Eric Vasseur Analyse monétaire et Finance internationale U.P.J.V.
Eric Vasseur
Agrégé en Sciences sociales
Maître de Conférences en Sciences économiques
à la Faculté d’économie et de gestion
de l’Université de Picardie Jules Verne
Analyse monétaire et Finance internationale
Introduction Générale au cours
Notre contexte d’action et de réflexion est aujourd’hui celui d’un
environnement international. Peu importe le vocable retenu, qu’il s’agisse de
l’internationalisation, de la mondialisation ou de la globalisation, la réalité
économique, monétaire et financière, révèle et impose à chacun d’entre nous,
toutes ses dimensions internationales.
Pour ceux et celles qui toutefois en douteraient encore, nous leur proposons,
pour les convaincre, trois tests empiriques basiques, issus de notre quotidien.
Test n°1 : Pour les ressortissants de la zone monétaire européenne, ouvrez votre
porte monnaie et départagez les pièces en fonction de leur provenance des
différents pays de l’union : d’un côté regroupez les pièces avec les symboles
nationaux et d’un autre celles issues des autres pays de la zone euro. Vous allez
découvrir des pièces dont l’effigie nationale peut-être le profil d’un monarque,
belge ou espagnol, ou d’un oiseau, la chouette grecque ou l’aigle allemand.
L’euro, remarquable réalisation monétaire européenne, circule avec les hommes
et les marchandises. Notre espace économique commercial et monétaire est donc
au moins européen.
Test n°2 : Lors dernier passage dans votre hypermarché habituel, identifiez la
provenance des produits que vous avez achetés. La multiplicité des origines
suffit à démontrer la réalité des flux commerciaux et internationaux entre les
meubles fabriques en Pologne, les tomates d’Espagne, le textile chinois, le café
colombien.
Tout acheteur international qui travaille pour la grande distribution apporte la
réponse à la question : "Make or buy ? " "Fabriquer ou acheter ? "
Faire sur place ou acheter à l’étranger, la concurrence internationale apporte la
réponse en fonction des coûts de production, de transports, des fluctuations des
taux de change. Tous ses arbitrages ont été opérés de sorte à ce que les
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consommateurs que nous sommes, trouvent le produit au prix qu’ils sont prêts à
payer.
Test n°3 : Dernier test, écoutez ou visionnez votre média habituel, chaînes de
télévision ou stations de radio, quotidien de la presse nationale en identifiant la
part occupée par l’information économique monétaire et financière dans la
diffusion de l’information généraliste. Qu’il s’agisse de France Info, RTL,
Europe 1, du Monde, du Figaro ou de Libération, de TF1, France 2, LCI, sans
parler des médias spécifiques, tous ont fait entrer dans notre quotidien les
marchés monétaires et financiers et les commentaires et les prévisions des
spécialistes.
Ces trois tests empruntés à un quotidien auquel il est impossible de se soustraire,
nous ont permis d’établir que nous vivons et agissons consciemment ou non
dans un contexte international comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.
Notre réel se pose d’emblée à l’international, et fixe alors notre contexte
d’action, d’analyse et de réflexion.
En matière d’échanges commerciaux, cette réalité s’est très vite imposée, dés la
plus haute antiquité.
Prenons l’exemple d’un échange basique. Deux individus cherchent à se
procurer deux biens, qu’ils ne peuvent ou ne savent produire. Conformément
aux us et coutumes de leur société, de leur époque, des règles juridiques en
vigueur établies par l’ordre politique, ils cherchent à échanger.
Supposons que le hasard fasse bien les choses et qu’il les mette en relation au
moment précis où ils désirent échanger, en les réunissant en un même lieu. Au
delà de cette très heureuse coïncidence, nos deux agents vont devoir résoudre un
certain nombre de problèmes.
S’ils décident de troquer le bien de l’un contre le bien de l’autre, apparaît alors
le problème de l’équivalence des valeurs. S’il n’y a pas équivalence alors il y
aura un gagnant et un perdant, lors de l’échange, voire même une injustice ou un
dol.
L’échange opéré ici, ne prend pas la forme d’un don et d’un contre don ou seule
la réciprocité de l’acte importe, à priori l’équivalence exacte des objets n’est par
recherchée. L’exemple du cadeau d’anniversaire illustre bien cette pratique, la
personne qui reçoit un présent lors de son anniversaire, offrira un cadeau à la
personne lors de l’anniversaire de cette dernière. La réciprocité ici importe plus
que l’équivalence, quoique…
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Ici, nous sommes confrontés à un échange marchand qui implique qu’une
certaine équivalence s’établisse ou soit établie entre les objets échangés au
risque que l’échange ne soit pas réalisé.
L’appréciation de l’équivalence implique qu’une mesure des valeurs soit rendue
possible. Mais cette appréciation de la valeur renvoie à la fois à une approche
objective et subjective.
S’il peut être relativement aisé d’évaluer la rareté relative du bien, des efforts
dépensés pour le produire, des matières premières utilisées, il devient
particulièrement difficile de connaître sa valeur subjective ou symbolique et sa
place dans la hiérarchie individuelle des biens consommés.
Le troc, échange en nature, complexifie singulièrement la pratique de l’échange.
Sa singularité freine la vitesse de circulation des marchandises. Dés lors comme
le hasard ne fait pas forcément bien les choses, nous allons faciliter les échanges
en introduisant le support monétaire retenu par leur société à laquelle
appartiennent nos co-échangistes.
Ce support remplit donc la fonction d’instrument d’échange d’intermédiaire car
il possède deux propriétés particulières. Utilisé comme unité de compte, ce
support est censé donner une mesure invariable de la valeur et conserver sa
propre valeur inchangée dans le temps.
Nous trouvons alors les trois principales fonctions d’une monnaie :
¾ Unité de compte,
¾ Instrument d’échange,
¾ Réserve de valeur.
Le synchronisme de l’échange qu’impliquait le troc, n’est plus exigé. Le premier
qui vend son produit, dispose d’une certaine comme d’argent qu’il va utiliser
pour acquérir le bien dont il a besoin aujourd’hui ou demain.
Si l’un de nos deux agents a obtenu du produit de la vente de sa production, une
quantité de monnaie qui dépasse ses besoins immédiats. Il hésite entre la
conservation de cette monnaie pour un motif quelconque et le placement de cette
somme auprès d’un organisme bancaire et financier.
Il a le choix entre la thésaurisation et l’épargne. S’il opte pour la thésaurisation,
il choisit de disposer de sa liquidité monétaire, s’il opte pour l’épargne en
fonction du placement choisi, il aliène pour une durée variable cette liquidité.
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Notre agent dégage des liquidités excédentaires et en les plaçant, fournit des
capacités de financement excédentaires au secteur bancaire et à l’économie dans
son ensemble.
Pour récompenser cette renonciation à la liquidité, le banquier verse à notre
agent, un taux d’intérêt proportionnel à la durée de la renonciation. Certains
verront dans ce taux d’intérêt, la rémunération de l’épargne. La banque se pose
alors comme intermédiaire entre les agents qui dégagent des capacités de
financement excédentaires et ceux qui expriment des besoins de financement.
Dès lors, en fonction du montant des besoins exprimés, de leurs destinations, de
la qualité de l’emprunteur, le banquier finance l’activité économique à partir de
la monnaie collectée mais aussi à partir de la monnaie qu’il va créer sans
contrepartie dans le respect des règles prudentielles en vigueur.
Au-delà, du simple instrument quotidien, la monnaie recouvre, une réalité
polymorphe et une capacité de métamorphose impressionnante.
Elle dépasse de beaucoup ce que l’on croit voir, ce que l’on voit, et ce que l’on
croit. Sa complexité économique recouvre une complexité sociale, qui en fait ce
que les sociologues appellent "un fait social total ".
Si les économistes privilégient légitimement les implications économiques de la
monnaie, ils ne doivent pas oublier que chaque fait social est total en ce qu’il
concentre toutes les dimensions de l’humain, et que s’il est plus aisé de découper
la réalité en plusieurs champs d’études distinctes, il ne faut pas oublier que
concrètement tous ces éléments sont enchevêtrés, imbriqués et forment un
système.
Ainsi, afin de saisir la complexité du fait monétaire et financier, et pour le
définir nous allons, ici, reprendre la méthode proposée par Emile Durkheim dans
son ouvrage, Les Règles de la méthode sociologique (1895).
Pour caractériser le fait social, Durkheim nous indique que non seulement, le fait
social est extérieur à l’individu.
Ainsi, il écrit :
"Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma
pensée, le système de monnaie que j’emploie pour payer mes
dettes, les instruments de crédit que j’utilise dans mes
relations commerciales, les pratiques suivies dans ma
profession etc. fonctionnent indépendamment des usages que
j’en fais".
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Le fait social est donc extérieur à l’individu.
De plus, Durkheim ajoute :
"Je ne suis pas obligé de parler français avec mes
compatriotes, ni d’employer les monnaies légales, mais il est
impossible que je fasse autrement. Si j’essayais d’échapper à
cette nécessité ma tentative échouerait misérablement ".
Le fait social est donc contraignant pour l’individu. Il est doté d’une puissance
impérative et coercitive. L’extériorité du fait social indique qu’il a pour origine
la société elle-même et son assimilation implique un processus d’apprentissage à
partir duquel les individus apprennent à agir en conformité à ce que la société
attend d’eux.
Le fait social implique donc un processus de socialisation, processus par lequel
les individus intègrent les normes, les codes de conduite, les valeurs, les
habitudes, les coutumes, les traditions et un processus de conditionnement
interactif, accepté et réciproque, où les individus se comportent à la fois comme
sujets et acteurs.
Transposés à la monnaie, ces éléments vont nous permettre de montrer en quoi
la monnaie est un fait social total.
L’échange monétaire engage toutes les dimensions du fait social, il s’inscrit
comme un rapport à soi-même, aux autres à une autorité. L’échange suppose
l’existence d’une relation de confiance polymorphe.
Il y a d’abord la confiance ou le crédit, accordé au support monétaire utilisé lors
de l’échange. Cette confiance monétaire porte sur la valeur supposée invariable
du support retenu, sur la valeur symbolique et sur la confiance accordée aux
autorités monétaires qu’il gère la monnaie.
Cette confiance monétaire est avérée lorsque la monnaie remplit sa fonction de
médiation dans l’échange. Le crédit octroyé à la monnaie et à la banque centrale
qui l’émet est extérieur à l’individu qui a appris toutefois à tester la qualité de ce
support.
Il y a ensuite la confiance accordée aux partenaires commerciaux.
Mais la confiance dans la monnaie ne va pas de soi car elle rentre rapidement en
conflit avec la contrainte de liquidité. En effet, pour que les échanges puissent
avoir lieu, les autorités monétaires doivent veiller à ce qu’il y ait une quantité de
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