n°3231 22 octobre 2010

ISSN 0015-9506
Séjour
à Montpellier
chez Georges Frêche
(pages 26 à 28)
86 année - Hebdomadaire n° 3231 - 22 octobre 2010 3 €
france-catholique.fr
france-catholique.fr
FRANCE
86
86
année
année
-
Hebdomadaire
Hebdomadaire
n°n°
3231
3231
-
22 octobre 2010 22 octobre 2010
33
€€
FRANCEFRANCE
Catholique
Synode à Rome
pour le Moyen-Orient :
Face à l’islam
(pages 6 à 13)
Tous entrepreneurs pour la paix avec Jacques Humeau
(pages 17 à 22)

BRÈVES
FRANCE
SPÉLÉO : Le spéléologue disparu
dans les gorges de l’Ardèche,
Éric Establie, 45 ans, a été
retrouvé noyé le 11 octobre.
ÉCONOmiE : La commission
Attali a remis le 15 octobre au
chef de l’État un rapport qui
donne la priorité à la maîtrise
des dépenses publiques pour
ramener le déficit sous les 3%
du PIB en 2013.
SOCiÉtÉ : La mission de lutte
contre les sectes a publié un
5e guide destiné à prévenir les
mineurs des risques encou-
rus ; il peut être consulté sur
« Miviludes.gouv.fr ».
FiSCALitÉ : Nicolas Sarkozy a
indiqué le 12 octobre à des
parlementaires UMP que la
réforme de la fiscalité du patri-
moine serait engagée en juin
2011 ; elle passerait par le réa-
ménagement du bouclier fiscal,
de l’impôt sur la fortune, des
impôts fonciers et des plus-
values.
JuStiCE : Le plus important
procès de faucheurs volon-
taires s’est ouvert le 11 octobre
devant le tribunal correctionnel
de Marmande où 86 personnes,
dont José Bové, comparais-
saient pour la destruction de
15 hectares de maïs OGM en
2006 ; 6 000 euros d’amende
ont été requis contre José Bové
et trois autres personnes, deux
mois de prison avec sursis à
l’encontre des 82 autres sus-
pects.
Ayant fait l’objet de trois
demandes successives de mise
sous tutelle, Liliane Bettencourt
va porter plainte contre sa fille
pour « violences morales ».
La Cour européenne des droits
de l’homme a condamné la
France le 14 octobre dans une
affaire de garde à vue ; les
juges européens estiment que
les personnes gardées à vue
doivent bénéficier d’un avocat
dès le début de la procédure et
qu’elles ont le droit de garder
le silence.
SANtÉ : Le service de chirurgie
cardiaque du centre hospitalier
régional de Metz a été fermé
le 11 octobre en raison du taux
de mortalité élevé constaté en
2009.
Une étude commanditée par
la Caisse d’assurance-maladie
évalue entre 500 et 1 000 le
nombre de décès imputables au
« Mediator » ; ce médicament
prescrit aux diabétiques, puis
aux personnes en surcharge
pondérale, a été retiré du mar-
ché en novembre dernier.
CiRCuLAtiON : Le gouverne-
ment a autorisé le 14 octobre
l’ouverture des stocks de car-
burants de réserve et l’impor-
tation de carburants pour les
transports routiers. Les forces
de l’ordre ont débloqué plu-
sieurs dépôts pétroliers dont
celui de Fos-sur-Mer le 15
octobre. Le trafic aérien pour-
rait cependant être menacé.
tRANSPORt AÉRiEN : Mise en
examen pour avoir employé en
France des salariés sous contrat
irlandais, la compagnie à bas
coût Ryanair a annoncé le 13
octobre la fermeture en jan-
vier prochain de sa base de
Marseille ; ses employés et ses
avions seront transférés en
Espagne, Italie et Lituanie.
La compagnie Cityjet, filiale
d’Air France, fait également
l’objet d’une poursuite au par-
quet de Bobigny pour « travail
dissimulé ».
ROmS : La France a envoyé le
15 octobre sa réponse à la
commission européenne dans
l’affaire des renvois de Roms
dans leur pays ; elle confirme
son intention de modifier la
loi nationale en fonction de la
législation européenne de 2004
sur la liberté de circulation
dans l’Union.
LASER : Le président de la
République a inauguré le 14
octobre près de Bordeaux le
site du futur Laser mégajoule
destiné à simuler la fiabilité et
la sûreté des armes nucléaires.
DiSPARitiON : Le prix Nobel
français d’économie, Maurice
Allais, est décédé le 9 octobre ;
il était âgé de 99 ans.
mONDE
ONu : L’Allemagne, le Portugal,
l’Afrique du Sud, l’Inde et la
Colombie ont été élus le 12
octobre membres non perma-
nents du Conseil de sécurité.
FEmmES : La ville de Deauville
a accueilli du 14 au 16 octobre
la 6e édition du Forum des
femmes qui a réuni 1 200 par-
ticipants venant de 80 pays
pour débattre de la place des
femmes dans l’économie et la
société.
SANtÉ : Une étude publiée par
l’Institut allemand du travail
montre que les ouvriers pro-
fitant de mesures de retraite
anticipée ont plus de chances
de mourir avant 67 ans ; en
cause, la fin de la routine et de
l’activité physique du travail et
la dépression.
AFghANiStAN : Un sous-offi-
cier du 126e régiment d’infan-
terie de Brive a été tué le 14
octobre à l’est de Kaboul et
un autre blessé ; 50 militaires
français ont été tués dans le
pays depuis 2001.
LiBAN : La visite du président
iranien Ahmadinejad les 13 et
14 octobre s’est inscrite dans
un contexte politique marqué
par les tensions entre le gou-
vernement et le Hezbollah à
propos du tribunal chargé de
juger les assassins de l’ancien
Premier ministre, Rafic Hariri.
YÉmEN : Les familles d’expa-
triés français ont été appelées
le 13 octobre par le Quai d’Or-
say à quitter le pays en raison
de l’insécurité qui y règne.
SuiSSE : Une fraiseuse géante
a achevé le 15 octobre de
percer le tunnel ferroviaire du
Gothard, une galerie de 57 km
à 2 000 mètres sous terre qui
va mettre Zürich à 2h40 de
Milan, soit une heure de moins
qu’aujourd’hui.
itALiE : Le parquet de Rome
a ouvert une enquête pour
évasion fiscale contre Silvio
Berlusconi dans le cadre d’un
procès concernant la vente et
l’achat de droits de retransmis-
sion télévisée par les chaînes
du groupe Mediaset.
ExtRêmE-ORiENt : Des mani-
festations nationalistes paral-
lèles ont eu lieu le 16 octobre
en Chine et au Japon à propos
de la souveraineté sur des îles
côtières.
Une explosion dans une mine
de charbon a fait 26 morts le
16 octobre dans le centre de la
Chine ; les sauveteurs tentaient
de joindre 11 autres mineurs
piégés sous terre.
NigER : Quatre hauts gradés
ac cusés d’avoir préparé un
coup d'État ont été arrêtés le
15 octobre. Le régime de tran-
sition affirme que le référen-
dum du 31 octobre ne sera pas
retardé.
ALLEmAgNE : La chan-
celière Angela Merkel
a affirmé le 16 octobre
que le modèle d’une
Allemagne multicul-
turelle avait échoué,
faisant écho au débat
sur l’immigration qui
divise le pays ; d’après
les sondages, 58% des
Allemands toléreraient
mal les musulmans et
35% estimeraient le pays sub-
mergé par les étrangers.
BOLiViE : Un suspect dans la
disparition d’un couple de
Français fin août, dans le nord-
est du pays, a été arrêté et
incarcéré le 17 octobre.
PhiLiPPiNES : Le typhon Megi,
qualifié de « super typhon »
avec des rafales à 230 km/h, a
atteint le nord des Philippines
le 18 octobre, exigeant l’éva-
cuation de milliers de per-
sonnes. J.L.
2 FRANCECatholique n°3231 22 octobre 2010

SOMMAIRE
ACTUALITÉ
4 SOCIAL Réactions durables
Alice Tulle
5 CHILI Sortis de terre
Yves La Marck
DOSSIER
6 SYNODE POUR LE MOYEN-ORIENT Face à l'islam
Natalia Bottineau
10 Et Israël ?
N.B.
12 Un appel à la vie
N.B.
13 L'humour au synode
N.B.
ESPRIT
14 LECTURES 30e dimanche ordinaire
Père Michel Gitton
1 6 ANIMAUX DANS L'ÉVANGILE Le loup
Tugdual Derville / Didier Tiphaine
17 SOLIDARITÉ Tous entrepreneurs pour la paix
Jacques Humeau
23 SOLESMES Une journée pour un millénaire
Denis Lensel
MAGAZINE
24 B.D. Un os dans Évolution (3e épisode)
Brunor
26 LETTRES Réussite montpelliéraine
Gérard Leclerc
29 CHANSON Le retour de Louis Chedid
Pierre François
30 SPECTACLES La baleine et le chien
Jocelyne Tarneaud / B. Pondaven
32 THÉÂTRE « Pablo Záni à l'école »,
« L'Odyssée de Monsieur Personne »
« Les Cahiers de Malte Laurids Brigge »
Pierre François
33 CINÉMA « Alpha et Oméga »,
« Les petits mouchoirs »,
« Divorce à la finlandaise », « Biutiful »
M.-C. Renaud d'André, Georges Collar
34 TÉLÉVISION « Le vrai pouvoir du Vatican »
Pierre François
35 TÉLÉVISION « Aimé de son concierge »,
« Le rêve d'Adrian »,
« Mademoiselle Chambon »,
« Portés disparus »
M.-C. Renaud d'André
36 TÉLÉVISION Votre début de soirée
M.-C. R. d'A.
38 BLOC-NOTES Vie associative et d’Église
Brigitte Pondaven
COUVERTURE : © OSSERVATORE ROMANO
C
'EST LE PAPE qui a employé, dimanche dernier, cette
expression de « fête de la sainteté » alors qu'il pro-
cédait à la canonisation de six bienheureux, issus
de trois continents, l'Europe, l'Amérique du Nord
et l'Australie. C'est dire combien la sainteté n'a pas
de frontières et comment la vocation universelle dont parlait
Vatican II peut s'actualiser aux yeux des témoins du monde
entier. Mais il faut rappeler l'identité des six visages affi-
chés sur la façade de la basilique vaticane : Giulia Salzano et
Battista Camilla da Varano (religieuses italiennes), Stanislas
Kazimierczyk Soltys (religieux polonais), Candida Maria de
Jesús Cipitria y Barriola (religieuse espa-
gnole), Mary MacKillop (la première sainte
australienne), frère André Bessette (le thau-
maturge canadien). S'il y avait donc fête à
Rome et bien au-delà de Rome, c'est qu'un
sentiment d'action de grâce soulevait les
cœurs pour « ces exemples lumineux » qui
invitent les fidèles à transformer leur exis-
tence en « cantique de louange à Dieu ».
Ainsi Benoît XVI poursuit-il le mouve-
ment lancé par son prédécesseur Jean-Paul II
qui avait inscrit béatifications et canonisa-
tions au centre de son ministère apostolique, en prolongeant
ainsi l'enseignement pressant du Concile, notamment dans la
constitution dogmatique Lumen gentium : « Dans l'Église, qu'ils
appartiennent à la hiérarchie ou qu'ils soient régis par elle, tous
sont appelés à la sainteté selon la parole de l'apôtre : "Oui, ce
que Dieu veut, c'est votre sanctification" (cf. 1 Thess. 4,3 et
Éph 1,4). Cette sainteté de l'Église se manifeste constamment
et doit se manifester par des fruits de grâce que l'Esprit pro-
duit dans les fidèles... » Certes, si tous sont appelés, tous ne
parviennent pas à l'héroïcité des six nouveaux saints et à la
perfection de leur amour offert. Mais c'est parce que certains
atteignent les cimes que leurs frères peuvent admirer leur
ascension et se mettre en disposition de les imiter.
Le fait que les différents peuples sont en mesure de prier
des figures de chez eux leur rend plus proche encore l'attirance
pour la sainteté. C'est bien le cas en Australie où la religieuse
canonisée fait la une de toute la presse et de la télévision et
s'impose comme un exemple familier à toute une population
à qui la formule de Léon Bloy pourrait être proposée : « Il n'y a
qu'une tristesse, c'est de ne pas être des saints. »
■
La fête
de la sainteté
ÉDITORIAL
FRANCECatholique N°3231 22 OCTOBRE 2010 3
par Gérard LECLERC
Écoutez la chronique de
Gérard Leclerc,
chaque semaine sur :

ACTUALITÉ
par Alice TULLE
4 FRANCECatholique n° 3231 22 octobre 2010
P
our qui regarde
à la télévision
les images des
cortèges, c’est
toujours la même
chose : drapeaux rouges,
slogans contre la réforme,
bribes d’Internationale.
Nous ne sommes pour-
tant ni en 1936, dans un
contexte de montée des
périls internationaux, ni en
1968 lorsque les étudiants
et les ouvriers se révoltaient
pour des raisons différentes
voire opposées : revendica-
tions classiques orchestrées
par une CGT alors très proche
du Parti communiste ; insur-
rection au Quartier latin
ludique et culturelle — mais
cependant violente. Nous
ne sommes pas non plus en
1995, grève corporative et
paralysante menée par les
cheminots.
Quoi qu’en dise Olivier
Besancenot, il n’y aura pas
de « nouveau Mai 1968 »
parce que les manifestations
réunissent toutes les géné-
rations dans un même refus,
sans que Nicolas Sarkozy
soit en mesure de rassem-
bler un « parti de l’ordre »
qui, en quelques démonstra-
tions puissantes, rétablirait
le calme dans les rues sinon
dans les esprits.
Dans les manifestations
de septembre et octobre 2010,
on voit bien que le projet
de loi sur les retraites n’est
qu’un élément de la contes-
tation. Les lycéens et les
étudiants, qui se proclament
solidaires de leurs parents,
s’insurgent aussi contre la
perspective du chômage et
des emplois précaires. Les
enseignants dénoncent la
politique scolaire et univer-
sitaire du gouvernement,
infirmières et médecins défi-
lent pour défendre l’hôpital
public. C’est l’ensemble d’une
politique qui est contesté et
Nico las Sarkozy, qui n’a cessé
de se porter en première ligne,
est la cible de maints slogans
et se trouve caricaturé sur de
nombreuses banderoles.
La contestation du prési-
dent de la République et du
gouvernement n’est pas le
fait de l’extrême gauche :
des groupes de syndica-
listes modérés demandent
haut et fort la démission de
Nicolas Sarkozy et de François
Fillon. Étrange impression
d’un bouleversement dans
les symboles et les réfé-
rences : L’Internationale est
devenue un chant de révolte
détaché de la tradition
communiste et l’effigie de
Che Guevara n’an nonce pas
le passage à la lutte armée ;
les petits groupes trotskistes
et les nombreux anarchistes
de la CNT paraissent déca-
lés et les manifestants ne
prêtent guère attention aux
membres des fédérations
socialistes qui tiennent stand
sur quelques trottoirs.
Pour la plupart, les mani-
festants sont dans l’incer-
titude politique : les plus
anciens ont vu s’effondrer
le communisme soviétique,
les plus jeunes n’ont pas la
moindre idée de ce que fut
l’engagement communiste
avant et après la guerre ;
le Parti socialiste n’est pas
l’expression d’un espoir
comme il le fut, à tort, dans
la seconde moitié des années
soixante-dix ; les mouve-
ments gauchistes ne sont
plus à « l’avant-garde ».
Mais les manifestations
ne sont qu’un aspect du
mouvement social qui est,
bien au-delà de la réforme des
retraites, une conséquence de
la crise majeure qui frappe
les États-Unis et l’Europe de
l’Ouest. Les réunions inter-
nationales ne parviennent
pas à empêcher la guerre des
monnaies. En ce qui concerne
les membres de l'Union euro-
péenne, la zone euro peut
être du jour au lendemain la
cible de nouvelles manœuvres
spéculatives (l’Irlande est
menacée) et les délocalisa-
tions industrielles augmen-
tent le chômage et ne cessent
de réduire la puissance propre
de grands pays et les chances
de redressement.
En France, beaucoup
sentent qu’ils sont en train de
subir une mutation écono-
mique et sociale profonde
et violente. Or personne,
dans le monde politique,
ne répond précisément à
cette angoisse qui peut être
mauvaise conseillère. n
SOCIAL
Étrange impression d'un bouleversement
dans les symboles et les références
(
Pour apprécier les risques de radicalisation du mouvement
social en cours il faut situer les grèves et les manifestations
dans le contexte de la crise qui frappe les pays occidentaux.
Réactions durables

Du 5 août au 17
octobre, le monde
entier a été tenu
en haleine par
l’odyssée des
trente-trois mineurs chiliens
de la mine de San José à
Copiapo, au nord du Chili.
Les journalistes du monde
entier ont afflué vers ce coin
perdu, plus nombreux que
les officiels et les familles.
Pour beaucoup, c’est l’ex-
ploit humain qui fait recette
auprès des amateurs de télé-
réalité. Mais au-delà, l’évé-
nement fait sens pour bien
d’autres raisons.
Les accidents sont
fréquents dans les mines
à travers le monde. C’est
encore sans doute l’acti-
vité la plus dangereuse. La
Chine, la Russie, l’Inde, les
États-Unis, grands pays
miniers, déplorent chaque
année des victimes. C’est
un rappel toujours bienvenu
que notre système écono-
mique n’est pas seulement
financier mais repose sur la
production de biens réels et
d’abord sur l’extraction de
matières premières depuis
le sol. Nous avons presque
oublié les grands groupes
multinationaux qui s’affron-
taient en bourse selon telle
ou telle rumeur de décou-
verte de filons ici ou là dans
les endroits les plus exotiques
de la planète. La vie politique
de ces contrées était ryth-
mée par les manigances de
ces sociétés sans scrupule.
Puis vinrent les nationalisa-
tions. 40% des ressources
de l’État chilien proviennent
des mines. C’était – et c’est
toujours – un pays straté-
gique comme l’un des princi-
paux producteurs mondiaux
de cuivre.
Or c’est depuis la chute de
Pinochet un pays démocra-
tique où alternent au pouvoir
le centre-gauche de l’an-
cienne présidente, Michelle
Bachelet, et le centre-
droit de l’actuel président
Sebastian Piñera. Le sauve-
tage des mineurs profite
intégralement à ce dernier et
à son ministre des Mines pour
avoir pris les bonnes déci-
sions. Le président Obama
peut être envieux. Il n’a
pas eu cette chance dans le
golfe du Mexique, parce qu’il
ne dispose pas des mêmes
pouvoirs constitutionnels. Au
Chili, un gouvernement de
droite, dirigé par un milliar-
daire, récupère la mise dans
un domaine où l'on se serait
attendu à une rhétorique
syndicaliste de choc et à une
mobilisation des forces de
gauche. Il n’en a rien été et
les choix techniques furent
les plus judicieux avec un
véritable héroïsme de la part
des mineurs.
Ce phénomène contribue
à expliquer la popularité des
partis démocratiques libé-
raux dans un sous-conti-
nent longtemps déchiré
entre dictatures militaires
et révolutions marxisantes.
Une gauche démocratique
a émergé, mais aussi, plus
surprenant peut-être étant
donné certaines structures
latifundiaires prévalant dans
cette zone, une droite démo-
cratique et libérale.
L’attribution du prix
Nobel de littérature le 7
oc tobre à l’écrivain péruvien
Mario Vargas Llosa consti-
tue une forme de reconnais-
sance de cette évolution.
Pour que le jury du Nobel
en soit venu à consacrer un
écrivain qui s’était porté
candidat du centre-droit
au Pérou en 1990, qui plus
récemment a ouvertement
soutenu la candidature d'Al-
varo Uribe en Colombie et
celle de Sebastian Piñera au
Chili, qui pourfend la dicta-
ture castriste et le chavisme,
comme il avait également
attaqué la dictature de
Trujillo en République domi-
nicaine (« la fête au bouc »),
c’est que quelque chose a
changé en Amérique du Sud
et que les milieux intellec-
tuels, traditionnellement
progressistes s’agissant de ce
sous-continent, commencent
eux aussi à le reconnaître. n
CHILI
par Yves LA MARCK
L’incroyable retentissement médiatique du sauvetage des
33 mineurs chiliens ne s’explique pas que par l’exploit
humain, mais par des enjeux plus larges : le libéralisme,
l’économie réelle, le Chili et l’Amérique du sud.
Sortis de terre
FRANCECatholique n°3231 22 octobre 2010 5
Un domaine où l'on se serait attendu
à une rhétorique syndicaliste de choc
)