise en
œuvre de ces mesures de protection, l'Etude se contente finalement de recommander "de proposer
des réponses adaptées dans le cadre d’une révision générale de la Directive sur l’exécution des droits
de propriété".
La deuxième partie de l’Etude ASSER s'est attachée à examiner la manière dont les droits des
organisateurs d’événements sportifs sont organisés dans le domaine des médias. Existe-t-il
une harmonisation sur cette question au sein de l'Union européenne ?
Il apparaît que, dix ans après la décision UEFA Champions League (cf. Déc. Comm. CE, 22 mars
2006, COMP/38.173, Joint selling of the media rights to the FA Premier League), la vente centralisée
des droits est devenue la pratique usuelle en Europe, à l'exception de Chypre, du Portugal et de
l’Espagne dont les droits des clubs de première division de football continuent à être commercialisés
individuellement.
L'Etude souligne que la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’UE a eu un impact substantiel
sur la vente des droits liés aux événements sportifs dans l’UE. L’analyse comparée qu'elle a menée
révèle que la plupart des autorités nationales de la concurrence ont adopté l'ensemble des mesures
correctives de la Commission européenne. A titre d'exemple, l’interdiction d’avoir recours à un
acheteur unique est de plus en plus largement appliquée au niveau national. Seule la question de la
durée de l’exclusivité continue de donner lieu à des décisions autonomes par les autorités nationales.
Au regard du rôle important joué par la Commission européenne dans la mise en œuvre uniforme du
droit de la concurrence de l’UE, l’Etude recommande donc que la Commission fournisse des
recommandations et/ou évalue les points de vues divergents des autorités nationales de concurrence
sur la durée acceptable de l’exclusivité des droits de retransmission d’événements sportifs et l’impact
des lots de droits concernant les événements populaires et destinés à plusieurs plateformes
médiatiques sur les petits fournisseurs de contenus.
Qu'en est-il de la question importante du droit aux "brefs extraits" ?
Les " brefs extraits " visent à assurer au public le droit de recevoir l’information concernant des
événements d’importance majeure dont des diffuseurs ont acquis l’exclusivité des droits de
retransmission. En pratique, l'ensemble des diffuseurs se voit garantir un accès minimal à certains
événements sportifs et est autorisé à en prélever de brefs extraits afin de les diffuser dans le cadre
d'émissions d'information.
Rappelons que le droit au bref reportage d’actualité, consacré à l’article 9 de la Convention
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européenne sur la Télévision transfrontière ainsi qu'à l’article 15 de la Directive "Services de médias
audiovisuels", a été transposé dans les systèmes juridiques des 28 Etats membres de l’UE. La plupart
des Etats membres ont transposé la Directive dans des lois ou règlements préexistants relatifs aux
services audiovisuels. Par exception, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni ont intégré le droit aux
brefs extraits directement dans leur réglementation sur le droit d’auteur. En France, ce droit est codifié
au sein du Code du sport.
La Directive "Services de médias audiovisuels" a laissé une grande latitude aux Etats, en particulier
dans la définition des conditions et les modalités de la provision des brefs extraits mais aussi dans la
définition de la notion d’"événement de grand intérêt pour le public".
Si les législations nationales apparaissent comme globalement harmonisées, il est intéressant de
revenir brièvement sur les principales divergences entre pays de l'UE.
L'Etude révèle que la plupart des Etats membres garantissent directement l’accès au signal du
diffuseur officiel. Les législations de neuf pays (Belgique, Bulgarie, Croatie, Allemagne, Hongrie,
Malte, Pologne, Roumanie et Espagne) permettent également l’accès au site même de l'événement
sportif. La législation polonaise précise toutefois que l'accès au signal du premier diffuseur n'est
autorisé que si le second diffuseur n’a pas eu la possibilité d'accéder aux installations sportives pour
préparer son propre bref reportage.
La plupart des Etats membres prévoient que les courts extraits ne doivent être diffusés que dans le
cadre de programmes d’information générale. En Belgique, en Bulgarie et à Chypre, leur utilisation est
également permise dans les émissions d’affaires publiques. La Pologne et le Danemark autorisent
quant à eux leur usage dans des programmes sportifs ou sur une chaîne consacrée au sport.
S'agissant des conditions de compensation, dont la Directive prévoit qu'elle ne doit pas excéder le
coût additionnel subi par le premier diffuseur pour permettre l’accès au second, le Danemark, la
Finlande, la Suède et le Royaume-Uni ont opté pour la gratuité. En Allemagne, le premier diffuseur
peut actuellement réclamer une compensation équitable. L'Espagne limite quant à elle la
compensation aux coûts de l’assistance et de la préparation du résumé d’actualité.
La Directive laisse également aux Etats la liberté de fixer la durée maximum des extraits, tout en
proposant une limite de 90 secondes dans son considérant 55. A ce jour, 21 Etats membres ont
adopté cette durée, tandis que les autres Etats ont adopté des durées plus courtes (Royaume-Uni : 60
secondes, Hongrie : 50 secondes) ou plus longues (Belgique flamande, Chypre et Espagne : 180
secondes). Plus pragmatiques, les Pays-Bas ont prévu une dérogation de 180 secondes lorsque les
moments déterminants de la compétition durent eux-mêmes plus de 90 secondes. En Suède, la loi se
contente de préciser que les brefs extraits ne doivent pas être plus longs que ce qui est justifié par
l’information, aucune durée maximale n'étant expressément fixée.
La Directive "Services de médias audiovisuels" ne donne pas davantage d'indications concernant le
délai d’attente à respecter avant de diffuser les brefs extraits. Un délai de 20 minutes après la fin de
l’événement est donc nécessaire en Belgique wallonne, porté à 1 heure en Italie. Dans certains pays,
l’extrait peut être diffusé directement après la fin de l’événement (Malte, Lituanie), ou après la diffusion
de l’événement par le premier diffuseur (Belgique flamande, Danemark, Finlande, Pays-Bas,
Roumanie). S’agissant de la période de diffusion, elle débute le plus souvent à la fin de l’événement
pour une durée de 24 heures (Autriche, Bulgarie, Malte, Pologne, France), 36 heures (Portugal), voire
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