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L’Autriche avait été annexée depuis longtemps, la Pologne envahie, les démocraties
européennes terrassées les unes après les autres : d’abord le Danemark et la Norvège, puis le
Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique, et finalement la France.
Oui, pour reprendre les mots du philosophe Marcel Gauchet, « le traumatisme de 1940 fut
l’un des plus profonds de l’histoire du pays. Beaucoup de Français avaient l’impression que
la France était finie, qu’il n’y avait plus rien à faire ni à espérer. – C’était, poursuivait-il une
expérience d’anéantissement. »La France paraissait comme vidée de sa substance. Pour
beaucoup, les difficultés quotidiennes liées à la survie dans une économie de guerre
devenaient la seule préoccupation qui vaille.
Et c’est alors que, dans la solitude de leur conscience, dans le pays comme dans les territoires
d’outre-mer, des femmes et des hommes décidèrent de prendre tous les risques pour infléchir
le cours de l’histoire. Il faut lire les témoignages de celles et ceux qui vécurent ces moments
pour le comprendre. « La Résistance intérieure disait Alban Vistel, Chef des Forces
Françaises de l’Intérieur de notre Région, fut l’œuvre de volontés éparses qui convergèrent
mois après mois, de solitaires qui marchèrent à tâtons les uns vers les autres.
Ils devaient tout tirer d’eux-mêmes, inventer sans trêve les tactiques et les stratégies de cette
forme imprévue de combat. Et cela sans autres moyens que ceux qui pouvaient naître de la
persévérance, de l’ingéniosité, du courage, du don de soi ».
Ingéniosité, courage, don de soi. Ce sont ces valeurs, en effet, qu’incarnèrent ceux qui,
répondant à l’appel du Général de Gaulle, avaient rejoint Londres pour former les troupes de
la France Libre.
Ce sont ces valeurs qui animaient ces femmes et ces hommes de tous âges, de tous horizons
qui, des quatre coins de notre pays, vinrent former cette armée improbable à laquelle Joseph
Kessel donna le beau nom d’armée des ombres.
Ce sont ces valeurs qui, de l’Orient à l’Afrique, des Antilles à l’Océan indien, firent se lever
une armée qui maintenait sur les théâtres extérieurs la France au combat.
Oui, ce sont ces valeurs que firent vivre toutes celles et ceux qui, de l’intérieur comme de
l’extérieur du pays, refusèrent de céder au fatalisme et firent converger leurs forces pour
vaincre le nazisme.