cahier théâtre
En coulissE!
VOLUME 1, NUMÉRO 1 | HIVER-PRINTEMPS 2015
CYAN MAGENTA
DIE CUT PMS XXX
YELLOW BLACK
PMS XXX PMS XXX
Approbation
Bien que tous les e orts aient été mis en œuvre
pour éviter toute erreur, S.V.P., bien vérifi er
cette épreuve. Notre responsabilité se limite
au remplacement des fichiers finaux. 100�% 50�% 0�%
A111581_Ann_Prog_Comedie_Humaine
2013-09-11 pd
Épreuve #1 Page 1 FINAL-LIVRÉ
Agence�: Graphiques M&H
Titre�: HQ est heureuse de...
No d’annonce�: 2013-251
Format�: 8” x 2”
Couleur�: Noir et blanc
Publication�:
Cahier pédagogique de la
Comédie Humaine
Parution�:
Édition
2013
Matériel requis le�: 11 septembre 2013
GRAPHIQUES M&H
87, RUE PRINCE, BUREAU 310
MONTRÉAL QC H3C 2M7
T. 514 866-6736 | [email protected]
A111581
Hydro-Québec est heureuse
de jouer un rôle dans
la promotion du théâtre.
MOt DU cONcePteUr
et MetteUr eN ScÈNe
MartiN LaViGNe
Cher public,
Concevoir un spectacle sur notre théâtre québécois est l’une des choses les
plus passionnantes qu’il m’ait été donné de faire et ce, pour de nombreuses
raisons. La plus évidente est sans aucun doute le fait qu’un tel travail nous
permet de se découvrir, à travers l’art de la scène, en tant que peuple.
C’est, en quelque sorte, un retour aux sources.
J’ai toujours aimé l’histoire, et raconter la nôtre est très stimulant.
J’espère que vous apprécierez ce spectacle autant que j’ai aimé le monter.
De même, je souhaite que vous vous laissiez emporter en écoutant les
merveilleux textes choisis pour ce faire. Évidemment, une sélection a
été faite, puisque notre littérature est vaste et riche; je ne pouvais pas
inclure tous les nombreux textes de nos plus talentueux auteurs. Je crois
cependant avoir touché à l’essentiel ou, du moins, vous avoir préparé un
spectacle qui saura vous donner le goût de lire et d’en apprendre davantage.
Ainsi, peut-être, vous déciderez de continuer seul votre découverte de la
littérature et du théâtre québécois.
Le plus important pour moi en concevant De Gélinas à Mouawad
en passant par Tremblaysecond volet après De Corneille à Feydeau en
passant par Molière – était aussi de vous inciter à lire et découvrir toutes
les références parsemées ça et là au cours du spectacle. Notamment,
j’ai ajouté des éléments historiques afi n de piquer votre curiosité et mieux
vous faire connaître nos origines. J’ai appris énormément lors de la création
de ce spectacle. Cela m’a permis de constater que j’en savais bien peu,
nalement, sur mon histoire et ma littérature. J’ai réalisé à quel point
il est plaisant d’en apprendre plus sur notre identité et notre
évolution communes.
C’est en toute simplicité et surtout avec tout mon cœur que je vous
invite à ouvrir vos yeux et votre esprit afi n de nous redécouvrir, nous,
peuple québécois, si fi ers de notre histoire, de nos multiples talents et de
nos grandes réalisations. Nul besoin de se comparer à autrui. Plutôt, ne
cessons jamais de nous dépasser et de persévérer pour briller au cœur
de l’Amérique, tout en restant fi dèles à ce que nous sommes et ce que
nous incarnons.
Bon spectacle !
COORDONNÉES DES PRODUCTIONS LA COMÉDIE HUMAINE
Si vous avez des questions à poser aux artisans de la production,
n’hésitez pas à le faire via Internet ou par téléphone.
2835, rue Mathys, Sainte-Marthe-sur-le-Lac (Québec) J0N 1P0
Téléphone : 450 623-3131 | Télécopieur : 450 623-6610
info@lacomediehumaine.ca
www.lacomediehumaine.ca | /lacomedie1
NOTE :
Les opinions exprimées dans les articles de cette publication n’engagent que leurs auteurs.
NOTE IMPORTANTE :
Réaliser les différentes sections du cahier En coulisse ! suppose la consultation
de nombreuses sources d’information. Nous ne mentionnons pas ici les ouvrages
essentiels auxquels nous avons eu recours. Pour les consulter, veuillez en faire la
demande au personnel de La Comédie Humaine. Si nous ne les avons pas cités au fi l
du texte, c’est que nous ne voulions pas alourdir un texte déjà serré et dense. Ainsi, le
lecteur curieux gagnera à lire les auteurs ayant nourri notre réfl exion.
éQUiPe DeS cONcePteUrS
et De La PrODUctiON
CONCEPTEUR, METTEUR EN SCÈNE MARTIN LAVIGNE
TEXTE DES ENTRE-SCÈNES GILBERT DUPUIS
CONCEPTEUR DE LA MUSIQUE ORIGINALE MICHEL MONTREUIL
ÉLÉMENTS DE COSTUMES PIERRE-GUY LAPOINTE
ÉCLAIRAGES CHARLES-ANTOINE BERTRAND FONTAINE
CONCEPTION DES BANNIÈRES ALEXANDRE PAQUET
RÉDACTRICE EN CHEF DU CAHIER-THÉÂTRE MARICHELLE LECLAIR
CORRECTEURS ANNE-SOPHIE LÉTOURNEAU-HUDON
ANNE-JULIE NADON
GUILLAUME FECTEAU
JULIE DENIS
CONCEPTION GRAPHIQUE ROXANE GARIÉPY
© Copyright 2014 Les Productions La Comédie Humaine
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DE gélinas à mouawaD En passant par trEmblay
2
SOMMaire
1500-1945 : LES DÉBUTS D’UNE JEUNE LITTÉRATURE 4
DE L’URBANISATION À LA CRISE ÉCONOMIQUE, 6
EN PASSANT PAR LES ANNÉES FOLLES
1945-1960 : DES LUMIÈRES DANS LA NOIRCEUR 10
AMERICAN WAY OF LIFE OU GRANDE NOIRCEUR ? 13
1960 : LA LITTÉRATURE QUÉBÉCOISE : UN PROJET NATIONAL 14
UNE RÉVOLUTION TRANQUILLE 17
1970 : LITTÉRATURE MILITANTE 18
ANNÉES DE PERTURBATION 20
1980-2000 : L’INTIMITÉ MISE EN SCÈNE 22
Nathalie
COUPAL
Lynda
JOHNSON
Pierre-Alexandre
FORTIN
Denis
ROY
3
TÉLÉVISION : O’, RUMEURS,
LAUBERGE DU CHIEN NOIR, LA VIE,
LA VIE, 4 ET DEMI, ETC.
CINÉMA : POUR LAMOUR DE DIEU
THÉÂTRE : DE CORNEILLE À FEYDEAU
EN PASSANT PAR MOLIÈRE, THÉRÈSE
ET PIERRETTE À L’ÉCOLE DES SAINTS-
ANGES, UNE PARTIE AVEC L’EMPEREUR,
UN VIOLON SUR LE TOIT, CYRANO,
JULIETTE ET LES AUTRES, ETC.
TÉLÉVISION : LAUBERGE DU CHIEN
NOIR, LES RESCAPÉS, AVEUX,
MAUVAIS KARMA, ETC.
CINÉMA : LANGE DE GOUDRON,
LA BRUNANTE, ETC.
THÉÂTRE : DE CORNEILLE À FEYDEAU EN
PASSANT PAR MOLIÈRE, LA DÉPRIME,
ILS SE SONT AIMÉS, LA FOLLE ODYSSÉE
DE JACQUES CARTIER, ETC.
PUBLICITÉ : RICHARD LE REMORQUEUR
(TOYOTA)
TÉLÉVISION : O’, MIRADOR, LES POUPÉES
RUSSES, VIRGINIE, MON MEILLEUR
ENNEMI, LE MONDE DE CHARLOTTE,
AU NOM DU PÈRE ET DU FILS, ETC.
CINÉMA : CHAMEAU, LION, ENFANT,
LA VALLÉE DES LARMES (SIGNE AUSSI
LA MUSIQUE ORIGINALE), MÉMOIRES
AFFECTIVES, ETC.
THÉÂTRE : DE CORNEILLE À FEYDEAU
EN PASSANT PAR MOLIÈRE, LES NONNES
(COMÉDIE MUSICALE), LE CHANDELIER
DE MUSSET, LE RÉVERBÈRE, ETC.
VOIX : KATE BLANCHET, UMA
THURMAN, ET LA MAMAN DE CAILLOU
TÉLÉVISION : BELLE-BAIE, TOUTE LA VÉRITÉ,
DESTINÉES, UNE GRENADE AVEC ÇA ! VII, LE
COEUR DÉCOUVERT, ETC.
THÉÂTRE : DE CORNEILLE À FEYDEAU EN
PASSANT PAR MOLIÈRE, LE BALCON, DES
SOURIS ET DES HOMMES, LOPÉRA DE
QUAT’SOUS, UNE PARTIE AVEC L’EMPEREUR,
UNE MAISON PROPRE, AMADEUS,
LES PALMES DE M. SCHUTZ, ETC.
« Bonheur, erté et excitation sont les premiers mots qui me
viennent à l’esprit lorsque je pense aux œuvres québécoises.
Bien sûr Shakespeare, Molière et tous les autres ont leur place
dans mon coeur, mais les racines mêmes, profondes, de ma
langue, c’est le joual.
Réciter du Tremblay, apprendre du Tremblay, jouer du Tremblay,
est quelque chose de formidable. Il y a une musicalité, un rythme,
un souf e dans le texte. Ce sont mes racines qui s’expriment dans
l’œuvre québécoise. Pis ça, c’est l’fun ! ! ! »
« J’aime le théâtre. C’est un art vivant qui me rend vivante.
La scène, le public, pour moi, c’est magique. J’aime aussi notre
théâtre celui qui dit d’où on vient et où l’on va, celui qui nous
ressemble, celui où l’on ne se reconnaît pas mais qui nous en
apprend sur nous et ceux qui nous entourent. J’aime les jeunes
et leur appétit pour ce qui est nouveau, ce qu’ils ne connaissent
pas ou ce qu’ils reconnaissent, j’aime leur fougue et leur capacité
de se passionner pour ce qui est vivant et vibrant. Ah oui et…
j’ai aussi une ado de 17 ans qui adore le théâtre !
Bref, je suis heureuse de plonger dans ce spectacle singulier
sur le théâtre québécois et le partager avec vous de tout
mon coeur ! »
« C’est un bonheur pour moi de faire partie d’une production
qui nous transportera au cœur du théâtre québécois. J’ai eu la
piqûre pour ce métier formidable en voyant ma première pièce
de théâtre au Cégep ! Huis clos de Jean-Paul Sartre a été la pièce
qui a allumé ma bre artistique, et aujourd’hui, d’avoir la chance à
mon tour de pouvoir transmettre cette passion aux jeunes, c’est
un grand honneur. Quoi de mieux que de le faire à travers NOTRE
littérature et NOTRE histoire. Bon théâtre… québécois ! ! ! »
cahier théâtre
En coulissE !
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DE gélinas à mouawaD En passant par trEmblay
« J’aime le théâtre depuis très longtemps. Même au primaire j’ai
toujours participé à toutes les séances ! J’aimais me retrouver sur
une scène et jouer des personnages. Depuis que j’ai participé à
De Corneille à Feydeau en passant par Molière avec La Comédie
Humaine , je rêvais de vivre une aventure semblable avec le
théâtre québécois. Voilà que mon rêve se réalise avec
De Gélinas à Mouawad en passant par Tremblay ! Je me sens
comblé et espère que les spectateurs le seront également. »
lEs
cOMéDieNS
4cahier théâtre
En coulissE !
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DE gélinas à mouawaD En passant par trEmblay
1500-1945
lEs déButs d’unE jEunE littératurE
difficilE dE détErminEr dE manièrE définitivE lEs
déButs dE la littératurE quéBécoisE. on rEmontE
parfois mÊmE jusqu’aux tExtEs dE jacquEs cartiEr
(1534) Et dE samuEl dE champlain (1608) !
Ces écrits de la Nouvelle-France ne sont pourtant pas des textes
littéraires à proprement parler, et ils ne sont pas écrits par, ni
destinés à, des Canadiens français. En jetant un regard rétros-
pectif, par contre, on réalise que ces textes parlent bien des réa-
lités d’ici et s’intègrent ainsi à cette mémoire collective qu’est la
littérature québécoise.
mariE dE l’incarnation
La première voix véritablement littéraire au Québec sera la voix
d’une femme : celle de Marie de l’Incarnation. Ayant quitté la
France, Marie Guyart arrive en 1639 dans un Québec qui n’abrite
alors que trois cents âmes. Elle s’installe dans une petite cabane
et, très vite, les colons et les Amérindiens y amènent leurs fi lles
pour qu’elles y soient éduquées. Marie érige bientôt le couvent
des Ursulines, qui devient une véritable institution.
Dans le vaste territoire québécois, elle découvre le néant
qui l’oblige à entrer en elle et à explorer son « moi ». Elle rédige
ainsi de nombreux textes spirituels et intimes dont la richesse
du langage fait d’elle l’une des pionnières de la littérature
canadienne-française.
Extrait mariE dE l’incarnation
J’allais partout sans chandelle, me mettant peu en peine
d’être vue ou entendue. La cave, le grenier, la cour, l’écurie
pleine de chevaux étaient mes stations. La nuit, je me mettais
en danger de me blesser. J’étais aveugle à tout. Pourvu que
je trouvasse un lieu à me cacher, ce m’était assez.
Je faisais bien des stations par tout le monde; mais les
parties du Canada étaient ma demeure et mon pays, mon
esprit était tellement hors de moi et abstrait du lieu où
était mon corps (…).
Lorsque la colonie canadienne passe aux mains des Britan-
niques, en 1760, ce sera l’occasion pour les quelques lettrés
canadiens-français de prendre la place laissée vide par les intel-
lectuels français, retournés au pays. L’écriture se fera d’abord et
avant tout à travers le journal.
Le premier groupe organisé voit le jour en 1895 : appelé
l’École littéraire de Montréal, celui-ci est constitué de jeunes étu-
diants qui lisent et écrivent de la poésie inspirée de la modernité
française.
Ils portent très tôt leur art sur la place publique. Un très jeune
homme nommé Émile Nelligan s’avance sur scène pour y lire son
poème La Romance du vin. C’est le triomphe.
Pour la toute première fois, le Canada français voit la litté-
rature obtenir un tel succès. Comment expliquer ce revirement
inattendu ? À la fi n du XIXe siècle, Montréal s’urbanise et se mo-
dernise. Théâtres et salles de cinéma commencent à naître dans
la métropole. La culture populaire est alors synonyme d’ouver-
ture sur le monde et d’évolution des mentalités. Le public a soif
de nouveauté, ce que leur apporte Nelligan.
émilE nElligan
Émile Nelligan est un remarquable poète canadien-français d’ins-
piration romantique et symboliste. Pendant son adolescence, il
se consacre avec ardeur à la poésie et publie à seize ans son
premier poème, Rêve fantasque, sous le pseudonyme d’Émile
Kovar. À l’âge de dix-neuf ans, il connaît un grand succès alors
qu’il récite en public son poème La Romance du vin. Malheureu-
sement, quelques mois plus tard, le 9 août 1899, il est hospitalisé
pour troubles psychologiques. Il le sera jusqu’à sa mort en 1941.
Alors qu’il est hospitalisé, Émile Nelligan ne fait que réécrire
encore et encore, de mémoire, les poèmes rédigés pendant sa
jeunesse. Ainsi, son œuvre, comprenant près de cent soixante-
dix textes poétiques, a entièrement été composée entre l’âge de
seize et dix-neuf ans.
Émile Nelligan marque l’entrée de la littérature canadienne-
française dans la modernité. Il délaisse le patriotisme et les
thèmes du terroir (si populaires chez ses prédécesseurs) pour
explorer, à travers la symbolique du langage, le « moi ». Dans ses
textes, les thèmes liés à la solitude, la douleur psychologique, la
folie et l’échec du destin de l’Homme sont à l’honneur. La poésie
de Nelligan évoque ainsi le travail des poètes français Charles
Baudelaire et Arthur Rimbaud.
LE PARC DOMINION, À MONTRÉAL, EN 1907.
ÉMILE NELLIGAN
lEs déButs d’unE jEunE littératurE
lEs déButs d’unE jEunE littératurE
lEs déButs d’unE jEunE littératurE
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cahier théâtre
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DE gélinas à mouawaD En passant par trEmblay
la romancE du vin
Tout se mêle en un vif éclat de gaieté verte.
Ô le beau soir de mai. Tous les oiseaux en choeur,
Ainsi que les espoirs naguères à mon coeur,
Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.
Ô le beau soir de mai, le joyeux soir de mai !
Un orgue au loin éclate en froides mélopées;
Et les rayons ainsi que de pourpres épées,
Percent le coeur du jour qui se meurt parfumé.
Je suis gai ! je suis gai ! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin ! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j’ai de la foule méchante !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l’Art !...
J’ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d’automne au loin passant dans le brouillard.
C’est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et l’objet du mépris,
De se savoir un coeur et de n’être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d’orages !
Femmes ! je bois à vous qui riez du chemin
Où l’Idéal m’appelle en ouvrant ses bras roses;
Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses
Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main !
Pendant que tout l’azur s’étoile dans la gloire,
Et qu’un hymne s’entonne au renouveau doré,
Sur le jour expirant je n’ai donc pas pleuré,
Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai !
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre;
Enfin mon coeur est-il guéri d’avoir aimé ?
Les cloches ont chanté; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh ! si, que j’ai peur d’éclater en sanglots !
Si la métropole du Québec est en pleine effervescence, les
campagnes restent, quant à elles, plutôt conservatrices, domi-
nées par les élites clérico-nationalistes qui entendent défendre
le terroir et les valeurs canadiennes-françaises.
Du côté littéraire, ce régionalisme se traduit par la montée de
ce qu’on appelle aujourd’hui la littérature du terroir, de la moitié
du XIXe siècle jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les
romans de cette littérature font la promotion de la « survivance »,
soit de la continuité des traditions et des valeurs canadiennes-
françaises. Ainsi, quatre grandes valeurs sont mises de l’avant :
l’agriculture (présentée comme un idéal de vie saine, surtout en
opposition à l’industrialisation et à l’urbanisation), la famille (le
clergé et l’État font la promotion des familles nombreuses), la
langue française et la religion catholique.
Le roman Maria Chapdelaine (1914 en France, 1916 au Québec)
de Louis Hémon, un Français venu s’installer quelques années au
Québec, est très loin de la propagande nationaliste que souhaite
mettre de l’avant le clergé. Ce roman peint plutôt la réalité de
manière rude et cruelle. Maria Chapdelaine doit choisir entre
trois prétendants qui représentent chacun un des aspects du
Québec de l’époque. Lorenzo Surprenant incarne la folle moder-
nité à l’image des grandes villes américaines, François Paradis,
l’envie sauvage de partir au fond des bois et Eutrope Gagnon, le
sacrifice du colon canadien-français. Louis Hémon joue d’ironie
subtile pour montrer la désolation d’un territoire soumis au joug
du clergé.
hEctor dE saint-dEnys garnEau
Pas très loin de la figure de
Nelligan, un autre jeune poète
bouleverse la littérature qué-
bécoise et ses thèmes plutôt
conservateurs. Hector de
Saint-Denys Garneau (1912-
1943) publie une plaquette de
poèmes en 1937, Regards et
jeux dans l’espace. Sa poésie
est marquée par un dépouille-
ment linguistique qui lui donne
toute son originalité. Il est
lui aussi destiné à une fin tragique : il meurt à 31 ans dans des
circonstances énigmatiques.
cagE d’oisEau
Je suis une cage d’oiseau
Une cage d’os
Avec un oiseau
Loiseau dans sa cage d’os
C’est la mort qui fait son nid
Lorsque rien n’arrive
On entend froisser ses ailes
Et quand on a ri beaucoup
Si l’on cesse tout à coup
On l’entend qui roucoule
Au fond
Comme un grelot
C’est un oiseau tenu captif
La mort dans ma cage d’os
Voudrait-il pas s’envoler
Est-ce vous qui le retiendrez
Est-ce moi
Qu’est-ce que c’est
Il ne pourra s’en aller
Qu’après avoir tout mangé
Mon cœur
La source de sang
Avec la vie dedans
Il aura mon âme au bec.
HECTOR DE SAINT-DENYS GARNEAU
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