2.7 Quelques types d`anneaux : anneaux princi

publicité
2.7. QUELQUES TYPES D’ANNEAUX
2.7
67
Quelques types d’anneaux : anneaux principaux, anneaux noethériens, anneaux factoriels
Dans ce paragraphe, tous les anneaux sont des anneaux commutatifs intègres,
m̀oins qu’il soit précisé autrement.
2.7.1
Anneaux euclidiens et anneaux principaux
Définition 2.65. Un anneau euclidien A est un anneau intègre muni d’une application v : A → N telle que pour tous a, b ∈ A, il existe q, r ∈ A qui satisfont
a = qb + r, avec r = 0 ou v(r) ≤ v(b).
Exemples 2.66. (1) Z, avec v la valeur absolue.
(2) K[X], avec v le degré.
(3) Z[i], l’anneau des nombres entiers de Gauss, où on définit v(a + bi) = a2 + b2 ,
la norme carrée d’un entier de Gauss a + bi ∈ Z[i].
(4) Z[ω], ou ω est une racine primitive cubique de 1, l’anneau des entiers d’Eisenstein. On définit v(a + bω) = a2 − ab + b2 , la norme d’un entier d’Eisenstien a + bω ∈ Z[ω]. Remarquons que ω est une solution de l’équation
X 2 + X + 1. Remarquons qu’on peut visualiser les entiers d’Eisenstein comme
les points d’intersection d’un réseau triangulaire dans le plan complexe de
Gauss.
Définition 2.67. Un anneau principal A est un anneau intègre tel que tout idéal
est un idéal principal.
Théorème 2.68. Tout anneau euclidien R est principal.
Démonstration. Soit I un idéal de R et prenons n = min{v(x) | x ∈ I \ {0} }. Soit
alors x ∈ I tel que v(x) = n. Pour tout a ∈ I, il existe deux uniques q, r ∈ R tels
que
a = qx + r,
v(r) < v(x) ou r = 0.
68
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
Comme r = a − qx ∈ I, il suit que r = 0 à cause de la minimalité de n = v(x). On
obtient que a = qx ∈ Rx, donc I = (x).
Remarque 2.69. Il existe des anneaux principaux qui ne sont pas euclidiens, mais
c’est assez difficile de les construire. D’abord, on a besoin d’une autre méthode
pour vérifier qu’un anneau intègre est principal, et ensuite on doit démontrer qu’il
n’existe aucune
norme euclidienne sur cet anneau. On peut par exemple montrer
√
que Z[ 1+i2 19 ] ⊂ C est un anneau principal non-euclidien.
Définitions 2.70. Soit R un anneau (commutatif). Un élément p ∈ R est appelé
un élément premier si et seulement si p est non nul, non inversible et la proposition
suivante est vérifiée : si p divise ab pour a, b ∈ R alors p divise a ou p divise b.
Un élément p est appelé élément irréductible si p est non nul, non inversible et la
proposition suivante est vérifiée : si p = ab pour a, b ∈ R, alors a est inversible ou
b est inversible.
Soient a, b ∈ R. On dit que a et b sont associés, ce qu’on écrit a ∼ b, si et seulement
si Ra = Rb, c’est-à-dire a = ub pour un élément inversible u.
Lemme 2.71. Soit R un anneau intègre et soit p un élément non nul et non
inversible. Alors
(i) p est premier si et seulement si (p) est premier ;
(ii) Si (p) est premier, alors p est irréductible ;
(iii) Si p est irréductible, alors (p) est maximal parmi les idéaux principaux de R.
Démonstration. (i). Trivial.
(ii). Soit p = ab pour a, b ∈ R. Alors ab ∈ (p). Comme (p) est premier, a ∈ (p)
ou b ∈ (p). Supposons que a ∈ (p) donc a = pα. Après multiplication avec b, on
obtient p = ab = pαb. Puisque R est intègre, 1 = αb et donc b est inversible.
(iii). Soit x ∈ R tel que (p) ⊂ (x). Alors, p ∈ (p) ⊂ (x) et p = xα. Comme
p est irréductible, x ou α est inversible. Si x est inversible, alors (x) = R. Si α
est inversible, alors (x) = (p). Il suit que (p) est effectivement maximal parmi les
idéaux principaux.
Théorème 2.72. Si R est un anneau principal, tout idéal premier non nul est un
idéal maximal et est engendré par un élément irréductible.
Démonstration. Suit directement du Lemme 2.71.
Remarque 2.73. Soit K un corps commutatif. On sait déjà que K[X] est un anneau principal. Le Théorème 2.72 livre un critère pour déterminer si une extension
d’un corps est de nouveau un corps. Considérons K[α] = K[X]/(f (X)) avec f (X)
un polynôme irréductible. Alors (f (X)) est un idéal maximal dans K[X]
√ et par
2
∼
conséquent, K[α] est un corps. Par exemple, Q[X]/(X + X + 1) = Q[i 3] est un
corps.
2.7. QUELQUES TYPES D’ANNEAUX
69
Lemme 2.74. Dans un anneau principal R, les éléments irréductibles sont exactement les éléments premiers.
Démonstration. On sait déjà que les éléments premiers sont irréductibles. Donc on
donne seulement une preuve pour la réciproque.
Soit r ∈ R irréductible et supposons que st ∈ (r) et s ∈
/ (r). Comme R
est un anneau principal, l’idéal engendré par s et r est un idéal principal, donc
Rs + Rr = dR pour un certain d ∈ R. Alors il existe un élément u ∈ R tel que
r = du. Mais r est irréductible, donc u est inversible ou d est inversible. Si u est
inversible, alors (r) = (d) et donc s ∈ (r) ce qui contredit notre hypotèse. Dès lors,
d est inversible. En conséquence, Rs + Rr = (d) = R. On trouve alors des éléments
a, b ∈ R tel que as + br = 1. Comme tas + tbr = t et ts ∈ (r), il suit que t ∈ (r).
Donc (r) est un idéal premier.
2.7.2
Anneaux noethériens
Définition 2.75. Un anneau intègre est appelé un anneau noethérien si chaque
idéal I ⊂ R contient une partie génératrice finie comme R-module, c’est-à-dire, s’il
existe a1 , a2 , . . . , an ∈ I tels que I = (a1 , . . . , an ) = a1 R + a2 R + . . . + an R.
Les anneaux noethériens sont appelés après la mathématicienne Emmy Noether
(1882 – 1935).
Clairement, chaque anneau principal est un anneau noethérien. Le théorème
important suivant donne une caractérisation des anneaux noethériens.
Théorème 2.76. Les conditions suivantes sont équivalentes
(i) R est un anneau noethérien ;
(ii) toute suite croissante I1 ⊂ I2 ⊂ · · · ⊂ In ⊂ · · · d’idéaux dans R est stationnaire ;
(iii) tout ensemble non vide d’idéaux de R admet un élément maximal pour l’inclusion.
!
Démonstration. (i) ⇒ (ii). Considérons l’idéal I = i∈N Ii . Comme R est noethérien, I est engendré par un nombre fini d’éléments, donc I = a1 R + . . . + an R, pour
ai ∈ I. Puisque I est une union, on trouve des indices particuliers dans N tels que
ai ∈ Iji , i = 1, . . . , n. Soit k = max{j1 , . . . , jn }, alors ai ∈ Ik pour tous i = 1, . . . , n
et I = Ik . Par conséquent, la suite est stationnaire.
(ii) ⇒ (iii). Supposons qu’il existe un ensemble non vide I d’idéaux de R qui
n’admet pas d’élément maximal pour l’inclusion. Prenons I1 ∈ I. Alors, il existe
un élément I2 ! I1 dans I. Ittérativement, on trouve une suite
I1 " I2 " I3 " · · · " In " · · ·
70
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
et on trouve une contradiction avec (ii).
(iii) ⇒ (i). Soient I un idéal de R et {ai }i∈J une famille de générateurs pour I.
Considérons l’ensemble I de tous les idéaux engendrés par les sous-familles finies de
{ai }i∈J . Grâce à la condition (iii), il existe un élément maximal I # pour l’inclusion
dans I. Clairement I # ⊂ I, parce que I # est engendré par un nombre fini d’éléments
{a1 , . . . , an } de I. Mais aussi I ⊂ I # , parce que s’il existe un générateur a ∈ {ai }i∈J
pour I tel que a ∈
/ I # , alors l’idéal engendré par {a, a1 , . . . , an } est un élément de
I qui contredit la maximalité de I # .
Théorème 2.77 (théorème de la base de Hilbert). Soit R un anneau commutatif
noethérien, l’anneau de polynômes R[X] est noethérien.
Démonstration. Supposons que R[X] n’est pas noethérien. Soit I un idéal dans
R[X] qui n’est pas engendré par un nombre fini d’éléments. Soit f1 ∈ I un élément
de degré minimal. Ensuite, prenons un élément f2 ∈ I \ (f1 ) de degré minimal. Inductivement, on peut choisir pour chaque k ∈ N0 , un élément fk+1 ∈ I \(f1 , . . . , fk )
avec un degré minimal (remarquons que I \ (f1 , . . . , fk ) n’est pas vide car I ne
possède pas un nombre fini de générateurs). Alors,
deg f1 ≤ deg f2 ≤ · · · ≤ deg fk ≤ deg fk+1 ≤ · · ·
Soit deg fk = nk et ak le coefficient pour X k dans fk . Considérons la chaı̂ne suivante
d’idéaux dans R,
(a1 ) ⊂ (a1 , a2 ) ⊂ (a1 , a2 , a3 ) ⊂ · · ·
Comme R est noethérien, cette chaı̂ne doit être stationaire. Supposons que (a1 , . . . , ak ) =
(a1 , . . . , ak , ak+1 ). Alors, il existe une équation dans R
ak+1 =
k
"
b i ai ,
i=1
pour certains bi ∈ R. Le polynôme
g(X) = fk+1 (X) −
k
"
i=1
bi X nk+1 −ni fi ∈ I \ (f1 , . . . , fk )
a un degré strictement plus petit que nk+1 , et on obtient une contradiction.
Corollaire 2.78. Si R est un anneau commutatif noethérien, alors l’anneau de
polynômes R[X1 , . . . , Xn ] est noethérien.
Démonstration. On utilise la théorème de base de de Hilbert ittérativement.
2.7. QUELQUES TYPES D’ANNEAUX
71
Remarque 2.79. Le théorème de base de Hilbert et son corollaire ont une application importante dans la théorie des systèmes d’équations polynômiales. Soit
{fi (X1 , . . . , Xn )}i∈I une famille infinie (même pas dénombrable) de polynômes
en n inconnues sur un anneau noethérien (par exemple un corps ou un anneau
principal), et supposons qu’on veut trouver un zéro commun pour tous ces polynômes. Il peut paraı̂tre impossible de trouver une solution pour ce problème.
Mais grâce au Corollaire 2.78, on peut procéder comme suit. Considérons l’idéal
de R[X1 , . . . , Xn ] engendré par cette famille : I = (fi (X1 , . . . , Xn ) | i ∈ I). Comme
l’anneau R[X1 , . . . , Xn ] est noethérien, on sait que I est engendré par un nombre
fini d’éléments, donc il existe des polynômes g1 (X1 , . . . , Xn ), . . . , gk (X1 , . . . , Xn )
tels que I = (g1 (X1 , . . . , Xn ), . . . , gk (X1 , . . . , Xn )). Alors, trouver un zéro commun
pour le système infini est réduit à trouver une solution pour le système fini des
équations polynomiales


 g1 (X1 , . . . , Xn ) = 0
..
.

 g (X , . . . , X ) = 0
k
2.7.3
1
n
Anneaux factoriels
Définition 2.80. Un anneau commutatif intègre R est appelé un domaine de
factorisation si et seulement si pour tout x ∈ R, il existe un élément inversible
u ∈ R et des éléments irréductibles p1 , . . . , pn tel que
x = up1 · · · pn .
On dit que (u, p1 , . . . , pn ) est une système de décomposition pour x.
Un domaine de factorisation est appelé un domaine de factorisation unique ou un
anneau factoriel si et seulement si pour deux décompositions du même éléments
x ∈ R,
x = up1 · · · pn = vq1 · · · qm ,
il suit que n = m et il existe une permutation φ ∈ Sn tel que
qi = ui pφ(i) , u = vu1 · · · un ,
avec ui inversible pour i = 1, . . . , n.
Théorème 2.81. Tout anneau noethérien est un domaine de factorisation.
Démonstration. Soit a ∈ R non factorisable. En particulier, a n’est pas irréductible.
Alors il existe des éléments non-inversibles b, c ∈ R tels que a = bc. Dès lors,
Ra " Rb et Ra " Rc. En outre, b ou c n’est pas factorisable (autrement, a aurait
72
CHAPITRE 2. ANNEAUX ET MODULES
factorisable). Soit a1 ∈ {b, c} non factorisable. On peut répéter le raisonnement
pour a1 . Ittérativement, on trouve une suite d’ideaux
Ra " Ra1 " Ra2 " · · · " Ran " · · ·
et alors R n’est pas noethérien.
Téléchargement