dramatique n’est pas encore établi comme norme, qu’il soit encore en cours
d’apparition (en France, par exemple) ou, tout simplement, inexistant. Ce recueil
s’attarde ensuite sur une fin de XIXesiècle que l’on identifie couramment comme
le temps de la « crise du drame » 2, avec toutes les mutations idéologiques et
esthétiques qui l’accompagnent, avant de se confronter aux pratiques
contemporaines du monologue, dans tout ce qu’elles proposent d’interrogations
et de remises en cause des formes et des principes les plus traditionnellement
attachés à la mimèsis théâtrale.
Ces trois ponctions permettent, nous semble-t-il, d’aborder le monologue dans
des contextes de perturbation et de mutation des formes, plus propices à en
étudier les ambiguïtés, les paradoxes et la complexité, mais aussi d’approcher ses
usages en dehors des seuls critères d’une mimèsis illusionniste et reposant sur le
primat de l’action dialoguée – les critères du « drame » établis théoriquement par
la reprise moderne de la Poétique d’Aristote et tels qu’a pu par exemple les définir,
à la suite de Hegel, Peter Szondi dans sa Théorie du drame
moderne
.Car c’est bien
souvent en fonction de ces seuls critères d’un théâtre « dramatique » que le
monologue est appréhendé, si ce n’est jugé: en fonction de critères de
vraisemblance, de dynamisme, de cohérence intrafictionnelle, d’inclusion dans un
système mimétique qui ne reposerait que sur l’illusion et sur l’échange dialogué,
d’expression psychologique… Or les propriétés les plus effectives du monologue,
s’il peut s’insérer plus ou moins dans ce cadre, se situent plutôt, d’une certaine
manière, en deçà (la théâtralité ostensible, la désignation du rapport scène/salle)
ou au-delà (l’interrogation éventuelle de l’intériorité d’une psyché fictive) du
dramatique, et le mettent en crise – cette faculté perturbatrice n’étant pas le
moindre de ses intérêts et des fondements de son efficacité théâtrale.
Toujours dans une tension dialectique entre l’établissement progressif de
l’horizon de la mimèsis dramatique, et de ses implications en termes de
vraisemblance et de clôture mimétique, et la théâtralité assumée qui caractérise
les pratiques précédant ou contestant cet horizon, les théâtres du tournant XVIe-
XVIIesiècle manifestent la multiplicité des visages que peut alors prendre le
monologue, ainsi que celle des enjeux qui le traversent – et ce dans toute
l’Europe, de la comédie nouvelle italienne à la tragédie française, en passant par
la comedia espagnole, le théâtre élisabéthain et jacobéen anglais ou l’Allemagne
du Trauerspiel. Cette multiplicité de visages, une pièce du début du XVIIesiècle
8Christophe TRIAU et Françoise DUBOR
2. Telle que la définit Peter Szondi dans sa Théorie du drame moderne (1956), nouvelle traduction de S. Muller,
Belval, édition Circé, 2007.