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XXIII Conférence Internationale de Management Stratégique
La régénération stratégique d’un territoire : les
enseignements d’une étude de cas issue de la filière
cidricole
Guillaume Detchenique
ESSCA Ecole de Management, PRES UNAM
[email protected]
Thomas Loilier
IAE de Caen, Université de Caen Basse-Normandie
Résumé :
Adoptant une stratégie abductive, cette recherche s’intéresse à la régénération stratégique
(strategic renewal). A ce sujet, la littérature a notamment montré comment des organisations,
évoluant dans des secteurs présumés matures, pouvaient éviter le déclin de manière
individuelle et collective. Situé à un niveau d’analyse différent, notre travail cherche à
analyser le processus selon lequel un territoire s’est régénéré. Pour cela, nous avons étudié la
filière cidricole à partir du début des années 2000, filière traditionnelle et localisée, menacée
par le départ de son leader et par des difficultés récurrentes en termes de volumes de vente.
Parallèlement à la construction d’une grille d’analyse fondée sur les recherches portant sur la
régénération stratégique, le territoire et la proximité, une étude qualitative consacrée à la
filière cidricole a été réalisée. Trente entretiens ont été menés auprès de dirigeants
d’entreprises cidricoles et d’observateurs privilégiés de la filière. Ces données primaires ont
été complétées par un corpus de données secondaires. L’ensemble a alors fait l’objet d’un
codage pratiqué sur le logiciel Nvivo.
L’analyse qualitative des données fait ressortir trois types de régénération (régénération
fondée sur le territoire subi ; régénération fondée sur le territoire construit ; régénération
fondée sur le territoire intégré) selon le rôle joué par la proximité géographique et les
proximités dites non-géographiques au cours du processus. Ces trois types de régénération se
succèdent durant le déroulement du processus étudié.
Mots-clés : territoire et pôle de compétitivité ; manœuvres stratégiques ; étude de cas ;
approche processuelle.
Rennes, 26-28 mai 2014
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XXIII Conférence Internationale de Management Stratégique
La régénération stratégique d’un territoire : les
enseignements d’une étude de cas issue de la filière
cidricole
Introduction
En 2000, la situation de la filière cidricole apparaissait critique, voire désespérée. En effet, le
groupe Pernod-Ricard, son leader et principal soutien depuis près de trente ans, annonce le
recentrage de ses activités sur les spiritueux et les vins et, par conséquent, son futur désengagement de la production cidricole. Outre la décision de se recentrer, Pernod-Ricard est aussi
motivée par les résultats décevants de cette boisson traditionnelle. Ses ressources et son savoir-faire n’auront effectivement pas suffi pour faire face à la concurrence du vin et de la bière
et contrecarrer le lent déclin des ventes de cidre estimées, chaque année, aux alentours de
deux litres par habitant en France (Xerfi, 2009). Pourtant, ce qui aurait pu s’avérer être le
commencement d’un scénario catastrophe va se transformer en une formidable opportunité
pour la filière cidricole. L’annonce du départ de Pernod-Ricard est utilisée pour remobiliser
les acteurs du territoire cidricole. Le temps des projets, exclusivement individuels, et de la
concurrence pure et dure est alors révolu. Depuis cet évènement, plusieurs organisations de la
filière ont décidé de collaborer et de penser collectivement à l’avenir de la production cidricole. De nombreux projets collectifs sont mis en œuvre dans lesquels, notamment, des boissons innovantes sont imaginées et commercialisées afin de redonner de la vitalité au sein du
territoire. Ainsi, si actuellement les chiffres de vente du cidre traditionnel peinent toujours à
décoller, la régénération du territoire cidricole a permis de mettre en marche une nouvelle dynamique et de faire collaborer des acteurs auparavant isolés.
A ce sujet, la littérature sur la régénération stratégique (en particulier les travaux de BadenFuller) a montré comment des organisations évoluant dans des industries considérées comme
matures pouvaient, contre toute attente, entraver et dépasser le déclin. La situation de la filière
cidricole n’est donc pas un phénomène isolé. Elle révèle les difficultés possibles des secteurs
traditionnels pour s’adapter aux évolutions constantes de l’environnement et de la législation,
aux souhaits changeants des consommateurs ou, encore, aux nouvelles stratégies imaginées
par les concurrents. L’organisation ne pouvant plus être considérée comme une entité isolée,
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les stratégies de régénération peuvent aussi s’appuyer sur plusieurs organisations, d’autant
plus lorsque ces dernières rencontrent les mêmes difficultés. Une organisation dispose alors
d’un arsenal de stratégies, concurrentielles et coopératives, pour se régénérer de façon individuelle (régénération organisationnelle) et collective (régénération inter-organisationnelle).
Ici, nous étudions la régénération d’un collectif particulier d’organisations : le territoire. Nous
nous intéressons à la manière dont un ensemble d’organisations, localisées au sein d’un espace commun, peuvent régénérer leur territoire, notamment par la mise en œuvre de projets
collectifs. Si la dynamique des territoires a souvent été étudiée sous l’angle de la ResourceBased View, nous proposons plutôt de mobiliser l’approche par les proximités afin d’étudier le
rôle de la proximité géographique et des proximités non-géographiques dans la régénération
d’un territoire et ce, en nous appuyant sur le cas de la filière cidricole. Notre propos comprend
alors trois principales parties. Après avoir présenté le cadre conceptuel de notre recherche qui
s’appuie sur le triptyque régénération-territoire-proximités (partie 1), nous décrivons notre
méthodologie, le cas choisi et les résultats issus de notre travail (partie 2). La dernière partie
est enfin consacrée à la discussion de ses résultats (partie 3).
1. LA REGENERATION D’UN TERRITOIRE : PROPOSITION D’UN
CADRE THEORIQUE
La première partie est d’abord consacrée à la présentation du concept de régénération stratégique (1.1.). Nous proposons ensuite une grille d’analyse de la régénération adaptée à une
forme particulière d’organisation : le territoire (1.2.).
1.1. La régénération stratégique
Les organisations évoluant dans un secteur mature ou éprouvant des difficultés face à leurs
concurrents disposent d’un éventail de stratégies pour contrecarrer ou éviter le déclin : entre
stratégies de différenciation, d’externalisation ou, entre autres, de recentrage, elles peuvent
aussi faire le choix de sortir du secteur en difficulté. A ce sujet, les travaux sur la régénération
stratégique proposent une perspective encore différente (1.1.1.). Nous verrons aussi que la régénération stratégique peut s’appuyer sur d’autres organisations, l’organisation n’étant plus
considérée comme une entité autonome. Ainsi, les mouvements et actions stratégiques de ses
concurrents et partenaires peuvent avoir une influence sur ses décisions et actions stratégiques
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(1.1.2.).Ici, nous proposons une perspective supplémentaire et originale en nous intéressant à
la régénération d’un territoire et ce, en mobilisant le concept de proximité (1.1.3.).
1.1.1. La régénération stratégique d’une organisation
La régénération stratégique caractérise le développement d’une stratégie originale ou la volonté de maintenir ou d’accroitre un avantage concurrentiel en modifiant la stratégie mise en
œuvre et la dépendance de sentier (Volberda et al., 2001a). Elle peut être définie comme « le
processus, le contenu, et le résultat de la revivification ou du replacement des éléments d’une
organisation qui peuvent modifier ses perspectives à long-terme » (Agarwal et Helfat, 2009, p.
282). Plusieurs auteurs analysent alors la régénération stratégique selon trois dimensions : le
contenu, le contexte et le processus (Volberda et al., 2001b ; Flier et al., 2003).
Au niveau du contenu, une organisation peut modifier les idées-clés sur lesquelles elle a été
bâtie (Guth et Ginsberg, 1990), en redéfinissant, entre autres, son approche concurrentielle
(Covin et Miles, 1999), sa structure organisationnelle ou, plus généralement, sa stratégie (Zahra, 1993). Plus précisément, et en empruntant la distinction proposée par March (1991), le
contenu de la régénération stratégique est le plus souvent défini selon son orientation
d’exploitation ou d’exploration. L’exploration correspond à l’ajout de nouvelles activités et
compétences ou à l’accroissement de la portée géographique de l’organisation (Kwee et al.,
2011 ; Volberda et al., 2001a). L’exploitation se focalise sur les activités, les compétences et
l’étendue géographique actuelles de l’organisation (ibid.).
La dimension du contexte reflète l’orientation interne ou externe de la régénération (Capron et
Mitchell, 2009 ; Flier et al., 2003). Dit autrement, l’organisation se régénère-t-elle sur ses ressources propres ou grâce aux ressources de partenaires ? Dans le deuxième cas, elle peut par
exemple coopérer avec d’autres organisations, former une alliance avec un partenaire ou encore acquérir une autre organisation (Puranam et al., 2009).
Enfin, la dernière dimension insiste sur la nature processuelle de la régénération stratégique.
Ainsi, le contenu de la régénération peut évoluer au cours du temps et au fil des évènements.
Volberda et al. (2001b) montrent d’ailleurs que le processus de régénération d’une organisation évolue selon des caractéristiques propres à l’organisation mais aussi selon l’industrie et le
pays dans lequel elle se trouve. Stopford et Baden-Fuller (1990), Baden-Fuller et Stopford
(1996) ou encore Volberda et al. (2001a) vont ainsi jusqu’à mettre en évidence des processustypes de régénération bien différenciés.
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Pour les organisations évoluant dans des industries dynamiques, la régénération stratégique
semble nécessaire pour suivre les évolutions rapides de l’environnement. Plusieurs recherches
se sont notamment penchées sur les industries de haute technologie telles que les télécommunications (Capron et Mitchell, 2009), la photographie numérique (Tripsas, 2009), etc. D’autres
travaux, moins nombreux, ont étudié des organisations évoluant dans des secteurs matures et
pour lesquelles la régénération devenait une question de survie. Les secteurs étudiés, dans ce
cas, ont généralement une intensité technologique moins importante. Entre autres, Kim et
Pennings (2009) ont analysé la régénération d’entreprises dans l’industrie des raquettes de
tennis tandis que Baden-Fuller et Stopford (1996) ont développé plusieurs exemples comme
celui de l’entreprise Cook dans le secteur de l’acier.
Les différents travaux de Baden-Fuller et de ses co-auteurs permettent alors d’interroger le
concept même de maturité de certains secteurs. Cette dernière est une perception qui contraint
les actions et pensées au sein des organisations. Persuadés d’être limités par cette maturité
sectorielle, ce qui leur permet au passage de justifier (voire d’excuser) leur propre déclin, certaines organisations sont incapables de se remettre en cause. Le phénomène est alors d’autant
plus évident qu’il est partagé entre plusieurs organisations. Ainsi, au sein d’un même groupe
stratégique, les actions stratégiques de plusieurs organisations peuvent être le résultat de représentations similaires et d’un système de croyances et de règles commun et stable (Phillips,
1994 ; Porac et Thomas, 1994 ; Porac et al., 1989 ; Spender, 1989) et qui les font converger
vers une même direction (Greve, 1998 ; Porac et al., 1995). Au-delà, il s’agit bien ici de changer de niveau d’analyse en se focalisant sur la régénération inter-organisationnelle.
1.1.2. La régénération inter-organisationnelle
Une organisation peut mettre en place, de manière autonome, des actions de régénération, tout
en évoluant dans un secteur présumé mature (Baden-Fuller et Stopford, 1996). Plusieurs
chocs, externes ou internes, peuvent alors être à l’origine de ces actions (Huff et al., 1992 ;
McNamara et Baden-Fuller, 1999). Sur ce point, l’unicité du choc est souvent considérée
comme insuffisante pour déclencher la régénération car elle peut être rationalisée a posteriori.
Il est en effet tentant de qualifier un choc unique de passager ou d’anecdotique, ce dernier ne
provoquant dès lors aucune réaction.
En outre, la régénération ne se fonde pas toujours sur les seules ressources d’une organisation
mais aussi sur celles de ses partenaires. Huygens et al. (2001) ont montré, en étudiant
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l’industrie de la musique, la manière dont les organisations évoluent et se régénèrent conjointement, notamment grâce à l’innovation. Les comportements pionniers en termes d’innovation
et leur imitation influencent la diffusion de nouveaux modèles d’affaires et donc la régénération d’une industrie. Au niveau de l’organisation, la régénération stratégique appelle la mise
en œuvre conjointe de comportements proactifs de recherche et de comportements réactifs.
Elle demande alors la prise en compte des organisations de l’environnement, de leurs actions
et des relations effectives ou possibles. Elle n’est pas seulement individuelle mais collective.
Néanmoins l’approche de Huygens et al. (ibid.), de nature concurrentielle, n’intègre pas les
comportements stratégiques coopératifs possibles entre les organisations. En réintégrant ces
stratégies coopératives, la régénération peut donc être aussi être analysée comme un phénomène collectif dépassant le niveau d’analyse d’une seule organisation pour s’élever au niveau
inter-organisationnel, par exemple celui d’un territoire. Trois raisons au moins nous incitent
alors à associer régénération et territoire. Tout d’abord, il n’est pas rare que les organisations
hétérogènes d’un territoire subissent ou ressentent plusieurs chocs pour estimer qu’une nouvelle réflexion stratégique collective devrait être lancée. Ainsi, le départ d’un acteur-clé, c'està-dire une organisation disposant de ressources et compétences stratégiques pour le territoire,
ou plusieurs échecs commerciaux rencontrés par diverses entreprises du territoire sont de nature à initier le besoin de régénération.
Ensuite, certaines organisations sont intimement liées à un territoire, notamment en raison
d’une matière première spécifique, d’un attachement particulier à un lieu ou de la présence
d’une main d’œuvre bien formée à leur production. Ces acteurs peuvent donc considérer qu’ils
ont parfois intérêt à collaborer ensemble, notamment lorsqu’ils rencontrent des difficultés similaires, par la mise en place de projets collectifs. L’activation du territoire passe alors par les
projets (Bréchet et Saives, 2001 ; Mendez et Mercier, 2006 ; Loilier, 2010). La régénération
n’étant plus seulement celle d’une seule organisation mais celle d’un territoire.
Enfin, si la relation entre territoire et régénération n’a été que peu étudiée en tant que telle (à
l’exception notamment des recherches de Saives en 2002 et de Mendez et Mercier en 2006),
celle associant le territoire et l’innovation depuis quelques années a fait l’objet de nombreux
travaux stimulants. Les réseaux inter-organisationnels territoriaux ont ainsi été largement étudiés à la fois par les économistes, les géographes, les sociologues et les gestionnaires. Sans
chercher ici à recenser la variété des approches en la matière (voir par exemple Berthinier-
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Poncet, 2012, Loilier et Tellier, 2013 ou encore Torre, 2011), toutes insistent sur la nécessité
de dépasser les relations strictement concurrentielles ou plus globalement de marché pour que
la dynamique d’innovation se développe. Or, les recherches portant sur la régénération associent le plus souvent cette dernière à l’innovation, dans une logique d’exploitation ou
d’exploration (Volberda, 2005 ; Floyd et Lane, 2000 ; Baden-Fuller et Stopford, 1996 ; Dougherty, 1992; Danneels, 2002). Intuitivement, analyser en profondeur la dimension territoriale
des régénérations collectives apparaît donc pertinent (Detchenique, 2012).
1.1.3. La régénération territoriale : une approche par les proximités
Le territoire est un concept de plus en plus utilisé pour parler de l’action collective localisée.
Au départ, le territoire n’est qu’un espace commun (un lieu) regroupant des ressources diverses. L’activation de ses ressources par des acteurs hétérogènes localisés (Lauriol et al.,
2008), notamment dans des projets collectifs, permet d’innover (Loilier, 2010) et de procurer
des avantages concurrentiels localisés (Zimmermann, 2008). Le territoire n’est plus seulement
un lieu mais aussi un ensemble construit porté par ses projets collectifs : il devient un ensemble de liens qui créent du sens et peut aller jusqu’à permettre l’émancipation de toute dimension spatiale. Pour analyser les relations entre régénération et territoire, nous avons fait le
choix de mobiliser l’approche par les proximités.
Initiée par des économistes français dans les années 90 pour mieux comprendre les relations
productives industrielles innovatrices, cette école s’est ensuite internationalisée (dès les débuts
des années 2000) pour étendre ses domaines d’analyse à tout un ensemble de sujets comme le
transport, l’emploi ou encore la politique de la ville (Gomez et al., 2011). La proximité peut
alors être de deux types : géographique ou non géographique.
La proximité géographique, parfois temporaire (Torre, 2008 ; Bourdeau-Lepage et Huriot,
2009), caractérise à la fois la distance physique (Rallet et Torre, 2004) et la disponibilité
d’infrastructures de transport (Torre, 2009) et de communication (Loilier et Tellier, 2005)
entre plusieurs acteurs. Son activation est nécessaire pour permettre l’échange de connaissances et l’augmentation de la confiance (Torre, 2009 ; Loilier, 2010). Ainsi, la proximité
géographique peut être assimilée à un « outil de gestion de la confiance, une « solution de confiance » qui facilite à la fois coordination et co-construction du résultat » (Loilier, 2010, p. 1920). Elle n’est pas sans inconvénient dans la mesure où, d’une part, elle ne suffit pas toujours
pour faciliter les rencontres productives et le transfert de connaissances (Rallet, 2002) et,
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d’autre part, elle peut générer des phénomènes de sur-encastrement et de repli sur soi (AdamLedunois et Renault, 2008).
Le dynamisme de réseaux innovants a-territoriaux démontre aussi l’existence d’une proximité
différente de nature non géographique. L’innovation collective peut aussi reposer sur tout un
ensemble d’autres formes de proximités (que certains vont jusqu’à qualifier d’organisée).
Simplement, cette proximité caractérise les différentes façons « qu’ont les acteurs d’être
proches, en-dehors de la relation géographique » (Torre, 2009, p. 69). Derrière ce concept se
cachent plusieurs types de proximités non géographiques bien distinctes. Ainsi, en suivant
Boschma (2004, 2005), il convient de distinguer les proximités organisationnelle, institutionnelle, cognitive et sociale. Loilier (2010) a proposé une synthèse en introduisant une nouvelle
forme de proximité dite électronique (tableau 1).
Tableau 1. Les différents types de proximité non géographiques
Type de
Proximité
Cognitive
Organisationnelle
Sociale
Institutionnelle
Electronique
Définition
Ce que les personnes partageant une même base de
connaissances peuvent apprendre les unes des
autres (Boschma, 2004).
Intensité et degré d’autonomie des relations partagées par des acteurs au sein d’une organisation ou
entre organisations distinctes (Boschma, 2004). Les
deux extrêmes de ce continuum sont le marché au
comptant (proximité organisationnelle quasi-nulle)
et l’entreprise hiérarchique (proximité organisationnelle élevée).
Ensemble des relations encastrées entre acteurs
impliquant une confiance fondée sur l’amitié, les
liens familiaux et l’expérience (Boschma, 2004).
Cet encastrement, de niveau micro, exclut les personnes partageant un ensemble de valeurs (ethniques ou religieuses par exemple).
Ensemble partagé par les acteurs constitué par (1)
un cadre institutionnel fort s’appuyant sur des lois
et règlements applicables et cohérents et sur un
gouvernement actif et capable de réactions.
(2) une structure culturelle forte avec une langue et
des habitudes communes (Boschma, 2004).
Possibilité des acteurs de consulter, d’échanger et
d’élaborer des données informatisées en temps réel
ou différé (Loilier et Tellier, 2001)
Relation(s) avec la proximité géographique
et le territoire
Couplée à la proximité géographique, une
trop grande proximité cognitive augmente les
risques d’enfermement du territoire..
Ces deux proximités sont plutôt à considérer
comme des substituts de la proximité géographique (Boschma, 2004).
Fortement liée aux proximités organisationnelles et sociales par une relation complexe
de compensation/renforcement. Par exemple,
un manque d’institutions fortes peut être
compensé par une proximité sociale élevée.
Peut être considérée comme un substitut à la
proximité géographique.
Entretient des relations complexes avec la
proximité géographique. Selon les cas, ces
deux proximités sont complémentaires (Loilier et Tellier, 2001) ou substituables (au
moins partiellement) (Loilier et Tellier,
2004).
Source : Loilier (2010, p. 24)
A grands traits, la proximité organisationnelle correspond à la capacité d’un ensemble
d’organisations – ici un territoire – à coordonner les relations et l’échange d’informations
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entre les acteurs hétérogènes. La proximité institutionnelle regroupe les lois, les règlements, la
langue ou encore les habitudes communs aux acteurs du territoire tandis que la proximité cognitive caractérise leurs savoirs communs. Si la proximité sociale définit le niveau de confiance
entre les organisations, celle dite électronique prend simplement en compte le fait que les
technologies de l’information et de la communication permettent aujourd’hui aux acteurs
d’être proches en s’affranchissant (au moins pour partie) des contraintes spatiales.
Notons ici dès maintenant que la mise en évidence de ces proximités non géographiques ne
signifie pas pour autant que la proximité géographique n’est pas un atout pour l’innovation et
la régénération mais que son impact doit être à la fois précisé et relativisé. Elle n’est pas nécessaire aux réseaux innovateurs si ceux-ci peuvent s’appuyer sur une ou plusieurs proximités
non géographiques définies dans le tableau 1. De plus, les relations entre proximités (géographique et non géographique) et innovation sont complexes :
- tantôt les auteurs mettent en avant une complémentarité et un renforcement mutuel avec la
proximité géographique, tantôt c’est davantage une relation de substitution ;
- la relation entre l’innovation et les proximités est aujourd’hui considérée comme non linéaire mais plutôt comme une relation de type « en U inversé » : il existe un niveau précis ou
plus sûrement un intervalle en deçà duquel la proximité est insuffisante et au-delà duquel la
proximité est excessive que l’on parle de proximité sociale (sous ou sur-encastrement), cognitive (base de connaissances partagées insuffisantes ou risque d’enfermement cognitif), organisationnelle (autonomie ou contrôle) ou institutionnelle (minceur institutionnelle ou enfermement politique).
Dès lors que nous couplons innovation et régénération (cf. les développements précédents), il
est tentant de mobiliser cette approche pour mieux appréhender la place du territoire dans la
régénération d’une filière industrielle. Quelle est cette place ? Quels rôles y jouent les différents types de proximités mises au jour précédemment ? Quelles relations entretiennentelles les unes avec les autres ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre en deux temps : tout d’abord en proposant une typologie des régénérations territoriales, ensuite en étudiant un cas précis de régénération territoriale qui présente l’avantage de
permettre de dynamiser le cadre précédent.
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1.2. Proposition d’une grille d’analyse dynamique de la régénération stratégique d’un
territoire
Un territoire peut donc être appréhendé à la fois dans sa dimension spatiale et dans sa dimension non spatiale. Ces deux types de proximités ne sont alors que des potentialités pour le territoire. Elles doivent être activées, sous peine de rester à l’état latent et de ne pas permettre la
régénération. D’un point de vue pratique, nous considérons que cette activation prend la forme
de projets portés par les acteurs du territoire. Nous nous réclamons donc de la Project-Based
View (PBV), développée notamment par Aurégan et al. (2007) et Bréchet et Desreumaux
(2004). Selon cette approche, les projets constituent à la fois l’unité d’action et d’analyse de
l’action collective. Ils supposent que le territoire résolve deux types de problème : celui de la
coopération entre les acteurs qui le composent (problème politique) et celui de la coordination
(problème technique de gestion) définie simplement comme la mobilisation concrète des ressources et compétences nécessaires à la bonne réalisation de ces projets. La simple juxtaposition et le lancement de différents projets collectifs ne sont pas, pour autant, suffisants pour innover au sein d’un territoire et le régénérer. En effet, ces différents projets doivent partager un
ou des objectifs communs pour éviter d’entrer en conflit et de se concurrencer. En suivant les
travaux de Lorenzoni et Baden-Fuller (1995) sur le centre stratégique, cela demande donc bel
et bien une vision stratégique claire – c’est-à-dire du politique – et de la coordination. Projets
et régénération sont donc indissociables.
En s’inspirant à la fois des recherches de Loilier (2010) et de Torre (2009), la figure 1 propose
de distinguer quatre formes de régénérations territoriales en croisant les rôles respectifs des
proximités géographique et non géographiques dans cette dynamique.
Le quadrant situé en haut à gauche de la matrice concerne les situations où le territoire ne mobilise aucune proximité. Logiquement, ce cas n’est pas traité puisqu’il ne peut déboucher sur
une régénération du territoire, aucune proximité n’étant activée de manière effective.
La régénération de type 1 s’appuie sur la proximité géographique. Dans ce territoire dit « subi » (Loilier, 2010), le lieu domine le lien. On trouve ici les logiques de localisation évoquées
notamment par Porter (1982). Les entreprises peuvent ici privilégier un comportement nomade puisque seule la dotation en facteurs du territoire les intéresse. Les proximités non géographiques sont faibles, voire inexistantes (en tout cas, elles ne sont ici pas activées) entre des
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organisations pourtant proches géographiquement. La capacité de régénération de ce territoire
apparait possible mais limitée.
Figure 1. Typologie des régénérations territoriales
La régénération de type 2 se fonde sur un territoire dit « construit » (Loilier, 2010). Il ne repose pas sur la proximité géographique mais sur les autres formes de proximités. Les acteurs
se régénèrent collectivement en partageant un territoire symbolique et virtuel qui n’a pas
d’existence spatiale. Dans ce cas, cette régénération est rendue possible grâce notamment aux
proximités institutionnelle et électronique souvent élevées et activées par de nombreux projets
partagés. En considérant que les logiciels libres ont permis une régénération du secteur de
l’informatique, ils offrent un exemple instructif de ce type de dynamique. Celle-ci se fonde
notamment sur une gouvernance (ici un ensemble de règles et principes de bonne conduite et
des valeurs partagées) activant à la fois les proximités institutionnelle, sociale et électronique
qui permettent ici de s’affranchir assez largement des contraintes spatiales.
Enfin, la régénération de type 3 mobilise de manière active l’ensemble des proximités géographique et non géographique constituant ainsi un territoire dit « intégré » (ibid.). La mise en
œuvre des pôles de compétitivité français constitue un bon exemple de tentative de ce type de
régénération territoriale. Elle peut bien entendu s’avérer très efficace dès lors que les acteurs
du territoire sont suffisamment dynamiques pour mener collectivement un volume suffisant de
projets créateurs de valeur et partagent une vision commune.
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Ce cadre enrichit la littérature en proposant plusieurs types de régénération et en questionnant
leurs liens avec le territoire. Il montre qu’en la matière, le rôle de la proximité géographique
ne doit pas être surestimé et peut/doit être complété par d’autres formes de proximité dites
non géographiques. A ce stade, il nous semble que ce cadre pèche parce qu’il est finalement
implicitement statique. Il n’aborde pas la question des trajectoires concrètes des régénérations
territoriales c’est-à-dire des processus à l’œuvre sur la durée. Implicitement, nous considérons
en effet que la régénération de type 3 est la plus performante. Mais elle n’est pas naturelle et
demande des efforts d’ordre politique (incitation à la coopération) et technique (en matière de
coordination). Il parait donc logique de penser que la régénération de type 3 est
l’aboutissement d’un tel processus, pas son point de départ. A ce stade de notre réflexion et
dans le cadre de notre logique abductive, il est primordial de confronter cette construction
théorique à un cas concret particulièrement instructif : celui de la filière cidricole.
2. UNE PERSPECTIVE EMPIRIQUE DE LA RÉGÉNÉRATION D’UN
TERRITOIRE : LE CAS DU TERRITOIRE CIDRICOLE
Notre objectif est de comprendre le rôle des proximités géographique et non-géographique
dans la régénération d’un territoire. Pour l’atteindre, nous avons eu recours à une étude de cas
(2.1.) fondée sur la régénération de la filière cidricole. Les résultats mettent alors en évidence
une trajectoire suivant trois types de régénération : la régénération fondée sur le territoire subi,
sur le territoire construit, puis sur le territoire intégré (2.2).
2.1. Méthodologie du cas
La régénération stratégique est ici appréhendée comme un processus (Agarwal et Helfat,
2009). Au niveau méthodologique, si l’on ne s’en tient pas au seul contenu de la stratégie, une
approche longitudinale apparait donc nécessaire pour l’étudier (Kwee et al., 2011 ; Volberda
et Lewin, 2003). Nous avons mobilisé ici l’étude de cas (Yin, 2009 ; Eisenhardt, 1989)
comme stratégie d’accès au réel. Nous avons conduit une étude longitudinale couvrant le processus de régénération stratégique du territoire cidricole entre 2000 et 2012. Pour cela, nous
avons collecté simultanément des données primaires et secondaires.
Nous avons mené une série de 30 entretiens semi-directifs avec plusieurs acteurs concernés
par la régénération du territoire cidricole (annexe 1). Les entretiens ont alors fait l’objet d’un
enregistrement et d’une retranscription. Ils nous ont permis de comprendre le besoin de régéRennes, 26-28 mai 2014
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nération du territoire cidricole ainsi que la manière dont la régénération a été orchestrée par la
mise en œuvre de plusieurs projets phares. En parallèle, la collecte et l’analyse de données secondaires nous ont servis pour compléter et vérifier le contenu des entretiens afin de limiter
notamment les risques de biais liés à la rationalisation a posteriori des acteurs interrogés. Ces
données secondaires proviennent principalement de coupures de presse généraliste et spécialisée (dans l’agro-alimentaire) et de documents procurés par les organisations visitées.
Ce dispositif méthodologique a été utilisé pour étudier la régénération stratégique du territoire
cidricole. Ce terrain est pertinent pour étudier la régénération stratégique d’un territoire pour
trois principales raisons. D’abord, l’activité cidricole est organisée et localisée au sein d’un
territoire. Elle regroupe des transformateurs (artisans et industriels), en concurrence, qui produisent et commercialisent les boissons cidricoles et des producteurs chargés de cultiver les
vergers à l’origine de la matière principale : les pommes à cidre. En outre, plusieurs acteurs,
privés et publics, soutiennent l’activité cidricole selon des actions d’ordre technique, promotionnel ou de représentation. Ensuite, la situation au début des années 2000 apparait pertinente
pour étudier la régénération d’un territoire. En 2002, alors qu’il est leader sur le marché cidricole français depuis plusieurs décennies, le groupe Pernod-Ricard quitte définitivement cette
activité. Sa domination, initiée dès les années 70, a provoqué la concentration de l’activité cidricole après de nombreux rachats d’entreprises (pour 15 millions d’euros environ). Enfin,
l’activité, perçue comme mature, rencontre au même moment d’énormes difficultés en termes
de débouchés. En France, la consommation annuelle de cidre est alors évaluée à deux litres
par habitant. A la même période, les irlandais et les anglais buvaient respectivement 12 et 8
litres de cidre par année pendant que d’autres entreprises écoulaient 38 litres de bière et 58
litres de vins en France (CESR de Basse-Normandie, 2002). Finalement, les ventes de cidre
sont concentrées au niveau géographique – les régions productrices (Bretagne, Normandie,
Pays de la Loire) demeurent les premiers consommateurs – et temporel avec trois pics de consommation au cours de l’Epiphanie, la Chandeleur et l’été.
2.2. Le cas unique étudié : la régénération du territoire cidricole
L’analyse de la dynamique du territoire cidricole a fait émerger plusieurs phases permettant
d’aller d’une absence de régénération vers une logique de territoire intégré. Les propos suivants, construits à partir du recueil des données primaires et secondaires, illustrent et présentent ces différentes phases de régénération du territoire cidricole (figure 2).
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Figure 2. La trajectoire de régénération du territoire cidricole
Type de régénération
Projet(s) phare(s) de la
période étudiée
Régénération de type 1
(2000-2004)
Projet CESR
Régénération de type 2
(2004-2007)
Projet
de
fusionabsorption Agrial - Val
de Vire
Régénération de type 3
(depuis 2007)
Projet de « stabilisation »
des matières premières
Projet de création d’un
label commun
Projet Casdar
2.2.1. L’absence de régénération
L’activité cidricole a été, pendant près de 30 ans, dominée par le groupe Pernod-Ricard. Au
cours des années 1970, l’entreprise française a installé et consolidé son leadership en acquérant « beaucoup de cidreries » (J. De Villeneuve). Dès lors, elle utilise et applique les mêmes
recettes qui lui ont permis de devenir un acteur incontournable dans les alcools et les spiritueux. Concernant le cidre, les producteurs de pomme, signataires de juteux contrats
d’approvisionnement, plantent des vergers basse-tige afin de pouvoir répondre à la demande
importante de Pernod-Ricard. Néanmoins, les débouchés n’atteignant finalement jamais les
volumes souhaités, des tensions vont apparaître entre le leader et certains acteurs du territoire
cidricole. A l’origine des tensions réside notamment le non-renouvellement de plusieurs contrats d’approvisionnement qui privent de nombreux producteurs de débouchés. On reproche
alors à Pernod-Ricard de faire subir aux producteurs ses prévisions et ses résultats médiocres
ainsi que la mise en œuvre d’une concurrence fondée exclusivement sur les prix ayant à la fois
freiné l’innovation et accéléré la diminution de la qualité des boissons proposées :
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« C’était là la difficulté qu'on a vu sur Pernod-Ricard, une fois que vous avez des pommes, si
vous n'avez pas le marché en face, vous vous retrouvez avec les pommes sur les bras et puis
qu'est-ce qu'on en fait ? […] Mal appréhender les discussions avec le monde agricole, c'est
contractualiser plus que de besoin au niveau des pommes. Ils avaient signé des contrats, le
fait qu'ils allaient collecter tant de tonnes de pommes, ils les ont eues. Et vous mettez en face
de ça ce qu'ils avaient projeté comme augmentation de ventes de produits. Donc une baisse,
enfin ce n’était pas au rendez-vous, leur augmentation n'était pas au rendez-vous» (J-L. Duval).
« Les grands opérateurs économiques se sont battus pendant des années et des années pour
vendre un cidre moins cher que le concurrent. Ils n'ont pas mis en avant l'innovation produit.
Ils n'ont pas mis en avant l'originalité […] Là on était vraiment en train de bousiller la filière » (J. Primault).
D’autres évènements, tels que la dissolution temporaire de l’interprofession cidricole en 1995
provoquée par la volonté du groupe français de ne plus participer à la communication générique pour le cidre ou la difficulté à relancer la consommation vont définitivement éloigner
Pernod-Ricard de cette activité :
« Le groupe Pernod-Ricard a décidé de taper du poing sur la table en disant : « écoutez, si
vous ne voulez pas qu’on puisse avancer et si l’interprofession n’a pas envie de remonter le
marché, autant chacun vivre de son côté » (J. De Villeneuve).
« Une activité cidricole dont la rentabilité était quand même très loin des rentabilités qu’on
pouvait trouver dans le monde des spiritueux » (J. De Villeneuve).
En 2000, le groupe français annonce donc qu’il va prochainement se désengager du cidre.
Pernod-Ricard, qui était certes propriétaire de plusieurs cidreries localisées en Normandie et
Bretagne, n’était pas véritablement considéré comme un acteur du territoire au sens spatial et
social. Ainsi, posséder des filiales localisées au sein d’un territoire ne permet pas ipso facto
d’être accepté par les autres acteurs. Le fait de privilégier des relations de concurrence et
d’ignorer les relations de coopération peut notamment l’expliquer. Le manque de proximité
géographique et non géographique peut, en partie, expliquer les difficultés de l’activité cidricole et le manque de synergie pendant cette période liée à Pernod-Ricard.
2.2.2. La régénération fondée sur le territoire subi (régénération de type 1)
L’annonce de Pernod-Ricard a provoqué une réaction collective au sein du territoire cidricole.
En effet, cette activité garde une image forte et constitue un symbole important pour les ré-
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gions productrices. C’est pourquoi, en novembre 2001, un projet est lancé par le CESR1 de
Basse-Normandie pour trouver un « successeur » à Pernod-Ricard capable d’affronter les
maux de l’activité cidricole. L’un des auditeurs est alors le directeur général d’Agrial, une
jeune coopérative agricole et agroalimentaire dont le siège social se situe à Caen. Cette organisation a alors l’avantage de déjà disposer de liens avec la filière cidricole. En effet, parmi
ses nombreuses activités, Agrial collecte et stocke les pommes à cidre de ses adhérents. Ces
derniers plaident donc majoritairement en faveur d’Agrial pour succéder à Pernod-Ricard.
Cette succession, devient finalement effective en 2004 (entre 2002 et 2004, l’activité cidre de
Pernod-Ricard avait été acquise par l’entreprise CCLF). Ce choix ne surprend pas et rassure
les acteurs interrogés :
« Alors quand je dis est-ce que c'est un hasard, je me pose la question, je trouve surprenant
que le rapporteur, donc quelque part le demandeur de ce travail, était le Directeur général
d'Agrial » (J. Primault).
« Agrial, c'est celui qui est la locomotive, c'est celui qui a le réseau national » (F. Dupont).
Le cas cidricole montre que le fait d’être localisée et perçue comme un véritable acteur du territoire est décisive dans la régénération d’un territoire. Le projet du CESR qui amène au choix
Agrial n’est pas anodin. Il permet de combler d’abord le manque de proximité géographique.
La proximité géographique de la coopérative rassure les acteurs du territoire cidricole et constitue la base pour le régénérer. L’organisation apparait plus légitime : ses activités fortement
liées au territoire lui donnent plus de crédit que Pernod-Ricard, au contraire perçue comme
individualiste et seulement intéressée par son seul résultat.
Ensuite, le rôle de la proximité géographique va devenir progressivement moins décisif face
au rôle des proximités dites non géographiques.
2.2.3. La régénération fondée sur le territoire construit (régénération de type 2)
Dans un second temps, la prise de pouvoir d’Agrial permet à la confiance de se redévelopper
dans le territoire et de mettre en œuvre de nouvelles pratiques. Pour cela, la comparaison avec
Pernod-Ricard sert de référent. Ainsi, selon les personnes interrogées, l’ancien leader avait
surtout une logique de domination permise par ses ressources et les différentes opérations de
rachat réalisées à partir des années 1970 :
1
CESR : Conseil Economique et Social Régional
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« Le problème avec Pernod-Ricard c’est qu’ils ne voulaient pas vraiment augmenter le gâteau
et que tout le monde y trouve une part. Ils voulaient racheter un maximum d’entreprises pour
avoir le gâteau pour eux seulement » (P. Musellec).
On note, à ce sujet, l’influence d’une construction et d’une perception collective des événements passés à travers un rejet collectif des décisions et des actions mises en œuvre par
l’ancien leader :
« Dans la stratégie, à un moment ou à un autre, il faut penser à votre entreprise et à votre environnement. Si vous pensez tout seul, en pensant que vous êtes seul au monde, à un moment
ou à un autre, vous avez des gens qui se rebellent. Et c'est un peu ce qui s'est passé avec nous,
avec Val-de-Vire, avec les Celliers Associés » (F. Malinowski).
Durant cette phase, une nouvelle orientation concurrentielle entre les transformateurs de
pommes à cidre remplace l’homogénéité stratégique passée. Depuis, le prix n’est plus la seule
variable discriminante et plusieurs entreprises proposent des produits différents ou innovants.
En d’autres termes, le départ de Pernod-Ricard apparait décisif pour l’évolution des décisions,
des actions et de l’interprétation de la concurrence :
« Quand j’étais Directeur commercial et marketing, la filiale cidricole on l’avait transformé
en filiale boissons […] Et quand on disait boissons c’était : voilà, à partir des pommes à
cidre qu’est-ce qu’on peut faire comme autres boissons que du cidre ? » (E. Maroufi).
« La problématique est plus ouverte, c’est-à-dire qu’ils ne vendent pas que du cidre. C’est ce
qu’ils font d’ailleurs depuis quelques années, ils lancent des innovations dans le cidre pour
sortir de nouveaux produits » (P. Magnan).
Bien que plus tardif, un autre évènement est aussi révélateur de la réflexion désormais collective au sein du territoire et de l’influence d’Agrial comme leader légitime et attaché à
l’activité cidricole. Ainsi, en 2009, Agrial rachète Val de Vire, son principal challenger. Pourtant, cette entreprise avait tenté de bouleverser les positions concurrentielles de nombreuses
fois en commercialisant des boissons innovantes. Ainsi, la nouvelle concurrence n’a pas empêché le développement d’une réflexion collective afin de préserver les intérêts de producteurs
et du territoire lorsque Val de Vire a fait face à d’importantes difficultés financières :
« La proximité entre la coopérative Agrial et la coopérative Elle & Vire elle existe. Et puis on
a considéré qu'il y avait certainement une logique à essayer de trouver une solution qui soit
une solution industrielle, commerciale à cette entreprise parce que derrière l'entreprise il y a
des producteurs de fruits à cidre aussi. Et puis il y a des salariés, il y a un outil, il y a un
passé » (F. Malinowski).
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Le cas cidricole montre que la perception plus positive de la coopérative Agrial a permis de
rétablir et d’accroître la proximité sociale (confiance). Les autres acteurs semblent, en effet,
plus en phase avec ce nouveau leader plus coutumier des spécificités du monde cidricole.
Cette évolution est aussi permise par le rapprochement des acteurs au niveau cognitif
(l’interprétation commune des évènements passés) et par une influence plus forte de la proximité institutionnelle. La perception d’un environnement concurrentiel favorable a permis la
diversification et le lancement de plusieurs boissons innovantes. Ce nouveau leader a, par ailleurs, contribué au rapprochement de plusieurs acteurs à travers une perception commune du
passé du territoire et la nécessité d’une concurrence apportant davantage d’émulation collective. Le désengagement de Pernod-Ricard favorise donc la construction d’une représentation
partagée d’un environnement concurrentiel jugé plus porteur. Ces éléments ont ensuite permis
d’accroître la proximité organisationnelle. Cela s’illustre notamment par la mise en œuvre collective de plusieurs projets par les acteurs du territoire cidricole dans la dernière phase de régénération de cette filière : celle fondée sur le territoire intégré.
2.2.4. La régénération fondée sur le territoire intégré (régénération de type 3)
Cette dernière phase est marquée par le développement de diverses collaborations, d’abord
entre acteurs du territoire cidricole, puis avec des organisations extérieures. Ces projets concernent notamment des aspects techniques (réflexion collective sur la matière première et sur
la manière de la rendre plus stable en termes de qualité et de quantité en 2008) ou commerciaux (création collective d’un label dédié à un nouveau moment de consommation : le cidre
d’automne en 2009). Puis, d’autres projets ont aussi nécessité la mobilisation d’acteurs externes. A ce propos, les instigateurs du projet Casdar (2007)2 ont eu recours à des experts de
l’Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers et de l’INRA Dijon pour mieux comprendre les
différents comportements et attentes des consommateurs à l’égard du cidre :
« C’est la première fois qu'on fait un travail comme ça, d'envergure, pour l'ensemble des acteurs et qu'on réunit fermiers-artisans, industriels, tout le monde » (Y. Gilles).
« C'est une approche extrêmement intéressante parce que ça devrait nous permettre de
prendre un peu de recul parce que les gens de cette filière avaient un peu tendance à se regarder entre eux » (J. Primault).
2
Le projet Casdar a été initialement mis en œuvre par la chambre régionale d’agriculture de
Normandie pour comprendre l’image du cidre chez le consommateur et identifier ses différentes
perceptions.
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Le rapprochement des acteurs du territoire n’a pas mené vers son cloisonnement mais plutôt à
une ouverture plus propice à sa régénération. Les projets présentés montrent que les acteurs de
la filière cidricole font désormais appel à des organisations externes qui disposent d’experts
non présents au sein du territoire. La dernière phase montre le retour de la proximité géographique associée à la proximité organisée. Néanmoins, le rôle de la proximité géographique est
maintenant principalement temporaire. En effet, la mise en œuvre de projets collectifs ne peut
pas seulement reposer sur les seules ressources et compétences des acteurs du territoire. Parfois, il est nécessaire de faire appel à des acteurs externes au territoire et disposant de ressources et compétences pertinentes et complémentaires.
Afin de mettre en évidence les apports théoriques et empiriques de notre recherche, la mise en
perspective de ces résultats fait l’objet de la troisième partie de ce travail.
3. DISCUSSION ET CONCLUSION
Cette recherche apporte globalement une contribution à la fois théorique et empirique à une
meilleure compréhension des dynamiques de régénération d’un territoire. Les travaux sur la
régénération stratégique s’étaient principalement penchés sur l’organisation comme niveau
d’analyse, même si les travaux d’Huygens et al. (2001), en empruntant le concept de coévolution, ont montré l’importance du niveau méso-économique. Plusieurs travaux avaient alors
emprunté la RBV pour analyser des dynamiques territoriales (par exemple Mendez et Mercier,
2006). De ce point de vue, l’originalité de cette recherche réside dans la mobilisation des travaux de l’école de la proximité pour éclairer l’étude de la régénération d’un territoire. En la
matière, la littérature a proposé de faire le lien entre proximité et innovation en se limitant
toutefois, la plupart du temps, à une approche statique. Ici, nous avons montré que ce cadre, à
condition d’être dynamisé, pouvait aussi servir pour faire le lien entre la proximité et la régénération d’un territoire. La discussion de cette recherche va dans ce contexte porter sur trois
points : les conditions de la régénération, les rôles (influence et nature des relations) des
proximités dans ce processus pour terminer, de manière classique, par les limites et prolongements de cette recherche.
3.1. Les conditions de la régénération d’un territoire : choc(s) et projet(s)
Notre recherche confirme d’abord le rôle des projets collectifs dans la dynamique d’un territoire. Dans le cas du territoire cidricole, ces projets ont permis de maintenir sa régénération. A
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ce sujet, leur rôle est double. D’abord, ils ont permis une véritable amélioration des performances commerciales et techniques des produits cidricoles vendus. Ensuite, ils ont facilité la
coopération des acteurs qui, auparavant, n’avaient pas pour habitude d’échanger, de collaborer
et d’apprendre de manière collective. Indubitablement, les apports de la PBV concernant le
rôle primordial des projets pour analyser l’action collective sont ici confirmés.
Le cas confirme par ailleurs que la dynamique de régénération demande souvent des chocs,
comme l’ont montré McNamara et Baden-Fuller (1999). A ce sujet, la littérature sur la régénération stratégique met en évidence le rôle de plusieurs évènements significatifs. Si elle se
penche principalement au niveau d'une seule organisation, ses résultats semblent néanmoins
transposables au niveau inter-organisationnel : celui d'un territoire. Toutefois, le cas étudié
montre aussi qu’un choc unique peut être suffisant. Pour le territoire cidricole, l’annonce du
départ du leader a ainsi représenté un choc suffisamment important pour amener à une réaction de ses principaux acteurs. La perte d’une telle organisation représentait une véritable menace pour la survie de l’activité cidricole. Mais cette menace peut aussi agir comme une véritable opportunité dans le cadre du processus de régénération du territoire. Dans le cas étudié,
les choix du leader, qui jouait le rôle de centre stratégique, étaient assez contestés par les
autres acteurs et donc considérés comme peu légitimes. Plusieurs d’entre eux les ont toutefois
suivi et ont opté pour des choix stratégiques fondés principalement sur une logique de domination par les coûts. Quand le nouveau leader a (re)pris le rôle de centre stratégique du territoire, son influence a été double : d’abord en rassurant les acteurs par sa légitimité, ensuite en
instaurant un climat favorisant la mobilisation de tout un ensemble de proximités non géographiques en incitant à la mise en œuvre de projets collectifs partagés par les acteurs. Ce « remplacement » du leader s’est avéré ici l’une des conditions très importantes dans le bon déroulement du processus de régénération.
3.2. Influence et relations des proximités dans la régénération d’un territoire :
complémentarité ou substitution ?
Le cas étudié met en évidence trois phases distinctes au cours desquelles l’influence des différentes formes de proximité est variable.
Tout d’abord, il apparait assez nettement que dans un territoire au sein duquel on trouve une
activité traditionnelle constituant une image forte et symbolique de ce territoire, la proximité
géographique reste la forme de proximité la plus influente pour initier une dynamique territoRennes, 26-28 mai 2014
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riale. Précisément, c’est la perception de proximité géographique qui semble décisive. En effet, dans le cas du territoire cidricole, le leader historique possédait bien plusieurs entreprises
localisées dans le territoire mais cette présence géographique n’était pas jugée suffisante par
les autres acteurs pour que ce leader soit considéré comme faisant partie dudit territoire. En
d’autres termes, la proximité géographique des cidreries du leader historique était effacée par
la perception qu’elles n’étaient que le seul relais des décisions prises par une organisation
dont le centre stratégique était situé hors du territoire. Le changement de leader marque le retour d’une véritable activation de la proximité géographique puis le développement de la
proximité non-géographique au sein du territoire cidricole (deuxième temps). Premièrement,
le rétablissement d’une véritable proximité géographique est permis par le statut particulier et
la légitimité du nouveau leader. Acteur de plusieurs activités traditionnelles du territoire, le
nouveau leader permet l’activation de la proximité géographique qui ne reste plus à l’état de
latence. Cette proximité rassure et permet alors de rétablir la confiance au sein du territoire.
En outre, les décisions et actions mises en œuvre sont cohérentes avec cette appartenance au
territoire mais, surtout, elles font l’objet d’un processus cognitif de comparaison avec les décisions et actions de l’ancien leader. Ce processus comparatif, quasi-permanent et automatique
fait figure de légitimation des actions du nouveau leader. Dans un deuxième temps,
l’activation des proximités non géographiques commence véritablement par l’intermédiaire du
développement de la proximité sociale et institutionnelle au sein du territoire. Pour finir, la
troisième phase de régénération est caractérisée par la mobilisation conjointe des proximités
géographique et non géographique grâce à la mise en œuvre effective de plusieurs projets partagés par les acteurs du territoire.
Le cas étudié permet donc à la fois de préciser l’influence des différentes formes de proximité
dans le processus de régénération d’un territoire et d’apporter une contribution à la question
de la nature des relations entre les proximités géographique et non géographique :
- Dans les dynamiques de régénération territoriale, la proximité géographique n’est, certes, pas
suffisante seule pour permettre cette régénération mais elle pourrait néanmoins en être la
source (phase 1). Le phénomène de régénération doit ensuite être poursuivi (phase 2) par la
mobilisation des proximités non géographiques (précisément sociale et institutionnelle) pour
ensuite être conforté par une activation conjointe des proximités géographique et non géographiques (phase 3). Au cours de cette dernière phase, la proximité géographique temporaire
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semble jouer elle aussi un rôle non négligeable dans la régénération d’un territoire en permettant l’accès à des ressources et compétences supplémentaires.
- La nature des relations entre proximité géographique et non géographiques est complexe.
Ainsi la succession des phases 1 et 2 de régénération met en évidence une relation de substitution. A la fin de la phase 1, ce sont bien les proximités non géographiques (ici précisément les
proximités sociale et institutionnelle) qui prennent le relai de la proximité géographique pour
assurer la régénération du territoire. Mais, en fin de phase 2, il apparait assez clairement que
c’est la mobilisation conjointe de ces deux types de proximité qui assure et conforte le processus de régénération territoriale, suggérant une relation de complémentarité entre ces proximités. Bien entendu, il ne s’agit pas ici de clore ce débat concernant la nature des relations entre
proximité géographique et non géographiques mais bien d’y apporter des éléments. Dans le
cadre du processus de régénération territoriale, il semble que ces proximités soient d’abord
substitutives lors des deux premières phases, pour ensuite devenir complémentaires pendant la
dernière phase de ce processus.
3.3. Conclusion : limites et perspectives de la recherche
Cette recherche a donc permis de clarifier d’une part le rôle des proximités dans la régénération d’un territoire et d’autre part de mettre en évidence une trajectoire composée de trois
phases dans ce processus. Dans chacune de ces phases, les rôles respectifs des proximités
géographique et non géographiques sont différents. Nous en avons donc déduit que la nature
des relations entre ces dernières variait : d’abord substituables pendant les phases amont du
processus, ces deux types de proximité deviennent ensuite complémentaires.
Bien entendu, ce travail n’est pas exempt de limites. Outre celles inhérentes à la méthode des
cas, en particulier celles liées à l’analyse mono-cas, notre approche n’a pas permis de saisir
dans leur intégralité les mécanismes d’activation des différentes proximités et leurs modalités
fines de substitution ou de complémentarité. Par ailleurs, le caractère mature et traditionnel du
secteur étudié est une variable qui n’a pas été prise en compte dans notre analyse et dont il
conviendrait de chercher à mieux comprendre si elle influe sur les caractéristiques du processus de régénération d’un territoire (et si oui, comment).
Cette question de l’influence du degré de maturité d’un secteur sur les modalités de régénération du territoire qui le porte ouvre des perspectives stimulantes pour des prolongements à
cette recherche. Il en existe d’autres. Sans chercher ici à être exhaustif, deux pistes nous semRennes, 26-28 mai 2014
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blent particulièrement prometteuses. La première a trait au rôle du leader dans la régénération
d’un secteur ou d’une filière. Notre cas laisse, en effet, entendre que ce rôle peut être central,
que l’on ait affaire au leader historique ou à un nouveau leader interne ou externe au territoire.
Il serait alors instructif de comprendre plus finement la place que peut avoir le leader dans un
processus de régénération territoriale. La seconde a trait au type de régénération auquel font
face les organisations : l’exploitation ou l’exploration (Volderba et al., 2001a, 2001b ; Kwee
et al., 2011). Il serait sans doute intéressant de développer des recherches pour appliquer cette
distinction aux régénérations territoriales et discuter de sa pertinence dans ce contexte.
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Rennes, 26-28 mai 2014
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XXIII Conférence Internationale de Management Stratégique
et proximité organisée, Revue Française de Gestion, 184, 105–118.
Annexe 1. Liste des entretiens réalisés
Nom
Y. GILLES
A. DIDIER
Y. GILLES
A. DIDIER
J. PRIMAULT
F. DUPONT
L. SPIERS
J-L. DUVAL
F. MALINOWSKI
E. MAROUFI
V. TRUBERT
P. PISTORIUS
P. MAGNAN
R. SYMONEAUX
P. MUSELLEC
F. SARRAZIN
T. CAPELLE
X. De SAINT POL
J-L. BENASSI
J. De VILLENEUVE
L. GUILLET
D. BEDU
J. DUPONT
C. BALL
D. HUTIN
Organisation
Fonction
Chambre
régionale
d’agriculture de Nor- Responsable du pôle œnologie
mandie
Animateur de l’ARDEC (AssociaChambre
régionale
tion
de
développement
de
d’agriculture de Norl’économie cidricole)
mandie
Responsable du pôle œnologie
Chambre
régionale
d’agriculture de Nor- Animateur de l’ARDEC
mandie
IFPC (Institut Français
des Productions Cidri- Directeur technique
coles)
Cidrerie de la Brique
Président
Agrial
Directeur délégué
Agrial
Président de la filière cidricole
PDG de CCLF
Directeur de la filiale boissons
Agrial
Ex-Président de l’UNICID (Interprofession cidricole)
Ex-Directeur marketing et comVal de Vire
mercial
Val de Vire
Ex-Chef de produit
Cora
Acheteur univers boissons
UNICID
Responsable communication
Ingénieur de recherche (projet
ESA Angers
CASDAR)
Les Celliers Associés
Directeur
Enseignant-chercheur en sociologie
ESA d’Angers
(notamment des productions agricoles)
Cidrerie Théo Capelle
Fondateur
Calvados Préaux
Directeur
(La Martiniquaise)
UNICID
Directeur
CSR (Ex-filiale cidre de Ex-Directeur Commercial
Pernod-Ricard)
Guillet et Dujardin
IDAC (Interprofession
Président
cidricole)
Domaine Dupont
Directeur
CCLF
Ex-Directrice Marketing
France Inter
Journaliste spécialiste du cidre
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Nombre
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1
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1
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