Homme
de
l'Art
Teinte sans conscience.
n'est
que
ruine
de
l'Art
La
citation originale bien connue,
de
François Rabelais
(1483-1553)
«
Science sans conscience n'est
que
ruine
de
l'âme
»,
faisait plus référence
à des
notions philoso-
phiques
qu'à des
notions pratiques. Pourtant elle prend
ici
toute
sa
valeur
car,
comme
on le
découvre progres-
sivement depuis l'ère
du
numérique, l'organique
ne
peut
se
résumer
ni en
pixels
ni en
bits-
Quelle
est par
exemple
la
qualité
de
restitution
du son
d'un
instrument, numérisé
sur un
support informatique
?
La
technologie
a
numérisé
ce
qu'on
lui
demandait,
et
rien d'autre. Elle s'est limitée
à 50 Hz
dans
les
graves
et à 16 000
dans
les
aigus. Cependant, même
si les
sons
en-deçà
et
au-delà sont inaudibles, combinés
aux
sons
audibles
ils
font toute
la
différence entre
le
violon
que
vous entendez vibrer dans
un
concert
et
celui restitué
par
votre chaîne Hi-Fi.
Nombre d'entre nous auront
été
étonnés
en
ré-écoutant
de
vieux vinyles
de
retrouver
une âme, une
chaleur,
une
présence restituées
par
l'enregistrement analogique
(organique),
que le
numérique
a
depuis éliminée.
De
même qu'une image
ne
peut
pas se
limiter
à 16 mil-
lions
de
couleurs
et
pixels,
un son ne
peut
pas se
limiter
à un
nombre
de
kilobits
et
tout
ce qui se
résume
à un
nombre
de
points élémentaires
si
petits soient-ils, n'est
qu'une succession
de
points, mais
pas une
courbe.
En
matière d'analyse
de
teinte,
la
technique peut guider
notre démarche, mais est-il vraiment raisonnable
de se
priver
de
tout
le
reste,
à
savoir
nos
organes
et
notre
conscience
?
complémentaires
Pour analyser
la
teinte
à
reproduire, deux approches s'offrent
à
nous,
l'une technicienne, l'autre sensorielle.
Lui
technique
du «
relevé
de
teinte
»
Fondée
sur la
notion
de «
relevé
de
teinte
»,
cette premiè-
re
approche revêt
une
connotation technologique
qui met
en
évidence
la
nécessité d'une maîtrise
de
cette analyse
grâ-
ce à des
moyens techniques appropriés.
Celle-ci
se
limite
à un
protocole
à
effectuer dans
un
envi-
ronnement
«
contrôlé
»
(est-ce toujours
le cas ?)
pour lais-
ser le
moins
de
place possible
à
l'interprétation subjective.
Elle repose
sur la
confiance
en la
pratique habituelle
et s'en
remet aveuglément
aux
outils
et à la
technologie. Cette atti-
tude
est
dite
«
newtonienne
»,
cherchant l'infaillibilité dans
des
lois physiques bien identifiées
et
bien pratiquées.
En cas
d'erreurs,
ces
lois
et
habitudes seront
le
parapluie
à
tout reproche, véritable attestation
de
bonne pratique
mal-
gré
l'échec, dédouanant
son
disciple
de
tout effort
de
véri-
fication finale.
Cette démarche justifie totalement
le
choix
des
prises
de
teinte dites numériques
:
c'est
la
voie technicienne,
qui ne
se
préoccupe
que de la
seule gestion
« des
teintes
de
réfé-
rence
».
L'art
de h «
prise
de
teinte
»
En
revanche, s'appuyant
sur la
notion
de «
prise
de
teinte
»,
cette seconde approche fait beaucoup plus penser
à un
acte
qui,
au-delà
des
moyens techniques utilisés, s'associera
à
l'instinctif,
au
sensoriel
et au
subjectif
et
donc s'enrichira
immanquablement
de
l'influence
de
critères physiologiques
voire psychologiques.
Cette pratique reposant également
sur les
principes tech-
niques sans
s'en
contenter, prolongera leur pertinence
par
l'interprétation
de
l'observation
des
couleurs, intégrant
ain-
si les
facteurs organiques, psychiques, culturels
et
temporels
tant
de
l'acte lui-même
que du
patient.
Cette formule
«
prise
de
teinte
» est,
selon
moi, le «
passa-
ge
obligé
»
pour réaliser
une
restauration harmonieuse,
et
le
mieux possible
de
l'accomplir
on se
doit.
Cette attitude,
sur
laquelle nous reviendrons plus loin,
est
dite Goethienne.
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Tech. Dent.
N° 257 -
04/08