fois les machines bien réglées, les travailleurs ne nécessitent aucune attention particulière en
dehors d’un encadrement disciplinaire.
Robert Owen, en dépit de son attention à la morale, à l’éducation et à la religion, considère
les travailleurs comme des « machines vivantes » pouvant « être facilement formées et
dirigées de manière à produire un grand accroissement conséquent des gains pécuniaires »
(Owen, 1817, p.73). Il remarque à cet égard que, « suite à l’expérience des effets bénéfiques
attribuables au soin et à l’attention appropriés portés aux appareils mécaniques, il devint aisé à
un esprit réfléchi d’en conclure que des avantages au moins aussi égaux proviendraient de
l’application d’un soin et d’une attention similaire portés aux instruments vivants » (Ibid,
pp.74-75). Sa réflexion sur le travail reste néanmoins assise sur des conceptions patriarcales et
mécaniques.
Écrivant dans les années 1830 et 1840, le britannique James Montgomery applique la
notion de « management » à des processus de fabrication, des machines, des parties de
machines, des moteurs, des courroies, des usines, des départements d’usines et des matières
premières, mais jamais à des êtres humains, auxquels il réserve le terme de « gouvernement ».
Son ouvrage technique sur les manufactures de coton américaines traite de machines et de
coûts mais jamais des questions d’autorité, de discipline ou d’organisation du travail. Le bon
manager calcule, arrange, améliore et rend efficaces des réalités inanimées. Chargé de
« garder toute la machinerie en bon soin et en bon état de marche », il n’a pas à se préoccuper
des travailleurs mais doit se contenter d’être en bonne entente avec eux (Montgomery, 1832,
pp.250-251). La discipline, indispensable au fonctionnement des usines, est du ressort du
maître.
Le mathématicien anglais Charles Babbage est quant à lui principalement un scientifique
intéressé par les mathématiques. Loin d’être un véritable théoricien du management ou de
l’entreprise, c’est avant tout un penseur de la machine. Pour lui, l’être humain est
essentiellement « un animal producteur d’outils » (Babbage, 1851, p.173). Il conçoit que la
machine puisse exercer un contrôle sur les travailleurs, ou encore qu’elle puisse ajuster et
réguler la dépense d’énergie humaine ou prévenir « l’inattention, l’oisiveté et la malhonnêteté
des agents humains » (Babbage, 1832, p.39). Mais ce n’est pas ce qui l’intéresse en premier
lieu dans son Économie des machines et de la manufacture. Babbage s’y penche moins sur le
gouvernement des ouvriers que sur les procédures de production et l’usage des outils. Il
applique ainsi son intelligence avant tout aux matériaux, aux machines, aux produits, à
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