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Discours de Monsieur Gérard Collomb
Sénateur-Maire de Lyon
A l’occasion du 72e anniversaire de La Libération de Lyon
Hôtel de Ville de Lyon
Samedi 3 septembre 2016
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Monsieur le Préfet de la Région Auvergne Rhône-Alpes, Préfet du Rhône,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Général de Corps d’Armée, Gouverneur Militaire de Lyon,
Monsieur représentant du Général commandant la Région de gendarmerie Rhône-
Alpes,
Madame la Représentante du Conseil Régional Auvergne Rhône-Alpes,
Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps Consulaire de Lyon,
Monsieur l’Adjoint délégué à la Mémoire et aux Anciens Combattants,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Autorités judicaires,
Mesdames et Messieurs les Représentants des autorités religieuses,
Mesdames et Messieurs les Représentants des chambres consulaires et des ordres
professionnels,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Représentants des Associations et Amicales
d’Anciens Combattants, Résistants, Déportés, Prisonniers et Victimes de Guerre,
Mesdames et Messieurs,
Comme chaque année en ce mois de rentrée, cette commémoration du 3 septembre est un
moment qu’il est essentiel pour moi de partager avec vous.
Mais cette année, l’importance de notre rassemblement m’apparaît plus grande encore.
Parce que la France, l’Europe, le monde, traversent des moments difficiles. Parce qu’à
nouveau, partout, ressurgit le doute et quelquefois la désespérance. Alors il faut se souvenir.
Se souvenir que notre pays, que l’Europe, que le monde ont, par le passé, connu des moments
de crise plus terribles encore où beaucoup s’abandonnaient à un lâche renoncement, et que
pourtant grâce à l’énergie, à la volonté, au courage et à la constance d’un petit nombre de
femmes et d’hommes, l’espérance a pu lentement renaître et le monde se relever de la pire
catastrophe qu’il ait jamais eu à surmonter.
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Souvenons-nous de ce mois de mai de l’année 1940 où, après la drôle de guerre, qui pendant
plus de 8 mois avait vu le statu quo des armées française, anglaise et allemande, le régime
nazi déclencha la Blitzkrieg.
En quelques semaines, les unités françaises furent écrasées, les unités anglaises, contraintes de
rembarquer, le gouvernement français, obligé de se replier à Bordeaux. Et finalement le
Président du Conseil Paul Reynaud, qui voulait continuer le combat, dut démissionner.
C’est alors que le Maréchal Pétain, récemment désigné, signa une capitulation qui sonnait
comme un déshonneur pour la France.
Tout pouvait sembler perdu.
Et pourtant, quelques hommes refusèrent alors de renoncer. Ce fut bien sûr le Général de
Gaulle qui, parti à Londres le 17 juin, lança dès le lendemain à la BBC son appel à la
Résistance. Ce furent un certain nombre de parlementaires qui, ayant refusé les pleins
pouvoirs à Pétain, s’embarquèrent sur le Massilia pour poursuivre ailleurs leur combat.
Ce furent, à Paris même, de jeunes étudiants, de jeunes ouvriers qui, refusant la
compromission avec les autorités allemandes, s’insurgèrent et distribuèrent les premiers tracts
appelant les Parisiens à s’opposer à l’occupant nazi et au régime de Vichy. Parmi eux Guy
Môquet.
Oui, à cette époque tout pouvait sembler perdu et pourtant, certains résistèrent.
Commémorer la Libération de Lyon, c’est donc d’abord rappeler le courage de tels
engagements.
C’est rendre hommage à l’héroïsme de toutes celles et de tous ceux qui choisirent la voie la
plus difficile : celle de la lutte contre un nazisme triomphant alors même que tout concourrait
à se laisser aller au défaitisme.
Car le 3e Reich semblait avoir tout emporté sur son passage.
Après avoir étouffé toute opposition interne et placé son pays en coupe réglée, après avoir
enclenché l’effroyable machine génocidaire qui devait anéantir les Juifs d’Europe, le régime
totalitaire d’Adolf Hitler avait inexorablement étendu son empire sur tout le continent.
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L’Autriche avait été annexée depuis longtemps, la Pologne envahie, les démocraties
européennes terrassées les unes après les autres : d’abord le Danemark et la Norvège, puis le
Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique, et finalement la France.
Oui, pour reprendre les mots du philosophe Marcel Gauchet, « le traumatisme de 1940 fut
l’un des plus profonds de l’histoire du pays. Beaucoup de Français avaient l’impression que
la France était finie, qu’il n’y avait plus rien à faire ni à espérer. – C’était, poursuivait-il une
expérience d’anéantissement. »La France paraissait comme vidée de sa substance. Pour
beaucoup, les difficultés quotidiennes liées à la survie dans une économie de guerre
devenaient la seule préoccupation qui vaille.
Et c’est alors que, dans la solitude de leur conscience, dans le pays comme dans les territoires
d’outre-mer, des femmes et des hommes décidèrent de prendre tous les risques pour infléchir
le cours de l’histoire. Il faut lire les témoignages de celles et ceux qui vécurent ces moments
pour le comprendre. « La Résistance intérieure disait Alban Vistel, Chef des Forces
Françaises de l’Intérieur de notre Région, fut l’œuvre de volontés éparses qui convergèrent
mois après mois, de solitaires qui marchèrent à tâtons les uns vers les autres.
Ils devaient tout tirer d’eux-mêmes, inventer sans trêve les tactiques et les stratégies de cette
forme imprévue de combat. Et cela sans autres moyens que ceux qui pouvaient naître de la
persévérance, de l’ingéniosité, du courage, du don de soi ».
Ingéniosité, courage, don de soi. Ce sont ces valeurs, en effet, qu’incarnèrent ceux qui,
répondant à l’appel du Général de Gaulle, avaient rejoint Londres pour former les troupes de
la France Libre.
Ce sont ces valeurs qui animaient ces femmes et ces hommes de tous âges, de tous horizons
qui, des quatre coins de notre pays, vinrent former cette armée improbable à laquelle Joseph
Kessel donna le beau nom d’armée des ombres.
Ce sont ces valeurs qui, de l’Orient à l’Afrique, des Antilles à l’Océan indien, firent se lever
une armée qui maintenait sur les théâtres extérieurs la France au combat.
Oui, ce sont ces valeurs que firent vivre toutes celles et ceux qui, de l’intérieur comme de
l’extérieur du pays, refusèrent de céder au fatalisme et firent converger leurs forces pour
vaincre le nazisme.
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Dans notre Cité cette résistance commença d’abord par quelques inscriptions sur les murs de
la ville dénonçant la politique collaborationniste de Vichy, puis rapidement apparurent tracts
et journaux clandestins : un mouvement se levait qui allait faire de Lyon le principal foyer
d’élaboration puis de diffusion des idées d’une Résistance française naissante.
Souvenons-nous de Libération qui, dès les lendemains de sa fondation à Clermont-Ferrand
autour d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, Jean Cavaillès et Lucie Aubrac, prit corps dans
notre ville à l’été 1941.
Souvenons-nous de Combat d’Henri Frenay et Berty Albrecht qui, dès le premier numéro de
décembre 1941, donnait le ton : « nous voulons, écrivaient-ils alors, qu’à la défaite des armes
succède la victoire de l’esprit ».
Souvenons-nous encore de Franc-Tireur, dont certains des fondateurs se retrouvaient à deux
pas d’ici rue Saint-Polycarpe et dont des milliers d’exemplaires étaient imprimés chaque mois
sur des presses clandestines cours de la Liberté.
Souvenons-nous du Coq Enchaîné, réuni à la brasserie de l’Etoile face au Pont de la
Guillotière et dont le premier numéro, le 16 mars 1942, titrait avec une insolente
détermination : « Maréchal nous sommes là… Pour libérer la France ! ».
Il y eut encore l’Insurgé, imprimé à Villeurbanne, Temps Nouveau, organe de la première
résistance catholique et puis, bien sûr, les Cahiers du Témoignage Chrétien dans lesquels
s’écrivirent quelques-unes des plus belles pages de la résistance spirituelle autour des Pères
Pierre Chaillet et Henri de Lubac et du Pasteur Roland de Pury.
Toutes ces publications eurent un impact considérable. L’historien lyonnais Marcel Ruby le
rappelle : c’est d’abord par les mots que la Résistance prit corps ; ce sont les journaux qui
donnèrent naissance aux mouvements. Depuis Lyon, écrivait-il, « cette presse allait apporter
aux Français, mais aussi aux Allemands et au monde, la preuve irréfutable de l’existence, de
l’efficacité et de la puissance de la Résistance ».
Mais en novembre 1942, tout bascula. Il ne s’agissait plus de résistance intellectuelle, car les
Allemands venaient d’occuper la zone libre en réponse au débarquement des Alliés en
Afrique du Nord.
D’intellectuelle, la Résistance devait devenir armée et s’engager dans un vrai combat contre
l’occupant, faisant de Lyon la capitale de la Résistance. Avec comme corollaire terrible une
répression qui devenait chaque jour plus effroyable.
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