CESR rapport Alzheimer DIAGNOSTIC 2ème partie les enjeux

I. Un enjeu médico-social
Nous l’avons déjà précisé : La maladie d’Alzheimer touche aujourd’hui en France
près de 860 000 personnes. De plus, chaque année, ce sont 225 000 nouveaux cas
qui se déclarent. Or, si l’on inclut l’entourage familial, ce sont ainsi près de trois
millions de personnes qui sont directement touchées par la maladie d’Alzheimer. Il
s’agit donc d’un véritable problème de santé publique, conséquent et durable.
Au-delà de la sphère privée, cette maladie a également un impact social,
sanitaire et économique certain. Outre les souffrances et la détresse tant pour la
personne malade que pour son entourage, les coûts humains et financiers de la
maladie, qui sont d’ores et déjà élevés tant pour les familles que pour la société, vont
encore s’alourdir.
Avant d’étudier plus précisément les enjeux sanitaires et économiques, il
convient d’examiner l’impact social induit par cette maladie.
Au-delà du patient et des proches qui vivent parfois des situations dramatiques,
cette maladie nous conduit à nous interroger sur la prise en charge qu’il convient de
mettre en place et sur les formes de solidarité intergénérationnelle que nous
souhaitons pour l’avenir.
A. Le patient
1. Une maladie évolutive
Cette pathologie entraîne une modification des relations avec répercussion sur la
vie sociale. On peut parler de maladie de la communication
1
. A un certain stade,
les patients ont des difficultés à communiquer tant avec les proches que les
professionnels.
On distingue 3 phases, la durée de passage d’un stade à l’autre variant d’un
patient à l’autre :
la démence légère avec les premiers symptômes. Elle est souvent méconnue
car l’autonomie du patient est préservée. Il y a alors un oubli des évènements récents
et on constate une modification du comportement souvent confondue avec la
1
Conseil Economique et Social Régional du Limousin, Compte-rendu de l’audition du Dr GOURDEAU-NAUCHE (Centre
hospitalier de Brive) par le groupe de travail « Les enjeux socio-économiques de la maladie d’Alzheimer et troubles apparentés »,
30 juin 2008.
dépression. L’entourage compense souvent le début du handicap. Ce stade est
compatible avec la vie à domicile. A ce titre, on peut rester réservé vis-à-vis du
plan national car il ne faut pas marginaliser les malades en créant des structures
spécialisées qui coûtent cher et le maintien à domicile permet de préserver la quali
de vie des patients et des aidants.
La démence modérée : elle se caractérise par une désorientation dans le temps
et dans l’espace, des troubles du jugement et de la conduite entraînant un début de
dépendance
La démence sévère qui est caractérisée par la perte d’autonomie du patient. Les
troubles du comportement deviennent invalidants
2
.
Enfin, il y a un stade dit terminal, la personne devient grabataire, le cerveau
ayant perdu la capacité de faire la moindre chose (manger, écouter…). On entre alors
dans une démarche palliative afin d’apporter au malade un confort.
Figure 1. Schéma – Les différentes phases de l’évolution de la maladie d’Alzheimer
Source : Document réalisé par le Dr CARTZ-PIVER, Réseau COGLIM
3
La perte de la mémoire, la difficulté à communiquer, la perte progressive par le
patient de ses capacités sont souvent source de souffrance, de repli ou de troubles du
comportement. Le patient a du mal à faire face aux situations nouvelles, à intégrer
d’autres repères. Il a donc besoin d’être rassuré surtout lorsqu’il y a modification de
son environnement. Parallèlement et parce qu’il s’agit d’une maladie évolutive, on
2
« 8 patients sur 10 vivent à domicile. La maladie d’Alzheimer ne signifie pas obligatoirement placement en institution. Cette
mesure est beaucoup dépendante de l’environnement du patient ». Propos du Dr CARTZ-PIVER (réseau COGLIM) lors de son
audition par le groupe de travail « Les enjeux socio-économiques de la maladie d’Alzheimer et troubles apparentés », 19 janvier
2009.
3
Intervention du Dr CARTZ-PIVER (réseau COGLIM), mentionnée dans Conseil Economique et Social Régional du Limousin,
Table ronde "La maladie d'Alzheimer, un enjeu pour le Limousin », synthèse des débats, mai 2008, p. 19.
constate que l’aidant est en permanence en situation d’adaptation aux comportements
du malade, source de stress intense et d’épuisement. Il faut rappeler qu’entre 50 et
80% des malades sont chez eux, même à des stades sévères
4
. C’est pourquoi, on
peut affirmer que le poids de cette maladie est essentiellement porté par les familles
2. Un sous-diagnostic problématique
Les chiffres annoncés dans le plan Alzheimer 2008-2012 ont un dénominateur
commun. Il s’agit pour la plupart d’estimations car une des difficultés de cette
maladie, outre le fait qu’il n’y ait pas de médicaments permettant d’envisager la
guérison, réside dans le diagnostic. Celui-ci est difficile à établir. La nature de la cause
de cette démence est certifiée par l’examen du cerveau au décès du malade, la
biopsie rébrale du vivant des malades n’étant pas éthique en raison du rapport
bénéfice/risque défavorable de ce geste invasif.
Le constat persistant d’un sous-diagnostic caractérise cette maladie. Ainsi, selon
l’étude de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé (OPEPS), en
2004 et en Limousin, 37 % des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer
seraient traitées (soit 4 571 personnes environ)
5
. On notera cependant que, selon
cette étude, le Limousin occuperait une position très honorable quant à la proportion
de patients traités parmi les porteurs de la maladie (3
e
rang après Midi-Pyrénées et
Nord-Pas de Calais).
L’ensemble des auditions menées par le CESR du Limousin a permis de souligner
la difficulté d’établir un diagnostic et de confirmer l’hypothèse d’un nombre important
de patients non identifiés et suivis. Le recours aux soins est généralement tardif voire
inexistant. C’est une situation dramatique alors que les traitements existants
permettent de freiner l’évolution de la pathologie lorsqu’ils sont administrés
précocément.
a) Les causes du sous-diagnostic
La maladie d’Alzheimer et les autres démences sont souvent ignorées dans la
population générale notamment après 80 ans. Dans les faits, le diagnostic n’est établi
4
Conseil Economique et Social Régional du Limousin, Compte-rendu de l’audition du Dr CARTZ-PIVER (réseau COGLIM) par le
groupe de travail « Les enjeux socio-économiques de la maladie d’Alzheimer et troubles apparentés », 18 juin 2008.
5
GALLEZ C. (Députée), La prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, Rapport de l’Office
parlementaire d’évaluation des politiques de santé (OPEPS). n°2454 (Assemblée nationale) et n°466 (Sénat), juillet 2005, p.238.
que pour une personne atteinte de la maladie sur deux et seulement une sur trois au
stade précoce de la démence
6
.
Ce sous-diagnostic concerne environ un malade sur deux. Il est particulièrement
fréquent au stade précoce de la démence, où un malade sur trois seulement est
détecté. En outre, on estime qu'il s'écoule en moyenne une période de deux ans entre
les premiers symptômes caractéristiques et le moment la maladie est
diagnostiquée
7
. Tout retard ou défaut de diagnostic peut être considéré comme une
« perte de chance » pour les malades.
Le sous-diagnostic présente également des risques indirects pour le malade, tels
que les accidents domestiques ou iatrogènes
8
.
Une autre conséquence importante est probablement le recours plus ou moins
anarchique et inadapté au système de soins et en particulier à l’hospitalisation
d’urgence. Outre le stress qu’il génère pour le patient, le recours au système de soins
peut engendrer des coûts importants qui pourraient être en partie évités.
On peut identifier plusieurs raisons aboutissant à un diagnostic tardif voire à
l’absence de diagnostic :
Tout d’abord la confusion entre cette maladie et le vieillissement cérébral normal.
Cette confusion peut être faite par le médecin, en l’absence d’informations fiables ne
lui permettant pas d’établir le diagnostic dans de bonnes conditions, et par les proches
des malades, en l’absence d’information de la population sur la maladie. Dans ce
dernier cas, cela peut aboutir au non-recours au système de soins et
malheureusement parfois, à des situations de maltraitance.
6 GALLEZ C., La prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, ibid., p. 37 et s.
7
Ce délai serait de seulement dix mois en Allemagne, GALLEZ C., La prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies
apparentées, ibid., p.40.
8
Tout médicament a des effets néfiques, mais aussi des effets indésirables. Ils peuvent provenir du médicament lui-même, de son
association avec un autre médicament, de son incompatibilité avec le malade ou d'une erreur de prise. C'est ce qu'on appelle
l'iatrogénèse (auparavant nommée iatrogénie) médicamenteuse. Le Dr MOREIGNE préconise de faire de la prévention même lorsque
la maladie est déclarée car de nombreux troubles peuvent accompagner cette pathologie comme les troubles nutritionnels, le
problème de la polymédication, les fausses routes, les chutes… Conseil Economique et Social Régional du Limousin, Compte-rendu
de l’audition du Dr MOREIGNE (centre hospitalier de Guéret), par le groupe de travail « Les enjeux socio-économiques de la
maladie d’Alzheimer et troubles apparentés », 19 janvier 2009.
Il n’existe malheureusement pas de test diagnostic simple permettant de
différencier précocement le normal du pathologique et seul un bilan clinique et
neuropsychologique permet de trancher.
Une autre difficulté du diagnostic provient du fait que la maladie survient surtout
chez des sujets âgés, ayant plusieurs maladies (polypathologie), avec souvent des
troubles sensoriels (auditifs ou visuels) qui altèrent par eux-mêmes les performances
cognitives et compliquent le diagnostic des malades. En outre, une observation
objective d’une baisse des facultés cognitives par rapport à un niveau antérieur est
essentielle au diagnostic. Or, cette référence est parfois prise en défaut notamment en
cas de très bas niveau d’études des sujets concernés (les performances ont alors
toujours été faibles, ou certaines fonctions comme la lecture ou le calcul n’ont jamais
été acquises), ou pour d’autres raisons culturelles, professionnelles ou familiales.
Par ailleurs, la maladie d’Alzheimer est particulièrement fréquente chez les sujets
très âgés qui sont souvent isolés, soit parce qu’ils sont veufs sans enfant, soit parce
qu’ils sont éloignés de leur famille. Dans ce cas, le manque d’informant fiable
susceptible de fournir une analyse objective de la situation est évident. De plus, une
évaluation objective est difficile à faire lorsque le patient n’est plus dans son cadre de
vie habituel, la délocalisation étant génératrice de stress pour le malade Alzheimer.
Il peut y avoir également un déni des troubles par le malade comme par son
entourage, lié au fait que les malades et les proches ont peur du verdict et n’osent
pas consulter. Il y a un véritable tabou autour de cette maladie. Elle est difficile à
accepter pour le malade et son entourage. Cette maladie fait peur et la crainte du
« qu’en dira t-on » est fréquemment évoquée. Cela nécessite par conséquent de
changer le regard porté sur cette pathologie. Le fait que le malade refuse de les
reconnaître est très fréquent en début de maladie. L’attitude des aidants et des
malades eux-mêmes reste très fataliste face à une affection considérée comme
irréversible. Les auditions menées par le CESR du Limousin ont mis en évidence que la
maladie d’Alzheimer a dans la population une image inquiétante qui conduit souvent
les malades mais également leurs proches à ce refus d’acceptation de la maladie, en
raison de l’angoisse de la perte prochaine de la relation avec un être cher.
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