Qu'en est-il de la responsabilité en médecine esthétique ? Michel Masson Membre du Comité de gestion du FAM Obligation de moyens L'obligation de moyens (Article 1137 du Code civil) est une obligation en vertu de laquelle le débiteur doit déployer ses meilleurs efforts pour atteindre l'objectif visé. Elle s'oppose à l'obligation de résultat, par laquelle un objectif est donné. On est en présence d'une appréciation in abstracto, c'est-à-dire qu'il y a référence à un modèle abstrait par exemple le résultat généralement obtenu lors de cette démarche thérapeutique.. Obligation de résultats C'est une obligation en vertu de laquelle le débiteur est tenu d‘obtenir un résultat précis. Glissement dans le domaine de la responsabilité médicale Un arrêt récent du 15.1.2010 …Victime d’un dommage(!) causé à la suite d’une opération chirurgicale. Il s’agissait en l’espèce d’une patiente qui avait demandé à son gynécologue de pratiquer une stérilisation par ligature des trompes. Six mois après l’intervention, une grossesse est diagnostiquée. La patiente et son mari assignent le médecin non pas en lui reprochant de ne pas les avoir avertis du risque d’échec de l’opération mais en invoquant que le médecin a contracté une obligation de résultat dont il ne peut se libérer qu’en invoquant la force majeure. Dans son arrêt du 17.4.2008, la cour d’appel de Liège a accueilli cet argument pour condamner le médecin à la réparation du dommage causé. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le médecin contre cette décision. Évolution du type de responsabilité • Au départ, les médecins étaient poursuivis au titre de responsabilité délictuelle... • Ce type de responsabilité se voit opposer la responsabilité contractuelle (aux termes d'un contrat signé un architecte s'engage à réaliser la maison de vos rêves selon les plans prévus). • Depuis l'arrêt Mercier (1936) les médecins peuvent être poursuivis au titre d'une responsabilité « quasi » contractuelle Évolution du type de responsabilité • De plus, le médecin se voit maintenant imposer une information complète, compréhensible … et comprise… par le patient évoquant toute complication possible ! • Des cas apparaissent dans la jurisprudence ou des praticiens sont condamnés sur le seul fait d'une information incomplète…Et ne comprenant pas la complication encourue La charge de la preuve La charge de la preuve incombe en principe entièrement au patient: celui-ci devra prouver la faute, le dommage et le lien de causalité existant entre les deux. Problèmes… Pour le médecin Procédures longues (pfs > de 20 ans) Enquêtes longues et inquisitoires Pas de dédommagement des aléas Difficulté à être assuré correctement Pour le patient Procédures longues (pfs > de 20 ans) enquêtes longues Pas de dédommagement des aléas Coût des expertises à avancer au civil Aspects législatifs en Belgique Évolution des projets de loi 2003 projet loi Demotte: • Voie unique de dédommagement des accidents médicaux par un fonds d'indemnisation : ° si l'on considère qu'il y a une responsabilité fautive, le fonds réclame le montant versé à l'assurance RC professionnelle ° si le fonds considère qu'il s'agit d'un aléa , le fonds dédommage sur fonds propre et ne réclame rien à personne • Parallèlement à cela : immunisation des médecins au niveau du civil ; bien sur le recours au pénal est toujours possible puisque personne ne peut s'y soustraire Changement de majorité... • Le CDH exige une remise à plat de la loi car : * elle ne prévoit pas le dédommagement intégral du patient * elle accorde une immunité civile au médecin ce qui est (!) totalement inacceptable . Loi du 31 mars 2010 Onkelinx Loi du 31 mars 2010 Onkelinx Section 2. - Définitions et champ d'application … 4° " prestation de soins de santé " : services dispensés (à partir du 1° avril 2010) par un prestataire de soins en vue de promouvoir, de déterminer, de conserver, de restaurer ou d'améliorer l'état de santé du patient ou de l'accompagner en fin de vie… Loi du 31 mars 2010 • Art. 3…. § 2. Sont exclus du champ d'application de la présente loi, les dommages résultant : 1° d'une expérimentation au sens de la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine; 2° d'une prestation de soins de santé accomplie dans un but esthétique non remboursable en vertu de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. • En France : • En Belgique FAM 1946 à la Constitution de l'organisation mondiale de la santé (OMS) La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. Loi relative au fonds des accidents médicaux 31 mars 2000 • Apporter la preuve du lien de causalité entre la faute et le dommage pose également problème. • « Le résultat d’un traitement médical n’étant jamais certain à 100%, il est difficile de prouver qu’un traitement médical correct aurait permis d’éviter le dommage. » Loi relative au fonds des accidents médicaux 31 mars 2000 Pour pouvoir être indemnisé ( au titre d’aléa) par le Fonds, le dommage devra néanmoins présenter un seuil de gravité - comme c’est le cas en France- précisé dans la loi, et ce afin de maintenir le budget du Fonds dans des limites réalistes et supportables par celuici. Loi relative au fonds des accidents médicaux 31 mars 2000 Pour la même raison, il est également prévu d’exclure l’indemnisation des dommages qui trouve leur cause dans une prestation de soins accomplie dans un but esthétique non remboursable en vertu de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994. Loi relative au fonds des accidents médicaux 31 mars 2000 • …pas opportun de mettre à charge de la solidarité nationale l’indemnisation de prestations qui relèvent de la pure convenance pour le patient. • Le critère sera dès lors le remboursement éventuel de la prestation par l’assurance maladie invalidité. Que dit la loi… • Ce Fonds sera financé par : • 1° un montant annuel à charge des frais d'administration de l'Institut national d'assurance maladie invalidité fixé par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres; • 2° le revenu des actions subrogatoires exercées conformément aux articles 28, 30, 31 et 32; • 3° les produits financiers recueillis sur les sommes dont le Fonds dispose Que dit la loi… • Compte tenu de la nature de ses missions, la composition du conseil d’administration (comité de gestion)du Fonds est inspirée de celle du Conseil général de l’INAMI, tout en y intégrant également des représentants des organisations de patients. • Art. 7. § 1. Le conseil d'administration du Fonds se compose comme suit : 1° quatre membres représentant l'autorité; 2° quatre membres représentant les organisations représentatives de l'ensemble des employeurs et les organisations représentatives de travailleurs indépendants; 3° quatre membres représentant les organisations représentatives de l'ensemble des travailleurs salariés; 4 quatre membres représentant les organismes assureurs; 5° cinq membres représentant les praticiens professionnels, dont trois médecins au moins; 6° trois membres représentant les institutions de soins de santé, dont au moins un médecin hygiéniste; 7° quatre membres représentant les patients; 8° deux professeurs ou chargés de cours de droit, spécialisés en droit médical. Fam et voie judiciaire On vise précisément aujourd’hui: - à ce que de moins en moins de dossiers soient portés devant le juge et - à ce que de plus en plus de dossiers soient réglés à l’amiable, ce qui permettrait aux assureurs de faire des économies, en particulier sur les honoraires de leurs avocats et sur les frais de justice. Procédure entièrement gratuite pour le patient Résultats du Fonds au 30/03/2016 dossiers cloturés Mois 2010 01 02 03 04 05 06 Total dossiers clôturés / an 6 2 3 1 4 2012 6 4 6 2 4 77 2014 13 2015 Grand Total 45 1 103 63 51 35 08 2 2011 2013 07 16 1 10 10 1 1 2 6 3 13 10 1 29 42 268 10 25 11 11 16 338 5 5 4 5 3 4 1 3 1 3 4 2 30 3 59 6 45 2 51 1 35 Grand Total 65 7 40 12 13 9 71 11 1 6 28 09 31 104 3 69 79 5 1 64 2 1 25 64 734 Nombre de dossiers rentrés TotaL dossiers / an Mois 01 2010 Mois 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 Grand Total 2010 2 1 2 1 2 3 11 2011 6 2 3 1 4 1 2 1 9 4 1 2 36 2012 8 4 14 6 10 16 9 21 114 97 95 70 464 02 03 04 05 06 07 08 09 2013 143 96 108 94 65 84 57 62 105 107 105 70 1096 1 2 2014 115 80 74 76 70 89 84258 61 83 71 65 926 3 1 4 1 1 9 2015266 58 56 63 56 67 47 46 53 37 48 35 6322 10 16 9 21 114 2016462 591430 1516 96 Total 108400 299 94 285 240 65 20784257 200 188 57 344 329 62 322 245 105 Grand 331680 74 76 70 89 84 58 61 2011 6 2012 8 2013 143 2014 115 2015 66 58 56 2016 62 59 30 400 299 285 Grand Total Total dossiers clôturés / an 63 56 67 47 46 53 10 11 12 Grand Total 1 2 3 11 4 1 2 36 97 95 70 464 107 105 70 1096 83 71 65 926 37 48 35 632 151 240 207 257 #### 188 344 329 322 245 3316 Total dossiers clôturés / an Mois 01 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Grand Total Mois 02 6 6 77 13 1 103 01 02 03 04 2010 05 06 2 03 2 4 45 9 3 63 07 04 3 6 51 7 4 71 05 1 2 35 1 1 40 08 1 06 2 4 4 16 6 3 35 07 1 10 28 5 1 45 08 1 2 6 13 5 3 30 09 10 1 6 65 25 5 2 104 13 10 4 4 31 11 1 3 51 11 3 69 12 2 59 11 5 2 79 3 1 42 16 1 1 64 Grand Total 10 29 268 338 64 25 734 09 10 11 12 Grand Total 2 1 2 3 11 2011 6 2 3 1 4 1 2 1 9 4 1 2 36 2012 8 4 14 6 10 16 9 21 114 97 95 70 464 2013 143 96 108 94 65 84 57 62 105 107 105 70 1096 2014 115 80 74 76 70 89 84 58 61 83 71 65 926 2015 66 58 56 63 56 67 47 46 53 37 48 35 632 2016 62 59 30 400 299 285 Grand Total 151 240 207 257 200 188 344 329 322 245 3316 Il reste une double voie… • D’une part, la voie du Fonds, qui met à la disposition de la victime une procédure amiable d’indemnisation simple, rapide, gratuite et efficace. • D’autre part, en vertu du droit commun, la victime a toujours le droit d’introduire une action en justice tant au civil qu’au pénal, afin de demander la réparation de son dommage. ‘‘À partir du moment où il s’agit d’une ou de plusieurs prestations purement esthétiques, le remboursement de l’assurance doit être refusé, qu’il s’agisse de prestations de chirurgie, d’anesthésie, d’assistance, etc. Les dispositions de l’article 1 , § 7, de la nomenclature font en effet mention des “interventions” en général. Par ailleurs, il est exact que ces dispositions ne font pas allusion à l’hospitalisation. Pour les frais afférents à celle-ci, il y a lieu de les considérer comme frais accessoires qui ne sont pas remboursables non plus, en vertu de la règle ’’ qui veut que l’accessoire suive le principal.’’ Justification accessoire du nonremboursement pour l'esthétique • Tout geste chirurgical, portant atteinte à l’intégrité du corps humain, doit en principe être justifié par un intérêt légitime. • En matière de santé, c’est l’intérêt thérapeutique qui sert en principe de fait justificatif, mais tel n’est pas le cas en chirurgie esthétique. • Le patient qui se présente chez son chirurgien esthétique n’est pas malade, mais souhaite obtenir la rectification d’un défaut afin de mieux s’accepter sur le plan physique. • Le chirurgien qui opère porte atteinte volontairement à l’intégrité physique de son patient et cette atteinte est, a priori, constitutive d’une infraction prévue par le Code Pénal dans sa section intitulée « Des atteintes volontaires à l’intégrité des personnes » S’agissant de la chirurgie plastique, le consentement du patient qui prend en général lui-même l’initiative de se rendre chez le spécialiste, n’est pas suffisant. • … l’annexe à l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités: • D’une part, l’article 1er, § 7 précise que: « Les interventions pratiquées dans un but purement esthétique ne sont pas honorées, sauf dans les cas admis, dans les programmes de rééducation fonctionnelle et professionnelle visés à l’article 19 de la - loi du 9 août 1963, instituant et organisant un régime d’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité, en vue de permettre au bénéficiaire d’obtenir ou de conserver un emploi. » « Le fait même d’avoir pratiqué une opération comportant des risques d’une réelle gravité sur un membre saint dans le seul but d’en corriger la ligne et sans que cette opération soit imposée par une nécessité thérapeutique ni même qu’elle puisse présenter une utilité quelconque pour la santé de l’opéré constitue à lui seul une faute de nature à engager la responsabilité du chirurgien ». Jurisprudence en chirurgie et médecine esthétique • …les médecins ont été condamnés pour faute sans que la Haute Juridiction ne se prononce sur la légalité des actes réalisés dont la finalité était purement esthétique. Sans doute, la gravité des dommages subis, avait-elle orienté les juges du fond en faveur d’une indemnisation. • En effet, dans la première affaire, une femme de soixante-six ans avait perdu la vision à la suite d’une intervention en suppression des rides et dans le second, un homme avait subi un remodelage du cou et du bas du visage ayant entrainé des cicatrices chéloïdes et des névralgies de la face... Par ailleurs, tout médecin n’est pas apte à exercer la chirurgie esthétique. La loi en accorde certes, la pratique, mais sous certains conditions de qualification et de diplôme. Le médecin qui se présente en tant que chirurgien esthétique plasticien doit être effectivement inscrit au tableau de l’Ordre sous cette spécialité Les règles communes de responsabilité applicables à la chirurgie esthétique • Le médecin qui a causé un dommage à son patient peut voir sa responsabilité engagée sur le plan civil (I) et être contraint d’indemniser la victime. • Mais sa faute peut également correspondre à une infraction qui sera sanctionnée au moyen d’une peine pénale En esthétique obligation de résultat ? Comme l’a énoncé l’arrêt MERCIER en 1936, le médecin est tenu d’une obligation de moyen dans l’exercice de son art ce qui signifie qu’il ne peut engager sa responsabilité sur la spécificité du fait esthétique seule constatation que le résultat recherché n’est pas atteint, mais qu’à la condition d’avoir commis une faute. Responsabilité quasi contractuelle. Assurance RC de l’esthéticien Via les rc professionnelles habituelles en stipulant bien les actes techniques à couvrir … En cas de problème • Poursuites via la voie judicaire civile ou pénale • Dédommagement lié à la détermination d’une faute : pas de dédommagement en cas d’aléa … En cas de problème • Reconnaître les faits • Ne pas reconnaître sa responsabilité (comme en roulage) • Prévenir son assurance • Essayer d’arriver à un arrangement à l’amiable via son assurance Et avant tout … • Essayez d’éviter de prêter le flanc à la critique…