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Lille 2, université du droit et de la santé
Ecole doctorale n° 74
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE
FINANCES DU 1er AOÛT 2001 ET LA QUESTION
DE LA RESPONSABILITE DES ACTEURS
Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l’obtention
du master droit recherche
par Matthieu LEFRANC
Mémoire rédigé sous la direction de Monsieur le Professeur Michel
LASCOMBE
2004 – 2005
Mémoire publié après autorisation du jury sur http://edoctorale74.univ-lille2.fr
Sommaire
Introduction générale .....................................................................................5
Première partie : Les incompatibilités du régime des responsabilités
actuelles avec la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de
finances du 1er août 2001............................................................................... 8
Seconde partie – Les nécessaires évolutions des acteurs de l'exécution
budgétaire...................................................................................................... 54
Conclusion générale.................................................................................... 100
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................... 102
2
Je remercie tout particulièrement Monsieur le Professeur Michel
LASCOMBE, mon directeur de mémoire pour m'avoir conseillé et orienté
dans mes recherches. Je le remercie également de sa disponibilité.
J'en profite également pour remercier les membres du Groupe d'Etudes et de
Recherche sur l'Administration Publique / Groupe de Recherches et d'Etudes
sur l'Ethique Financière dirigé par Monsieur le Professeur Xavier
VANDENDRIESSCHE, pour leur accueil au sein de ce laboratoire.
Un merci particulier à Madame Agnès PAKOSZ pour son accueil au Centre
de Droit Public et à Messieurs Damien CATTEAU et Christophe PARENT
pour leurs précieux conseils.
A Maïa, mon épouse sans qui rien n'aurait été possible ; à mes parents qui
m'ont permis de trouver ma voie...
3
La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur.
4
Introduction générale
« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration1 ».
Cette disposition constitutionnelle2 constitue la base de notre droit public financier3
moderne.
De manière traditionnelle, il est possible d'effectuer un découpage quelque peu artificiel du
droit budgétaire en fonction du moment où l'on se trouve par rapport au vote du budget. On
distingue ainsi la phase de préparation du budget, la phase de discussion, la phase de vote,
la phase d'exécution, la phase de contrôle de son exécution et la phase de clôture. La
première de ces phases, celle de préparation, revient principalement à l'administration des
différents ministères et services ; la phase de discussion est celle qui a lieu devant les
parlementaires, et qui se conclut, normalement, par le vote du budget ; la phase d'exécution
concerne principalement les ordonnateurs et les comptables qui se verront confier les
moyens mis à leur disposition pour mettre en oeuvre les politiques publiques ; la phase de
contrôle est celle qui revient à la fois aux comptables, dans la mesure où ils contrôlent les
agissements de l'ordonnateur, mais surtout au « juge4 » des comptes ; enfin, la phase de
1
Article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
Le conseil constitutionnel, dans sa décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971 relatif à la liberté
d'association, a consacré valeur constitutionnelle au préambule de la constitution de 1958. Or, ce préambule
fait référence au préambule de la constitution du 27 octobre 1946, ainsi qu'à la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Par ailleurs, la valeur constitutionnelle de cette déclaration des droits
de l'homme et du citoyen a été confirmée par la décision n°73-51 du 27 décembre 1973, dite taxation d'office.
3
Cette expression droit public financier nous semble plus appropriée que l'expression droit des finances
publiques qui a longtemps été retenue. En effet, le concept de droit public financier est plus large et permet de
regrouper à la fois les dispositions de droit budgétaire et de droit comptable de l'État et des collectivités
territoriales, ainsi que le droit des finances sociales, des finances internationales...
4
Le recours au vocable « juge » n'est pas le plus juste dans la mesure où il peut exister des cas dans lesquels
le contrôle de l'exécution n'est pas réalisé directement par le juge, mais par voie administrative ; le juge
2
5
clôture du budget se traduit par le vote de la loi de règlement définitif du budget, mais
force est de constater qu'il est actuellement un moment quasi inexistant d'un point de vue
de l'implication des parlementaires, dans la mesure où ce vote de la loi de règlement
définitif du budget est souvent réalisé en quelques minutes seulement, alors que la
discussion et le vote du budget prennent ensemble environ deux mois.
Le droit public financier contemporain a connu plusieurs évolutions sous la Ve république.
Tout d'abord, l'ordonnance portant loi organique5 du 2 janvier 1959 est venue consacrer le
rôle prééminent du gouvernement en matière budgétaire. Par la suite, le décret du 29
décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique est venu définir
celle des compétences de chacun des deux acteurs principaux de l'exécution budgétaire que
sont les ordonnateurs et les comptables. Ce décret, n'ayant pas totalement précisé celles des
responsabilités qui peuvent être appliquées aux comptables, la loi de finances rectificatives
pour 1963, du 23 février 1963, et plus particulièrement son article 60 a procédé à la
définition, assez précise, des règles qui étaient applicables en cas d'engagement de la
responsabilité des comptables publics et des gestionnaires de fait. Plus récemment,
l'ordonnance du 2 janvier 1959 a connu une profonde réforme d'origine parlementaire ayant
fait l'objet d'un consensus entre les députés et sénateurs6. De ce fait, cette réforme ne peut
pas avoir la prétention d'être parfaite. Cependant elle est un progrès considérable par
rapport à l'ordonnance de 1959. Elle rénove la plupart des mécanismes de droit budgétaire
et de droit comptable jusqu'alors applicables. Malheureusement, cette réforme ne s'attaque
pas en elle-même à l'ensemble des problèmes fondamentaux, parmi lesquels figurent les
insatisfactions relatives aux régimes de responsabilités des agents de l'exécution. Et
pourtant, cette réforme aurait été nécessaire afin de mettre plus de cohérence dans la phase
d'exécution budgétaire et dans les contrôles qui en découlent, d'autant que l'absence d'une
telle réforme rend la situation existant actuellement parfaitement inapplicable sous l'empire
de la loi organique de 2001. Il nous faudra donc démontrer quelles sont les incompatibilités
qui existent entre les systèmes de responsabilités actuelles des acteurs de l'exécution et la
loi organique du 1er août 2001 (première partie). On ne peut cependant pas se contenter de
n'intervenant qu'en second lieu.
5
Cette ordonnance a été prise par l'ancien article 92 de la constitution qui permettait au président de la
république, pendant la période de mise en place des institutions, de prendre par ordonnance l'ensemble des
dispositions nécessaires au fonctionnement de l'État.
6
Pour un aperçu de ce consensus et des différentes dispositions de la loi organique en cause, voir
notamment CAMBY (J-P) dir, La réforme du budget de l'Etat : La loi organique relative aux lois de
finances, 2ème éd. 2004, LGDJ, Collection Sytèmes, 395 p.
6
dresser un constat d'échec. Il importe d'apporter quelques idées, quelques pistes de
réflexion pour tenter de remédier à ces difficultés. Nous tâcherons donc de venir préciser
quelques-unes des modalités permettant de redéfinir le rôle et la responsabilité des acteurs
de l'exécution budgétaire (seconde partie).
7
PREMIÈRE PARTIE : LES
INCOMPATIBILITÉS DU RÉGIME DES
RESPONSABILITÉS ACTUELLES AVEC
LA MISE EN OEUVRE DE LA LOI
ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE
FINANCES DU 1ER AOÛT 2001.
Il est un principe séculaire dans notre droit public financier que celui de la séparation des
fonctions d'ordonnateur et de comptable7. Rappelons à titre liminaire que ce principe
suppose notamment que la personne qui décide d'engager une dépense ou de recouvrer une
recette ne peut pas être la même que celle qui procède à l'encaissement ou au décaissement
des deniers. La première personne se voit confier la phase dite administrative de la dépense
ou de la recette publique tandis que la seconde est chargée de la phase dite comptable. La
phase administrative est confiée à un administrateur auquel il a été reconnu la qualité
d'ordonnateur, alors que la seconde phase est confiée à un corps de fonctionnaires
spécialisés que constituent les comptables publics. Ainsi, il n'existe que des fonctions
d'ordonnateurs, qui sont l'accessoire de certaines fonctions administratives, mais en
revanche il existe une véritable profession de comptable public.
Cette répartition des compétences entre ces deux organes a pour origine la volonté de
mettre fin aux détournements de fonds que commirent pendant longtemps certains agents
publics. Aujourd'hui une telle séparation trouve plutôt son fondement dans la nécessité de
diviser et donc de spécialiser la procédure de dépense ou de recouvrement des recettes.
7
Déjà l'ordonnance royale du 14 septrembre 1822 proclamait l'incompatibilité des fonctions d'ordonnateur
et de comptable. Ce principe fut par la suite sytématiquement repris dans les textes utlérieurs et est
aujourd'hui consacré à l'article 20 du décret du 29 décembre 1962.
8
Sans anticiper sur la suite de nos développements, il convient toutefois de faire une
observation. Une telle scission ne peut être parfaite. Aussi peut-il arriver que des
immixions dans l'une ou l'autre des activités ait lieu. Dans ce cas, des sanctions existent.
Cependant, ces sanctions, comme celles qui existent d'une manière générale à l'encontre
des ordonnateurs et des comptables font apparaître un certain nombre de lacunes et de
défauts. Nous tacherons de montrer brièvement quelles sont ces insatisfactions
(Chapitre 1).
Il faut également rappeler que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août
2001 a procédé à l'abrogation et à la réforme profonde de l'ordonnance portant loi
organique du 2 janvier 1959 et a revu d'une part les modes d'informations du Parlement en
matière budgétaire, ce qui a entrainé d'autre part, une réorganisation très importante des
modes de gestion de l'Etat. Ce second volet de la réforme a pour corrolaire la redéfinition
de la structure des administrations de l'Etat, qui va notamment se traduire par l'apparition
de nouvelles autorités. Ces nouvelles autorités, nous le verrons, ne pourront pas se voir
appliquer les règles existantes en matière de responsabilités.
Par ailleurs, cette réforme va également se traduire par une réadaptation des comptabilités
de l'Etat, tant au niveau central qu'au niveau déconcentré. On va désormais être confronté à
une triple comptabilité sur laquelle nous reviendrons ultérieurement, mais qui va aussi
modifier le rôle du comptable. L'ensemble de ces modifications nous permettra de
constater que la séparation classique des ordonnateurs et des comptables devra
nécessairement connaître une atténuation voire une remise en cause (Chapitre 2)
9
Chapitre 1 – Les responsabilités
traditionnelles en droit public financier : les
insuffisances et les défaillances d'un système
ancien.
Le droit public financier français connaît deux acteurs principaux en matière d'exécution
budgétaire : l'ordonnateur et le comptable. Tous deux disposent de compétences qui leur
sont propres et dès lors que l'on rappelle l'existence de l'article 15 de la déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui prévoit que « la Société a le droit de demander
compte à tout agent public de son administration », on est en droit de s'attendre à une
sanction en cas de comportement ou d'agissement irrégulier. Il paraît d'autant plus
important de prévoir l'existence de sanctions à l'encontre des ordonnateurs et des
comptables qu'ils se trouvent au coeur de la gestion des deniers publics.
Il faut malheureusement constater que les sanctions prévues à l'encontre de ces deux
catégories d'agents – et l'on nous pardonnera d'utiliser un tel euphémisme – ne sont pas
totalement satisfaisantes et on peut même aller plus loin en affirmant que les sanctions qui
existent contre les ordonnateurs sont quasiment illusoires.
Nous nous attacherons donc à rappeler ici les mécanismes existants – au moins en théorie –
à l'encontre des ordonnateurs fautifs (Section 1) avant que de nous interroger sur
l'applicabilité de la responsabilité des comptables (Section 2).
Section 1 : L'illusoire responsabilité des ordonnateurs.
Les ordonnateurs sont des administrateurs ayant qualité pour émettre des ordres de
dépenses ou de recettes8. On peut distinguer les ordonnateurs principaux des ordonnateurs
secondaires. Les premiers sont ceux qui reçoivent directement les autorisations
budgétaires, c'est-à-dire les ministres, les directeurs de services dotés d'un budget annexe,
8
SAIDJ (L.), Ordonnateurs publics in Dictionnaire encyclopédique de finances publiques. Economica,
1991, 1647 p., pp 1107 et s.
10
les maires, les présidents de conseil général ou de conseil régional, les présidents de
groupements ou bien encore les exécutifs d'établissements publics. Les ordonnateurs
secondaires sont ceux qui reçoivent les autorisations budgétaires par l'intermédiaire d'un
ordonnateur principal leur ayant accordé une délégation de pouvoir. Il s'agit notamment des
préfets et des présidents d'universités. Bien sûr, ces ordonnateurs – principaux et
secondaires – peuvent désigner d'autres administrateurs pour les représenter grâce à une
délégation de signature. On dit alors que ce sont des ordonnateurs délégués.
Les fonctions d'ordonnateurs sont particulières : elles impliquent un pouvoir financier. A ce
pouvoir doivent pouvoir s'appliquer des sanctions de même nature, c'est-à-dire des
sanctions financières (Paragraphe 3). Si on examine les administrateurs ayant qualité
d'ordonnateur, on se rend compte que certains occupent des fonctions électives, ce qui leur
confie un statut quelque peu particulier. À défaut d'un mandat électif, les ordonnateurs sont
tous des membres de l'administration soit locale soit centrale. Cette appartenance au milieu
électif ou à l'administration laisse la possibilité d'envisager des sanctions politiques ou
disciplinaires (Paragraphe 2). Au delà de ces sanctions, les ordonnateurs s'ils sont aussi des
administrateurs, n'en demeurent pas moins des citoyens, ce qui permet avant tout de leur
appliquer les sanctions de droit commun (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 – Les ordonnateurs et les sanctions
de droit commun.
A – L'inapplicabilité des sanctions civiles.
Jusqu'en 1951, les ordonnateurs secondaires se voyaient appliquer le principe selon lequel
la responsabilité pécuniaire des fonctionnaires ne pouvait être engagée envers l'État du fait
des fautes commises par eux dans l'exercice de leurs fonctions. Mais dans un arrêt
d'assemblée rendu par le Conseil d'État, le 28 juillet 19519, le juge a mis fin à cette théorie
en « considérant que si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas
pécuniairement responsables envers lesdites collectivités publiques des conséquences
dommageables de leurs fautes de services, il ne saurait en être ainsi quand le préjudice
9
Conseil d'État, assemblée, 28 juillet 1951, LARUELLE, Rec.464
11
qu'ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de
l'exercice de leurs fonctions. »
Désormais donc, les ordonnateurs secondaires peuvent être appelés à réparer le préjudice
que leurs fautes personnelles ont causé à l'État. La procédure à suivre est celle qui était
prévue, déjà, par la loi du 13 avril 1898 et on en trouve trace désormais dans l'article 7 du
décret du 29 décembre 1962 qui dispose que « les ordonnateurs sont responsables des
certifications qu'ils délivrent ». Ainsi, il incombe aux supérieurs des fonctionnaires fautifs
de sanctionner cette responsabilité par l'émission d'ordres de reversement.
Toutefois, dans les faits, cette responsabilité pécuniaire ou civile des ordonnateurs fautifs
n'intervient que de manière exceptionnelle dans la mesure où il existe une disproportion
considérable entre le montant des crédits engagés irrégulièrement et le patrimoine
personnel des intéressés.
Par ailleurs, de manière traditionnelle, le principe de la responsabilité civile des ministres
envers l'État a été proclamé à plusieurs reprises. Par exemple, le Sénatus consulte du 28
floréal an XII, ou bien la loi du 24 mai 1938 prévoyaient cette responsabilité civile des
ministres envers l'État. Par ailleurs, pendant longtemps, jusqu'en 1959, chaque loi de
budget10 rappelaient que l'exécution de cette loi s'effectuait sous la responsabilité du
ministre, ordonnateur, et sous la responsabilité du ministre des finances. Aujourd'hui c'est
l'article 9 du décret du 29 décembre 1962 qui prévoit le principe en posant que « les
ministres, ordonnateurs principaux de l'État, encourent, à raison de l'exercice de leurs
attributions, les responsabilités que prévoit la constitution. » Or sur la question la
Constitution est silencieuse et c'est pour cette raison que d'autres mécanismes doivent être
soulignés. Cependant, comme souvent, l'écart entre la théorie et la pratique est très
important et les ministres qui effectuent les dépenses au-delà des crédits budgétaires
obtiennent assez facilement de la part des assemblées parlementaires, le vote des crédits
supplémentaires qui permettent de régulariser les opérations réalisées.
En outre, la loi du 13 avril 1898 que l'on mentionnait précédemment, prévoyait que le
ministre compétent devait émettre un état de recouvrement ayant un caractère exécutoire,
lequel enjoignait au débiteur de l'État, c'est-à-dire au ministre ayant réalisé l'opération
illégale, de verser à l'État une somme déterminée. Le seul moyen pour l'ordonnateur, mis
10
Jusqu'en 1959, on parlait en effet de loi de budget C'est à partir de 1959 que l'appellation loi de finances a
trouvé place.
12
en demeure de payer, de refuser de verser cette somme, était de contester la dette devant la
juridiction administrative. Mais on le comprend assez facilement, ce procédé pouvait être
interprété comme une forme de vengeance politique et n'avait pour cette raison aucune
chance d'aboutir. De plus, et l'on retrouve la même situation que celle que pourraient
connaître les ordonnateurs secondaires, la disproportion considérable qui existe entre les
deniers ouverts et le patrimoine réel des ministres entraîne une inapplicabilité et partant, .
une inapplication des sanctions civiles.
B – L'inadéquation de la responsabilité pénale appliquée aux
ordonnateurs.
L'article L.111-3 du code pénal dispose que « nul ne peut être puni pour un crime ou un
délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ». Il s'agit du principe classique en
droit français de la légalité des délits et des peines. Cela signifie donc que pour pouvoir
faire l'objet d'une sanction pénale, l'ordonnateur doit avoir commis une infraction
pénalement répréhensible.
Le code pénal sanctionne les manquements au devoir de probité. En effet, les articles
L.432-10 et suivants du code pénal définissent un certain nombre d'infractions pouvant être
commises par des agents publics. Parmi ces infractions, on peut citer la concussion, la
corruption passive, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts, les atteintes à la liberté
d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service
public, la soustraction ou le détournement de bien. Les peines ainsi encourues pour chacun
de ces délits sont lourdes et peuvent atteindre 150 000 € d'amende et 10 ans
d'emprisonnement.
Par ailleurs, la responsabilité pénale de tous les ordonnateurs n'est pas identique. En effet,
les ordonnateurs locaux encourent beaucoup plus aisément le risque de voir leur
responsabilité pénale entamée. Il n'y a qu'à rappler que les ordonnateurs locaux dépendent
des juridictions répressives de droit commun alors que les ministres ordonnateurs
principaux de l'Etat sont quant à eux justiciables de la Cour de justice de la République.
La responsabilité pénale des ministres est ancienne. Une loi du 10 août 1922 punit des
peines de forfaiture, c'est-à-dire essentiellement de la dégradation civique, les membres du
13
gouvernement et les fonctionnaires qui auraient engagé des dépenses supérieures aux
crédits. Toutefois, jusqu'alors, cette procédure n'a jamais été mise en oeuvre.
La procédure devant la Cour de justice de la République est particulière et est relativement
protectrice à l'égard des ministres11.
La Cour de justice de la République, apparaît comme une juridiction spécialisée composée
de parlementaires et de magistrats de la Cour de Cassation. La saisine est ouverte à tout
justiciable qui se prétend victime du comportement d'un ministre. Les plaintes
individuelles sont étudiées quant à la recevabilité par une commission des requêtes
composées de membres de la Cour de Cassation, du Conseil d'État et la Cour des Comptes.
Si cette commission des requêtes estime cette requête recevable, alors elle saisira le
procureur général près la Cour de cassation, qui tiendra le rôle du parquet près la Cour de
justice de la République. Dès lors, ce magistrat procédera à l'instruction du dossier et, le
cas échéant, saisira la Cour.
La Cour de justice de la République est compétente pour connaître des actes commis par
les membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, et qui sont qualifiés de
crimes ou délits au moment des faits. Ces actes doivent être commis par un ministre en
cette qualité, c'est-à-dire que ne sont justiciables devant la Cour que les actes commis par le
ministre en tant que ministre, dès lors qu'ils constituent une infraction pénale, qu'elle soit
intentionnelle ou non. Ceci permet de constater que la procédure tend à se rapprocher de la
procédure de droit commun qui existe devant les juridictions répressives bien que le
filtrage des requêtes s'effectue à deux niveaux :au niveau de la commission des requêtes
d'une part et au niveau du procureur général près la Cour d'autre part, ce qui entraîne
nécessairement la disparition d'un nombre important de requêtes12.
Il nous faut, sans pour autant nous étendre sur le sujet, dresser quelque constat concernant
la Cour de justice de la République et la responsabilité pénale des ministres d'une manière
11
Cette protection était encore plus grande avant la réforme constitutionnelle du 27 juillet 1993 ayant
modifié le titre X de la constitution. Avant 1993, la Haute Cour de Justice était la « juridiction » compétente
pour juger les membres du gouvernement des crimes et délits qu'ils avaient pu commettre. Cette Haute Cour
de justice était l'expression d'une justice politique, dans la mesure où elle n'était pas véritablement une
juridiction. Effectivement elle était composée de parlementaires et la saisine ne pouvait pas être faite par des
individus. La saisine ne se faisait en effet que par les assemblées parlementaires qui devaient adopter une
résolution à la majorité absolue de chacune de ses membres. Elles devaient ensuite tomber d'accord sur la
nature des faits reprochés et sur la désignation des parlementaires qui siégeraient.
12
À ce jour,de nombreuses requêtes sont en attente de décision quant à leur avenir. Le
fonctionnement de la Cour de justice de la République n'est pas ce que l'on pourrait appeler un modèle du
genre.
14
plus générale. En effet, à ce jour, trois affaires ont été jugées par cette Cour13. Cela nous
rassure quant au fait que cette juridiction puisse fonctionner, mais cependant on ne peut
s'empêcher de s'interroger sur la qualité de son fonctionnement14. Mais cela n'est pas une
spécificité de l'époque puisque la responsabilité pénale des ministres a de toujours été très
peu efficace15. Il ne s'agit nullement pour nous de dénoncer ce phénomène tant il nous
apparaît que la responsabilité pénale doit rester, a fortiori lorsqu'elle touche les hommes
d'Etat, un fait d'exception. Pourtant il nous semble qu'il pourrait y avoir un intermédiaire
entre la pénalisation à outrance que connaît actuellement notre société et la quasi-impunité
actuelle des ministres. On le comprend aisément, le système de la Cour de justice de la
République laisse une impression d'insatisfaction importante. C'est d'ailleurs pour cette
raison que de nombreux travaux sont intervenus concernant sur ce thème16.
Pour élargir encore notre propos et nous intéresser désormais à l'ensemble des ordonnateurs
ayant une fonction politique, on peut également s'interroger sur la question de savoir si on
ne serait pas en train d'assister à une « banalisation de la responsabilité pénale17 ».
N'aurait-on pas tendance à substituer la responsabilité pénale à la responsabilité politique ?
En effet, la responsabilité politique n'ayant que peu de répercussions pratiques18, la
responsabilité pénale semble la voie la plus immédiate, la plus rapide et la plus à même de
remplir la fonction de vengeance à laquelle la société contemporaine semble si attachée.
Contrairement à la responsabilité civile, la responsabilité pénale est, au moins pour les
ordonnateurs locaux, une responsabilité réelle, mais elle ne semble cependant pas adaptée à
la matière financière puisque exception faite des infractions intentionnelles prévues par la
loi19, il semble peu opportun d'entamer des poursuites pénales en cas d'agissements
imprudents ou négligents dans le champ financier.
13
CJR, 09 mars 1999, Madame Georgina DUFFOIX, Messieurs Laurent FABIUS et Edmond HERVE ; CJR,
16 mai 2000, Madame Ségolène ROYAL ; CJR, Juillet 2004, Michel GILLIBERT.
14
En avril 2005, trois plaintes contre des ministres de la santé ont été classées.
15
Les ministres devant la justice, Etude collective organisée par l'association française pour l'histoire de la
justice, Actes Sud / AFHJ, 1997, 270p.
16
On peut par exemple citer le colloque tenu à Paris le 4 mai 1999, dont les actes ont été publiés : La Cour
de justice de la République et après ? Les cahiers constitutionnels de Paris I, sous la direction de Didier
MAUS et Bertrand MATHIEU, La documentation française, 2000, 80 p.
17
Olivier BEAUD, Le traitement constitutionnel de l'affaire du sang contaminé : Reflexions critiques sur la
criminalisation de la responsabilité des ministres et sur la criminalisation du droit constitutionnel, Revue du
droit public, n°1/2 – 2002, pp 995 et suivantes.
18
Voir infra
19
Ces infractions figurent principalement mais pas exclusivement dans le code pénal.
15
Les responsabilités de droit commun des ordonnateurs, responsabilités civiles et
responsabilités pénales, nous semblent donc parfaitement illusoires. Cependant, il nous
semble important de maintenir au moins une forme de responsabilité des ordonnateurs, afin
que ces derniers ne se sentent pas exempts de toute menace en cas d'agissements
irréguliers, négligeants ou imprudents. Aussi, si les responsabilités de droit commun ne
sont pas satisfaisantes, qu'en est-il des responsabilités liées à leurs fonctions politiques ou
administratives ?
Paragraphe 2 – Les responsabilités des
ordonnateurs à raison de leurs fonctions
administratives ou politiques.
Les ordonnateurs principaux de l'Etat comme des collectivités territoriales occupant des
fonctions politiques, il nous semble préférable de commencer par l'étude des sanctions qui
leur sont spécifiques avant que d'envisager celles qui sont propres aux ordonnateurs
secondaires. C'est pour cette raison que nous étudierons d'abord les sanctions politiques
avant que d'évoquer brièvement la question des sanctions disciplinaires.
A – Les sanctions politiques applicables aux ordonnateurs
Tous les ordonnateurs n'encourent pas de sanctions politiques. En effet seuls les
ordonnateurs principaux de l'Etat et des collectivités locales encourent une telle sanction,
ainsi que les préfets. Du moins en théorie. Intéressons-nous tout d'abord à la responsabilité
politique des ministres avant que d'analyser celle des autres ordonnateurs.
1 – La responsabilité politique des ministres, ordonnateurs principaux
de l'Etat.
La France est un régime parlementaire et l'une des bases essentielles d'un tel régime réside
dans le fait que les ministres sont politiquement responsables devant le Parlement. Cette
responsabilité politique trouve en effet son fondement dans le fait que c'est le Parlement
16
qui a ouvert les crédits budgétaires mis à la disposition du Gouvernement et donc des
ministres.
Sous les IIIe et IVe Républiques, cette responsabilité était collective pour la politique
générale du Gouvernement et individuelle pour la gestion des différents ministères20. La
constitution de 1958 n'édicte plus que la responsabilité collective du Gouvernement21.
Ainsi, en cas d'échec d'une politique financière, ou dans le cas d'une mauvaise gestion des
crédits ouverts par le Parlement, on pourrait imaginer que le Gouvernement se fasse
renverser par l'Assemblée nationale, ou bien encore que le Gouvernement, par la voie du
Premier ministre, décide volontairement de démissionner, ou que le Président de la
République l'incite fortement à démissionner. Ainsi, il n'existe pas sous la Vè République
de responsabilité politique individuelle des ministres, sauf à considérer que constitue une
responsabilité politique des ministres, l'influence que peut avoir le Premier ministre ou le
Président de la République sur les membres du Gouvernement22. Mais si cette hypothèse
n'est pas à exclure d'un point de vue théorique, on imagine mal une telle situation en
matière financière ou budgétaire. Il faut d'ailleurs constater qu'aucun cas de démission
individuelle d'un ministre n'est intervenu du fait d'un manquement à la législation ou à la
réglementation financière ou budgétaire.
2 – La responsabilité politique des autres ordonnateurs
Nous venons de voir que la responsabilité politique des ministres était purement théorique
sous la Vè République. Toutefois, il nous semble qu'elle devrait connaître des
aménagements du fait de l'application de la loi organique relative aux lois de finances du
1er août 200123. Qu'en est-il en revanche de la responsabilité des autres ordonnateurs ?
Nous allons essayer de présenter successivement et succintement cette responsabilité
politique pour les autres ordonnateurs.
20
L'article 6 de la loi du 25 février 1875 prévoit que « Les ministres sont solidairement responsables devant
les chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels ». De
même l'article 48 de la Constitution du 26 octobre 1946 disposait que « Les ministres sont collectivement
responsables devant l'Assemblée nationale de la politique générale du Cabinet et individuellement de leurs
actes personnels ».
21
On retrouve l'affirmation de ce principe à l'article 20 alinéa 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « [Le
Gouvernement] est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux
articles 49 et 50 ».
22
Il s'agirait là de l'hypothèse dans laquelle un ministre subirait des pressions de la part du Président de la
République ou du Premier ministre, qui le contrainderaient à démissionner.
23
Voir notre chapitre suivant.
17
Les ordonnateurs secondaires que sont les préfets encourent une responsabilité politique.
En effet, les préfets étant des emplois à la discrétion du Gouvernement, cela signifie qu'en
cas de manquement à une obligation financière, le Premier Ministre serait tout à fait
susceptible de congédier le préfet fautif. Mais cette hypothèse est assez peu vraisemblable
du fait de la multiplication hiérarchique qui existe au sein de l'administration déconcentrée,
et l'instauration de nouveaux échelons va rendre encore plus difficile la détermination de
l'échelon responsable24.
D'autres ordonnateurs connaissent une forme différente de responsabilité politique. En
effet, la responsabilité politique des élus locaux agissant en tant qu'ordonnateurs peut
trouver une application réelle, bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une
responsabilité politique au sens où l'on pourrait s'y attendre, dans la mesure où l'exécutif
n'est pas responsable devant son assemblée délibérante. Il n'est responsable que devant les
électeurs. Il s'agit donc là d'une forme particulière de responsabilité politique puisque celleci n'intervient qu'au terme du mandat, et pour une raison qui n'est pas toujours en lien avec
les irrégularités financières ou budgétaires. Cependant on a pu constater depuis quelques
années, des pertes ou des non-renouvellements de mandats électifs suite à la mise en cause
de responsables de collectivités, sans pour autant pouvoir imputer directement ce nonrenouvellement de mandat aux irrégularités financières. Force est toutefois de constater que
l'électorat ne s'arrête pas à ce genre de comportements, et il lui arrive de renouveler sa
confiance à certains élus dont les pratiques financières et budgétaires ne sont pas toujours
des modèles de régularité juridique...
On a ainsi pu constater une montée des sanctions politiques au niveau local25 ; dès lors
qu'une juridiction prononce une sanction à l'encontre d'un élu local ou bien qu'une
irrégularité financière est constatée, l'opposition aura tendance à reprendre cette
condamnation et à en faire « son cheval de bataille » lors des prochaines élections. Par
ailleurs, même si les élus locaux ne sont pas responsables en droit devant les assemblées
qui les ont élus, l'hostilité qui peut naître d'elles, peut amener le chef de l'exécutif,
ordonnateur principal, à démissionner. En effet, on pourrait imaginer une situation dans
laquelle l'exécutif local n'obtienne plus la confiance de son assemblée, laquelle pourrait
alors refuser de voter, par exemple, le budget ou d'approuver le compte administratif.
24
Ibid
Voir notamment R. HERTZOG, La responsabilité politique des ordonnateurs in La comptabilité
publique : continuité et modernité. Colloque tenu à Bercy les 25 et 26 novembre 1993.
25
18
Toutefois, il ne s'agit pas là d'une sanction politique eu égard à l'observation ou à
l'inobservation des règles comptables ou budgétaires. Il s'agit en fait de sanctions liées à la
mauvaise gestion financière de la collectivité et du coup, on peut affirmer que la
responsabilité politique des ordonnateurs du fait d'irrégularités purement budgétaires n'est
qu'exceptionnelle.
B – La responsabilité disciplinaire encourue par les
ordonnateurs
La responsabilité disciplinaire est prévue par le statut général de la fonction publique, ainsi
que par les différents statuts particuliers régissant les autres agents administratifs. Ainsi,
l'agent public ou le fonctionnaire, qui méconnaîtrait les obligations fonctionnelles qui sont
les siennes, pourrait se voir infliger par son autorité hiérarchique, des sanctions
disciplinaires.
Cependant, si elle existe en théorie, cette responsabilité disciplinaire n'est que rarement
mise en oeuvre en matière financière. En effet, les ordonnateurs qui commettent des
irrégularités en matière financière, le font le plus souvent en croyant leur action conforme à
l'intérêt du service. Les ordonnateurs peuvent également commettre des irrégularités en ne
faisant qu'obéir aux instructions et ordres qui leur ont été donnés par leurs supérieurs, y
compris les ministres. Dans ces conditions, on comprend aisément que la responsabilité
disciplinaire ne soit que rarement appliquée en matière financière.
Par ailleurs, on voit mal comment les supérieurs pourraient infliger des sanctions aux
ordonnateurs fautifs alors qu'ils ne font qu'obéir aux instructions qu'ils leur ont eux-mêmes
donnés.
Ainsi, l'une des rares hypothèses dans lesquelles on pourrait voir la responsabilité
disciplinaire mise en oeuvre est celle dans laquelle un ordonnateur aurait sciemment
commis des irrégularités pour son compte personnel. Mais dans ce cas, on se retrouvera
dans la situation d'une responsabilité civile de droit commun pour faute personnelle.
On se rend ainsi compte que les responsabilités des ordonnateurs en tant qu'acteurs
politiques ou administratifs ne sont que peu efficaces ou efficientes. Reste enfin à
s'interroger sur les responsabilités financières encourues.
19
Paragraphe 3 – Les responsabilités financières
encourues par les ordonnateurs.
Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables a une conséquence sur le
plan de la compétence de la juridiction. Le règlement général sur la comptabilité publique
de 196226 dispose que « les (...) ordonnateurs d'organismes publics encourent une
responsabilité qui peut être disciplinaire, pénale et civile sans préjudice des sanctions qui
peuvent leur être infligées par la Cour de discipline budgétaire [et financière] ». Le code
des juridictions financières, dans son article L.131–2, confirme cette compétence exclusive
de la Cour de discipline budgétaire et financière en prévoyant que la Cour des comptes
« n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf sur ceux qu'elle a déclarés comptables de
fait ».
Nous analyserons donc tout d'abord la responsabilité financière encourue par les
ordonnateurs devant la Cour de discipline budgétaire et financière27 (A) avant que d'étudier
ce qui devrait être, en principe, une compétence restreinte de la Cour des comptes sur les
ordonnateurs (B).
A – La responsabilité des ordonnateurs devant la Cour de
discipline budgétaire et financière
Les ordonnateurs sont en principe justiciables de la Cour de discipline budgétaire et
financière. L'article L.312–1 du code des juridictions financières énumère en effet celles
des personnes qui peuvent être déférées devant la Cour de discipline budgétaire et
financière28, mais ajoute aussitôt celles des personnes qui sont exclus de la juridiction de la
cour29. Ainsi à la lecture de cet article on ne peut que constater que la grande majorité des
26
Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.
Nous étudierons plus en détail le fonctionnement de cette Cour dans notre seconde partie.
28
L'article L.312-1 du code des juridictions financières dispose qu' « est justiciable de la Cour :
a) Toute personne appartenant au cabinet d'un membre du Gouvernement ;
b) Tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs
établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales ;
c) Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de
la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale des comptes.
Sont également justiciables de la Cour tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes
désignées ci-dessus.
29
Toutefois, ne sont pas justiciables de la Cour à raison des actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions :
27
20
ordonnateurs sont exclus de la juridiction de la Cour de discipline budgétaire et financière,
à commencer par les ordonnateurs principaux de l'État et les ordonnateurs principaux des
collectivités territoriales. Pour qu'un ordonnateur puisse être attrait devant la Cour il faut
qu'il ait exercé, en droit ou en fait, des fonctions qui ne sont pas l'accessoire obligé de ses
fonctions principales ou bien alors, en ce qui concerne les élus locaux, à la condition qu'ils
aient entravé l'exécution d'une décision de justice ou qu'ils aient exercé une réquisition de
paiement en vue de procurer à autrui un avantage injustifié. On le comprend
immédiatement, la compétence ratione personnae de la Cour de discipline budgétaire et
financière est particulièrement restreinte ce qui explique sans doute une part de sa faible
activité contentieuse30.
Par ailleurs, la compétence de la Cour se trouve également limitée de par le fait qu'elle ne
peut connaître des responsabilités des ordonnateurs que dès lors qu'ils ne peuvent exciper
d'un ordre écrit de l'autorité supérieure, dûment informée sur l'affaire. En effet, dans ce cas,
la responsabilité de ces supérieurs est substituée à celle des ordonnateurs.
Il faut encore ajouter que lorsque la Cour de discipline budgétaire et financière prononce
des amendes à l'encontre des ordonnateurs fautifs, le montant de ces amendes reste
a) Les membres du Gouvernement ;
b) Les présidents de conseil régional et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles
L. 4132-3 à L. 4132-10, L. 4132-13, L. 4132-15, L. 4132-21, L. 4132-22, L. 4132-25, L. 4133-1,
L. 4133-2, L. 4133-4 à L. 4133-8, L. 4231-1 à L. 4231-5 du code général des collectivités territoriales, les
vice-présidents et autres membres du conseil régional ;
c) Le président du conseil exécutif de Corse et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions du
dernier alinéa de l'article L. 4424-4 du code général des collectivités territoriales, les conseillers
exécutifs ;
d) Les présidents de conseil général et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles
L. 3221-3 et L. 3221-7 du code général des collectivités territoriales, les vice-présidents et autres
membres du conseil général ;
e) Les maires et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles L. 2122-17 à L. 2122-20 et
L. 2122-25 du code général des collectivités territoriales, les adjoints et autres membres du conseil
municipal ;
f) Les présidents élus de groupements de collectivités territoriales et, quand ils agissent par délégation
du président, les vice-présidents et autres membres de l'organe délibérant du groupement ;
g) S'ils ne sont pas rémunérés et s'ils n'exercent pas, directement ou par délégation, les fonctions de
président, les administrateurs élus des organismes de protection sociale relevant du contrôle de la Cour
des comptes et agissant dans le cadre des dispositions législatives ou réglementaires ;
h) S'ils ne sont pas rémunérés et s'ils n'exercent pas les fonctions de président, les administrateurs ou
agents des associations de bienfaisance assujetties au contrôle de la Cour des comptes ou d'une chambre
régionale des comptes.
Les personnes mentionnées aux a à f ne sont pas non plus justiciables de la Cour lorsqu'elles ont agi
dans des fonctions qui, en raison de dispositions législatives ou réglementaires, sont l'accessoire obligé de
leur fonction principale.
30
En janvier 2005, 145 arrêts avaient été rendus par la Cour de discipline budgétaire et financière depuis sa
création en 1948 !
21
relativement faible puisqu'elles ne peuvent dépasser « le montant du traitement brut
annuel » de l'ordonnateur, ce qui peut paraître peu par rapport au montant des sommes
pouvant être engagées irrégulièrement.
Nous reviendrons ultérieurement plus en détail sur les critiques qui peuvent être faites à
l'encontre de la Cour de discipline budgétaire et financière.
B – Les ordonnateurs, des justiciables d'exception de la cour
des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des
comptes.
L'article L.131–2 du code des juridictions financières proscrit à la Cour des comptes toute
juridiction sur les ordonnateurs. Toutefois, comme tout principe en droit, celui-ci connaît
des exceptions au nombre de deux. La première de ces exceptions se trouve à l'article
L.111–3 du code des juridictions financières qui prévoit que la Cour des Comptes contrôle
la comptabilité publique sur place et sur pièces. Cela signifie donc que la Cour des comptes
pourra procéder à un contrôle indirect des ordonnateurs et plus particulièrement de leur
gestion. Ainsi, si la Cour des comptes constate une quelconque irrégularité, elle ne pourra
pas attraire l'ordonnateur devant elle, mais elle pourra soit statuer définitivement et décider
de communiquer aux administrations intéressées les irrégularités et erreurs constatées, soit
elle peut renvoyer les auteurs des infractions devant la Cour de discipline budgétaire et
financière. Cependant, la Cour des Comptes dispose alors d'un délai d'action relativement
bref puisque la Cour de discipline budgétaire et financière ne peut plus être saisie après
l'expiration d'un délai de cinq années à compter du jour où l'infraction a été commise. Or,
étant donné que la Cour des Comptes ne juge pas chaque année de l'ensemble des
comptes31, cette prescription quinquennale est donc particulièrement courte, et l'on
comprend que la Cour des comptes n'ait pas toujours la faculté de choisir entre la saisine
du procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière et la
communication d'observations aux autorités administratives.
31
Chaque année la Cour des Comptes décide par avance des comptes qui feront l'objet d'un contrôle objectif.
Globalement, toutes les comptabilités publiques sont examinées une fois tous les quatre ans. Il s'agit ici d'une
moyenne : la Cour essaye de contrôler chaque compte au minimum tous les cinq ans, périodicité ramenée à
quatre ans pour les comptables de l'Etat.
22
Il existe une seconde exception au principe de la non juridiction des ordonnateurs devant la
Cour des comptes qui est prévue par l'article L.131–2 in fine du code des juridictions
financières qui prévoient que la Cour des comptes n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, «
sauf sur ceux qu'elle a déclarés comptables de fait ». Il s'agit là pour la Cour des comptes
d'attraire un ordonnateur devant elle, non pas pour contrôler ses agissements en tant
qu'ordonnateur mais parce qu'il s'est immiscé dans les fonctions de comptable et est donc
auteur d'une gestion de fait. Dans ce cas, l'ordonnateur est justiciable de la Cour des
comptes non pas en tant que ordonnateur mais en tant que comptable. Ne nous nous
attardons pas davantage sur l'hypothèse de la gestion de fait qui a déjà fait l'objet de
nombreux travaux.
L'ordonnateur une fois attrait devant la Cour des comptes en tant que comptable de fait
encourt les mêmes responsabilités que celles des comptables patents.
Section 2 – Une responsabilité des comptables
publics insatisfaisante
La procédure de jugement des comptes des comptables, patents ou de fait, est ancienne et
inadaptée. En effet, à l'heure où la loi organique relative aux lois de finances instaure les
notions de performance, de bonne gestion, d'efficience de la gestion etc., on peut
s'interroger sur la nécessité de maintenir un contrôle objectif des comptes des comptables
patents par la Cour des comptes ou par les chambres régionales ou territoriales des
comptes. Si l'idée qui domine est de s'assurer de la bonne tenue des comptabilités
publiques, et par extension de la bonne utilisation des deniers publics, est-il toujours
pertinent de maintenir une procédure vieille de près de deux siècles ? Certes la procédure a
évolué depuis 1807 mais la philosophie générale de celle-ci est toujours la même : il s'agit
d'effectuer un contrôle objectif des comptes, c'est-à-dire de contrôler l'ensemble des
comptes qu'ils soient tenus régulièrement ou non, en dehors de toute contestation quant à
leur régularité. Ne s'agit-il pas finalement d'un travail d'audit dont la compétence pourrait
revenir à une formation particulière, de la Cour des comptes ou d'un autre organisme, qui
serait alors chargé d'effectuer ce travail d'apurement des comptes. Ne pourrait-il pas y avoir
23
d'apurement administratif comme c'est actuellement le cas pour les comptes des
collectivités les moins importantes ?
Par ailleurs, le maintien des principes traditionnels liés au contentieux financier, que sont
d'une part le maintien de la justice retenue par le ministre de l'économie et des finances, et
d'autre part la limitation du contrôle du juge aux seuls comptes des comptables, excluant
par là les comportements de ceux-ci, rend peu satisfaisant le régime de responsabilité des
comptables publics (paragraphe 1). De surcroît, la reconnaissance progressive des droits de
la défense et de l'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme rend nécessaire la réforme de la responsabilité des
comptables publics (paragraphe 2).
Paragraphe 1 – La faible effectivité des
condamnations des comptables publics
Le contentieux financier est le dernier en France à maintenir une forme de justice retenue32.
Cela a pour conséquence que le juge des comptes n'est finalement réduit qu'à un simple
contrôle des comptes, sans qu'il lui soit possible d'apprécier le comportement du comptable
(A), alors que le ministre peut anéantir les effets des décisions du juge des comptes en
tenant compte d'éléments que le juge n'a pas la possibilité d'apprécier (B).
A – Le juge des comptes « juge le compte et non le
comptable 3 3 ».
Ce vieil adage selon lequel le juge des comptes juge les comptes des comptables mais pas
les comptables, reste le principe en droit financier (1). Cependant à tout principe ses
exceptions ou à tout le moins ses tempéraments (2).
32
Pour mémoire, la théorie du ministre juge a été abandonnée en droit administratif par un arrêt du Conseil
d'Etat, 13 décembre 1889,CADOT. Rec. 1148.
33
Commissaire du gouvernement Romieu, Conclusions sur Conseil d'Etat, 12 juillet 1907, NICOLLE. Rec.
656.
24
1 – La consécration du principe.
C'est dans ses conclusions sous un arrêt de 1907 que le commissaire de gouvernement
Romieu est venu poser ce principe34. En effet l'office du juge des comptes est particulière
dans la mesure où il intervient au cours d'un contrôle objectif, c'est-à-dire au cours d'un
contrôle des comptes en dehors de tout litige. Ainsi, chaque année, l'ensemble des
comptables publics doivent déposer leurs comptes auprès de la direction générale de la
comptabilité publique35, laquelle vérifiera que ces comptes sont en état d'examen avant de
les transférer à la Cour. Ces comptes doivent être accompagnés des pièces justificatives
nécessaires à l'examen des comptes. En cas de retard dans la reddition des comptes, des
amendes pour retard peuvent être prononcées par le juge des comptes.
Le juge des comptes vérifiera chacune des écritures contenues dans le compte, tant pour les
opérations de dépenses que pour les opérations de recettes. Pour les opérations de
dépenses, le juge s'assurera des contrôles opérés par le comptable, c'est-à-dire de ses
contrôles concernant la compétence et la qualité de l'ordonnateur, mais aussi concernant la
nature publique de la dépense, la disponibilité des crédits, l'exacte imputation des dépenses
ainsi que le caractère libératoire du règlement. Le juge des comptes devra également
contrôler que le comptable s'est assuré de la réalité du service fait et de la régularité de la
liquidation réalisée par l'ordonnateur... Pour réaliser un tel contrôle, le juge s'appuiera sur
les pièces justificatives fournies par le comptable, lequel ne pourra plus être mis en débet
lorsqu'il aura payé une dépense sur la base d'une pièce reconnue ultérieurement comme
fausse par le juge pénal36. Il s'agit là d'un revirement de jurisprudence important puisqu'il
remet en cause un principe tiré d'une jurisprudence séculaire37.
En matière de dépenses, l'office du juge est assez restreinte dans la mesure où il ne fait que
contrôler la réalité de la dépense. Il s'agit d'un contrôle purement matériel. En revanche, en
matière de recettes, le contrôle peut-être un peu plus poussé. Par exemple, le juge vérifiera
que les recettes figurant dans le compte sont réelles et régulières mais en revanche, lorsque
des recettes n'auront pas été encaissées, le juge devra contrôler un certain nombre de points
34
Ibid
On notera que les comptes des établissements publics administratifs nationaux sont au préalable soumis au
conseil d'administrationde l'établissement.
36
C.comptes, 27 mai 2004, COMMUNE D'ESTEVELLES, n°39708. AJDA, 20 décembre 2004, p.2438.
Obs. N. GROPER
37
Cet arrêt de la Cour des comptes remet en cause un arrêt rendu par le Conseil d'État, 12 juillet 1907,
NICOLLE. Rec.656
35
25
afin de pouvoir exonérer le comptable de sa responsabilité. En effet, pourquoi sanctionner
pécuniairement et personnellement un comptable lorsque des recettes sont devenues
irrecouvrables38 ?
Le juge des comptes pourra ne pas condamner pécuniairement et personnellement le
comptable, même lorsqu'il y aura un manquant dans la caisse de celui-ci, si le comptable
peut prouver que la dépense irrégulière ou la recette non recouvrée est la conséquence de sa
réquisition par l'ordonnateur. Par ailleurs, le comptable pourra s'exonérer de sa
responsabilité s'il vient prouver que la recette qui n'a pas été recouvrée est devenue soit
irrécouvrable, soit nécessiterait des mesures hors de proportion par rapport au montant de
la recette à recouvrer. Dans cette hypothèse, le comptable pourra demander l'admission en
non valeur de la recette.
Il ne faut toutefois pas croire que le juge des comptes ne peut juger que les comptes : en
effet le recours à la technique de l'admission en non valeur suppose l'appréciation
d'éléments qui sont à rattacher au comportement du comptable. Et cette procédure de
l'admission en non valeur n'est pas la seule qui permet d'affirmer qu'il existe des
tempéraments au principe selon lequel le juge des comptes ne juge que les comptes et pas
les comptables.
2 – Les tempéraments au principe.
Le premier des tempéraments que l'on peut apporter au principe qui nous intéresse ici n'est
finalement que la conséquence de ce qui vient d'être dit précédemment. En effet, pour
admettre en non valeur des recettes, il appartient au comptable de prouver qu'il a effectué
l'ensemble des diligences nécessaires39, mais qu'en dépit de celles-ci, les recettes sont
restées irrécouvrables. Le Conseil d'État estime que les « diligences ne peuvent être
dissociées du jugement du compte40 ». Ainsi, on ne peut que constater qu'il s'agit là d'un
tempérament à l'adage, dans la mesure où le jugement du compte ne peut se faire qu'en
tenant compte du comportement du comptable.
38
Nous verrons dans notre prochain développement par quels moyens le juge tempère le principe selon
lequel il ne juge que le compte et pas le comptable.
39
Conseil d'État, assemblée, 27 octobre 2000, MME DESVIGNES. Req n°196046. RFDA, 2001, p,737 et s.
Conclusions d'A. SEBAN
40
Conseil d'État, assemblée, 27 octobre 2000, MME DESVIGNES ibid
26
Le deuxième des tempéraments qui peut-être apporté concerne une technique très utilisée
par le juge : les injonctions pour l'avenir41. Ces injonctions pour l'avenir ne sont pas des
injonctions classiques. En effet, le juge peut être amené à prononcer un certain nombre
d'injonctions au comptable en cours d'examen des comptes, injonctions qui auront pour but
de demander au comptable un certain nombre de précisions quant aux écritures, et
notamment d'apporter un certain nombre de pièces justificatives afin d'expliquer les
dépenses ou les recettes inscrites dans le compte. Mais les injonctions pour l'avenir ne
constituent pas ce genre d'injonctions fermes que peut utiliser le juge des comptes.
Ces injonctions pour l'avenir sont en fait des moyens d'origine prétorienne qui vont
permettre au juge d'atténuer voire d'ôter toute responsabilité au comptable public. Ces
injonctions pour l'avenir vont être prononcées par le juge des comptes à l'encontre d'un
comptable ayant payé une dépense alors que celle-ci n'aurait pas due l'être. Il s'agit en fait
« d'attirer l'attention du comptable sur un problème, ou encore, (...) de mettre en garde le
comptable contre les risques qu'il prendrait en acceptant de tels règlements irréguliers
susceptibles d'engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire42 ». Une injonction pour
l'avenir peut également être utilisée « pour stigmatiser des irrégularités comptables non
sanctionnables »43, comme par exemple pour enjoindre au comptable de subdiviser
davantage son compte afin d'en accroître la lisibilité44. Ces injonctions pour l'avenir auront
donc pour effet d'atténuer voire de supprimer la responsabilité du comptable dans le cas
d'espèce. En effet, ces injonctions pour l'avenir étant prononcées au cours d'une décision de
justice, elles possèdent l'autorité de la chose jugée. Cela signifie donc que le comptable qui
méconnaîtrait, au cours des exercices ultérieurs, les recommandations de la Cour, pourrait
voir reconnaître sa responsabilité pécuniaire et personnelle. Ainsi donc, les injonctions
pour l'avenir apparaissent bien comme un moyen de tempérer l'adage selon lequel le juge
des comptes ne juge que les comptes. Le fait pour le juge de prononcer de telles injonctions
est donc bien un moyen pour lui de prendre en compte des éléments extérieurs aux simples
écritures et de prendre en compte notamment des éléments ayant trait au comportement du
comptable.
41
Voir notamment sur le sujet, S. DAMAREY : « Les injonctions pour l'avenir prononcé par le juge des
comptes », La revue du Trésor, 2001 pp.506 et suivantes,
42
Ibid p. 507
43
Ibid p.508
44
C. Comptes, 22 juin 1998, BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE ET NATIONALE DE STRASBOURG,
n°19537.
27
Troisième tempérament à ce principe : le contrôle des régisseurs. En effet, les comptables
sont en principe responsables des opérations de leurs régisseurs et du coup, si une
opération du régisseur est irrégulière le comptable pourra se voir sanctionner. Cependant,
mais nous ne développerons pas ces propos ici45, l'application de ce principe a été vivement
critiquée par la doctrine dans la mesure où elle a conduit le juge des comptes à condamner
pécuniairement le comptable du fait des opérations de son régisseur, alors même que celuici avait reçu de la part du ministre des finances, remise des débets prononcés à son
encontre. Aussi pour tenter de remédier à cette situation plus que contestable, le pouvoir
réglementaire est venu règler le problème par un décret du 21 juillet 2004 en affirmant
solennellement que « les sommes allouées en décharge de responsabilité ou en remise
gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été déclarés responsables mais qui ne
pourraient pas être recouvrées ne peuvent être mises à la charge du comptable
assignataire par le juge des comptes ou par le ministre sauf si le débet est lié à une faute
de négligence caractérisée commise par le comptable public à l'occasion de son contrôle
sur pièces et sur place ». Ce décret vient donc reconnaître explicitement l'existence d'un
pouvoir d'appréciation du comptable par le juge des comptes. D'ailleurs, le juge des
comptes n'a pas tardé à faire connaître son point de vue sur la question en venant confirmer
qu'il exercerait pleinement ce pouvoir46.
Dernier tempérament que l'on peut apporter à l'adage, et nous ne ferons ici que l'évoquer
sans le détailler47, il s'agit de la reconnaissance par le juge européen de l'applicabilité de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et plus particulièrement de
son article 6 paragraphe 1. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme est venue
reconnaître l'applicabilité de l'article six paragraphe un au jugement des comptes des
comptables de fait48 et au jugement des comptes des comptables patents49. Or, les
stipulations de cet article ne concernent que les procès qui ont trait à la matière civile et à la
matière pénale. Comment alors ne pas admettre que notre matière ne concerne pas
uniquement le procès fait à un compte, mais bel et bien le procès fait à un homme tenant un
compte. En effet il ne s'agit pas du compte exclusivement qui est jugé mais bel et bien du
45
Ils feront l'objet d'une étude plus importante dans le dernier chapitre, première section.
Chambre régionale des comptes Provence Alpes Côte d'Azur, 9 février 2005, COMMUNE DE PERTUIS,
J.2005-0035.
47
Cela fera l'objet de développements ultérieurs.
48
Cour EDH, Recevabilité, 7 octobre 2003, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00
confirmée par Cour EDH, 1er juin 2004, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00.
49
Cour EDH, Recevabilité, 13 janvier 2004, MARTINIE CONTRE FRANCE. Req. n°58675/00.
46
28
comptable, car si tel n'était pas le cas alors la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme ne trouverait pas application. Ce dernier argument permet donc de
remettre en cause l'adage et de considérer que le juge des comptes juge les comptes et les
comptables.
Cependant, force est de constater que le juge des comptes n'est pas le seul à pouvoir
apprécier le comportement des comptables, et à l'heure actuelle, le ministre de l'économie
et des finances reste le principal juge du comportement des comptables.
B – La compétence concurrentielle du ministre de l'économie
et des finances.
Le ministre de l'économie et des finances dispose de compétences concurrentes à celles du
juge des comptes dans l'appréciation du comportement du comptable. En effet, il lui est
reconnu un pouvoir d'appréciation du comportement du comptable dans le cadre de son
pouvoir hiérarchique. Le ministre dispose d'une administration au sein de laquelle on
trouve les comptables publics.
Pour apprécier le comportement du comptable le ministre dispose de prérogatives
importantes et que le juge des comptes ne possède pas : la décharge de responsabilité et la
remise gracieuse. La décharge de responsabilité permet au ministre d'exonérer un
comptable mis en débet par le juge des comptes dès lors que le comptable peut apporter la
preuve que ce sont des circonstances de force majeure qui l'ont empêché de prendre les
diligences nécessaires pour encaisser la recette ou qui l'ont conduit à effectuer une dépense
irrégulière. Cela signifie donc que le juge des comptes mettra en débet un comptable, qui
pourra par la suite demander au ministre décharge de responsabilité pour le manquant dans
la caisse. Cette décharge de responsabilité est accordée par arrêté ministériel ; cette
décharge peut être totale ou partielle. Il convient à ce stade de préciser que l'appréciation de
la force majeure s'entend de la même manière qu'en droit administratif général.
La seconde technique qui est reconnue au ministre des finances pour exonérer le comptable
de sa responsabilité est la remise gracieuse. Les comptables mis en débet par le juge des
comptes peuvent dans tous les cas demander au ministre une remise gracieuse totale ou
partielle. Cependant l'utilisation qui est faite de cette technique doit être considérée «
comme un mécanisme régulateur limitant la responsabilité du comptable à un niveau
29
socialement supportable50 ». On arrive désormais à une situation telle que la quasi-totalité
des débets mis à la charge des comptables font l'objet d'une remise gracieuse par le
ministre. Cette situation n'est d'ailleurs pas sans poser quelques problèmes dans la mesure
où la remise gracieuse qui est faite au profit du comptable va laisser dans la caisse un
manquant qu'il appartiendra à l'Etat de combler. Cependant, si l'État refuse, pour quelque
raison que ce soit, de combler le manquant, et que l'on est en présence d'un compte d'une
collectivité publique ou d'un établissement public, alors ces derniers devront à leur charge
combler le manquant, et on se retrouvera dans une situation pour le moins curieuse,
situation dans laquelle l'établissement ou la collectivité publique à laquelle appartient le
comptable devra combler elle-même le manquant dans son propre compte.
Le recours à la technique de la remise gracieuse donne à l'administration centrale un
pouvoir très important sur les comptables dans la mesure où elle permet de garder une
influence sur ceux-ci. De plus, si le comptable public reçoit de la part de son ministre de
tutelle une instruction selon laquelle il devra engager une dépense de manière irrégulière51,
le comptable doit pouvoir être certain qu'il verra le débet mis à sa charge remis par le
ministre. On comprend en effet dans cette hypothèse que le comptable soumis aux
obligations de sa hiérarchie ne pourra qu'obéir à cette instruction. Dans cette hypothèse
alors le recours à la technique de la remise gracieuse va de soi ; toutefois, on peut
s'interroger non pas sur la nécessité de maintenir une telle technique mais plutôt sur la
nécessité juridique de procéder à des dépenses irrégulières. Il s'agit là du principal
problème du recours à la remise gracieuse.
On pourrait alors s'interroger sur la question de savoir pourquoi l'ordonnateur qui aimerait
voir une dépense payée alors qu'elle est illégale ne réquisitionne pas le comptable ? En
effet, l'article 8 du décret du 29 décmbre 1962 prévoit la possibilité pour un ordonnateur de
réquérir les comptables publics. Cependant, une telle solution se heurte à un obstacle
majeur : dans le cas de la réquisition, la responsabilité bascule ipso facto du comptable vers
l'ordonnateur. On imagine donc aisément les réticences des ordonnateurs à utiliser une telle
technique d'autant que contrairement aux comptables, les ordonnateurs ne sont pas des
fonctionnaires du ministère des finances et ne peuvent pas dès lors bénéficier de la remise
50
M.LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, Cour des comptes § 156 in Répertoire de contentieux
administratif Dalloz Novembre 2001
51
Il s'agit par exemple de l'hypothèse dans laquelle une dépense urgente n'a pas été encore autorisée par la
personne juridiquement compétente mais pour laquelle il est nécessaire d'agir de manière immédiate, comme
par exemple dans le cas d'une indemnisation.
30
gracieuse. De plus, la responsabilité des ordonnateurs pourrait52 être engagée pour faute, et
ils ne pourraient pas aisément se sortir de la situation, a fortiori si l'ordre reçu est
manifestement illégal53 !
Dernière réflexion concernant la compétence du ministre en matière d'appréciation du
comportement du comptable, que celle qui consiste à voir dans le ministre une juridiction.
En effet le ministre dispose d'un pouvoir, en l'espèce, juridictionnel. Or nous venons de le
préciser précédemment, la juridiction européenne est venue considérer que le jugement des
comptes des comptables patents et celui des comptables de fait devait respecter les
principes contenus dans l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme. Il faut alors rappeller que l'article 6 ici en cause prévoit
notamment le droit pour tout justiciable à un tribunal impartial. Ne faut-il donc pas
considérer le ministre, exerçant un pouvoir juridictionnel, comme étant une juridiction ? Si
tel est le cas, ne devrait-il pas respecter le principe du tribunal impartial ? Si là encore la
réponse est positive, le ministre, en tant que juridiction et autorité hiérarchique, peut-il être
considéré comme un tribunal impartial ?
Paragraphe 2 – La reconnaissance progressive de
l'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme.
L'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention s'est manifestée dans la matière
financière de deux manières : elle est tout d'abord venue des juridictions internes en ce qui
concerne certains éléments procéduraux (A) avant que d'être reconnue d'une manière
générale par la Cour de Strasbourg (B).
52
53
Avec toutes les réserves qu'on a émises !
Notamment en matière pénale !
31
A – La reconnaissance des principes issus de la Convention
par les juridictions internes.
La première manifestation de la reconnaissance du principe au droit à un procès équitable,
s'est traduit par l'exclusion de la participation du rapporteur au délibéré. Or, la
reconnaissance par le juge administratif du principe selon lequel le rapporteur de l'affaire
ne pouvait pas participer au délibéré est un phénomène récent54. En effet, il a longtemps été
admis que cette participation du rapporteur au délibéré était conforme au principe
d'impartialité55, bien que des tempéraments aient été apportés quelques mois auparavant56.
Cependant, le Conseil d'État, s'il est bien venu reconnaître que la participation du
rapporteur au délibéré était contraire au principe d'impartialité, n'en a pas pour autant fait
référence à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme mais il s'est
simplement borné à considérer qu'il s'agissait là d'un principe qui devait être respecté
devant les juridictions administratives. En effet, le commissaire du gouvernement A.
SEBAN considère que « le détour par l'article 6 paragraphe 1 n'est indispensable que
lorsqu'il est nécessaire d'écarter des dispositions législatives ; mais tel n'est pas le cas
devant les juridictions financières, les dispositions de procédure concernant le rôle du
rapporteur ne résultant que de textes réglementaires57 »
Il faut encore préciser que le respect du principe d'impartialité a été consacré par un décret
du 14 avril 200058 qui a remanié le code des juridictions financières en excluant, en premier
lieu, le rapporteur du délibéré prononçant l’amende pour gestion de fait mais aussi pour
celles prononcées à l’encontre d’un comptable patent qui aurait produit ses comptes en
retard. Ensuite, la loi du 21 décembre 200159 et le décret du 27 septembre 200260 sont venus
54
Conseil d'Etat, Assemblée., 6 avril 2001, SARL RAZEL frères et LE LEUCH, Revue du Trésor 2002, p.
221. Note M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE. Concl. SEBAN, RFDA 2001, p. 1299.
55
Cour des comptes, 26 mai 1992, MEDECIN ET AUTRES COMPTABLES DEFAIT DE LA COMMUNE
DE NICE. Rec. Cour des Comptes p.49 ; Cour des comptes, 11 mars et 29 avril 1993, ASSOCIATION
ANIMATION SOCIALE GRENOBLOISE, CARIGNON ET AUTRES ; Conseil d'État, 6 janvier 1995,
OLTRA. Rec.15 ; Cour des comptes, 27 janvier 2000, SOCIETE RMR, REGION ALSACE. Droit
Adminitratif Juillet 2000 n°161 p.15.
56
Conseil d'État, assemblée, 3 décembre 1999, DIDIER, Rec. p. 399 ; Conseil d'État, assemblée, 3 décembre
1999, LERICHE, Rec.402.
57
Conclusion du commissaire du gouvernement SEBAN sur l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat, Assemblée, 6
avril 2001, SARL RAZEL frères et LE LEUCH op cit.
58
Décret n° 2000-338 du 14 avril 2000.
59
Loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des
comptes.
60
Décret n° 2002-1201 du 27 septembre 2002 portant modification du CJF (partie réglementaire).
32
compléter ces dispositions pour exclure le rapporteur du délibéré en matière de procédure
de gestion de fait bien que ces apports ne soient pas totalement satisfaisants61.
La seconde manifestation du principe d'impartialité dans la jurisprudence administrative
française se retrouve dans la notion de préjugement dont la principale illustration a été
l'arrêt « LABOR METAL62 ». Cette jurisprudence est venue censurer l'arrêt de la Cour des
comptes63 dans lequel elle avait déclaré comptable de fait la société requérante, dans la
mesure où la Cour des comptes était venue dans un précédent rapport public64 dénoncer les
irrégularités commises par la requérante. Cette jurisprudence a par la suite été confirmée en
200265 et à même fait l'objet de « transposition » auprès de la Cour de discipline budgétaire
et financière66. Ces jurisprudences ont été vivement critiquées dans la mesure où elle
remettent en cause la double mission des juridictions financières, puisque soit elles
n'évoquent plus d'affaires dans leurs rapports publics, ce qui fait perdre un intérêt certain à
ces rapports, et alors elles peuvent juger normalement des infracteurs, soit elles continuent
de dénoncer dans leurs rapports publics les irrégularités constatées, et dans ce cas elles ne
peuvent plus juger l'affaire par la suite. Le Conseil d'État est venu atténuer quelque peu les
effets de la jurisprudence « LABOR METAL » dans la mesure où il a évoqué l'affaire qui a
été portée devant lui67 et a annulé l'ensemble de la procédure de gestion de fait qui avait été
jusqu'alors menée.
On le comprend aisément, les solutions qui ont été retenues dans les jurisprudences
« LABOR METAL », « ABRAN », « DUBREUIL » et « DUGOUIN » ne sont bien
évidemment pas satisfaisantes68. Il faut par ailleurs préciser que cette insatisfaction ne fait
qu'augmenter avec la reconnaissance explicite de l'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
61
S. FRULEUX, La prise en compte des principes issus de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales par les juridictions financières françaises, Lille II, 2004, 99
pages, p.26 et suivantes.
62
Conseil d'Etat, Assemblée., 23 février 2000, SOCIETE LABOR METAL ET AUTRES.
63
Cour des comptes, 7 novembre 1997, SOCIETE LABOR METAL. Req. n°18086
64
Rapport public de la Cour des comptes pour 1996, p.61 à 68.
65
CE, 13 février 2002, ABRAN, Revue du Trésor, n°2, février 2004, p. 141. Note M LASCOMBE et X
VANDENDRIESSCHE.
66
Conseil d'État, 4 juillet 2003, DUBREUIL Req. n°234252
67
Conseil d'État, 17 octobre 2003, DUGOUIN Req. n°237290
68
S. FRULEUX op cit. p.48 et suivantes
33
B – La généralisation de l'application de l'article 6
paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme.
On le sait, le conseil d'État est réticent à appliquer la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme69. On peut par exemple rappeler que le Conseil d'État a
refusé l'application de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de
comptabilité patente70. Cependant, dès 1998, le conseil d'État est venu apporter quelques
tempéraments à ce refus d'application de la Convention européenne des droits de
l'homme71. Dans sa jurisprudence le Conseil d'État est venu rappeler « que la Cour des
comptes, lorsqu'elle fixe la ligne de compte de la gestion de fait et met le comptable en
débet, ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et
obligations de caractère civil » mais en revanche, quand elle se prononce sur des amendes,
« la Cour des comptes (...) [doit] être [regardée] comme décidant du bien-fondé
d'accusations en matière pénale ». Ce revirement de jurisprudence paraissait évident dans
la mesure où la Cour européenne des droits de l'homme allait devoir se prononcer quelques
mois après sur une affaire72 impliquant la Cour de discipline budgétaire et financière.
Aussi, pour anticiper l'arrêt de la Cour de Strasbourg, le Conseil d'État a-t-il décidé de
reconnaître l'applicabilité de la Convention européenne des droits de l'homme à une partie
de la procédure de gestion de fait.
Il paraissait toutefois assez curieux de distinguer les différentes étapes de la procédure de
gestion de fait et de ne reconnaître que pour une de ces étapes une coloration pénale. Aussi
fort logiquement, la Cour de Strasbourg est-elle venue étendre à toute la procédure de
gestion de fait l'application de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention à la totalité de la
procédure de la gestion de fait73 en posant en principe que le jugement d'une procédure de
gestion de fait constituait un litige portant sur la matière civile, sauf celles des dispositions
portant sur le prononcé des amendes qui relevaient de la procédure pénale au sens de la
69
Conclusion du commissaire du gouvernement A. SEBAN sur l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat,
Assemblée, 6 avril 2001, SARL RAZEL frères et LE LEUCH op cit.
70
Conseil d'Etat, 19 juin 1991, VILLE D’ANNECY contre DUSSOLIER, Rec.242.
71
Conseil d'Etat, 16 novembre 1998, SARL DELTANA et M. PERRIN. Rec.415 ; Conseil d'Etat, 30
octobre 1998, LORENZI. Les Petites Affiches, 15 janvier 1999, p. 12
72
Cour EDH, 26 septembre 2000, GUISSET contre FRANCE, Rec. 2000-IX
73
Cour EDH, Recevabilité, 7 octobre 2003, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00
confirmée par Cour EDH, 1er juin 2004, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00.
34
convention. Le Conseil d'État se devait donc d'intégrer dans sa jurisprudence les apports de
la récente jurisprudence européenne ; quelques semaines après la décision concernant la
recevabilité de la requête, le Conseil d'État est venu consacrer l'application de l'article 6
paragraphe 1 à la totalité de la procédure de gestion de fait74.
Désormais, la généralisation de l'application de l'article 6 paragraphe 1 à la totalité des
procédures devant les juridictions financières ne semble plus pouvoir être contestée. En
effet, explicitement reconnue par la Cour de Strasbourg et par le Conseil d'État en matière
de gestion de fait75, l'applicabilité de la Convention a été récemment consacrée par une
décision concernant la recevabilité d'une affaire en matière de gestion patente76. Cette fois,
la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas considéré qu'il s'agissait d'un litige
relevant de la matière pénale, mais qu'il s'agissait du second volet de l'applicabilité de
l'article 6, à savoir la matière civile. Il y a donc fort à parier que la Cour européenne des
droits de l'homme vienne confirmer dans son arrêt au fond que la procédure de contrôle des
comptes des comptables publics relève d'un litige en matière civile et que par conséquent
l'article 6 paragraphe 1 trouve nécessairement à s'appliquer.
Les particularismes des procédures devant les juridictions financières et la reconnaissance
progressive de l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme illustre parfaitement la nécessité qu'il y a à réviser les procédures existantes
devant les juridictions financières. Même si nous ne l'avons pas développé, la Convention
européenne des droits de l'homme est également applicable devant la Cour de discipline
budgétaire et financière. Aussi nous paraît-il impossible de maintenir un système qui a
jusqu'alors fait montre de ses défauts et de ses incohérences. C'est la raison pour laquelle il
nous semble qu'une réforme est devenue nécessaire d'autant plus que la récente loi
organique relative aux lois de finances apporte de profondes modifications à la structure
financière française.
74
CE, 30 décembre 2003, BEAUSOLEIL et RICHARD, req. n° 251120 et 215233. RFDA 2004, p. 368.
Voir notamment A. POTTEAU, Le jugement des comtpes confronté aux droits processuels de la
Convention européeene des droits de l'homme, in RFDA, 2004, n°2, pp.378 et suivantes
76
Cour EDH, Recevabilité, 13 janvier 2004, MARTINIE CONTRE FRANCE. Req. n°58675/00.
75
35
Chapitre 2 – Les mutations récentes de
l'exécution budgétaire suite à la mise en
oeuvre de la loi organique relative aux lois de
finances.
La loi organique du 1er août 2001 procède à la révision importante des règles en matières
budgétaire et comptable. Cette réforme des règles comptables est importante dans la
mesure où elle consacre à un rang organique des règles qui, pour leur quasi-totalité, étaient
jusque-là de nature réglementaire77. Le conseil constitutionnel aurait pu déclasser certaines
des dispositions de la loi organique, notamment celles concernant la comptabilité publique
en considérant qu'elles n'avaient pas de caractère organique, et n'avaient en réalité qu'un
simple caractère législatif ou réglementaire. Cependant, le conseil constitutionnel78 est
venu considérer que « si ces articles contiennent certaines dispositions qui, par ellesmêmes, ne seraient pas de nature organique, ils constituent les éléments indivisibles d'un
dispositif d'ensemble ayant pour objet d'assurer la sincérité et la clarté des comptes de
l'Etat79 ». Ce considérant a dès lors pour conséquence que l'ensemble des dispositions
concernant la comptabilité publique et qui figure dans la loi organique revêt un caractère
organique.
La loi organique relative aux lois de finances apporte des modifications importantes
concernant la comptabilité publique, qui vont avoir pour conséquence de remettre en cause
le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables (section 1) ; remise en
cause d'autant plus nécessaire que cette même loi organique procède à la rénovation des
règles budgétaires de l'État et des administrations déconcentrées (section 2).
77
L'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 ne traitait que de manière superficielle de la
comptabilité publique. Pour une étude des règles contenues dans cette ordonnance, voir le commentaire de
Michel Bermond sous l'article 27 de la loi organique in La réforme du budget de l'Etat, LGDJ, Collection
Systèmes, 2è éd. 2004, p.189 et suivantes.
78
Conseil constitutionnel, 25 juillet 2001, 2001-448 DC, loi organique relative aux lois de finances.
79
Ibid, Considérant n°57
36
Section 1 – La remise en cause de la séparation des
ordonnateurs et des comptables.
La loi organique relative aux lois de finances procède à la rénovation des règles de la
comptabilité publique (paragraphe 1). Elle vient accroître les compétences des
gestionnaires en leur accordant de plus grandes libertés. Cet accroissement des
compétences des gestionnaires va entraîner une modification de la fonction comptable, ce
qui va nécessairement entraîner une remise en cause de la séparation traditionnelle des
ordonnateurs et des comptables (paragraphe 2).
Paragraphe 1 – La rénovation des règles de la
comptabilité publique.
La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a consacré à un rang
supérieur la comptabilité publique80. L'article 27 de cette loi organique instaure une triple
comptabilité : comptabilité budgétaire, comptabilité générale et comptabilité analytique.
La comptabilité budgétaire est une comptabilité dite de caisse, et retrace l'ensemble des
opérations budgétaires. Dans ce système, les dépenses sont retracées au moment où elles
sont payées, c'est-à-dire au moment où est émis un virement au profit d'un fournisseur par
exemple ; les recettes sont inscrites au moment où elles sont encaissées, c'est-à-dire
notamment au moment où le chèque émis par le contribuable est encaissé. Cette
comptabilité budgétaire existe déjà sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959, mais il
s'agit plutôt d'un système dit « de caisse modifiée81 » dans la mesure où l'exercice auquel
est rattaché la dépense ou la recette peut ne pas être le même que celui au cours duquel la
dépense a été réellement payée. En effet, l'existence d'une période complémentaire permet
de rattacher à l'exercice précédent certaines des dépenses payées au début de l'année
suivante. Cependant cette période complémentaire, si elle est maintenue par la loi
organique de 2001, se trouve désormais strictement encadrée. En effet, sous l'empire de
l'ordonnance de 1959 la période complémentaire pouvait s'étendre jusqu'au 7 février de
80
Jusqu'alors, la comptabilité publique était principalement de nature réglementaire voire législatif. Cette loi
organique, sans affirmer la majeure partie des règles comptables, vient renforcer cette matière en lui donnant
une plus grande normativité.
81
Jean BASSERES, La comptabilité publique et la réforme, La revue du Trésor 2002 pp.163 et suivantes ;
Revue française de finances publiques n°76 pp.93 et suivantes.
37
l'année n+1.82 Désormais, l'article 28, 2°, alinéa 2 de la loi organique prévoit que la durée
de la période complémentaire « ne peut excéder vingt jours ». L'existence de la période
complémentaire trouve son fondement dans le fait que le principe d'annualité ne saurait
être entendu strictement, et ce pour de simples raisons pratiques : en effet, le délai qui
sépare nécessairement l'initiation d'une opération de recettes ou de dépenses de son
achèvement exige quelques tempéraments au principe de l'annualité.
Il faut encore préciser que la loi organique83 encadre davantage la période complémentaire
dans la mesure où celle-ci ne peut être ouverte aux ordonnateurs que pour exécuter des
opérations de recettes et de dépenses prévues par une loi de finances rectificative
intervenue au cours du mois de décembre précédent. Cette remarque est importante dans la
mesure où sous l'empire de l'ordonnance de 1959, la période complémentaire était ouverte
de plein droit aux ordonnateurs principaux jusqu'au 10 janvier de l'année suivante dès lors
qu'il s'agissait du paiement d'une dépense née au cours de l'année achevée.
Par ailleurs, l'article 27 de la loi organique instaure une comptabilité générale de l'ensemble
des opérations de l'État84. Cette comptabilité générale est nécessairement plus large que la
comptabilité budgétaire et va donc englober cette dernière. Ainsi la comptabilité générale
va regrouper l'ensemble des opérations de l'État qui ont une incidence budgétaire, ainsi que
celles qui n'ont pas d'incidence budgétaire ou qui affectent directement son patrimoine.
Pour cette comptabilité générale, il a été préféré au système dit de caisse celui dit de droits
constatés. La comptabilité en droits constatés implique que les opérations soient prises en
compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment donc de leur date
de paiement ou d'encaissement. Il va donc être possible d'intégrer dans cette comptabilité,
les éléments de la dette publique, et plus particulièrement le montant des intérêts nés entre
le 1er janvier et le 31 décembre, quelque soit le moment où ils ont été réellement payés.
L'article 30, alinéa 2 de la loi organique apporte une précision importante puisqu'il prévoit
que « les règles applicables à la comptabilité générale de l'État ne se distinguent de celles
applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action ». Ainsi, le
82
Article 9 du décret n°86-451 du 14 mars 1986 modifié par le décret n°96-1172 du 26 décembre 1996.
On peut aussi constater que la période complémentaire a été élevée au rang organique par la loi organique
de 2001 dans la mesure où l'ordonnance de 1959 ne la prévoyait pas explicitement. Elle renvoyait à un décret
le soin de définir les modalités d'application du principe d'annualité et des exceptions qui pouvaient y être
apportées.
84
Une comptabilité générale existait déjà sous l'empire de l'ordonnance, mais la loi organique a
profondément revu les règles applicables.
83
38
rapprochement opéré par la loi organique entre le secteur public et le secteur privé se
retrouve principalement au niveau comptable : les notions de sincérité, de fidélité, de
prudence vont trouver parfaitement à s'appliquer à la comptabilité publique. En revanche,
un certain nombre d'éléments doit encore faire l'objet de précisions dans la mesure où
l'activité de l'État ne s'apparente pas directement à celle d'une entreprise ; de plus, le
patrimoine de l'État est particulier et ne peut être comparé à celui d'une entreprise... En
outre, contrairement aux entreprises, le référentiel comptable de l'État, c'est-à-dire
l'ensemble des principes, normes et règles applicables à sa comptabilité, ne peut pas
connaître de modifications perpétuelles et constantes. Pour permettre une plus grande
transparence et un meilleur fonctionnement de ce système, une certaine pérennisation est
nécessaire.
Enfin, l'article 27 de la loi organique prévoit l'instauration d'une comptabilité dite
analytique, permettant de faire apparaître le coût des différentes actions engagées dans le
cadre des programmes85. Cette comptabilité analytique s'inscrit parfaitement dans la
logique de mesure de la performance telle qu'elle est souhaitée par la loi organique.
La modification de la comptabilité publique de l'État s'inscrit dans un mouvement européen
de réforme des comptabilités publiques. En effet, depuis la mise en oeuvre de la troisième
phase de l'union économique et monétaire, le rapprochement des systèmes des différents
Etats européens est devenu nécessaire afin de pouvoir comparer de manière satisfaisante
les données comptables de chacun des Etats membres. Cependant, la réforme de la
comptabilité publique française n'a pas été aussi importante que dans certains autres Etats,
dans la mesure où le système de comptabilité français était proche du système européen86.
Au delà de la réforme des comptabilités de l'Etat, la loi organique vient aussi réformer la
fonction comptable, ce qui va avoir pour conséquence de porter atteinte au sacro-saint
principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables.
85
Pour une étude des notions de programmes et d'actions, voir nos développements ultérieurs dans la
seconde section de ce chapitre.
86
Pour un approfondissement de ces questions, voir notamment l'article de Loïc LEVOYER, Fondements et
enjeux de la réforme de la comptabilité de l'Etat, La revue du Trésor 2003 pp.3 et suivantes.
39
Paragraphe 2 – La nécessaire remise en cause de
la séparation traditionnelle des ordonnnateurs et
des comptables.
A – L'évolution de la fonction comptable.
L'article 31 de la loi organique du 1er août 2001 vient préciser le rôle des comptables
publics et leur confie la tenue et l'établissement des comptes de l'État ainsi que le respect
des principes et règles définis par elle. Par ailleurs, ils doivent s'assurer, entre autres, de la
sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures. Les dispositions de
la loi organique, sans remettre en cause les compétences et le rôle des comptables publics
tels qu'ils existent sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et les textes qui en
découlent, le modifie sensiblement. Certains contrôles opérés par les comptables sont
amenés à évoluer sensiblement, et par ailleurs, les comptables vont connaître de nouveaux
rôles. Ils vont ainsi s'assurer de la sincérité et de la fidélité des enregistrements comptables
qu'ils ne seront plus seuls à effectuer. Ils se verront également confier des missions de
certifications concernant notamment les opérations financières des ordonnateurs et les
mesures d'inventaires que devront réaliser les gestionnaires et les ordonnateurs.
La modification des comptabilités publiques de l'État, tel que nous l'avons précisé dans nos
développements précédents, va entraîner des modifications dans la chaîne de dépenses et
de recettes. En effet, la consécration d'une comptabilité d'exercice va entraîner l'écriture des
droits et obligations dès lors qu'ils auront acquis une valeur certaine et non plus au moment
où ils sont payés ou encaissés. Ainsi par exemple en matière de dépenses, dès la
constatation du service fait ou dès la réceptions de la facture, la dette devra être inscrite
dans le compte. De manière similaire, dès la constatation de la réalité juridique de la
créance, la recette devra être inscrite elle aussi dans le compte. Cela va avoir pour
conséquence de faire remonter certaines opérations de la phase comptable en amont de la
procédure, ce qui signifie qu'il reviendra à l'ordonnateur d'inscrire ces opérations.
Il ne faut cependant pas croire que le comptable ne gardera qu'une simple fonction
d'enregistrement. En effet, il gardera ses compétences en matière de contrôles tant d'un
40
point de vue du payeur que du caissier. Ainsi, il devra toujours rechercher la qualité de
l'ordonnateur qui est à l'origine de la dépense ou bien encore vérifier la réalité du service
fait. En tant que caissier, il devra vérifier que la dépense a bien un caractère libératoire. En
cas d'erreur ou d'absence de contrôle, le comptable s'expose à la mise en jeu de sa
responsabilité personnelle et pécuniaire, telle que nous l'avons rappelée dans notre chapitre
précédent.
La loi organique relative aux lois de finances va également induire de nouveaux contrôles.
Si le contrôle exhaustif, qui est celui théoriquement en place actuellement, reste possible,
d'autres contrôles87 vont donc être instaurés : un contrôle hiérarchisé et un contrôle
partenarial. Ainsi, la relation existante entre le comptable et l'ordonnateur va être amenée à
évoluer.
Le contrôle hiérarchisé sera plutôt concentré sur les opérations aux enjeux importants ou
dont les risques sont reconnus. Le comptable contrôlera ainsi celles des opérations qui
présentent un risque d'irrégularités, soit dans leur montant, soit dans leur technicité. Le
contrôle hiérarchisé permettra au comptable de moduler le champ, le moment et l'intensité
de son contrôle. Il pourra ainsi décider d'effectuer un contrôle de l'exhaustivité des pièces
ou bien lui préférer un contrôle d'un simple échantillon. Par ailleurs, il pourra choisir
d'effectuer son contrôle avant le paiement ou l'encaissement, mais il pourra également
décider d'effectuer un contrôle a posteriori. Enfin, le comptable pourra décider d'effectuer
l'ensemble de ses contrôles ou bien de n'en faire qu'une partie. Ce contrôle hiérarchisé va
donc permettre un rapprochement entre le comptable et l'ordonnateur : le comptable pourra
moduler son contrôle en fonction de l'ordonnateur. Le contrôle hiérarchisé va donc se
traduire par une réduction des délais de paiement et va donc autorisé dans certains cas une
simplification des procédures.
Le contrôle partenarial va quant à lui être basé sur un véritable partenariat entre le
comptable et l'ordonnateur. Une convention entre ces deux acteurs pourra être passée,
laquelle permettra au comptable d'indiquer à l'ordonnateur celles des opérations sur
lesquelles porteront ces contrôles. Ceci va donc permettre d'instituer de véritables relations
de confiance entre les comptables et les ordonnateurs : les premiers certifieront certaines
87
Il ne faut toutefois pas imaginer que la loi organique se trouve à l'origine de l'ensemble des nouveaux
contrôles. En effet, déjà sous l'empire de l'ordonnance de 1959, certaines expérimentations avaient été faites.
Ces dernières ont donc pu faciliter l'instauration de ces nouveaux contrôles.
41
opérations des ordonnateurs, ce qui aura pour conséquence d'accropitre l'autonomie de
l'ordonnateur. En même temps, l'ordonnateur devra respecter les règles du « contrat »
puisqu'il sera soumis à un contrôle nécessaire du comptable, afin que ce dernier vérifie que
la certification accordée à l'ordonnateur est toujours valable.
Ce contrôle partenarial va permettre une plus grande différenciation des contrôles. En effet,
jusqu'à présent le comptable effectue ses contrôles sur pièces uniquement. Dans le cadre du
contrôle partenarial il pourra effectuer son office sur place. Dans ce cas, cette démarche
s'apparente à un audit. Celui-ci sera réalisé en commun par l'ordonnateur, le gestionnaire et
le comptable. Du résultat de ce contrôle partenarial découleront des conséquences
importantes : lorsqu'aucune défaillance majeure durable n'aura été décelée, le comptable
pourra décidé « d'accorder une certification » sur certaines opérations de l'ordonnateur, ce
qui aura pour effet de restreindre ses contrôles contemporains de sorte qu'il pourra effectuer
quelques contrôles a posteriori sous forme de sondage. Ce contrôle partenarial va donc
instaurer un nouveau cadre relationnel entre l'ordonnateur, le gestionnaire et le comptable.
Le contrôle partenarial est un contrôle basé sur la synergie et la confiance et dont la finalité
se trouve dans la recherche de l'efficacité et de la performance. Toutefois, si le comptable
constate que l'ordonnateur ne respecte plus la « convention » passée, il pourra décider de
cesser ce type de contrôles et effectuer de nouveau un contrôle hiérarchisé ou exhaustif.
Enfin on peut encore préciser que le développement des systèmes d'informations
budgétaires et comptables va permettre de réduire ceux des contrôles qui sont devenus
aujourd'hui moins importants. En effet, le développement des systèmes d'informations
permettra de supprimer à l'avenir les contrôles traditionnels de certaines opérations pour
lesquelles la fraude est désormais impossible. C'est d'ailleurs grâce aux systèmes
d'informations comptables qu'il a été possible pour les comptables patents de ne plus
contrôler les seuils de passation des marchés publics.
B – La remise en cause du principe traditionnel de la
séparation des ordonnateurs et des comptables.
Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables implique trois
conséquences. Tout d'abord, les tâches d'exécution de la dépense ou de la recette doivent
être strictement partagées. La phase administrative de la dépense ou de la recette incombe à
42
l'ordonnateur alors que la phase dite comptable appartient aux comptables. Par ailleurs, et il
ne s'agit là que du corollaire du premier effet, les fonctions d'ordonnateur et de comptable
sont incompatibles comme le précise l'article 20 du décret du 29 décembre 1962 portant
règlement général sur la comptabilité publique. Cette incompatibilité est importante et va
relativement loin dans la mesure où elle exclut également les conjoints des ordonnateurs
des fonctions de comptable dès lors qu'ils auraient compétence sur les organismes publics
auprès desquels ces ordonnateurs exercent leurs fonctions. Cependant, il existe certaines
hypothèses dans lesquelles les comptables publics peuvent être ordonnateurs de leurs
propres services, bien que ce dans ce cas, la Cour des comptes n'admette pas cette
pratique88. Enfin, le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables entraîne
pour conséquence un contrôle des ordonnateurs par les comptables dans la mesure où les
comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des paiements et des
encaissements. Cette responsabilité est levée dans le cas où un ordre de réquisition du
comptable a été établi par l'ordonnateur. Dans ce cas, la responsabilité bascule du
comptable vers l'ordonnateur.
La réforme de la comptabilité publique et de la fonction comptable va entraîner une remise
en cause de cette séparation des ordonnateurs et des comptables. En effet, chacune des trois
conséquences de ce principe va se trouver atteinte par la réforme.
Tout d'abord, la séparation stricte de chacune des étapes de la dépense ou de la recette est
vouée à disparaître. Effectivement, s'il est vrai que la phase administrative de la dépense ou
de la recette demeure une compétence de l'ordonnateur, il n'en va pas de même pour la
compétence du comptable. Les étapes d'engagement, de liquidation et d'ordonnancement89
sont toujours de la compétence de l'ordonnateur. En revanche, ce dernier va accroître
l'étendue de son pouvoir sur la phase comptable dans la mesure où il va lui revenir
l'obligation90 d'émettre les bons de commande, de notifier un marché, de signer une
décision attributive de subventions ou d'émettre un titre de perception... De même, il
reviendra à l'ordonnateur de saisir la date de réception de la facture et celle du service fait,
de liquider la dépense ou la recette et après de l'inscrire au fichier des tiers.
Les
ordonnateurs devront également passer les écritures relatives aux droits et obligations. Par
88
Cour des comptes, 13 janvier 1992, référés n° 5723 et 5724, Rec. 180.
Ou bien mandatement en ce qui concerne les ordonnateurs secondaires.
90
Il faut d'ailleurs préciser que ces obligations existent déjà, mais que l'empiettement de l'ordonnateur sur la
fonction comptable va s'accroître avec la mise en oeuvre de la loi organique.
89
43
exemple, il paraît logique que ce soit les ordonnateurs ou les services gestionnaires qui
soient chargés de constater les droits acquis par l'État sur des tiers, ou en tout cas qu'ils le
fassent pour les opérations les plus simples et les plus fréquentes. En outre, la mise en
oeuvre des principes d'une comptabilité d'exercice impliquera de procéder en fin d'année à
des opérations d'inventaire afin d'analyser la situation comptable de l'exercice écoulé. Il
faudra donc effectuer l'ensemble des opérations d'inventaire afin qu'elles soient répertoriées
au niveau comptable, mais pour ce faire, il faudra au préalable effectuer un inventaire
physique. Il est évident que ce sont les ordonnateurs et les gestionnaires qui seront les plus
à même de réaliser ces opérations d'inventaire que le comptable sera chargé de contrôler
par la suite91. Ainsi, les gestionnaires et les ordonnateurs auront à exercer certaines des
fonctions comptables, à charge pour eux de le faire correctement puisqu'ils peuvent faire
l'objet d'audits par le comptable notamment dans le cadre du contrôle partenarial.
Du coup, dès lors que la séparation entre les différentes étapes de dépenses et de recettes
n'est plus aussi strictement démarquée, les fonctions d'ordonnateur et de comptables ne
peuvent plus être aussi « étanches92 ». Certes un comptable ne pourra toujours pas être
ordonnateur, en revanche, un ordonnateur pourra exercer des fonctions qui relèvent de la
compétence du comptable.
Enfin, le contrôle opéré par le comptable public sur les ordonnateurs va sensiblement
évoluer. Dès lors que le comptable public n'exerce plus un contrôle exhaustif, on ne peut
pas maintenir une responsabilité identique selon que le comptable ait ou non effectuer son
contrôle. Dans le système existant sous l'empire de l'ordonnance de 1959, le contrôle a
priori et exhaustif exercé par le comptable trouve son fondement dans le fait qu'il est
pécuniairement et personnellement responsable. Dans le système nouveau, un plan de
contrôle des normes va être mis en place, ce qui permettra au comptable d'avoir la certitude
que les opérations qu'il contrôle sont bien celles qui doivent faire l'objet d'un contrôle
exhaustif, ou bien que ces opérations peuvent faire l'objet d'un simple contrôle par sondage.
Bien sûr, une approche sélective des contrôles expose mécaniquement le comptable à des
risques en ce qui concerne les opérations non contrôlées. Aussi, la situation qui semble être
retenue est celle qui consiste à recourir à la technique de la remise gracieuse par le ministre
des débets prononcés par le juge des comptes, dès lors qu'ils portent sur des dépenses qui
91
Le comptable, lors de son contrôle, pourra décider de « certifier » ces mesures et effectuer dès lors un
contrôle partenarial.
92
Le principe d'incompatibilité des fonctions est consacré à l'article 20 du décret du 29 décembre 1962.
44
n'avaient pas à être contrôlées93 et que le plan de contrôle mis en place soit cohérent avec
les risques encourus94.
Toutefois, si les contrôles des comptables viennent à diminuer, il ne faut cependant pas que
les ordonnateurs et gestionnaires aient le sentiment d'être totalement libres dans leurs
agissements. Ainsi, il faut que les ordonnateurs et les gestionnaires puissent voir leur
responsabilité engagée en cas de faute, de manquement ou d'erreur. En effet, le fait que le
comptable ne procède plus à un contrôle exhaustif, va permettre aux gestionnaires une plus
grande liberté d'action et va permettre également d'accélérer les processus de paiement. Il
apparaît donc nécessaire que la responsabilité des ordonnateurs et des gestionnaires trouve
une application particulière dans le nouveau système95.
Ainsi une certaine liberté de gestion va apparaître grâce à la loi organique, qui doit
répondre à un objectif de performance et d'efficacité. C'est également dans ce souci qu'a été
revue l'organisation générale d'exécution des lois de finances.
Section 2 –L'intervention de nouveaux acteurs
dans le système financier.
La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a modifié la forme du
budget de l'État. En effet, elle procède à une rénovation importante tant au niveau central
qu'au niveau déconcentré. Ainsi, les missions, actions et programmes vont permettre de
déterminer les grandes politiques gouvernementales qui vont être mises en oeuvre
(paragraphe 1), tandis que d'autres structures subalternes vont être chargées de les
appliquer (paragraphe 2).
93
Alain CAUMEIL, Le contrôle hiérarchisé : un levier d'une gestion publique plus performante, La revue
du Trésor 2004, pp 95 et suivantes.
94
Voir nos développements dans notre prochain chapitre en ce qui concerne l'applicabilité des mécanismes
de responsabilité des comptables, du fait notamment de la modification des fonctions.
95
Nous tâcherons d'apporter quelques éléments de réflexion sur ce sujet dans notre prochain chapitre.
45
Paragraphe 1 – Les missions et les programmes :
le renouveau de l'action gouvernementale.
A – Les missions et les programmes
1 – Les missions
La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 procède à la rénovation des
outils budgétaires de l'État. En effet, sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959, les
dépenses étaient regroupées par nature ou par destination, et comme le titre était le premier
niveau de la nomenclature budgétaire, il n'était pas particulièrement simple de connaître le
montant total des crédits qui étaient ouverts aux différents services ou ministères. Il a
souvent été reproché à l'ordonnance de 1959 de favoriser une logique de moyens. La loi
organique relative aux lois de finances veut quant à elle instituer une logique de résultats,
d'objectifs et de contrôle c'est-à-dire en fait une logique de performance.
L'article 7 de la loi organique prévoit que « les crédits ouverts par les lois de finances pour
couvrir chacune des charges budgétaires de l'État sont regroupés par mission ». Le
vocable « mission » lui-même montre bien cette volonté d'orienter le budget vers une
logique de performance, d'objectifs. Désormais l'unité de vote budgétaire ne sera plus le
titre ou le chapitre, comme c'était le cas jusqu'à présent, mais l'unité de vote sera la
mission, ce qui signifie que le vote sera désormais effectué en sachant à quelle finalité iront
les crédits ouverts par le Parlement. On passe désormais d'une budgétisation par nature de
dépenses à une budgétisation par objectif.
Les missions constituent donc le premier niveau de regroupement des crédits et elles ne
peuvent être créées que par une « disposition de loi de finances d'initiative
gouvernementale ». Cette précision est importante car elle signifie que le Parlement ne
pourra pas proposer la création d'une mission dans un de ces amendements96. Une mission
peut être soit interministérielle, soit ministérielle, soit infraministérielle97. L'article 7 de la
loi organique définit ce qu'est une mission en précisant qu'elle « comprend un ensemble de
96
Le parlement ne dispose pas de la possibilité d'initier une loi de finances ainsi que le prévoit l'article 39 de
la constitution.
97
Rien n'empêche en effet qu'une émission ne concerne que certains services d'un seul ministère.
46
programmes concourant à une politique publique définie ». Les missions se distinguent
donc des programmes dans la mesure où les premières constituent l'unité de vote alors que
les seconds constituent l'unité de spécialité. Par ailleurs, la question du droit d'amendement
des parlementaires en matière financière a pendant longtemps fait l'objet de critiques. Or la
loi organique du 1er août 2001 vient apporter un terme à ces critiques. En effet, son article
47 assimile la notion de « charge » à celle de « mission ». Les parlementaires ne pourront
pas augmenter le montant global de la mission, faute de quoi ils augmenteraient une charge
publique ; en revanche, ils peuvent augmenter le montant affecté à un programme en
réduisant celui d'un autre programme de la même mission.
La mission va donc permettre une logique dans l'action gouvernementale dans la mesure où
elle va regrouper un ensemble cohérent de programmes. Ces missions pourront faire
participer plusieurs ministères ce qui permettra, contrairement à l'ordonnance du 2 janvier
1959, de tenir compte du caractère interministériel des politiques publiques. En revanche,
les programmes, unités de spécialité, ne peuvent être que ministériels ou infraministériels.
2 – Les programmes
Les programmes constituent le deuxième niveau de regroupement budgétaire. Ils sont
l'unité de spécialité budgétaire et les crédits sont donc limités à leur niveau. Contrairement
aux missions, ils peuvent être créés par une disposition législative d'origine
gouvernementale ou parlementaire. Ils doivent cependant respecter le principe posé à
l'article 47 de la loi organique, qui confirme l'article 40 de la constitution. Par ailleurs, ces
programmes semblent pouvoir être créés par voie réglementaire en cours d'exercice98.
L'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 dispose qu' « un programme regroupe les
crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant
d'un même ministère et auxquelles sont associés des objectifs précis, définis en fonction de
finalité d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une
évaluation ». Aux termes de cet article, plusieurs conditions doivent être regroupées pour
qu'un programme puisse être créé. Il faut tout d'abord que le programme soit uniquement
ministériel dans la mesure où l'article 7 précité prévoit expressément que cet ensemble
d'actions relève d'un même ministère. Par ailleurs, il faut que cette construction constitue
98
Il semble en effet possible de pouvoir créer un programme en recourant à la technique des décrets d'avance
à condition qu'ils ne constituent pas une simple mesure de régulation budgétaire. En effet, si tel était le cas,
une atteinte excessive serait portée au pouvoir du Parlement.
47
un ensemble cohérent d'actions. Enfin, cette création doit répondre à des objectifs et à des
résultats évaluables. On peut également envisager que certains indicateurs soient donnés
bien qu'il ne s'agisse pas là d'une formalité indispensable dans la mesure où les
parlementaires ne pourraient pas apporter nécessairement ces indicateurs. Ces programmes
doivent répondre à un objectif de performance et c'est la raison pour laquelle des projets
annuels de performance et des rapports annuels de performance sont créés. Les premiers
interviennent a priori, au moment du vote des crédits afin que les parlementaires soient
informés des objectifs qui sont assignés au programme. Les seconds interviennent a
posteriori, c'est-à-dire juste avant que le Parlement ne se prononce sur la loi de règlement
afin de voir si les objectifs qui étaient assignés ont été ou non atteints, et voir les résultats
obtenus.
Il faut que les objectifs et les résultats influent sur les décisions budgétaires. Il faut que
l'ensemble des programmes puissent faire l'objet d'un contrôle quant à leur exécution afin
de voir quels sont les avantages et les inconvénients, les points forts et les points faibles de
chacun d'entre eux. On peut également se demander si certaines responsabilités pourraient
être engagée en cas d'échec, et si oui sur qui pèsera cette responsabilité ?
B – L'apparition de personnes responsables.
La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 accroît considérablement la
liberté des gestionnaires. En contrepartie de cette liberté de gestion, une plus grande
responsabilisation a été souhaitée. Cependant, qui dit responsabilisation dit responsabilité,
et donc responsable. C'est la raison pour laquelle des responsables de programmes ont été
clairement identifiés. En revanche, au niveau des missions, il n'y a pas de responsables
proprement dits dans la mesure où ce sont les ministres qui devront rendre compte des
politiques menées par leurs services.
La liberté de gestion accordée aux gestionnaires se traduit par la suppression d'une
spécialisation par chapitre, à laquelle il a été préféré une spécialisation par programme qui
va donc diminuer sensiblement la précision de l'autorisation budgétaire. En contrepartie de
cet assouplissement, des objectifs doivent être définis et atteints. Désormais, les crédits de
48
chaque programme sont présentés par titre99, bien que cette présentation ne soit
qu'indicative dans la mesure où le vote se fait au niveau de la mission et non plus au niveau
du titre ou du chapitre. Cela signifie donc encore que le caractère limitatif de l'autorisation
de dépenses ne s'apprécie plus au niveau du titre ou du chapitre mais au niveau de la
mission dans son ensemble. Les crédits deviennent donc fongibles à l'intérieur d'une même
mission ce qui va permettre de redéployer les moyens affectés initialement à des dépenses
de fonctionnement à des opérations d'investissement, ou inversement. Cette liberté de
gestion des crédits au sein des missions va donc permettre au ministre gestionnaire et à ses
services de bénéficier d'enveloppes globalisées et fongibles qui vont leur permettre de
mettre en oeuvre, de la manière dont ils l'entendent, les politiques publiques afin de
répondre aux objectifs définis dans les lois de finances. Il faut cependant préciser que cette
fongibilité n'est pas absolue dans la mesure où elle est dite asymétrique. En effet, « les
crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel constituent le plafond des dépenses
de cette nature ». Cela signifie donc que les gestionnaires sont libres de puiser des crédits
dans le titre relatif aux dépenses de personnel afin d'abonder un autre titre, en revanche ils
ne peuvent pas puiser des crédits d'un autre titre pour venir abonder le titre II100. Par
ailleurs, la loi organique complète les dispositions relatives au montant des crédits ouverts
dans le titre II par des plafonds d'autorisation d'emplois rémunérés par l'État et spécialisés
par ministère. Cela signifie donc qu'à côté du plafond des crédits ouverts sur le titre II,
correspond un plafond des emplois calculés en équivalent temps plein indépendamment de
la catégorie à laquelle cet emploi se rattache. Ainsi, le titre II consacré aux dépenses de
personnel se trouve doublement plafonné : d'une part d'un point de vue des crédits ouverts
afin de financer les dépenses en personnel, et d'autre part d'un point de vue du nombre
d'emplois calculés en équivalent temps plein par ministère.
On peut donc considérer que la liberté de gestion qui est accordée aux gestionnaires va
permettre une meilleure performance de l'action publique. Toutefois, étant donné que ces
gestionnaires disposent de compétences accrues, ceux-ci doivent faire l'objet de
responsabilités supplémentaires par rapport à celles qui existent, théoriquement,
actuellement. En effet, les responsables de programmes constituent des ordonnateurs
99
C'est-à-dire en fait qu'ils sont présentés par nature comme c'était déjà le cas sous l'empire de l'ordonnance
du 2 janvier 1959, mais à l'époque cette répartition était très stricte puisque le Parlement votaient les crédits
par titre et par chapitre.
100
Le titre II est le titre consacré aux dépenses de personnel ainsi que le prévoit l'article 5 de la loi organique
du 1er août 2001.
49
secondaires et encourent donc en théorie les responsabilités des ordonnateurs. Cependant,
nous démontrerons dans notre chapitre suivant que les responsabilités des ordonnateurs ne
leur sont pas applicables. Il faudra donc instituer une nouvelle forme de responsabilité : il
semble que la responsabilité managériale soit la plus prisée101.
Les missions et les programmes constituent donc le cadre premier de l'exécution
budgétaire. Cependant, pour mettre en oeuvre ces programmes il est nécessaire de procéder
à un éclatement de ceux-ci en actions, afin de pouvoir mettre en oeuvre concrètement dans
des niveaux subalternes les mesures votées dans les lois de finances.
Paragraphe 2 – Les niveaux subalternes : les
budgets opérationnels de programmes et les
unités d'exécution 1 0 2 .
La loi organique relative aux lois de finances autorise une plus grande souplesse de gestion
aux gestionnaires. Une fois la masse des crédits votés par le Parlement et la délimitation
définitive du programme, il incombe au responsable de programme de procéder à la
répartition par service et / ou par territoire, des actions, des objectifs et des indicateurs de
programme. Pour permettre la mise en oeuvre de ces actions, de ces objectifs et de ces
indicateurs de programme, un certain nombre d'enveloppes budgétaires doivent être
réparties : ce sont les budgets opérationnels de programme. Cette répartition est réalisée par
le responsable de programme qui confie un budget opérationnel de programme à une
personne particulière : le responsable de budget opérationnel de programme. La dotation
financière qui sera attribuée correspond en fait à l'enveloppe budgétaire approuvée par le
responsable de programme et correspond à l'actuelle notification des budgets des services.
Elle n'ouvre pas de droit à la consommation. En effet, la dotation du budget opérationnel de
programme ne sera pas allouée « d'un coup ». Elle sera versée selon un échéancier défini
par avance103.
101
Le démontrerons de notre prochain chapitre quelles sont celles des responsabilités qui peuvent être
applicables.
102
Pour
des
développements
plus
complets
sur
le
sujet,
voir
notamment
http://www.minefi.gouv.fr/lolf/2_2.htm ; http://www.minefi.gouv.fr/lolf/15_1_3.htm .
103
Cela peut s'expliquer du reste par le fait que le responsable de programme ne disposera pas en une seule
fois des crédits alloués au programme ; mais il ne faut pas non plus perdre de vue que les crédits tels qu'ils
sont alloués initialement au programme peuvent faire l'objet de modifications en cours d'exercice. Il peut
50
Les budgets opérationnels de programme ne sont pas des services chargés de mettre en
oeuvre de manière concrète les politiques publiques. Ce sont simplement des services
gestionnaires des programmes. Par conséquent, il doit y avoir des services spécifiques
chargés d'appliquer matériellement les mesures et objectifs : ce sont les unités d'exécution.
Une unité d'exécution est un service gestionnaire d’un budget opérationnel de programme
qui met en oeuvre la part de programmation qui lui est confiée : elle est rattachée à un
budget opérationnel de programme et un seul, pour lequel elle assure la mise en oeuvre
effective de la programmation (en tout ou partie). Son responsable est donc nécessairement
ordonnateur principal ou secondaire (le plus souvent délégué) car c’est lui qui engage
concrètement les actions à mener en mobilisant les moyens nécessaires. Les unités
opérationnelles sont identifiées par le responsable de budget opérationnel de programme
dans le schéma d’organisation d’exécution financière. Toutefois il peut arriver qu'un même
service soit à la fois chargé d'un budget opérationnel de programme alors qu'il est une unité
d'exécution. Il est également possible qu'un même service soit unités d'exécutions de
plusieurs budgets opérationnels de programme différents104. Ainsi, une fois les crédits
obtenus par le responsable de budget opérationnel de programme, celui-ci va pouvoir
répartir, selon les besoins prévus par les objectifs, actions..., les différents crédits aux
différentes unités d'exécution, lesquelles auront pour mission de mettre en oeuvre
concrètement les actions définies dans le programme et d'atteindre les objectifs tels qu'ils y
sont présentés. Chacune des unités d'exécution est placée sous la direction d'un responsable
d'unité d'exécution.
Il est donc primordial qu'existe un dialogue de gestion entre les différents niveaux105 tant ils
sont dépendants les uns des autres. « Le dialogue de gestion est le processus d'échanges
existant entre un niveau administratif et les niveaux qui lui sont subordonnés, relatifs aux
volumes de moyens mis à la disposition des entités subordonnées et aux objectifs qui leur
sont assignés. Ce dialogue de gestion s'instaure essentiellement entre les responsables de
programme et les responsables de budgets opérationnels et entre ces derniers et
l'ensemble des services placés sous leur responsabilité. L'objectif de ce dialogue de
gestion est de faciliter la participation et le goût de l'initiative de chaque agent et ce, à
effectivement survenir des gels ou annulations de crédits, ou il peut même arriver que soient pris des arrêtés
de transfert ou des décrets de virement.
104
Voir notamment http://www.minefi.gouv.fr/lolf/downloads/220_bop_daf_04_07_2003.pdf
105
Entre le programme et le budget opérationnel et entre ce dernier et les unités d'exécution.
51
tous les niveaux de responsabilité et à tous les niveaux d'implication »106. Ce dialogue de
gestion interviendra en amont de l'exécution, c'est-à-dire au moment où les crédits seront
répartis afin que chaque niveau fasse valoir ses remarques ; mais il interviendra également
en cours d'exécution afin d'appréhender les difficultés ou aisances avec lesquelles sont
exécutés les moyens mis en jeu pour parvenir aux objectifs fixés. Ce dialogue de gestion
sera notamment le lieu de la justification d'un certain nombre de points ; parmi ces points,
on peut relever notamment la justification des reports de crédits, la justification des
dépenses au premier euro... Il s'agit également du lieu où pourront être présentés les risques
de mettre en oeuvre telle ou telle action de telle ou telle manière.
Le budget opérationnel de programme est composé d’éléments indissociables. Il doit
contenir une programmation d’actions et de moyens mettant en œuvre le programme dans
un contexte donné mais aussi un budget prévisionnel structuré par destinations et natures
de dépenses et accompagnée d’un schéma d’organisation financière traduisant la répartition
par unités opérationnelles de la programmation et du budget prévisionnel. Le budget
opérationnel de programme comporte donc plusieurs éléments. On y trouve tout d'abord
une présentation de la déclinaison des objectifs et des résultats attendus du programme
avec les indicateurs proposés pour la mesure des résultats. On trouve également dans les
budgets opérationnels de programme, une description physique de leur contenu qui peut
porter sur deux éléments : sur les emplois en équivalents temps plein et l’évolution
prévisionnelle du schéma d’emplois, lorsque le programme autorise le titre II ainsi que sur
les moyens de fonctionnement prévus par grands types de dépenses ainsi que les dispositifs
d’intervention que le budget opérationnel de programme recouvre. Enfin, le budget
opérationnel de programme contient la liste des opérations d’investissement prévus (liste
qui peut être détaillée au-dessus d’un certain seuil et globalisée pour les opérations de
faible montant unitaire).
Le budget opérationnel de programme profitera des caractéristiques du programme auquel
il est rattaché et, notamment en matière de fongibilité asymétrique. Il faut enfin préciser
que le budget opérationnel de programme peut se trouver limiter en cours d'exercice par les
mesures que peut prendre le responsable de programme, notamment de sa volonté de
redéployer certains moyens sur d'autres budgets opérationnels contenus dans son
programme. Une dernière observation doit être faite quant au contenu du budget
106
Il s'agit là de la définition qui est donnée par la Moderfie.
52
opérationnel de programme : il s'agit de la réserve. En effet, le responsable de budget
opérationnel de programme peut décider de garder une partie des crédits alloués par le
responsable de programme afin de maintenir une réserve de crédits pouvant être alloués en
cas d'aléas. Il faut d'ailleurs préciser que la même chose peut être faite au niveau du
programme et le responsable de programme peut lui aussi réserver une partie des crédits en
cas d'aléas107.
La loi organique relative aux lois de finances de 2001 a donc rénové profondément la
matière comptable et l'exécution budgétaire. Aussi nous devons nous attendre à des
difficultés dans les débuts. Il faut en effet rappeler que tous les développements qui
viennent d'être faits ne sont que des prospections dans la mesure où toutes ces mesures
vont être applicables à compter de l'exécution du budget 2006. Cependant, pour mettre en
oeuvre de manière satisafaisante cette réforme titanesque, il serait important que les
régimes de responsabilité des agents, dont nous avons préalablement montré qu'ils étaient
inadéquats, fassent l'objet de réformes, d'autant plus que les gestionnaires, auxquels ont été
reconnus de plus grandes libertés, sont pour la plupart des ordonnateurs. Etant donné que
leurs pouvoirs augmentent considérablement, il semblerait normal que les responsabilités
encourues par eux soient effectives et surtout adaptées.
107
La réserve existe aussi au niveau de l'Etat dans les dotations pour dépenses accidentelles notamment.
53
SECONDE PARTIE – LES NÉCESSAIRES
ÉVOLUTIONS DES ACTEURS DE
L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE.
Nous avons précédemment montré que les responsabilités des agents d'exécution
budgétaire, ordonnateurs et comptables, étaient dans « l'ancienne génération108 »
inadaptées. Or, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 ayant
redéfini les prérogatives de chacun de ces agents, il découlera assez logiquement que les
responsabilités des agents « de la nouvelle génération109 » devront faire l'objet de réformes.
Il conviendra alors de présenter quelles pourraient être les mécanismes de la redéfinition
des responsabilités des agents d'exécution du budget de la « nouvelle génération »
(Chapitre 1).
Il faut encore préciser que si l'on souhaite voir la réforme de 2001 aboutir dans sa totalité,
et donc procéder à la réforme de la responsabilité des agents d'exécution, il faudra rénover
celles des règles qui seront devenues obsolètes. On peut alors s'interroger sur la question de
savoir s'il ne faudrait pas profiter de la nécessaire réforme des responsabilités des agents
d'exécution pour réformer profondément certains des fondements textuels de la
responsabilité de ces agents, et aussi les textes qui viennent compléter les dispositions de la
loi organique, notamment celles qui concernent les règles de la comptabilité publique. En
effet, aujourd'hui ces règles sont pour la plupart contenues dans le règlement général de la
comptabilité publique issu d'un décret du 29 décembre 1962. Or, certaines de ces
dispositions doivent faire l'objet d'une révision du fait de leur incompatibilité avec les
nouvelles dispositions budgétaires et comptables, alors que d'autres sans être
108
Il nous semble en effet possible d'utiliser l'expression « ancienne génération » pour parler des fonctions des
ordonnateurs et des comptables telles qu'elles découlaient de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier
1959.
109
L'expression « nouvelle génération » s'oppose ici à l'expression « ancienne génération » et correspond aux
fonctions d'ordonnateurs (et donc 'aux fonctions de responsables de programme, de budget opérationnel de
programme et d'unités opérationnelles), de gestionnaires et de comptables telles qu'elles apparaissent dans la
loi organique de 2001.
54
incompatibles, ne sont plus parfaitement adaptées. Par ailleurs, les dispositions législatives
concernant la responsabilité des comptables sont-elles aujourd'hui compatibles avec les
transformations de la fonction comptable ?
En outre, les juridictions financières chargées de contrôler les agents d'exécution du budget
ne pourraient-elles pas profiter de la réforme des responsabilités des agents d'exécution
pour s'adapter à ces nouvelles formes de contentieux ? L'ensemble de toutes ces questions
nécessitera une étude plus détaillée (Chapitre 2).
55
Chapitre 1 – Les nécessaires adaptations
concernant les responsabilités des agents
d'exécution du budget.
Les agents « de la nouvelle génération » chargés de l'exécution du budget, nous l'avons déjà
dit, doivent connaître une responsabilité qui soit réelle. On peut alors considérer qu'étant
donné l'évolution des fonctions d'ordonnateurs et de comptables dans le sens d'une moins
grande distinction des tâches attribuées à chacune, il pourrait apparaître intéressant qu'un
régime de responsabilité répondant aux mêmes logiques soit mis en oeuvre. C'est dans
cette optique que devraient se mettre en place une responsabilité de type managérial,
applicable aux acteurs de la « nouvelle génération » chargés de l'exécution du budget
(section 1). Cependant, cette responsabilité managériale ne doit pas faire oublier que
d'autres responsabilités puissent exister à côté. Il paraîtrait peu opportun de ne pas
maintenir certaines des responsabilités que connaissent les ordonnateurs, tout en les
rénovant afin de les rendre pleinement applicables aux acteurs de la « nouvelle
génération », de même qu'aux ordonnateurs qui ne connaîtront pas dans l'immédiat de la
réforme110 (section 2). La même remarque peut d'ailleurs être faite en ce qui concerne les
comptables puisque eux aussi doivent connaître une évolution de leurs responsabilités, qui
doit se faire d'une part, par rapport aux mutations que connaissent leurs fonctions, et d'autre
part pour s'adapter aux défaillances de l'ancien système, toujours applicable pour les
comptables des collectivités décentralisées (section 3).
110
En effet, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 ne concerne que le budget des
administrations centrales et déconcentrées et de leurs établissements publics, à l'exclusion donc des
administrations décentralisées qui continueront à être régies par les principes antérieurs. Il est d'ailleurs
intéressant de noter à ce stade qu'il paraît difficilement tenable de maintenir une telle dualité des systèmes
alors même que certaines collectivités constituent, pour certaines de leurs attributions, des 'administrations
déconcentrées, alors que pour d'autres de leurs attributions, elles constituent des collectivités territoriales
décentralisées. Du reste, les principes issus de la loi organique relative aux lois de finances ne peut que
s'étendre à l'ensemble de la sphère financière : la réforme des finances sociales actuellement en cours le
montrent, et à n'en pas douter, les collectivités territoriales ne pourront pas rester indifférentes à de tels
principes d'efficacité et de performance.
56
Section 1 – L'émergence d'une responsabilité de
type managérial aux acteurs « de la nouvelle
génération ».
Paragraphe 1 – Les contours de la responsabilité
managériale.
Le vocable « responsabilité » peut être entendu de deux manières différentes. Il peut tout
d'abord s'agir de l'entendre dans le sens d'une « obligation de répondre d'un dommage
devant la justice et d'en assumer les conséquences111 ». Mais ce vocable peut également être
entendu dans le sens de « rendre compte de ses actes et de ceux des personnes qui sont sous
sa dépendance112 ». C'est dans ce dernier sens que la responsabilité de type managérial doit
être entendu. En effet, nous savons que la loi organique relative aux lois de finances du 1er
août 2001 a rénové les modes de gestion publique en apportant un certain nombre de
modifications à la structure même du budget et en créant des missions, des programmes,
des actions. Or, pour rendre compte du succès plus ou moins grand de l'action
gouvernementale, un certain nombre d'objectifs doivent être annexés à ces missions,
programmes et actions. La mesure de la performance de l'action gouvernementale se fera
donc en comparant les objectifs fixés aux résultats obtenus. Il s'agit donc de l'essence
même de la responsabilité managériale que de rendre compte de ces éléments. La
responsabilité managériale repose donc sur un ensemble d'éléments que sont d'une part, les
objectifs, d'autre part les moyens, et enfin la liberté et qui est accordé aux gestionnaires
pour utiliser ces moyens. Ainsi, celui qui disposera de ces moyens et de cette liberté devra
bénéficier d'objectifs déterminés afin qu'il puisse rendre compte ultérieurement de
l'efficacité des mesures engagées. En contrepartie de cette liberté de gestion, il devra
assumer les conséquences de ses actions en rendant compte de ses résultats.
111
Gérard CORNU, responsabilité in Vocabulaire juridique, Presses universitaires de France, 6ème édition,
2004, 992 pages.
112
André BARILARI, Vers la réforme des responsabilités des gestionnaires publics, in A.J.D.A. 2005, n°13,
p.698.
57
L'idée de l'instauration d'une responsabilité managériale n'est pas nouvelle en France. En
effet, dès la fin de la décennie 1980113, l'idée d'une responsabilité managériale est apparue
de par l'informatisation de services du ministère de l'équipement114, mais il semble que
l'identification d'une véritable responsabilité managériale se heurtait à plusieurs difficultés.
André BARILARI115 en présente effectivement trois : il rappelle qu'au niveau central, les
ministères distinguaient le plus souvent des directions de moyens et des directions de
missions. Par ailleurs, il ajoute qu'au niveau des services déconcentrés, il n'y avait pas
véritablement d'objectifs clairs affectés aux actions à réaliser. Enfin, il rappelle que
l'existence de contrôles financiers et comptables a priori ne permettaient pas de donner des
marges de manoeuvre suffisantes pour mettre en oeuvre une telle responsabilité.
Ainsi, selon André BARILARI, il n'y a que quelques niveaux qui vont pouvoir bénéficier
de la responsabilité managériale, étant donné que seules ces strates auront l'équilibre
nécessaire entre la liberté de gestion de moyens d'une part et la fixation d'objectifs d'autre
part. Pour lui, seuls les responsables de programmes, les responsables de budgets
opérationnels de programmes et les responsables d'unités opérationnelles pourront se voir
appliquer une responsabilité managériale.
Cela laisse donc supposer a contrario, que si seulement trois catégories d'ordonnateurs
peuvent se voir attribuer une responsabilité managériale, les autres ordonnateurs ne
pourront pas être investis de cette responsabilité et demeurent donc régis par les
responsabilités traditionnelles décrites dans notre première partie.
Paragraphe 2 – Les modalités de la mise en oeuvre
de la responsabilité managériale.
Afin de déterminer les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité managériale, trois
questions doivent être posées : devant qui les gestionnaires devront-ils rendre compte de
113
Circulaire du 23 février 1989, JO du 24 février 1989, p.2526.
C'est en tout cas ce que révèle l'article d'Hervé CHOMIENNE, Contours et limites de la responsabilité
managériale des acteurs dans les organisations administratives publiques : le cas de l'informatisation de
services du ministère de l'équipement. in Revue politiques et management public, Vol.19 n°4, Décembre
2001, pp.45 et suivantes.
115
André BARILARI, op. cit p.698.
114
58
leurs actions ? (A) De quoi précisément devront-ils rendre compte ? (B) Quelles
conséquences cette responsabilité pourrait-elle engendrer ? (C)
A – Devant quelle autorité les gestionnaires devront-ils
rendre compte de leurs actions ?
L'affirmation d'une responsabilité quelle qu'elle soit ne trouve d'intérêt que dès lors qu'a été
précisée l'autorité qui sera chargée d'apprécier l'action menée par le gestionnaire.
Rappelons-le, seuls les responsables de programmes, les responsables de budgets
opérationnels de programmes et les responsables d'unités opérationnelles116 seront soumis à
cette responsabilité de type managérial. Or, nous avons vu précédemment que les différents
niveaux (programmes, budget opérationnel de programmes) vont nécessairement connaître
des imbrications et dès lors, il sera parfois difficile de distinguer celles des actions qui
relèvent d'un niveau plutôt que d'un autre.
Si l'on part de l'unité la plus spécialisée, c'est-à-dire l'unité opérationnelle, on peut très bien
concevoir qu'elles doivent rendre des comptes devant l'unité qui lui attribue les moyens.
Dans ce cas, le responsable d'unité opérationnelle devra rendre compte de l'action de son
unité devant le responsable de budget opérationnel de programme. Dans la même optique,
le responsable de budget opérationnel de programme devra rendre compte de l'action de
son niveau devant l'autorité qui lui attribue les moyens, c'est-à-dire en fait devant le
responsable programme. Il s'agit là en fait de la conséquence du dialogue de gestion : pour
pouvoir évaluer les moyens nécessaires à l'action de chacun des niveaux, le responsable de
celui-ci doit rendre compte à l'autorité qui lui attribue les moyens, de l'action menée par lui.
Cependant, se pose au niveau des responsables de programmes une question importante :
devant qui seront-ils responsables ? En effet, qui contrôlera ceux qui se trouvent au
sommet du système117 ? Plusieurs réponses peuvent être apportées à cette question. On peut
d'abord envisager que les responsables de programmes rendent compte de leurs actions, et
de celles des services qui leur sont subordonnés, à l'autorité qui leur attribue les moyens
financiers, c'est-à-dire le Parlement. En effet, il paraîtrait fondé de faire peser la
responsabilité des responsables de programmes devant les représentants du peuple, lesquels
116
Il semble qu'ils soient les seuls ordonnateurs à pouvoir bénéficier de telles responsabilités. Il est envisagé
d'appliquer cette forme de responsabilité aux comptables publics.
117
Il est évident que nous n'intégrons pas le ministre dans ce système !
59
pourraient décider d'auditionner l'ensemble des responsables de programmes et ensuite
prendre les mesures qui découlent de leur action118.
Il nous semble toutefois que les conséquences qui pourraient être tirées par les
parlementaires ne soient pas les mêmes que celles qui pourraient être tirées par les
ministres ordonnateurs principaux de l'État. C'est sans doute pour cette raison qu'André
BARILARI recommande que « l'appréciation des responsables de programmes devrait (...)
être avant tout une prérogative des ministres qui les nomment et (...) du gouvernement qui
rendra compte de leur action au Parlement par les projets annuels de performances et les
rapports annuels de performance119 ».
Il nous paraît donc évident que l'autorité devant laquelle les responsables de programmes
devront rendre des comptes ne sera pas le Parlement mais bien les ministres. En effet, il
paraît difficilement admissible que les ministres laissent échapper une telle prérogative leur
permettant d'avoir une influence supplémentaire sur leurs agents, d'autant que comme on le
verra par la suite, les conséquences de la mise en jeu de la responsabilité managériale
relèvent pleinement des services administratifs des ministères.
Une fois déterminées les autorités devant lesquelles les différents responsables devront
rendre compte des actions menées par leurs services, il faut venir préciser quelles sont les
actions qui pourront relever de la responsabilité managériale.
B – De quoi les responsables devront-ils rendre compte ?
Une telle question peut paraître inutile : les responsables devront rendre compte des actions
menées par eux et par les services qui leur sont subordonnés. Cependant, il faut tempérer
ses propos en rappelant que le compte rendu de ses actions doit s'analyser comme la
118
Et il faut alors se demander si cette responsabilité est engagée devant les deux assemblées ensemble, c'està-dire par exemple réunies dans la même composition que le congrès ou si cette responsabilité est engagée
devant une partie seulement des deux assemblées, par exemple la réunion des deux commissions des
finances, ce qui ressemblerait un peu à la composition d'une commission mixte paritaire. Enfin, on pourrait
envisager que cette responsabilité des responsables de programmes soit engagée successivement devant tout
ou partie de l'assemblée nationale et du Sénat. Il nous semble cependant que la solution qui consiste à engager
la responsabilité des responsables de programmes devant la réunion des deux commissions des finances de
chacune des assemblées soit la solution la meilleure, dans la mesure où les responsables de programmes
seraient auditionnés par ceux des parlementaires les plus intéressés et les plus connaisseurs des questions
financières.
119
Op cit p. 700
60
traduction de la bonne gestion financière des services (1), qui doit être de surcroît fiable et
honnête (2).
1 – Les responsables devront rendre compte de la bonne gestion
financière de leurs services
La loi organique relative aux lois de finances instaure une liberté de gestion importante, qui
est contrebalancée par l'existence d'une responsabilité certaine. Aussi, les gestionnaires
sont libres d'agir comme ils l'entendent mais doivent respecter les objectifs qui leur ont été
fixés. Ils seront contrôlés sur la qualité de leurs actions par rapport à ces objectifs. Cela
signifie donc que lorsque leur gestion financière n'aura pas permis d'atteindre ces objectifs,
ce qui peut avoir des répercussions négatives sur l'action d'autres services, le gestionnaire
pourra se voir reprocher une mauvaise gestion financière et dès lors, sa responsabilité
managériale pourra se voir engager.
On le comprend donc assez facilement, pour que la responsabilité managériale soit
engagée, il ne sera plus nécessaire qu'une faute, autre que de gestion, intervienne : dès lors
que les objectifs fixés n'ont pas été atteints en raison d'une mauvaise gestion des moyens
mis à la disposition du gestionnaire, la responsabilité de ce dernier pourra se voir engagée
devant l'autorité déterminée précédemment. Toutefois, si la responsabilité managériale peut
être engagée même en l'absence de faute autre que de gestion, il n'est pas à exclure qu'elle
puisse être engagée également en cas de faute120.
2 – L'exigence d'un compte rendu fiable et honnête.
Les gestionnaires devront rendre compte de leurs actions. Toutefois, le compte-rendu devra
respecter la réalité. En effet, quoi de plus tentant pour un gestionnaire ayant obtenu des
résultats plus que mitigés, que de dissimuler certaines des erreurs ou fautes de gestion qui
sont intervenues en cours d'année. Pourquoi ne pas enjoliver les résultats obtenus afin de
les rendre plus conformes aux attentes fixées par les objectifs ? Enfin, comment ne pas
120
On peut par exemple envisager l'hypothèse dans laquelle un gestionnaire méconnaîtrait certaines règles de
la fonction publique et pourrait voir sa responsabilité managériale engagée. Cela n'est pas expressément prévu
par la philosophie de la loi organique, mais étant donné les sanctions qui sont pour l'instant avancées en cas
de mauvaise gestion financière notamment, on pourrait admettre que les fautes disciplinaires se traduisent par
une responsabilité managériale, beaucoup plus simple à mettre en oeuvre.
61
faire en sorte d'obtenir des résultats compatibles avec les objectifs en agissant de quelque
manière que ce soit, sans pour cela respecter la « feuille de route » déterminé ?
C'est la raison pour laquelle les résultats produits par les gestionnaires doivent respecter la
réalité et donc doivent être particulièrement fiables. Cette fiabilité est liée bien évidemment
à la bonne gestion financière. Toutefois on peut très bien envisager l'hypothèse dans
laquelle un gestionnaire aurait atteint les objectifs qui lui était fixés par des moyens qui
n'étaient pas ceux prévus et qui, éventuellement, ne respectent pas parfaitement la
régularité juridique.
Il est donc nécessaire d'instituer des moyens de contrôle de l'action des gestionnaires afin
de vérifier que ces derniers n'agissent pas de manière plus ou moins « crapuleuse ». Il
faudra donc que les autorités chargées de contrôler les gestionnaires qui leur sont
subordonnés, disposent de moyens suffisants pour s'assurer de la fiabilité et de l'honnêteté
du compte rendu du gestionnaire. Il n'est donc pas exclu que de nouvelles infractions
pénales ou financières soient ici créées et qu'elles puissent être mises en jeu effectivement à
l'encontre des gestionnaires peu scrupuleux de la légalité.
Dans tous les cas, le compte-rendu des actions menées par les gestionnaires devront
connaître des effets certains. Ainsi, les gestionnaires qui auront atteint leurs objectifs tout
en respectant la conformité des moyens mis à leur disposition, devront se voir
récompensés, alors qu'au contraire les autres gestionnaires devront se voir sanctionnés à
une intensité plus ou moins forte selon les cas.
C – Les conséquences du compte rendu pour le
gestionnaire.
Les conséquences du compte rendu pour le gestionnaire peuvent être soit en sa faveur, soit
en sa défaveur. Lorsque le gestionnaire aura fait montre de bonne gouvernance, tant du
point de vue de l'atteinte des objectifs, que du respect des moyens et des formes, les
conséquences de la responsabilité managériale iront en sa faveur ; dans le cas contraire,
elles iront en sa défaveur.
Les conséquences pour le gestionnaire peuvent être essentiellement de deux natures : il
peut tout d'abord s'agir de conséquences concernant la carrière du gestionnaire, mais
62
également d'influences sur sa rémunération. Des conséquences peuvent également être
diffusées auprès des services placés sous la responsabilité du gestionnaire. Il ne faut pas
exclure du champ d'application de la responsabilité managériale ceux qui se trouvent au
coeur de l'action menée. En effet, l'ensemble des agents du service pourront profiter
d'évolutions de carrières et de rémunérations en fonction de leurs participations à la
réussite de l'action menée. Des évaluations pourront intervenir en cours d'année ou en cours
d'exécution de l'action afin de constater l'implication des agents et partant, de récompenser
les meilleurs. Là encore, il s'agit de la traduction du dialogue de gestion au sein des
différents niveaux gestionnaires.
L'existence d'objectifs et de critères d'évaluations vont permettre d'objectiver121 les
conditions de bénéfice de promotions pour les agents. Ces évaluations pourront alors se
traduire par des avancements différenciés ou des avancements de grade, ou des
nominations à des postes de responsabilités opérationnelles. Ces promotions peuvent être
appliquées aussi bien aux gestionnaires qu'à leurs services. En ce qui concerne les postes à
responsabilité managériale122, le dialogue de gestion va permettre de déboucher sur des
conclusions en termes de progression de carrière. Ces promotions seront substantiellement
liées à l'appréciation des résultats de la structure dont ils sont responsables. Ainsi, on peut
envisager qu'un responsable d'unité opérationnelle qui a atteint parfaitement ses objectifs et
qui a su faire montre de dynamisme pour y parvenir, se voit promu soit à la tête d'une unité
opérationnelle de plus grande envergure, ou bien à la tête d'un budget opérationnel de
programmes. Dans le même sens, un responsable de budget opérationnel de programme qui
sera parvenu à atteindre les objectifs fixés, pourra se voir promu à la tête d'un budget
opérationnel de programmes plus important, voire être nommé responsable de
programmes. En sens inverse, ceux des managers qui n'auront pas atteint les objectifs pour
des raisons déterminées, pourront se voir soit reconduit au même poste dans le meilleur des
cas, soit se voir attribuer des responsabilités moindres. Enfin, en termes de rémunération,
l'atteinte des objectifs fixés pourra être synonyme de prime, ou pourquoi pas d'avancement,
alors que l'échec pourra entraîner la suppression de ces primes123.
121
Du moins, peut-on l'espèrer !
C'est-à-dire rappelons-le, les responsables de programmes, les responsables de budgets opérationnels de
programmes, et les responsables d'unités opérationnelles.
123
Là encore, il faut l'espérer !!!
122
63
Il ne faut cependant pas se contenter de ces simples conséquences en termes de
rémunération et d'avancement dans le cas où les objectifs n'ont pas été atteints. En effet, il
peut y avoir des hypothèses dans lesquelles les manquements commis par le gestionnaire
seront passibles de sanctions autres que managériales : il s'agit des sanctions disciplinaires,
financières ou répressives.
Section 2 – La rénovation d'autres formes de
responsabilités à l'encontre des gestionnaires et
des autres ordonnateurs.
Il faut le rappeler, les dispositions de la loi organique de 2001 ne concerneront pas
l'ensemble des acteurs : seuls ceux de l'État et de ses établissements publics, et ceux des
administrations déconcentrées pourront se voir appliquer ce régime. Les autres membres de
l'administration, notamment ceux de l'administration décentralisée, continueront à être
régis par l'ancien système. Or, nous en avons fait le constat : le système de responsabilité
des ordonnateurs est davantage un sabre de bois qu'une épée de Damoclès. Pour cette
raison, il convient de développer des mécanismes de responsabilité politique et financière,
afin d'éviter qu'une pénalisation excessive ne vienne perturber la mise en oeuvre d'une
réforme essentielle.
Paragraphe 1 – La nécessité de contrecarrer le
risque d'un accroissement de la pénalisation par le
développement d'autres formes de responsabilité.
Ainsi que nous l'avions précisé dans notre premier chapitre, il est une forme de
responsabilité qui semble préférer par la société contemporaine : c'est la mise en jeu de la
responsabilité pénale. Cette dernière est en effet aujourd'hui la seule qui trouve une
application régulière à l'encontre des membres de la société ce qui suscite déjà quelques
64
interrogations, mais il est encore plus inquiétant de constater la multiplication des
procédures pénales à l'encontre de l'administration.
Le risque de voir la pénalisation se développer est important. En effet, si l'on ne procède
pas de manière urgente à la mise en oeuvre de systèmes de responsabilités réelles et
efficaces, la société risque de vouloir utiliser la pénalisation à outrance contre les
ordonnateurs, les gestionnaires de la nouvelle génération. De plus, il ne faut pas se leurrer,
la responsabilité managériale qui pourra être mise en oeuvre, ne suffira pas à calmer à elle
seule la montée de la pénalisation. En effet, si on veut faire un parallèle avec le secteur
privé, on se rend bien compte que les sanctions managériales ne contentent plus les
actionnaires des grands groupes. Seule la sanction pénale trouve une forme de salut auprès
de ceux-ci.
Les gestionnaires ne seront sans doute pas au premier plan de la vie publique mais il y a
fort à parier que leurs actions, notamment lorsqu'elles n'auront pas donné entière
satisfaction aux ministres ou au Parlement, seront relayées par les médias. Aussi, lorsqu'il
n'y aura pas eu de bonne gestion financière, on pourrait envisager qu'un citoyen saisisse le
juge pénal afin que celui-ci condamne par exemple le responsable d'une unité
opérationnelle pour une faute de négligence ou d'imprudence financière. Dans ce cas, on se
retrouvera en présence de poursuites à l'encontre d'un ordonnateur à qui on reproche un
comportement imprudent ou négligent au sens pénal du terme. Par ailleurs, étant donné que
la gestion publique va connaître de profondes réformes, certaines infractions nouvelles
vont sans doute être créées. Sans prétendre les citer ici, on peut en évoquer au moins une
que nous avons déjà rencontrée dans nos développements précédents : il s'agit du fait de ne
pas rendre de manière fiable et honnête un compte rendu. On pourrait bien imaginer qu'une
infraction que l'on pourrait intituler « présentation frauduleuse de résultats » puisse voir le
jour. Rien que cette infraction pourrait être utilisée à maintes reprises par les justiciables
afin d'obtenir du juge une condamnation de l'administration ou de l'ordonnateur.
C'est pour cette raison qu'il nous semble qu'il est nécessaire de développer d'autres formes
de responsabilités. Ces nouvelles formes devant être efficaces et réelles. Par exemple, il
faut que la responsabilité disciplinaire devienne effective et que dès lors qu'un ordonnateur
ou un gestionnaire a commis une irrégularité, il faut qu'il soit réellement sanctionné.
Pourtant, nous ne pensons pas que de telles responsabilités disciplinaires et managériales
65
suffisent à faire perdre à la société cette volonté de pénaliser la vie publique. C'est sans
doute pour cette raison qu'il conviendrait de développer un véritable système de
responsabilité qui serait à la fois efficace, et pouvant éventuellement être mis en oeuvre par
les citoyens. C'est pour cette raison qu'il convient de développer notamment les
responsabilités politiques et financières.
Paragraphe 2 – La nécessité de développer les
responsabilités politiques et financières à
l'encontre des ordonnateurs.
La grande majorité des ordonnateurs occupent des fonctions politiques. Les ministres,
ordonnateurs principaux de l'État124, échappent en pratique à toute sanction politique125. De
même, les présidents de conseil régional126 ou général127, les maires128, les présidents
d'université129... occupent également des fonctions à caractère politique130. Cependant, il
n'existe pas à proprement parler de responsabilité politique. On peut le rappeler, les
assemblées qui les ont élues ne peuvent pas en pratique renverser leur exécutif du fait
d'irrégularités financières. Seuls les préfets131 pourraient voir une forme de responsabilité
politique engagée à leur encontre ainsi que nous l'avons déjà évoqué précédemment.
Or les préfets et les présidents d'université vont connaître de la mise en oeuvre de la loi
organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Leurs pouvoirs vont s'en trouver
nettement augmentés. Les préfets vont même connaître une évolution de leurs fonctions de
part l'intervention d'une deuxième réforme très importante : l'acte deux de la
décentralisation132. Désormais le préfet aura pour mission133 d'assurer l'unité de l'État au
124
Article 9 du décret du 29 décembre 1962 portant réglement général sur la comptabilité publique.
Voir supra nos développements sur la question.
126
Ils ont la qualité d'ordonnateurs principaux de la Région
127
Ils ont la qualité d'ordonnateurs principaux du Département
128
Ils ont la qualité d'ordonnateurs principaux de la Commune
129
Ils ont la qualité d'ordonnateurs secondaires.
130
Quoique les présidents d'université n'occupent pas une fonction politique de même nature que les autres :
on pourra préférer à cette qualification, celle de responsabilité élective.
131
Ils ont la qualité d'ordonnateurs secondaires des administrations déconcentrées.
132
L'acte deux résulte de la modification constitutionnelle du 28 mars 2003, des lois organiques n°2003-704
et 2003-705 du 1er août 2003 et de la loi organique n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux
responsabilités locales.
133
Circulaire du 16 juin 2004, JO 13 juillet 2004.
125
66
niveau territorial. Ainsi, les services de l'État seront tous regroupés sous l'autorité du préfet.
Ce dernier, exercera un pouvoir de direction en organisant de manière fonctionnelle et
territoriale les services sur la circonscription dont il a la charge. Le préfet verra également
ses compétences renforcées en matière de notation par l'exercice d'une mission nouvelle
d'évaluation. Cela permettra de faire évoluer la carrière des fonctionnaires de l'État. Les
relations entre le préfet et les établissements publics vont être rénovées. Plus important
peut-être le rôle du préfet dans la programmation et la gestion des crédits est affirmée. Il y
est rappelé qu'il « importe de concilier la logique ministérielle de responsabilisation des
acteurs avec la nécessaire cohérence interministérielle de l'action de l'État sur le
territoire. Pour une meilleure prise en compte des priorités territoriales, le préfet sera le
garant, pour les missions qui relèvent de son autorité, d'une approche transversale de la
programmation et de la gestion des crédits134 ». Ainsi par exemple, le préfet est confirmé
dans son rôle d'ordonnateur secondaire unique des dépenses civiles de l'Etat135. Les
délégations des signatures interviendront nécessairement dans la mesure où des unités
opérationnelles devront être définies, et où l'on voit mal le préfet exercer le rôle de
responsable de l'ensemble des unités opérationnelles de sa circonscription. Ainsi, et ce n'est
que le corollaire, les responsables d'unités opérationnelles seront des ordonnateurs
secondaires délégués.
Le préfet va donc se trouver au coeur de la nouvelle procédure budgétaire déconcentrée
dans la mesure où il sera chargé de défendre le point de vue du territoire lors de la
préparation des budgets opérationnels de programmes. Il devra donc défendre la politique
territoriale auprès des ministres et des responsables de programmes, et constituera
« l'autorité de synthèse indispensable à la convergence des objectifs nationaux et des
politiques territoriales dont il a la responsabilité136 ». Le préfet sera donc au coeur du
système : les responsables de budgets opérationnels de programmes lui présenteront
l'ensemble des éléments rattachés à ce budget. Le préfet transmettra aux responsables de
programmes le projet de budget auquel y sera joint son avis. Par ailleurs, le préfet
s'assurera de la prise en compte par les services déconcentrés des objectifs fixés par les
projets annuels de performance et appréciera les éléments de mesure de la performance
134
Troisième point de la circulaire op cit.
Sauf pour le préfet à déléguer sa signature à une autre personne qui disposera alors du statut d'ordonnateur
secondaire délégué et qui bénéficiera à ce titre des crédits initialement destinés au préfet.
136
Circulaire op cit.
135
67
produits par ses services afin de rendre compte dans les rapports annuels de performance
de l'activité des services.
On le voit bien, les préfets vont bénéficier de prérogatives très importantes et vont se
retrouver, rappelons-le une fois encore, au coeur du système. Ils vont bénéficier de
pouvoirs très larges notamment lors de l'élaboration des budgets opérationnels de
programmes et il apparaît nécessaire que les responsabilités qui sont les leurs s'appliquent
réellement137. On peut même souhaiter que certaines formes de responsabilités se
développent véritablement. En effet, comment imaginer que les ordonnateurs de la
« nouvelle génération » profitent de libertés de gestion importantes, tout en bénéficiant
encore d'impunités. Par exemple, on pourrait souhaiter voir les responsabilités des
présidents d'universités mises en oeuvre, non pas politiquement car celle-ci serait illusoire
(sauf crise majeure), mais financièrement devant une juridiction aux compétences accrues.
Les préfets pourraient également bénéficier de nouvelles formes de responsabilités
financières. La Cour de discipline budgétaire et financière138 pourrait profiter de cette
réforme pour connaître de plus de contentieux et juger ainsi les ordonnateurs indélicats. Il
faudrait aussi pour ce faire, qu'elle obtienne compétence pour juger les élus locaux et les
ministres.
On peut d'ailleurs souligner que les gestionnaires de programmes, de budgets opérationnels
de programmes et d'unités opérationnelles, semblent pouvoir relever de la compétence de
la Cour dans la mesure où il ne semble pas possible de les identifier au sein d'une catégorie
d'agents prévue par l'article L.312-1 du code des juridictions financières. Dès lors, les
irrégularités financières sont passibles de condamnation de la Cour de discipline budgétaire
et financière. Toutefois pour que cela puisse trouver une application réelle, il conviendrait
de revoir celles des infractions relevant de la Cour et prévues aux articles L.313-1 et
suivants du code des juridictions financières, afin d'étendre la liste de celles-ci pour y
intégrer de nouvelles infractions découlant notamment de l'obligation de rendre compte.
On le voit donc, la réussite de la mise en jeu de la responsabilité financière est
conditionnée à la venue d'une réforme du code des juridictions financières. De plus, pour
ne faire qu'aggraver la situation, la séparation des ordonnateurs et des comptables va dans
137
Si aucune réforme n'est faite, les responsabilités qui pourraient leur ête appliquées sont celles que nous
avons décrites dans notre premier chapitre, c'est-à-dire, sauf exception, pas grand chose.
138
Voir nos développements et nos remarques sur la Cour dans notre chapitre suivant.
68
les prochains mois se brouiller pour laisser place à un empiètement des fonctions l'une sur
l'autre. Sans vouloir paraître pessimiste, comment la Cour de discipline budgétaire et
financière pourra-t-elle exercer un réel contrôle sur une fonction dont les contours vont
devenir malléables ? On ne voit pas comment la situation pourrait s'améliorer dans
l'immédiat sans l'intervention d'une réforme de fond de la Cour de discipline budgétaire et
financière et partant, des juridictions financières dans leur ensemble139.
S'il nous semble impossible d'appliquer la réforme induite par la loi organique relative aux
lois de finances du 1er août 2001 sans rénover les responsabilités des gestionnaires et des
ordonnateurs, il ne nous semble pas davantage possible de mettre en oeuvre cette réforme
sans procéder à la révision profonde des responsabilités des comptables.
Section 3 – La refonte des responsabilités
théoriques classiques des comptables publics.
Nous avons vu précédemment que les responsabilités des comptables publics connaissaient
quelques insatisfactions. Sans revenir sur ce que nous avons déjà dit, on rappellera que
dans l'état actuel du droit, la responsabilité des comptables publics est engagée,
pécuniairement et personnellement, dès lors que le compte ne représente pas exactement ce
qui aurait dû y figurer. En effet, l'ensemble des opérations en recettes et en dépenses
doivent être retracées dans le compte : les comptables sont ainsi mis en débet lorsqu'une
opération apparaît irrégulière même si elle n'a pas entraîné de manquant ou de déficit dans
la caisse.
Il faut par ailleurs s'interroger sur l'évolution de la fonction comptable au fil du temps. En
effet, on assiste depuis quelques temps à la disparition de postes comptables140. Ainsi,
l'article 59 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 autorise le
gouvernement « à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour ouvrir la
possibilité aux établissements publics à caractère scientifique et technologique de déroger
au régime budgétaire et comptable qui leur est applicable et présenter leur comptabilité
139
140
Voir nos développements ultérieurs sur la question.
M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, Peau de chagrin, AJDA 2005 p. 569
69
selon les usages du commerce141 ». Même si le contenu de cette ordonnance n'est pas
connu, le rapport d'information de Jean-Pierre DOOR142 préconise de transformer les
établissements publics à caractère scientifique et technologique en établissement public
industriel et commercial, ce qui permettrait à ces établissements de ne plus avoir de
comptable public. Or, et on ne peut que le dénoncer, la plupart des établissements de
recherche sont financés par une majorité de fonds publics ; ce qui revient à dire, que les
deniers publics pourraient être utilisés de manière beaucoup plus simple, ce qui n'est pas
critiquable en soi, mais surtout sans le contrôle d'un comptable, et partant, sans pouvoir
contrôler les ordonnateurs.
Par ailleurs, suite à la condamnation du comptable public de l'établissement « Aéroports de
Paris » par la Cour des Comptes143, le décret du 29 juin 2004144 a résolu les difficultés en
supprimant purement et simplement l'agent comptable de l'établissement. Cette suppression
est là encore regrettable dans la mesure où s'il n'existe plus de comptable public, il n'est pas
possible non plus de contrôler les ordonnateurs.
On peut donc constater que la fonction comptable connaît quelques évolutions ces derniers
temps qui vont, nous semble-t-il, dans le mauvais sens. Pour tenter d'enrayer ce déclin,
deux évolutions nous paraissent nécessaires : la première concerne les formes de sanctions
qui paraissent devoir être mises en place (paragraphe 1) ; la seconde concerne la nécessaire
réforme de la décharge de responsabilité et de la remise gracieuse (paragraphe 2).
Paragraphe 1 – Quelles évolutions de
responsabilités pour les comptables publics ?
Le système actuel de comptabilité publique impose une responsabilité personnelle et
pécuniaire du comptable en cas d'irrégularités dans le compte. Cela signifie donc, que
même dans les hypothèses où il n'existe pas de manquant ou de déficit dans le compte,
mais qu'une simple irrégularité existe, le comptable sera mis en débet par le juge financier.
141
Article 59 de la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 relative à la simplification du droit. JO 10 décembre
2004, p. 20857
142
Jean-Pierre DOOR, Rapport d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi
international, Proposition n°3 : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i1998.asp
143
Cour des comptes, 5 novembre 2003, RFDA 2004, p.803
144
Décret n°2004-621 du 29 juin 2004 portant modification des dispositions du code de l'aviation civile
relatives au régime comptable d'Aéroports de Paris
70
On peut déjà s'interroger sur la pertinence d'un tel système : en effet, comment justifier
l'existence d'un débet dans les cas où il n'y a pas de manquant ? Cela revient à rembourser
une somme qui ne manque pas, ce qui, il faut l'avouer, est un peu curieux. Par ailleurs,
puisque l'on se trouve dans un procès objectif145, le comptable ne invoquer quelque raison
que ce soit pour échapper au paiement du débet. La seule solution pour lui est de saisir, une
fois le jugement prononcé, son ministre et invoquer devant lui des causes pouvant entraîner
la décharge de responsabilité ou lui demander remise gracieuse des débet prononcés par le
juge146. Une réforme paraît de ce côté possible dans la mesure où la direction générale de la
comptabilité publique semble admettre que lorsqu'une irrégularité dans le compte est
constatée mais qu'elle n'a pas entraîné de manquant, le débet pourrait ne plus être prononcé
et il serait remplacé par la mise en oeuvre d'une forme de responsabilité de types
managérial ou disciplinaire.
Il est donc assez facile de constater que le système actuel ne se justifie plus. Il est urgent de
procéder à une réforme d'autant que l'évolution des fonctions comptables que nous avons
présentées précédemment, va entraîner une profonde modification des contrôles du
comptable. On peut encore rappeler ici l'apparition de deux nouveaux contrôles que devra
exercer de comptable : le contrôle partenarial et le contrôle hiérarchisé.
En ce qui concerne le contrôle hiérarchisé, le comptable aura à exercer son office sur deux
types d'opérations : les opérations figurant dans un référentiel et qui devront
obligatoirement faire l'objet d'un contrôle par le comptable et celles qui ne figurent pas
dans ce référentiel et qui pourront faire l'objet d'un contrôle. Dès lors que le contrôle n'est
plus obligatoire, on ne peut plus envisager d'instituer une responsabilité personnelle et
pécuniaire sur l'ensemble des opérations figurant dans le compte. On peut par exemple
maintenir une responsabilité pleine et entière du comptable sur les opérations qu'il doit
contrôler et maintenir dans ce cas l'existence du débet et être peut-être moins rigoureux
quant aux opérations ne figurant pas dans le référentiel de contrôle. La conséquence de tout
cela est bien évidemment qu'il faut que les sanctions personnelles et pécuniaires que
connaît le comptable soient réelles en ce qui concerne les contrôles devant être effectués,
ce qui doit avoir pour corollaire de rendre quasiment impossible la remise gracieuse par le
145
C'est en tout cas ainsi qu'est présenté le jugement des comptes des comptables, bien qu'un certain nombre
de tempéraments doivent être apportés ainsi que nous l'avons décrit dans notre premier chapitre.
146
Nous développerons la question de la décharge de responsabilité et celle de la remise gracieuse dans notre
prochain paragraphe.
71
ministre des débets prononcés par le juge des comptes. En revanche, afin d'inciter les
comptables à exercer en plus de ces contrôles obligatoires certains contrôles facultatifs, il
faut qu'existe dans l'hypothèse concernant les opérations non obligatoirement contrôlées la
possibilité pour le comptable de bénéficier de causes d'exonérations partielles ou totales
des débets.
En ce qui concerne le contrôle partenarial, puisqu'il s'agit d'un audit de gestion, le
comptable ne contrôlera plus les opérations de l'ordonnateur au moment où elles sont
effectuées. Il s'agira d'un contrôle d'ensemble et non plus un contrôle spécialisé sur une
opération particulière. On voit mal dans ce cas comment un comptable pourrait être
personnellement et pécuniairement responsable en cas de mauvaise gestion. Ce contrôle
permettra aux comptables de certifier les pratiques des services et ainsi de ne plus contrôler
les opérations réalisées par ses services. Ce type de contrôle partenarial doit bien entendu
intervenir régulièrement afin de vérifier que les services disposent toujours de la même
qualité. Toutefois, il faut nous interroger sur les conséquences de ce contrôle partenarial.
Peut-on envisager de condamner aux débets un comptable parce que la gestion du service
qu'il avait labellisé n'est finalement pas aussi saine que ce que le contrôle partenarial avait
laissé supposer lors de la certification ? Il ne nous semble pas que le débet trouve ici une
quelconque raison d'être. Mais on doit alors s'interroger sur le type de sanctions qui
devraient intervenir lorsqu'une irrégularité apparaît suite à ce contrôle partenarial. De
même, comment réagir si une irrégularité causée par l'ordonnateur intervenait et qu'elle
entraînait un manquant dans la caisse du comptable ? Il nous semble que dans ce cas la
responsabilité du comptable ne devrait pas être mise en jeu de manière principale et qu'il
faudrait à la place rechercher la responsabilité de l'ordonnateur fautif. Toutefois, le
comptable ayant commis une faute147, il doit faire l'objet de sanctions non pas personnelles
et pécuniaires, mais de type managérial ou disciplinaire148.
En outre, sans vouloir pénaliser la matière149, il nous semble que ces nouveaux modes de
gestion vont permettre de nouvelles formes de fraudes et il serait peut-être bon d'instituer
de nouvelles infractions afin de sanctionner par exemple les méconnaissances aux
principes de tenue et de présentation des comptes, dès lors que ces méconnaissances
147
Cette faute pourrait se rapprocher de l'imprudence de la négligence.
Nicolas GROPER invite notamment à une réflexion à ce sujet et s'interroge sur ces deux types de
sanctions : AJDA 2005 p. 718
149
Il nous semble que nous avons déjà démontré à quel point cette pénalisation était à éviter !
148
72
seraient intentionnelles ou importantes. Gageons que le législateur saura trouver des
infractions appropriées et des sanctions idoines.
Dès lors que les relations entre les ordonnateurs et les comptables doivent se rapprocher, et
que les sanctions de type managérial et disciplinaire peuvent trouver à s'appliquer,
pourquoi ne pas envisager d'unifier les contentieux et de les confier à une juridiction
financière renforcée ? Il convient cependant que cette juridiction renforcée puisse
bénéficier de l'ensemble des outils appartenant théoriquement au juge.
Paragraphe 2 – Le devenir de la remise gracieuse
et de la décharge de responsabilité.
Le jugement des comptes des comptables patents est un contrôle objectif, c'est-à-dire qu'il
s'agit d'un jugement intervenant en dehors de tout litige. C'est d'ailleurs pour cette raison
que l'adage selon lequel le juge des comptes juge les comptes et non les comptables a
longtemps dominé la matière150. Le corollaire de cela était que quelle que soit la raison
pour laquelle le comptable était mis en débet, celui-ci devait personnellement et
pécuniairement assumer la responsabilité de sa charge.
Cette procédure a cependant des effets pervers puisqu'elle ôte au juge financier tout
pouvoir d'appréciation du comportement du comptable et l'oblige du coup à prononcer
systématiquement un débet. Cependant, il est un certain nombre d'hypothèses dans
lesquelles le comptable ne peut pas être réellement reconnu responsable d'un manquant
dans la caisse.
La première de ces hypothèses se retrouve dans la force majeure151. Dans ce cas, le
comptable pourra prétendre à la décharge de responsabilité, laquelle pourra lui être
accordée non pas par le juge des comptes152, mais par le ministre des finances après que le
débet ait été prononcé par le juge153. Le ministre pourra accorder décharge de responsabilité
pour tout ou partie du débet. On peut être surpris de constater que ce n'est pas le juge des
comptes qui disposent du pouvoir d'apprécier ou non la force majeure, mais que celle-ci est
150
Voir nos développements précédents sur le sujet.
La force majeure, comme en droit administratif, s'analyse comme un événement extérieur aux parties,
imprévisible et irrésistible quant à ses effets.
152
Cour des comptes, 1er mars 1979, HLM de la Dordogne Rec.66.
153
Cour des comptes, 30 octobre 1952, Receveur municipal de La Roche-Posay Rec.64.
151
73
appréciée par le ministre des finances après que la procédure de jugement des comptes et
de mise en débet soit intervenue. On ne peut que déplorer une telle situation qui n'est pas
sans nuire d'une part au système en lui-même et d'autre part aux deniers publics, dans la
mesure où tout cela a un coût.
On doit cependant constater qu'un progrès est possible. En effet, il semble que la Direction
générale de la comptabilité publique admette que cette prérogative de décharger le
comptable de sa responsabilité puisse revenir désormais au juge financier154. Ainsi, dans
ces conditions, le juge disposera d'un moyen, certes limité dans son étendue, pour apprécier
le comportement du comptable. Reste qu'il ne s'agit pas de la technique la plus utilisée,
dans la mesure où le recours à la remise gracieuse par le ministre des finances reste d'une
discrétion quasi totale.
La remise gracieuse constitue donc le deuxième moyen pour le comptable public ou de fait,
de voir sa responsabilité personnelle et pécuniaire atténuée voire éteinte. En effet, le
comptable peut demander au ministre des finances, avant que ne soit prononcé le débet, la
remise gracieuse de celui-ci155. Le ministre des finances, par arrêté156, pourra accorder
remise gracieuse de tout ou partie des débets prononcés par le juge des comptes.
Il faut malheureusement constater que le recours à la technique de la remise gracieuse est
devenue aujourd'hui « monnaie courante » et peut du coup être analysée comme étant la
règle alors qu'elle devait être utilisée comme étant une arme exceptionnelle. Sans que l'on
sache véritablement l'étendue du recours à cette technique, on peut néanmoins dire que la
quasi-totalité des débets prononcés par le juge des comptes s'ensuivent dans les faits d'une
remise gracieuse partielle ou totale par le ministre des finances157.
Cependant, contrairement à l'hypothèse de la décharge de responsabilité, le ministre des
finances n'est pas prêt à céder cette compétence à la Cour. L'ancien directeur de la direction
générale de la comptabilité publique avançait en effet comme argument que si le ministre
154
C'est ce qu'on apprît de Jean BASSERES, ex-directeur de la Direction Générale de la Comptabilité
Publique lors du colloque organisé par la Cour des comptes au Conseil Economique et Social les 5 et 6 avril
2005 : Finances publiques et responsabilités : l'autre réforme. Actes du colloque à paraître à La Revue
Française de Finances Publiques, Automne 2005.
155
Article 60-IX alinéa 2 de la loi de finances rectificatives du 23 février 1963. Nous montrerons dans nos
développements ultérieurs que certaines des dispositions de cette loi exigent d'être révisées.
156
L'arrêté du ministre des finances devra être pris, le cas échéant après avis du ministre ou de l'organe
délibérant de l'établissement public concernés et éventuellement, selon le montant de la remise sollicitée, du
Conseil d'Etat.
157
Nicolas GROPER, Chronisque de jurisprudence de la Cour des comptes et de la Cour de discipline
budgétaire et financière, AJDA 2004 p. 2438.
74
perdait cette compétence, il perdrait une grande part de son pouvoir d'influence sur les
comptables. Certes, une fois cet argument avancé on comprend bien tout l'intérêt pour le
ministre de garder cette compétence, mais on ne peut que la déplorer surtout que l'argument
ne tient pas dans la mesure où les autres ministres ne disposent pas d'un tel pouvoir sur les
membres de leur administration et pourtant ils exercent un réel pouvoir disciplinaire... Il
semble donc assez peu probable que le juge financier puisse obtenir pleinement le pouvoir
d'apprécier le comportement du comptable.
Comme nous l'avons vu dans nos développements précédents, la fonction comptable va
connaître de profondes évolutions et la technique de la remise gracieuse continuera à être
utilisée de manière discrétionnaire par le ministre. Or, nous l'avons déjà dit, on ne peut pas
imaginer que dans le cadre des contrôles obligatoires réalisés par le comptable, ce dernier
puisse obtenir une remise gracieuse pour quelque raison que ce soit. Il faut que le recours à
cette technique demeure l'exception et que la mise en jeu effective de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables constitue le principe. En revanche, dans le cadre
des contrôles non obligatoires réalisés par le comptable, il paraît nécessaire de maintenir le
recours à la remise gracieuse, en l'encadrant cependant davantage par rapport à ce qui
existe actuellement. En effet, il nous semble que si l'on procédait à la suppression de la
remise gracieuse, cela serait très mal ressenti par les comptables, lesquels ne prendraient
pas le risque de ne pas contrôler l'ensemble des opérations. On reviendrait alors à une
situation assez voisine de celle que l'on connaît sous l'ancien système et qui a fait montre
de ses limites.
Il est ainsi prévu158 que la remise gracieuse soit toujours de la compétence du ministre mais
que la Cour des comptes soit désormais consultée, en lieu et place du Conseil d'État,
concernant les remises gracieuses dont les montants en cause sont les plus importants. Il
nous semble cependant qu'il eut été préférable de transférer cette compétence au juge
financier afin que celui-ci puisse, pleinement, apprécier le comportement des comptables
lors du jugement des comptes.
En tout état de cause, que la remise gracieuse reste de la compétence du ministre ou qu'elle
revienne à la Cour, il faut que cette technique soit strictement encadrée tant d'un point de
158
D'après ce que l'on a pu entendre lors du colloque des 5 et 6 avril 2005 op cit et de la 2è Université de
printemps de finances publiques organisée par le Groupement Européen de Recherches en Finances publiques
les 30 et 31 mai 2005, Actes à paraître.
75
vue de la fréquence de son utilisation que de son étendue. En effet, il ne faut plus que le
recours à la remise totale soit la règle ! Il faut que cette remise existe en s'adaptant aux
montants en cause : en effet dans le cas de débets importants, la remise gracieuse doit être
partielle en laissant à la charge de l'acteur de la « nouvelle génération » une part
subsancielle du montant des débets. Dans le cas de débets faibles, cette remise doit être
exceptionnelle.
La réforme de la responsabilité des comptables devra être très importante, si l'on veut que
la loi organique relative aux lois de finances et l'ensemble des conséquences qui en
découlent soit un plein succès. Il faudra rénover les mécanismes de responsabilités
personnelles et pécuniaires, appliquer un certain nombre de principes issus de la
responsabilité managériale, accroître les compétences du juge des comptes en matière
d'appréciation des comportements des comptables, encadrer strictement la remise
gracieuse.
L'ensemble de ces réformes concernant la responsabilité des comptables, mais plus
généralement celles concernant la responsabilité des acteurs de l'exécution budgétaire, vont
nécessairement entraîner la réécriture d'un certain nombre de dispositions normatives. En
outre, si l'on parvient à réécrire certaines des règles qui régissent le droit des contentieux
financiers, il faudra profiter de cela pour rénover les juridictions financières afin de leur
donner un nouvel élan, et de les inscrire dans la même perspective que la loi organique
relative aux lois de finances.
76
Chapitre 2 – Vers la refonte des socles des
contentieux financiers
Les principes qui régissent notre droit public financier sont dans leur ensemble anciens. Ils
sont principalement regroupés dans quatre textes : le décret du 29 décembre 1962 portant
règlement général sur la comptabilité publique, la loi de finances rectificatives du 23
février 1963 et plus particulièrement son article 60, le code des juridictions financières et
enfin la loi organique relative aux lois de finances du premier août 2001.
A l'heure actuelle159, seule cette dernière loi organique a connu une réforme, puisque avant
elle, les principes essentiels étaient contenus dans l'ordonnance du 2 janvier 1959. Les trois
autres textes complètent les dispositions de la loi organique sur divers points. Certains de
ces textes vont devoir connaître une évolution certaine de par la nouvelle répartition des
compétences entre ordonnateurs et comptables, et partant, de la nécessaire réforme de leur
régime de responsabilité. Par ailleurs, les dispositions concernant les juridictions
financières ne pourront pas rester inchangées : en effet, les évolutions induites par la loi
organique de 2001 vont entraîner une inévitable réforme des juridictions financières et,
nous l'appelons de nos voeux, des procédures exercées devant elle.
C'est la raison pour laquelle il nous semble indispensable que les différents textes
fondateurs de la responsabilité des agents et des mécanismes juridictionnels connaissent
une réforme (section 1), ce qui entraînera nécessairement l'évolution des juridictions
financières afin qu'elles s'adaptent à ces nouveaux mécanismes (section 2).
Section 1 – L'inévitable modification des textes
fondateurs du droit public financier.
Nous l'avons dit, parmi les différents textes régissant le droit public financier, seul celui se
trouvant au plus haut de la hiérarchie des normes a connu une réforme. Il reste donc à
159
C'est-à-dire à la fin du mois de juin 2005.
77
modifier le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique (paragraphe 1), l'article 60 de la loi du 23 février 1963 (paragraphe 2) ainsi que
certaines dispositions du code des juridictions financières (paragraphe 3).
Paragraphe 1 – La réforme du règlement général
sur la comptabilité publique.
Le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique
précise celles des règles qui sont applicables au droit de la comptabilité publique. Étant
donné la technicité et la complexité de ces dispositions, nous ne nous engagerons pas dans
une étude linéaire de ces dispositions ; nous ne prétendons pas davantage procéder à une
étude exhaustive de ce décret. Notre volonté est ici de montrer pourquoi nous souhaitons
qu'il fasse l'objet d'une réforme en rappelant que certaines de ces dispositions ne sont plus
conformes ou compatibles avec la loi organique de 2001 et des conséquences qu'elle
appelle.
Préalablement à cette étude succincte, on voudra rappeler la réticence originelle de la
direction générale de la comptabilité publique qui ne voyait pas la nécessité de procéder à
une telle réforme. Toutefois, progressivement, cette même direction a reconnu qu'il fallait
peut-être procéder à une réforme de ce règlement général. En outre, une telle réforme du
règlement général sur la comptabilité publique soulève quelques inquiétudes. En effet,
Mme Hélène GISSEROT160 nous confiait161 qu'elle craignait que l'on ne mesure pas assez
les conséquences d'une telle réforme. Ainsi, on peut penser que si une personne dont
l'expérience n'est plus à démontrer émet quelques réserves quant à la nécessité d'une
réforme du décret de 1962, il faut sûrement s'attendre à ce que celle-ci ne soit pas d'une
ampleur considérable.
Toutefois, il nous semble que certaines dispositions du décret du 29 décembre 1962 ne sont
plus conformes aux exigences de la loi organique et des conséquences qui en découlent.
Dans la mesure où nous ne voulons pas être exhaustifs, nous nous contenterons de préciser
160
Procureure générale honoraire près la Cour des comptes.
Interrogée par nous lors de la 2ème université de printemps de finances publiques organisées les 30 et 31
mai 2005 à Paris par le GERFIP.
161
78
quelques-unes des dispositions concernant les ordonnateurs et les comptables qui nous
semblent devoir faire l'objet de modifications.
Tout d'abord concernant les ordonnateurs, l'article 5 du règlement général prévoit qu'ils «
prescrivent l'exécution des recettes et dépenses (...) [et] constatent les droits des
organismes publics, liquident les recettes, engagent et liquident les dépenses ». Or, nous
avons vu que les fonctions des ordonnateurs allaient connaître nécessairement une
évolution puisqu'ils vont désormais occuper des compétences dans le domaine comptable
stricto sensu. On ne peut donc pas se satisfaire de la rédaction de cet article, et il nous
semble qu'il conviendrait d'y inclure l'idée selon laquelle ils devront écrire une part des
informations comptables.
Par ailleurs, l'article 9 du décret énonce celles des responsabilités qu'encourent les
ordonnateurs. Selon nous, cet article devrait faire l'objet d'une réécriture totale, et ce, pour
plusieurs raisons. En effet, actuellement, l'article 9 dispose tout d'abord que « les ministres,
ordonnateurs principaux de l'État, encourent à raison de l'exercice de leurs attributions,
les responsabilités que prévoit la constitution ». Il nous semble que cet alinéa devrait faire
l'objet d'une modification afin d'y ajouter une responsabilité financière à côté des
responsabilités que prévoit la constitution. Une telle modification n'obligerait pas à une
énième révision de la constitution de 1958. De plus, elle permettrait de lever
l'irresponsabilité financière qui pèse actuellement sur les ministres, ce qui aurait pour
corollaire de les rendre potentiellement justiciables des juridictions financières162.
L'article 9, second alinéa, prévoit que « les autres ordonnateurs d'organismes publics
encourent une responsabilité qui peut être disciplinaire, pénale et civile sans préjudice des
sanctions qui peuvent leur être infligées par la Cour de discipline budgétaire ». Première
remarque, d'ordre rédactionnel, cet article 9 alinéa 2 comporte déjà une irrégularité dans la
mesure où depuis une loi du 21 juillet 1963, la juridiction mentionnée n'est plus la Cour de
discipline budgétaire mais la Cour de discipline budgétaire et financière. Deuxième
remarque, nous avons tenté de démontrer dans notre premier chapitre que certaines des
responsabilités encourues par les ordonnateurs étaient illusoires. Pourquoi alors maintenir
162
Dans le système actuel, les ministres sont irresponsables financièrement. S'ils ne l'étaient pas, ils seraient
sans doute justiciables, comme les autres ordonnateurs, de la Cour de discipline budgétaire et financière. Or,
comme nous le montrerons dans notre prochaine section, l'avenir de la Cour de discipline budgétaire et
financière n'est peut-être pas si prometteur et c'est pour cette raison que nous préférons recourir à l'expression
« juridictions financières » plutôt que de déterminer précisément la juridiction compétente.
79
celles des responsabilités qui ne sont pas réelles ? Troisième remarque allant dans le même
sens que la précédente, pourquoi avoir relégué la compétence de la Cour de discipline
budgétaire et financière à la fin de cet énoncé alors qu'elle devrait être la première
responsabilité mise en jeu. Enfin, quatrième et dernière remarque, si la responsabilité de
type managérial est amenée à être appliquée, il nous semble qu'il conviendrait de l'intégrer
dans ce texte afin que celui-ci la consacre.
De tout cela il découle que l'article 9 doit faire l'objet d'une réécriture totale qui pourrait
être la suivante : les ministres, ordonnateurs principaux de l'État, encourent à raison de
l'exercice de leurs attributions, une responsabilité financière sans préjudice des autres
responsabilités que prévoit la constitution. Les autres ordonnateurs peuvent voir leur
responsabilité financière engagée, sans préjudice des sanctions managériales, disciplinaires
ou pénales qui peuvent leur être appliquées.
Parallèlement aux dispositions concernant les ordonnateurs, le décret de 1962 comporte un
certain nombre de prescriptions concernant les comptables. Par exemple, les articles 11 à
13 concernent les compétences du comptable. Étant donné que la nature des contrôles que
les comptables devront effectuer va évoluer, il paraît difficile de ne pas tenir compte de ces
nouveaux contrôles dans le règlement général sur la comptabilité publique. De même, étant
donné que les ordonnateurs vont voir leurs pouvoirs étendus et vont du coup pouvoir
exercer un certain nombre de compétences qui relevaient avant de la fonction comptable,
les dispositions précitées ne pourront pas rester inchangées. En outre, puisque les
comptables ne vont plus contrôler l'ensemble des opérations, ils n'auront plus à contrôler
l'ensemble des pièces justificatives et dès lors, n'auront plus nécessairement à les garder.
Enfin, ils ne pourront plus contrôler l'existence du visa des contrôleurs financiers sur
l'ensemble des opérations réalisés par les ordonnateurs.
On le voit, il n'est pas besoin de procéder à une étude très fouillée du règlement général sur
la comptabilité publique pour se rendre compte que certaines de ses règles essentielles ne
sont plus conformes ou compatibles avec les dispositions de la loi organique et les
conséquences qui en découlent. C'est pour cette raison qu'il nous semble urgent de procéder
à sa refonte. Mais il ne s'agit pas du seul texte qui devra faire l'objet d'une réforme dans la
mesure où la loi du 23 février 1963, et plus particulièrement son article 60, concerne la
responsabilité des comptables, ce qui, nous l'avons déjà dit, doit évoluer.
80
Paragraphe 2 – La réforme de l'article 60 de la loi
de finances rectificatives du 23 février 1963.
L'article 60 de la loi du 23 février 1963 énonce les principales règles concernant la
responsabilité des comptables. À la lecture de ces dispositions, et en les comparant aux
évolutions que vont connaître les fonctions des comptables, on ne peut que s'attendre à voir
une réforme. Nous allons tâcher d'énoncer successivement celles des dispositions de cet
article qui nous paraissent devoir faire l'objet d'une réforme.
L'article 60 I de la loi de 1963 rappelle le principe de la responsabilité personnelle et
pécuniaire des comptables, en raison notamment « du recouvrement des recettes, du
paiement des dépenses, (...) de la conservation des pièces justificatives des opérations et
documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable
qu'ils dirigent ». Le deuxième alinéa de ce même article prévoit leur responsabilité
personnelle et pécuniaire du fait « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de
recettes [et] de dépenses ». Plusieurs remarques doivent être faites sur ces dispositions.
Tout d'abord, puisque les comptables n'auront plus à connaître de l'ensemble des
opérations, on ne peut pas maintenir comme principe une responsabilité personnelle et
pécuniaire sur l'ensemble des opérations recouvrées ou payées. Il convient donc d'atténuer
le principe énoncé dans cet article pour tenir compte de l'évolution des fonctions. Par
ailleurs, on ne peut pas imposer une responsabilité personnelle et pécuniaire aux
comptables pour la conservation des pièces justificatives et des documents de comptabilité
dans la mesure où ils ne contrôleront plus toutes les opérations. Comment imposer aux
comptables de conserver toutes les pièces justificatives dès lors qu'ils n'effectuent pas tous
les contrôles ? Lui demander de garder l'ensemble des pièces justificatives revient à
l'obliger à effectuer l'ensemble des contrôles, et donc de maintenir le système ancien.
L'article 60 II de la loi de 1963 prévoit que « les comptables publics sont tenus de
constituer des garanties ». Il ne nous semble pas que cette disposition ait à connaître de
réforme d'envergure. En effet, et nous allons le démontrer par la suite, même si le système
de responsabilité connaissait des réformes importantes, le débet resterait pour certains
types d'irrégularités163 l'outil le plus efficace pour réparer le préjudice. Puisque le débet est
163
Il resterait notamment l'outil le plus efficace pour toutes les irrégularités ayant entraîné un préjudice
financier.
81
amené à être maintenu, mieux vaut prévoir des mécanismes de garantie afin de s'assurer du
paiement effectif du débet, et ainsi éviter une propension trop forte au développement de la
remise gracieuse164.
L'article 60 IV de la loi de 1963 prévoit l'engagement de la responsabilité personnelle et
pécuniaire des comptables « dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en
valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas pu être recouvrée, qu'une dépense a été
irrégulièrement payée ou que, par la faute du comptable public, l'organisme public a dû
procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ». Ces dispositions
sont au coeur de la réforme. En effet il s'agit de déterminer la nature de la responsabilité du
comptable selon les différentes irrégularités qui ont été commises. Dans le système actuel,
cet article prévoit la mise en débet du comptable dès lors qu'une irrégularité a été commise,
qu'elle entraîne ou non un déficit ou un manquant. On l'a déjà dit, le débet ne peut plus
constituer l'unique effet de la responsabilité du comptable. Effectivement, pourquoi
condamner aux debêts un comptable dès lors qu'il n'existe pas de manquant dans la caisse ?
Il nous semble en effet qu'il convient de maintenir le débet dans le cas où un manquant a
été constaté mais uniquement dans ce cas. Dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ou
qu'aucune dépense n'a été irrégulièrement payée ou que la faute du comptable a entraîné
l'indemnisation d'un tiers, mais que cela n'a pas entraîné de préjudice pour la collectivité, il
n'est plus concevable de maintenir le débet. D'autres responsabilités doivent être trouvées :
nous avons déjà parlé des responsabilités disciplinaires et/ou managériales. On peut
envisager que de telles sanctions soient appliquées dans ces hypothèses. De plus, il
convient de recourir aux débets dans les hypothèses où l'opération qui a causé d'irrégularité
devait être obligatoirement contrôlée par le comptable165, mais également dans l'hypothèse
où l'opération contrôlée n'y figurait pas. Seulement, on peut envisager dans le premier cas
qu'en plus du débet, le comptable soit condamné à l'amende puisqu'il aurait commis une
faute de négligence dans son contrôle alors que dans le second cas on pourrait le
condamner à l'amende, uniquement s'il a mal effectué son contrôle sur l'opération qui
n'était pas obligatoirement contrôlable. On voit mal comment on pourrait condamner à
l'amende le comptable qui n'était pas tenu de réaliser son contrôle et qui ne l'a donc pas
164
Il nous semble en effet que si la constitution de garantie était abandonnée, le risque de trouver des
comptables dans des situations patrimonialement délicates s'en trouverait accru, et partant, un des moyens les
plus simples pour résoudre ce problème serait pour le comptable de demander remise gracieuse des débets.
165
C'est-à-dire que cette opération figurait dans le référentiel de contrôle.
82
réalisé, alors que l'opération ne figurant pas dans le référentiel a finalement entraîné une
irrégularité. En effet, il nous semble que dans ce cas, l'amende ou la sanction autre pourrait
être prononcée à l'encontre de l'ordonnateur fautif.
L'article 60 V de la loi de 1963 prévoit que la mise en oeuvre de la responsabilité
pécuniaire du comptable ne peut intervenir que « du ministre dont il relève, du ministre des
finances ou du juge des comptes ». Par ailleurs, cet article instaure une prescription de
six166 ans suivant l'année au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge
des comptes. En outre, depuis peu167, dès lors qu'aucune charge provisoire ou définitive n'a
été retenue à l'encontre du comptable, public ou de fait, dans ce délai, le comptable est
déchargé ou quitte168 de sa gestion pour l'exercice en cause. Cela signifie donc que
désormais le comptable pourra ne plus bénéficier d'un arrêt blanc de la part du juge des
comptes, lequel pourra préférer laisser courir ce délai de six années pour décharger le
comptable de sa gestion. Cela peut donc s'analyser de deux manières : soit le compte du
comptable aura été examiné par la Cour, laquelle n'aura pas constaté d'irrégularités, et
décidera de ne pas rendre d'arrêt et préférera attendre l'extinction de la prescription ; soit le
compte du comptable n'aura pas été examiné par la Cour dans ce délai, et dans ce cas il n'y
a plus de possibilités de contrôler les comptes et partant plus de possibilités non plus de
contrôler les ordonnateurs. La réduction du délai de la prescription de dix à six années est
importante dans la mesure où elle pourra avoir pour conséquence, qu'en cas de
« flottement » dans l'activité de la Cour, celle-ci perdra ipso facto sa compétence pour juger
les comptes.169
L'article 60 IX prévoit la possibilité pour le comptable d'obtenir décharge de sa
responsabilité ou remise gracieuse de tout ou partie des débets prononcés à son encontre.
Nous ne développerons pas les nécessaires évolutions que doit connaître cet article dans la
mesure où nous avons dans notre chapitre précédent longuement développé cette question.
On se contentera juste de dire que dans l'hypothèse où il n'y a pas de débet prononcé, mais
qu'existe une irrégularité, il nous semble que le juge des comptes devrait pouvoir tenir
166
L'article 125 de la loi de finances rectificatives pour 2004, du 30 décembre 2004, a modifié la prescription
qui était depuis 2001 de 10 ans.
167
Ces dispositions ont été rajoutées par ce même article 125 de la loi de finances rectificatives pour 2004 du
30 décembre 2004.
168
Le comptable peut recevoir quitus de sa gestion s'il est sorti de fonction au cours de cet exercice.
169
Nous avons dans le premier chapitre rappelé les délais moyens de jugement des comptes par la Cour. Voir
note n°31
83
compte du comportement du comptable pour atténuer l'intensité de la sanction infligée à
son encontre.
L'article 60 X de la loi de 1963 traite de la responsabilité des régisseurs. Cet article est une
prolongation de l'article 60 III. Là encore on peut faire plusieurs remarques : un décret du
21 juillet 2004170 est venu mettre fin à la difficile compréhension de plusieurs
jurisprudences du Conseil d'État171 par lesquels le comptable public avait été mis en débet
pour des irrégularités commises par son régisseur, lequel avait déjà été mis en débet mais
avait obtenu remise gracieuse par le ministre des finances. La logique aurait donc été de ne
pas condamner le comptable au débet puisqu'il était certain que le ministre des finances
allait accorder une seconde fois la remise, ce qui a d'ailleurs été le cas. Aussi, pour ne plus
avoir à recourir à deux actes réglementaires, le pouvoir réglementaire a décidé de mettre fin
à cette jurisprudence en prévoyant désormais que « les sommes allouées en décharge de
responsabilité ou en remise gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été
déclarés responsables mais qui ne pourraient pas être recouvrées ne peuvent être mises à
la charge du comptable assignataire par le juge des comptes ou par le ministre sauf si le
débet est lié à une faute de négligence caractérisée commise par le comptable public à
l'occasion de son contrôle sur pièces et sur place ». Ainsi, pour que le comptable ne puisse
pas voir sa responsabilité engagée du fait de son régisseur, le juge ou le ministre devra
s'assurer que le comptable a effectué les contrôles nécessaires. Autrement dit, cela signifie
qu'il est reconnu au juge des comptes un pouvoir d'apprécier le comportement du
comptable. Un tel pouvoir a d'ailleurs été récemment explicitement reconnu par une
chambre régionale des comptes pour apprécier le cas échéant le comportement du
comptable172. Il s'agit donc d'une atténuation du vieil adage que nous avons décrypté dans
notre premier chapitre, et qui vient du coup renforcer notre point de vue concernant la
nécessaire transmission de la remise gracieuse et de la décharge de responsabilité au juge
des comptes.
170
Décret n°2004 – 737
Conseil d'Etat, 28 février 1997, BLEMONT. Rec.62. La revue du Trésor 1997, p.742 Note LASCOMBE
(M) et VANDENDRIESSCHE (X) ; confirmé par Conseil d'Etat, 20 mars 2002, THOORIS. La revue du
Trésor 2003 p.532.
172
Chambre régionale des comptes Provence Alpes Côte d'Azur, 9 février 2005, COMMUNE DE PERTUIS,
J.2005-0035 op cit.
171
84
Enfin173 concernant l'étude linéaire de l'article 60, le point XI traite de la gestion de fait.
Cette procédure a depuis le début de son existence fait montre de ses atouts et de ses
faiblesses. En effet, cette procédure a le mérite de pouvoir condamner l'ensemble des
personnes174 qui se seraient immiscées dans la fonction comptable. Cependant, l'un des
principaux reproches que l'on pourrait faire à cette procédure est qu'elle peut durer
particulièrement longtemps. En effet, dans le meilleur des cas, sept arrêts doivent être
rendus au cours de la procédure. Il n'est du coup pas rare de voir des procédures dépasser le
délai raisonnable imposé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme175. Aussi, pour tenter de remédier à cette lacune, on pourrait très bien envisager de
réformer la procédure de gestion de fait et de supprimer la règle du double arrêt permettant
ainsi de passer de sept à quatre arrêts. La suppression de la règle du double arrêt pourrait
être compensée par la publicité des audiences et la garantie du principe du contradictoire176.
Il nous semble cependant que la gestion de fait connaîtra une évolution de par la mise en
oeuvre de la loi organique de 2001 dans la mesure où elle modifie la séparation entre les
fonctions d'ordonnateurs et de comptables et qu'il sera dès lors, peut-être, plus difficile
d'identifier les contours de la fonction comptable et partant, de déterminer que quelqu'un
s'est immiscé dans cette fonction.
Enfin, on peut affirmer que certains auteurs semblent voir dans la procédure de gestion de
fait un modèle à suivre pour la sanction des gestionnaires. Effectivement, puisque les
fonctions d'ordonnateurs et de comptables tendent à se rapprocher, il semblerait plus
judicieux d'unifier les procédures et les juridictions financières. Du coup, il faudrait trouver
une procédure qui convienne à la fois pour la condamnation des ordonnateurs et des
comptables. La procédure de gestion de fait semble pouvoir s'appliquer parfaitement aux
deux protagonistes et on peut compléter ceci en disant que si on combinait les règles de la
173
Nous laissons volontairement de côté l'article 60 dans ses points VI, VII, VIII et XII qui n'appellent pas de
commentaires particuliers.
174
La procédure de gestion de fait ne connaît pas de limites quant aux personnes qui peuvent être reconnues
comptables de fait dès lors qu'elles se sont immiscées dans les fonctions comptables.
175
Voir notamment Cour EDH, Recevabilité, 7 octobre 2003, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE.
Req. N°53929/00 confirmée par Cour EDH, 1er juin 2004, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE.
Req. N°53929/00 op. cit
176
On pourrait pour ce faire envisager de communiquer les rapports et les conclusions aux parties et
d'auditionner les comptables de fait après les conclusions du parquet. Du reste, certaines Chambres régionales
l'ont récemment fait : Chambre régionale des comptes Centre, 18 janvier 2005, SYNDICAT MIXTE DU
PROJET « IRIS »: J. 2005-0036 ; Chambre régionale des comptes Ile-de-France, 14 novembre 2003,
GESTION DE FAIT DES DENIERS DU LYCEE LA FAYETTE A CHAMPAGNE-SUR-SEINE : La Revue
du Trésor 2004 p.458
85
gestion de fait avec celles que nous écrivions dans les commentaires des différents points
de l'article 60 de la loi de 1963, il nous semble que nous pourrions obtenir une procédure
répondant aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde de l'homme d'une
part et à l'assurance d'une responsabilité effective d'autre part.
On conclura ce paragraphe en affirmant que la réforme de la loi du 23 février 1963 a déjà
été entamée par l'article 125 de la loi de finances rectificatives pour 2004 du 30 décembre
2004177. Il semble d'ailleurs que la direction générale de la comptabilité publique aimerait
voir cette réforme mise en oeuvre rapidement puisque Madame Nathalie MORIN178 nous
disait179 qu'elle espérait voir cette réforme adoptée d'ici à la fin de l'année 2005. On
comprend donc qu'il s'agit d'une réforme importante et pour laquelle la direction générale
de la comptabilité publique semble prendre une place très active.
Il reste un troisième texte, source de notre droit public financier, qui doit faire l'objet de
réformes : c'est le code des juridictions financières.
Paragraphe 3 – Les évolutions prochaines du code
des juridictions financières.
Il ne s'agit pas, là encore, pour nous de dresser l'ensemble des dispositions devant faire
l'objet de réformes. Nous verrons dans notre prochaine section les évolutions que l'on peut
attendre ou espérer des juridictions financières et il va de soi que ces modifications
souhaitées devront entraîner la réécriture de certaines dispositions du code. On se bornera
simplement ici à analyser une récente décision du conseil constitutionnel et les
conséquences qui vont en découler.
Le conseil constitutionnel a été saisi le 18 février 2005 par le premier ministre180 d'une
demande de déclassement de certaines dispositions du code des juridictions financières
concernant la Cour de discipline budgétaire et financière. Dans une décision du 3 mars
177
Ibid
Chef de service de la fonction comptable de l'État à la direction générale de la comptabilité publique.
179
Interrogée par nous lors de la deuxième université de printemps de finances publiques organisée les 30 et
31 mai 2005 à Paris par le GERFIP.
180
En fait, et par délégation, c'est le secrétaire général du gouvernement qui a signé la demande dont il est
question ici.
178
86
2005181, le conseil constitutionnel est venu déclasser l'ensemble des dispositions qui lui
étaient soumises, c'est-à-dire qu'il a reconnu aux dispositions législatives en cause une
valeur réglementaire.
Le conseil constitutionnel a examiné l'ensemble des dispositions qui lui étaient soumises182
et a tout d'abord considéré que les dispositions dont on lui demandait de statuer sur la
nature juridique ne portaient pas sur des règles constitutives d'une juridiction, pas plus
qu'elles ne portaient sur une juridiction pénale. Il en déduit naturellement que les règles qui
lui sont soumises peuvent relever du pouvoir réglementaire. En revanche, le conseil
constitutionnel est venu apporter une distinction entre le principe législatif de mixité de la
Cour et celui de la parité. En effet, pour le juge constitutionnel, le principe de mixité, c'està-dire le principe selon lequel la Cour de discipline budgétaire et financière est composée à
la fois de membres de la Cour des comptes et de membres du Conseil d'État, est une règle
constitutive de cette juridiction est relève donc du domaine de la loi. En revanche, il
affirme que le principe de parité entre le nombre de membres de la Cour des comptes et
celui du Conseil d'État relève simplement du pouvoir réglementaire. En outre, il précise
que les autres dispositions qui lui sont soumises relèvent du domaine réglementaire dans la
mesure où elles ne traitent que « de la suppléance de la présidence de la juridiction, de son
siège et de la situation administrative de ses membres ; qu'il en va de même des
dispositions relatives aux choix et au mode de nomination des commissaires du
gouvernement, des rapporteurs et du greffier, lesquelles n'appartient pas à la formation de
jugement ». Enfin, il rappelle que les dispositions procédurales qui lui sont soumises « ne
concernent ni les règles constitutives de cette juridiction, ni la procédure pénale au sens
de l'article 34 de la constitution, ni les garanties fondamentales » et que partant, elles
relèvent du pouvoir réglementaire.
Cette décision de déclassement de certaines dispositions du code des juridictions
financières n'est pas une décision qui soit en elle-même fondamentale. En revanche, les
181
Décision 2005–198 L du 3 mars 2005 relative à la nature juridique des dispositions du code des
juridictions financières relatives à la Cour de discipline budgétaire et financière. Le constitutionnaliste aura
remarqué la rapidité avec laquelle le juge constitutionnel a statué (à peine 15 jours), ce qui montre l'activité
particulièrement « chargée » ces derniers temps du juge de la rue de Montpensier.
182
Contrairement au contrôle de constitutionnalité des projets ou des propositions de loi, le conseil
constitutionnel, quand il est juge de la nature juridique de dispositions et qu'il est saisi dans le cadre de
l'article 37 alinéa 2 de la constitution, ne peut pas statuer infra petita quand bien même il donnerait
satisfaction au requérant, puisque dans cette hypothèse de saisine il lui appartient de se prononcer sur la
valeur juridique de toutes les dispositions soumises.
87
conséquences de cette décision vont être qu'il va être possible pour le gouvernement de
procéder à la réforme183 de la Cour de discipline budgétaire et financière à fin « de
remédier aux principaux défauts dont souffre actuellement le fonctionnement de la Cour
de discipline budgétaire et financière184 ».
Le projet de décret modifiant le code des juridictions financières prévoit l'augmentation du
nombre de membres titulaires et suppléants de la Cour permettant ainsi, la création de deux
sections respectivement présidées par le premier président de la Cour185 et le vice
président186. La création de sections et l'augmentation du nombre de membres, vont
permettre de remédier aux difficultés soulevées par l'arrêt DUBREUIL187. Dans cette
jurisprudence en effet, la Cour avait alors deux possibilités : soit respecter le quorum est
dans ce cas, elle méconnaissait la règle du procès équitable dans la mesure où certains de
ses membres avaient participé à un rapport public précédent ayant notamment dénoncé
certaines pratiques réalisées par le l'ordonnateur ; soit la Cour pouvait statuer sans respecter
le quorum et dans ce cas elle était certaine de voir son arrêt cassé par le Conseil d'État pour
violation du code des juridictions financières. Dans les deux cas, elle était sûre que son
arrêt serait cassé. Elle a donc décidé de se dessaisir de l'affaire et de renvoyer au Conseil
d'État le soin de se prononcer sur la question. La haute juridiction administrative a
confirmé le raisonnement de la Cour de discipline budgétaire et financière mais a renvoyé
devant elle l'affaire, dans la mesure où, suite à la nomination du nouveau premier président
de la cour des comptes et donc du président de la Cour de discipline budgétaire et
financière, lequel n'avait pas pris part au rapport public en cause, pouvait désormais
respecter à la fois le quorum et la règle du procès équitable.
Par ailleurs, le projet de décret prévoit la possibilité pour les membres de la Cour de
discipline budgétaire et financière d'être composé de conseillers d'État et de conseillers
maîtres à la cour des comptes honoraires. Les rapporteurs près la Cour de discipline
budgétaire et financière pourront désormais être choisis parmi l'ensemble des juridictions
administratives de droit commun et des juridictions financières. De plus, le projet de décret
183
Certains auteurs ironisent en parlant de « réformette ».
Jean-Eric SCHOETTL, Les dispositions relatives à la Cour de discipline budgétaire et financière sontelles législatives ou réglementaires ? in Les petites affiches, 24 mars 2005, n°59, pp.7 et suivantes ; Décisions
et documents du conseil constitutionnel in les cahiers du conseil constitutionnel n°18 : http://www.conseilconstitutionnel.fr/cahiers/ccc18/jurisp198l.htm
185
C'est-à-dire présidée par le Premier président près la Cour des comptes.
186
C'est-à-dire le président de la section des finances du Conseil d'Etat.
187
Conseil d'État, 4 juillet 2003, DUBREUIL Req. n°234353
184
88
prévoit d'instaurer un article R.311–4 permettant la nomination de plusieurs greffiers près
la Cour. Par ailleurs, le déclassement du dernier alinéa de l'article L. 314–12 du code va
permettre de respecter le principe de la non-participation du rapporteur au délibéré188.
Enfin, la règle du quorum et la règle de la publicité des audiences vont connaître une
évolution importante afin de respecter la règle du procès équitable telle qu'elle découle de
l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme189. En effet, le décret instaurerait un article R.311–1 alinéa 6 qui prévoirait que la
Cour ne pourrait délibérer en formation plénière ou en section qu'à la condition que quatre
au moins de ses membres soient présents dont au moins un membre du Conseil d'État et un
membre de la Cour des comptes. Cette règle permettrait ainsi de respecter le principe de
mixité, sans pour autant respecter celui de la parité. La règle de la publicité des audiences
serait quant à elle consacrée par l'article R.311–6 du code.
On pourrait donc considérer que la réforme qui va s'annoncer est très importante et va
permettre de résoudre les problèmes structurels que connaît la Cour de discipline
budgétaire et financière. On nous promet ainsi la possibilité de doubler le nombre d'affaires
annuellement traitées par la Cour. Qu'on s'en réjouisse ! On tempérera cependant ces
propos en rappelant l'illustre bilan de la Cour de discipline budgétaire et financière au cours
de l'année précédente : quatre arrêts ont été rendus !
un arrêt prononçant la condamnation d'un ordonnateur à une amende de 1500 €190,
un arrêt au terme duquel la Cour se déclare incompétente et renvoie le soin au Conseil
d'État de statuer, lequel a déjà précisé191 qu'étant donné la modification de la composition
de la Cour de discipline budgétaire et financière celle-ci était de nouveau compétente,
un arrêt déclarant la requête irrecevable,
et un arrêt prononçant une relaxe.
188
Conseil d'État, 3 décembre 1999, DIDIER Req n°207434.
Et ainsi permettre à l'avenir, du moins on l'espère, de ne plus être condamné par la Cour de Strasbourg
comme ce fut le cas par l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, 26 septembre 2000, GUISSET.
Req n°33933/96.
190
Étant toutefois précisé que cet arrêt a été rendu après une annulation préalable du conseil d'État.
191
Conseil d'État, 4 février 2005, PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES,
MINISTERE PUBLIC PRES LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE. Req n°
269233. Conclusions du commissaire de gouvernement GUYOMAR in AJDA 2005 du 23 mai 2005 pp.1070.
189
89
On comprend donc pourquoi certains auteurs ironisent quant à la portée de cette réforme
d'autant que comme nous allons le voir, la cour de discipline budgétaire et financière
connaît d'autres problèmes.
Section 2 – Quelles évolutions pour les juridictions
financières ?
Traditionnellement, le droit public financier français connaît trois types de juridictions
financières : les chambres régionales et territoriales des comptes, la Cour des comptes et la
Cour de discipline budgétaire et financière. Nous étudierons donc successivement
l'hypothèse de la Cour de discipline budgétaire et financière (paragraphe 1) avant que
l'étudier la situation de la Cour des comptes, étant entendu que la grande majorité des
évolutions la concernant pourront être transposables aux chambres régionales et
territoriales des comptes (paragraphe 2).
Paragraphe 1 – La cour de discipline budgétaire et
financière : agonie ou renaissance ?
Il existe deux manières d'appréhender la Cour de discipline budgétaire et financière. La
première conception, optimiste, laisse croire que la Cour est une juridiction efficace et qui
laisse peser une réelle menace sur les ordonnateurs. La seconde conception nous paraît
beaucoup plus réaliste et laisse entrevoir une inefficacité certaine. On pourrait même aller
plus loin en affirmant que la Cour de discipline budgétaire et financière n'est finalement
pas une réelle menace. La Cour de discipline budgétaire et financière pourrait, en utilisant
une métaphore osée, être comparée à un fantôme puisqu'elle est source de craintes pour
certaines personnes et en laisse d'autres de marbre. Et puisque paraît-il, il existe un fantôme
dans chaque château, dans chaque palais, pourquoi la Cour de discipline budgétaire et
financière ne serait-elle pas le fantôme du palais Cambon ?
Sans revenir sur l'ensemble des remarques que nous avons formulées dans notre paragraphe
précédent, on tachera de montrer que la Cour de discipline budgétaire et financière n'est
90
finalement pas une juridiction menaçante et qu'il semble grand temps « de chasser ce
fantôme » pour rendre toute la vigueur et le prestige au Palais de la rue Cambon.
La Cour de discipline budgétaire et financière est une juridiction qui est « censée » juger de
la responsabilité financière des ordonnateurs. Or, et nous ne rappelons ici que ce que nous
avons déjà dénoncé au cours de notre étude, la grande majorité des ordonnateurs échappent
à la juridiction de la Cour. Ainsi, les ministres, ordonnateurs principaux de l'État ainsi que
la plupart des élus locaux ne peuvent pas relever de la compétence de la Cour de discipline
budgétaire et financière dans la quasi-totalité des cas192. Par ailleurs, les irrégularités que
juge jusqu'à présent la Cour de discipline budgétaire et financière sont simplement
budgétaires et comptables. En effet, elle ne s'est jusqu'alors pas prononcée sur les
infractions les plus graves que prévoit le code des juridictions financières dans ses articles
L.313–1 et suivants. Ce simple constat suffit à lui seul, du moins nous semble-t-il, à
montrer à quel point la Cour de discipline budgétaire et financière ne fait que vivoter. Ne
peut-on pas considérer là qu'il s'agisse de son agonie ? N'est-il pas temps de mettre un
terme à celle-ci ? Si certains auteurs voit dans cette juridiction une « évidence193», il nous
semble pour notre part que cette juridiction est en fait une simple empreinte du passé et
qu'elle ne peut pas être considérée comme un avenir potentiel du système de
responsabilisation.
Il est maintenant acquis que la responsabilité des ordonnateurs doit connaître une évolution
certaine. Nous avons par ailleurs rappelé que les fonctions d'ordonnateurs et de comptables
allaient tendre à se rapprocher et du coup, la distinction entre ces différentes fonctions va,
quant à elle, tendre à se brouiller. Aussi, dès lors que l'on ne peut pas clairement distinguer
celles des fonctions qui relèvent de la compétence de l'ordonnateur et celles des fonctions
qui relèvent du comptable, il convient de ne pas non plus distinguer celles des juridictions
dont relèveront les ordonnateurs et celles des juridictions dont relèveront les comptables.
Pour clarifier la situation il convient d'unifier les juridictions afin d'obtenir une seule
juridiction compétente pour statuer sur la responsabilité des ordonnateurs, des
gestionnaires et des comptables.
192
Voir à ce sujet nos développements précédents dans notre premier chapitre.
Selon Bernard POUJADE, « la Cour de discipline budgétaire et financière est, à l'évidence, l'institution à
laquelle on pense lorsqu'il s'agit d'évoquer la responsabilité des gestionnaires publics » in AJDA 2005, n°13,
pp.703 et suivantes.
193
91
Nous venons d'analyser rapidement194 le contenu du projet de réforme de la Cour de
discipline budgétaire et financière. Nous avons vu que celle-ci devait améliorer le
fonctionnement de la Cour mais il nous semble cependant que ses principales causes de
dysfonctionnements ne s'en trouveront pas changées. Aussi, puisque la plupart des saisines
de la Cour de discipline budgétaire et financière émanent de la Cour des comptes ou des
chambres régionales et territoriales des comptes, cela signifie que ces juridictions ont
découvert des comportements répréhensibles. Or, pour avoir pu constater de tels éléments,
il faut au préalable qu'ait été menée une enquête par l'un des rapporteurs de ces juridictions.
A quoi bon alors procéder à une nouvelle procédure quasi identique devant la Cour de
discipline budgétaire et financière ? N'est-ce pas là une cause supplémentaire
d'accroissement inutile des dépenses publiques ? Il nous semble que la réponse est déjà
contenue dans la question que nous venons de poser. Dès lors, la procédure devant la Cour
de discipline budgétaire et financière ne trouvera pas de réelle modification par la réforme
en cours, d'autant que les irresponsabilités des ministres et de la plupart des élus locaux
sont maintenues195, il semble que la Cour de discipline budgétaire et financière ne puisse
pas renaître de cette réforme et soit du coup condamnée à disparaître.
Nous appelons donc à la sagesse et à la raison en demandant que soient unifiées les
juridictions financières étatiques196 au sein de la seule juridiction financière que constitue la
Cour des comptes.
Paragraphe 2 : Quelles évolutions pour la
juridiction des comptes bientôt bicentenaire ?
La Cour des comptes doit connaître de deux types d'évolution si elle veut s'adapter aux
réformes attendues. Le premier type de réformes concernera ses compétences
194
Mais il nous semble de toute manière que vu l'étendue de la réforme, notre analyse ne pouvait être que
rapide sauf à nous répéter.
195
Il semble qu'il soit difficile d'envisager la réforme de la compétence ratione personnae de la Cour de
discipline, ou de son successeur, en une seule fois. Par ailleurs, il semble délicat de procéder à une telle
réforme par la voie législative dans la mesure où les parlementaires sont pour la plupart également des élus
locaux. On voit mal les parlementaires voter une loi qui donnerait compétence à une juridiction financière
pour statuer sur des agissements des ordonnateurs locaux. La solution qui semble préconisée par la Cour des
Comptes consiste à accroître peu à peu cette compétence ratione personnae. Cependant, on peut s'interroger
sur l'étendue de cette extension de compétence.
196
En 1948, le doyen Georges VEDEL s'interrogeait déjà sur la nécessité de disposer d'une dualité de
juridictions financières étatiques.
92
juridictionnelles ; le second type de réformes concernera ses compétences non
juridictionnelles, et notamment l'élaboration de rapports et l'accomplissement de ses
nouvelles missions telles qu'elles découlent de la loi organique de 2001.
A – L'adaptation des compétences juridictionnelles de la
Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales
des comptes.
La procédure juridictionnelle actuellement en place devant la Cour des comptes connaît
quelques critiques notamment au regard de l'article 6 paragraphe 1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il nous semble préférable de ne pas
procéder à une modification point par point de la procédure, mais plutôt de réformer
l'ensemble de la procédure afin de la rendre cohérente et surtout conforme aux
prescriptions de l'article 6 précité. Nous formulerons donc quelques propositions
concernant l'ensemble de la procédure juridictionnelle de l'ensemble des acteurs. En effet,
nous avons déjà dit précédemment qu'il nous semblait préférable de ne recourir qu'à une
seule juridiction. Dès lors, il semble qu'il faille conférer cette prérogative à la Cour des
comptes.
La Cour des comptes pourrait être la juridiction compétente pour juger de la responsabilité
des ordonnateurs, des gestionnaires et des comptables. Afin d'éviter de nouvelles
incompétences structurelles de la Cour197, il conviendrait de distinguer en son sein deux
chambres juridictionnelles, une chambre chargée du contrôle de gestion et une chambre
chargée de la réalisation des différents rapports. Effectivement, il nous semble qu'eu égard
à l'étendue du contrôle de gestion devant être réalisé par la Cour, il serait bon de consacrait
une chambre à la réalisation de cette tâche. Par ailleurs, puisque les pouvoirs de la Cour
concernant les relations avec les autres institutions, et notamment l'établissement des
différents rapports, constituent la tâche certainement la plus médiatique, il convient de leur
consacrer également une part importante en distinguant une chambre uniquement chargée
de ses missions. Enfin, la création de deux chambres juridictionnelles ou contentieuses
permettrait de solutionner la jurisprudence DUGOUIN en permettant au Conseil d'État, en
cas de besoin, de casser un arrêt rendu par l'une de ces chambres et de renvoyer les parties
197
Comme ce fut le cas avec les jurisprudences LABOR METAL et DUGOUIN op cit
93
devant l'autre chambre. Ainsi, on ne serait plus dans la situation inextricable qu'ont connu
la juridiction financière et le Conseil d'État198.
Les comptables patents et les gestionnaires de fait seraient justiciables de ces deux
chambres de manière indifférente, et selon une répartition équilibrée. Ils devraient toujours
continuer à déposer leurs comptes auprès de la juridiction, dans des conditions semblables
à celles qui existent aujourd'hui. Les professeurs Michel LASCOMBE et Xavier
VANDENDRIESSCHE199 se demandent s'il est nécessaire de maintenir une juridiction
pour apurer les comptes ? Selon eux, un apurement administratif des comptes pourrait
remplacer l'apurement juridictionnel aujourd'hui en place. La juridiction ne serait alors
saisie que dans le cas où une irrégularité dans le compte aurait été constatée. Cette pratique
permettrait donc à l'autorité administrative habilitée d'effectuer une première étude des
comptes produits et ferait donc gagner un temps précieux à la juridiction. Les arrêtés
conservatoires qui seraient ainsi pris par l'autorité administrative devraient être confirmés,
ou infirmés, par la Cour. Seuls les comptes présentant des irrégularités, quelles qu'elles
soient200, seraient transmis à la Cour des comptes afin qu'elle procède à son office de juge
des comptes.
Si cette solution nous semble intéressante dans sa présentation, elle nous paraît cependant
difficilement réalisable dans la mesure où il s'agirait d'un changement radical et profond
quant aux méthodes de travail de la Cour. Nous pensons que si la proposition des
professeurs Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE doit être celle vers
laquelle on doit tendre, elle ne sera cependant pas facile à mettre en oeuvre. C'est pour cette
raison qu'on pourrait lui préférer une alternative qui consisterait à recourir à une utilisation
plus étendue de l'apurement administratif des comptes. Cela pourrait être rendu possible en
augmentant les seuils fixés aux articles D.131–28 et
D.131-31 du code des juridictions
financières.
Quelle que soit l'étendue de l'apurement administratif des comptes qui serait retenue, celuici aurait une conséquence immédiate sur la rapidité avec laquelle la Cour se prononcerait.
198
Ibid
LASCOMBE (M) et VANDENDRIESSCHE (X), Plaidoyer pour assurer le succès d'une réforme : la loi
organique relative aux lois de finances et la nécessaire refonte de la responsabilité des ordonnateurs et des
comptables, RFDA 2004 pp.398 et suivantes.
200
Nous entendons par là qu'elles aient ou non entraîné un manquant ou un déficit.
199
94
Cela permettrait donc d'éviter que les arrêts et jugements blancs ne soient finalement «
prononcés » par le silence gardé par le juge pendant six années201.
Dès lors que la Cour pourrait statuer plus rapidement, sa compétence pourrait se trouver
tout naturellement étendue aux ordonnateurs et aux gestionnaires. La Cour pourrait
désormais sanctionner les irrégularités commises par eux en les condamnant aux débets et
aux autres formes de sanctions que nous avons évoquées précédemment. Pour ce faire, il
faudrait que la Cour dispose pleinement de la possibilité d'apprécier le comportement du
comptable, et désormais de l'ordonnateur et du gestionnaire. Pour réaliser un tel contrôle du
comportement des acteurs, la Cour devrait pouvoir retenir l'hypothèse de la force majeure
et dès lors décharger les acteurs de leur responsabilité, tout comme elle devrait pouvoir,
dans l'idéal, pouvoir prononcer la remise de tout ou partie des sanctions prononcées, débets
et autres types de sanctions202. Concernant, la compétence ratione personnae de la Cour,
celle-ci devrait nécessairement être étendue à l'ensemble des ordonnateurs, gestionnaires et
comptables. Devraient ainsi être supprimées les exemptions de compétences que
connaissent actuellement les ministres et les élus locaux. La Cour devrait avoir plénitude
de juridiction concernant les infractions qui pourraient être commises et ainsi juger de
l'ensemble des infractions que connaît actuellement le code des juridictions financières,
auxquelles de nouvelles infractions pourraient venir s'ajouter, concernant aussi bien les
comptables que les ordonnateurs et les gestionnaires.
La Cour des comptes devrait tenir compte des récentes condamnations par la Cour de
Strasbourg afin de procéder à la rénovation profonde du déroulement de la procédure. La
Cour devrait pour ce faire supprimer la règle du double arrêt afin de gagner encore plus de
temps, en respectant pour cela au cours des audiences le principe du contradictoire. Les
audiences justement devraient être publiques pour l'ensemble des acteurs. Par ailleurs, les
parties devraient être entendues après que le parquet ait formulé ses conclusions.
En outre, les autorités habilitées a saisir la Cour des comptes devraient connaître des
évolutions : en effet, si l'on admet l'idée d'un apurement administratif plus généralisé, il
faudra sans doute étendre les autorités pouvant saisir le juge des comptes en y intégrant par
201
Il est ici fait référence à la récente modification de l'article de 60 V de la loi de 1963 que nous avons
analysé précédemment.
202
Dans ce cas, ce pouvoir de remise pourrait s'analyser comme un pouvoir de tenir compte de circonstances
atténuantes. Du reste en matière procédurale, la Cour de discipline budgétaire et financière nous semblait
beaucoup plus moderne que la Cour des comptes.
95
exemple celles qui seront chargées d'effectuer cet apurement administratif des comptes des
comptables patents et des comptables de fait. Dans cette optique, on admet l'idée que le
comptable de fait remette spontanément son compte à l'autorité chargée d'effectuer
l'apurement administratif. Si tel n'est pas le cas, il revient à d'autres autorités de saisir le
juge des comptes : ces autorités pourraient être celles qui disposent de cette faculté
actuellement c'est-à-dire, la Cour elle-même203, le parquet près la Cour auxquels pourraient
venir s'adjoindre les comptables publics qui auraient été lésés du fait de l'immixtion d'une
autre personne dans ses fonctions, les collectivités et autres organismes impliqués par la
gestion de fait ou bien encore les ordonnateurs ou gestionnaires qui, de par leur action,
auraient découverts une gestion de fait.
On peut envisager de transposer le même modèle que celui que connaîtrait la Cour des
comptes aux chambres régionales et territoriales des comptes. Nous ne voyons pas de
raison de modifier la réforme selon le niveau auquel on se trouvera. En effet, s'il est
envisagé d'instituer un certain nombre de chambres interrégionales de discipline budgétaire
et financière nous ne pensons pas qu'il s'agisse là d'une solution d'avenir dans la mesure où
on se retrouverait en présence d'une séparation arbitraire entre les ordonnateurs et les
comptables. Il nous semble avoir montré à quel point cette séparation était factice. Du
coup, nous recommandons d'étendre la compétence des chambres régionales et territoriales
des comptes aux ordonnateurs et aux gestionnaires qui interviennent avec ceux des
comptables qui relèvent de la compétence de ces chambres régionales et territoriales des
comptes.
Ainsi, l'ensemble de ces réformes permettrait de voir appliquer une procédure à la fois
efficace et conforme aux attentes de la Cour de Strasbourg. Reste sans doute le plus
difficile, convaincre la Cour elle-même et le ministère des finances qu'une telle réforme de
la procédure est devenue nécessaire, tout comme il faudra les convaincre qu'il est urgent de
réformer la structure de la Cour afin de prendre davantage en compte et de manière
parfaitement distincte, ses compétences non juridictionnelles.
203
Un récent arrêt du Conseil d'État, 20 avril 2005, D'AGUESSEAU req n°261706 vient d'ailleurs confirmer
que l'auto saisine de la Cour n'est pas d'une violation du principe d'impartialité, dans la mesure où elle vient se
combiner avec d'autres dispositions qui assurent le respect de ce principe.
96
B – L'extension des compétences non juridictionnelles de la
Cour : les impacts de la loi organique relative aux lois de
finances du 1er août 2001 sur ses compétences.
Parmi celles des missions non juridictionnelles de la Cour, nous ne nous intéresserons qu'à
son rôle de rapporteur. En effet, cette mission connaîtra quelques modifications de par
l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
La Cour des comptes, dans son rôle d'assistance du Parlement, est chargée de réaliser un
certain nombre de rapports. Ainsi, elle doit réaliser un rapport sur chaque projet de loi de
règlement, lequel sera par la suite annexé au-dit projet. Au sein de ce projet, elle établit la
déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des différents comptables
et les comptes généraux de l'État. Par ailleurs, elle doit faire figurer la liste des communes
ayant bénéficié de subventions exceptionnelles ainsi que le montant de ces dernières.
La Cour des comptes est également chargée de réaliser les enquêtes qui lui sont demandées
par les commissions des finances et les commissions d'enquête de chacune des assemblées
parlementaires. Ces enquêtes doivent avoir pour objectif d'analyser la gestion des services
et organismes qui sont soumis à son contrôle, ainsi que les organismes et entreprises
publiques bénéficiant de concours financiers publics.
Depuis 1996204, la Cour des comptes doit établir un rapport portant sur l'application des lois
de financement de la sécurité sociale et présentant notamment une analyse de l'ensemble
des comptes des organismes de sécurité sociale. Parallèlement, la Cour des comptes peut
être saisie par une commission parlementaire compétente de toute question relative à
l'application de ces lois de financement de la sécurité sociale.
Parmi les missions de rapporteur les plus connues du grand public, il est incontestable que
le rapport public annuel de la Cour se situe au sommet. En effet, annuellement, « la cour
des comptes adresse au président de la République et présente au Parlement un rapport
dans lequel elle expose ses observations et dégage les enseignements qui peuvent en être
tirés205 ». Ce rapport traite des différents services et organismes contrôlés par la Cour, mais
également des collectivités publiques et autres groupements qui relèvent de la compétence
des juridictions financières d'une manière générale. Ce rapport est le plus médiatique. Il est
204
205
Et la loi organique du 22 juillet 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
Article L.136 – 1 du code des juridictions financières.
97
également celui qui dénonce, qui constate. Il est celui qui se trouve à l'origine des
problèmes d'impartialité de la Cour. C'est pour cette raison que nous recommandons que
soit instituée une chambre chargée des missions de rapporteur afin que les impartialités
structurelles ne puissent plus avoir lieu206.
Il nous faut cependant préciser que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août
2001 est venue accroître les pouvoirs de la Cour des comptes dans ses missions de
rapporteur. L'article 58 de cette loi organique vient définir quelles sont celles des missions
qui incombent à la Cour des Comptes dans son rôle d'assistance du Parlement. Tout
d'abord, la loi organique étend à la mission d'évaluation et de contrôle de chacune des
assemblées parlementaires la possibilité de demander à la Cour son aide. Par ailleurs, la loi
organique vient imposer à la Cour de rendre un rapport concernant les résultats de
l'exécution de l'exercice antérieur au moment où le projet de loi de finances est déposé sur
le bureau de l'assemblée. Cela signifie donc que les parlementaires disposeront d'un rapport
partiel sur l'exécution de la loi de finances de l'année « n » au moment où ils vont voter le
projet de loi de finances de l'année « n+1 ». Ce rapport va donc permettre aux représentants
de la nation d'avoir une meilleure approche de l'exécution budgétaire. En outre, la loi
organique étend l'obligation de présenter un rapport à l'ensemble des lois de finances
qu'elles soient rectificatives ou de règlement. Enfin, et c'est sans doute la la mission la plus
innovante pour la Cour des Comptes, la loi organique lui impose de certifier la régularité,
la sincérité et la fidélité des comptes de l'État, et ce, en annexant cette certification au
projet de loi de règlement. Cependant, la Cour des comptes a anticipé la mise en oeuvre de
la loi organique et l'on peut constater que depuis son rapport sur l'exécution des lois de
finances pour 2000, elle a joint de nouveaux développements concernant les différents
résultats financiers de l'État, en réalisant des approches spécifiques et synthétiques sur la
gestion budgétaire des ministères et les méthodes et outils du contrôle de gestion utilisés
par les services. On peut donc dire que la Cour des comptes s'est préparée à la certification
des comptes de l'État en intégrant déjà dans son rapport sur l'exécution des lois de finances
celles des remarques qu'elle sera amenée à faire pour sa mission de certification des
comptes de l'État.
206
On peut par exemple envisager des mécanismes qui empêchent qu'une personne qui était préalablement
membre de la chambre du rapport ne puisse intégrer une des chambres juridictionnelles.
98
Cette dernière mission de certification des comptes de l'État montre bien la philosophie
générale de la réforme. En effet, certifier les comptes de l'État est une grande nouveauté en
comptabilité publique. En revanche, dans le système privé, il s'agit d'un principe
traditionnel. Par conséquent, on le voit parfaitement avec cette nouvelle mission, la
philosophie de la loi organique relative aux lois de finances est donc de rapprocher les
principes de la comptabilité publique et ceux de la comptabilité des entreprises.
On se rend bien compte que les évolutions que nous sollicitons dans ce dernier chapitre
sont importantes. Il nous semble cependant que ces évolutions sont évidemment liées et
indispensablement liées au succès de la réforme de 2001. Par conséquent, il faut sans doute
que l'ensemble des acteurs (ministères, ordonnateurs, gestionnaires, comptables,
juridictions financières...) admettent de faire quelques concessions et s'empressent de
mettre en oeuvre celles des réformes qui sont indispensables à la réussite de la loi
organique de 2001. Réforme des responsabilités des ordonnateurs, des gestionnaires et des
comptables, modification du fonctionnement des juridictions financières, absorption par la
Cour des comptes de la Cour de discipline budgétaire et financière, rénovation des
procédures de jugement des acteurs... autant de réformes ambitieuses sur lesquelles il nous
faudra compter si l'on veut être absolument satisfait de la réforme fondamentale de 2001.
99
Conclusion générale
Alors que nous assistions à la deuxième université de printemps de finances publiques
organisée par le Groupement européen de recherches en finances publiques, un intervenant,
quelque peu ironique, affirma qu'un sénateur en fonction avait coutume de dire, en
substance, que si c'est un progrès207, ça ne passera pas !!! Il nous semble que cette
affirmation révèle bien à quel point il est difficile de faire évoluer les choses, quand bien
même elles seraient infimes. Alors il est vrai que l'on a basé beaucoup d'espoirs sur la
réforme des responsabilités des juridictions financières, mais devons-nous pour autant
imaginer que de telles réformes passeront aussi simplement et aussi rapidement qu'il le
faudrait, nous n'en sommes malheureusement pas convaincus.208
Cependant, en rappellera rapidement que si la réforme des responsabilités des ordonnateurs
et des comptables n'est pas engagée rapidement, tout comme si la réforme des juridictions
financières n'est pas entamée, la mise en oeuvre de la loi organique de 2001 s'en trouvera
particulièrement affaiblie. En effet, comment envisager que l'on puisse mettre en oeuvre la
loi organique en accroissant donc les pouvoirs des ordonnateurs et des gestionnaires, et
partant leurs libertés, tout en maintenant un système qui a fait montre de ses lacunes et qui,
finalement, à part la répression pénale, ne trouve pas de satisfactions réelles. En outre,
comment envisager que cette réforme puisse être mise en oeuvre sans une révision de la
responsabilité des comptables ? Si tel n'est pas le cas, le juge des comptes aura deux
possibilités : soit il condamnera les comptables pour ne pas avoir présenté l'ensemble des
pièces justificatives relatives aux opérations contenues dans le compte209 ; soit il
considérera que la loi du 23 février 1963 et le décret du 29 décembre 1962 sont tacitement
abrogés par la loi organique et dans ce cas, il ne disposera plus de sa compétence pour
207
Le progrès ici en cause pourrait être la réforme des responsabilités et celle des juridictions financières.
On peut cependant espérer une telle « conjoncture astrale » dans la mesure où celle-ci est déjà intervenue
pour la mise en oeuvre de la réforme de la « constitution financière ». Ce qui est arrivé une fois pourrait très
bien intervenir une seconde fois.
209
Et dans ce cas, toute la philosophie de la loi organique concernant la rénovation de la comptabilité
tombera à l'eau.
208
100
juger les comptables, et on se retrouvera alors dans une forme d'imbroglio juridique quasi
inextricable.
Par ailleurs, si les juridictions financières ne connaissent pas de réformes de fond, on
connaîtra de très grandes difficultés pour appliquer, en pratique, la loi organique dans la
mesure où la séparation des ordonnateurs et des comptables va être particulièrement floue
et où il sera délicat de distinguer le domaine de compétences appartenant aux gestionnaires
de celui appartenant aux comptables. La conséquence est qu'une partie du contentieux
relèverait de la Cour de discipline budgétaire et financière210 tandis que l'autre relèverait de
la chambre régionale et territoriale des comptes ou de la Cour des comptes. Là encore on
comprend le système n'est pas viable.
Enfin, la mise en oeuvre de la réforme des responsabilités et des juridictions financières va
devenir, en fait, inévitable si l'on veut que notre droit public financier connaisse un
renouveau. Il faudra par ailleurs étendre ce système des nouvelles responsabilités à
l'ensemble des acteurs de quelque niveau que ce soit, c'est-à-dire de l'État, de ses
établissements publics, des administrations déconcentrées, mais également des collectivités
locales et de leurs groupements. En effet, comment imaginer un instant que certains
ordonnateurs puissent être régis par un système plus moderne et plus efficace et que les
comptables puissent être régis par des dispositions différentes selon les collectivités qu'ils
représentent, alors même que certains comptables pourront tantôt représenter une
collectivité locale, personne publique autonome issue de la décentralisation, et tantôt
représenter une circonscription administrative identique à la collectivité locale quant à sa
forme, et seulement différente quant aux compétences. On comprend donc facilement que
la réforme des responsabilités devra être généralisée à l'ensemble des acteurs.
En outre, on ne peut pas envisager de généraliser l'unification des compétences ratione
personnae de la juridiction financière étatique, si l'on ne procède pas à une réforme
analogue au niveau local. Il convient donc également d'appliquer la réforme des
juridictions financières au niveau local et donc, de permettre aux chambres régionales et
territoriales des comptes de connaître de la responsabilité des ordonnateurs et des
gestionnaires, en plus de leurs compétences sur les comptables.
210
Ou des fameuses Chambres Interrégionales de discipline budgétaire et financière.
101
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Administratif, 2001, n°6, pp.1299 et suivantes.
SEBAN (A) : Conclusions sous Conseil d'Etat, Assemblée, 14 décembre 2001,
Société Réflexions, Médiations, Ripostes, in Revue Française de Droit
Administratif, 2002, n°6, pp.1143 et suivantes.
SERMET (L) : Juge des comptes et article 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme : vers une juridictionnalisation accrue ?, in Revue Française de
Droit Administratif, 2003, n°1, pp.109 et suivantes.
SURREL (H) : Le jugement des comptes des comptables de fait à l'épreuve des
exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, in Revue
Française de Droit Administratif, 2002, n°1, pp.105 et suivantes.
107
IV – Thèses et mémoires
FRULEUX (S) : La prise en compte des principes issus de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
par les juridictions financières françaises, Mémoire de Master Lille II, 2004.
MARICOURT (O) : Contribution à l'étude des contrôles de l'exécution des budgets
au Royaume-uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Thèse Lille II, 2004.
PIERUCCI (C), Une responsabilité à raison de la gestion publique : la
responsabilité devant la Cour de discipline budgétaire et financière, Thèse
Strasbourg III, 2003.
V – Colloques
Finances publiques et responsabilités, l'autre réforme. Colloque organisé par la
Cour des comptes au Conseil économique et social, les 5 et 6 avril 2005. Actes à
paraître.
Deuxième université de printemps de finances publiques organisé par le
Groupement Européen de Recherches en Finances publiques, les 30 et 31 mai
2005. Actes à paraître.
VI – Multimédias et Internet
www.legifrance.gouv.fr
www.ccomptes.fr
www.conseil-constitutionnel.fr
108
www.minefi.gouv.fr
https://mioga.minefi.gouv.fr/drb/home/Extralolf/Accueil.htm
Emission « Le bien commun » d'Antoine GARAPON (France culture, samedi 11h)
: spécial Loi organique relative aux lois de finances. Invité : Michel BOUVIER
109
Table des matières
Introduction générale .....................................................................................5
Première partie : Les incompatibilités du régime des responsabilités
actuelles avec la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de
finances du 1er août 2001............................................................................... 8
Chapitre 1 – Les responsabilités traditionnelles en droit public financier : les
insuffisances et les défaillances d'un système ancien.......................................................10
Section 1 : L'illusoire responsabilité des ordonnateurs................................................ 10
Paragraphe 1 – Les ordonnateurs et les sanctions de droit commun........................ 11
A – L'inapplicabilité des sanctions civiles............................................................11
B – L'inadéquation de la responsabilité pénale appliquée aux ordonnateurs...... 13
Paragraphe 2 – Les responsabilités des ordonnateurs à raison de leurs fonctions
administratives ou politiques....................................................................................16
A – Les sanctions politiques applicables aux ordonnateurs................................. 16
1 – La responsabilité politique des ministres, ordonnateurs principaux de
l'Etat..................................................................................................................16
2 – La responsabilité politique des autres ordonnateurs...................................17
B – La responsabilité disciplinaire encourue par les ordonnateurs...................... 19
Paragraphe 3 – Les responsabilités financières encourues par les ordonnateurs......20
A – La responsabilité des ordonnateurs devant la Cour de discipline budgétaire et
financière.............................................................................................................. 20
B – Les ordonnateurs, des justiciables d'exception de la cour des comptes ou des
chambres régionales ou territoriales des comptes................................................ 22
Section 2 – Une responsabilité des comptables publics insatisfaisante....................... 23
Paragraphe 1 – La faible effectivité des condamnations des comptables publics.... 24
A – Le juge des comptes « juge le compte et non le comptable »........................24
1 – La consécration du principe........................................................................25
2 – Les tempéraments au principe.................................................................... 26
B – La compétence concurrentielle du ministre de l'économie et des finances....29
Paragraphe 2 – La reconnaissance progressive de l'applicabilité de l'article 6
paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.. 31
A – La reconnaissance des principes issus de la Convention par les juridictions
internes................................................................................................................. 32
B – La généralisation de l'application de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme................................................ 34
Chapitre 2 – Les mutations récentes de l'exécution budgétaire suite à la mise en oeuvre
de la loi organique relative aux lois de finances...............................................................36
110
Section 1 – La remise en cause de la séparation des ordonnateurs et des comptables.....
37
Paragraphe 1 – La rénovation des règles de la comptabilité publique..................... 37
Paragraphe 2 – La nécessaire remise en cause de la séparation traditionnelle des
ordonnnateurs et des comptables..............................................................................40
A – L'évolution de la fonction comptable............................................................ 40
B – La remise en cause du principe traditionnel de la séparation des ordonnateurs
et des comptables..................................................................................................42
Section 2 –L'intervention de nouveaux acteurs dans le système financier...................45
Paragraphe 1 – Les missions et les programmes : le renouveau de l'action
gouvernementale.......................................................................................................46
A – Les missions et les programmes.................................................................... 46
1 – Les missions............................................................................................... 46
2 – Les programmes......................................................................................... 47
B – L'apparition de personnes responsables......................................................... 48
Paragraphe 2 – Les niveaux subalternes : les budgets opérationnels de programmes
et les unités d'exécution............................................................................................50
Seconde partie – Les nécessaires évolutions des acteurs de l'exécution
budgétaire...................................................................................................... 54
Chapitre 1 – Les nécessaires adaptations concernant les responsabilités des agents
d'exécution du budget.......................................................................................................56
Section 1 – L'émergence d'une responsabilité de type managérial aux acteurs « de la
nouvelle génération »....................................................................................................57
Paragraphe 1 – Les contours de la responsabilité managériale................................ 57
Paragraphe 2 – Les modalités de la mise en oeuvre de la responsabilité managériale.
.................................................................................................................................. 58
A – Devant quelle autorité les gestionnaires devront-ils rendre compte de leurs
actions ?................................................................................................................59
B – De quoi les responsables devront-ils rendre compte ?...................................60
1 – Les responsables devront rendre compte de la bonne gestion financière de
leurs services.................................................................................................... 61
2 – L'exigence d'un compte rendu fiable et honnête.........................................61
C – Les conséquences du compte rendu pour le gestionnaire.............................. 62
Section 2 – La rénovation d'autres formes de responsabilités à l'encontre des
gestionnaires et des autres ordonnateurs...................................................................... 64
Paragraphe 1 – La nécessité de contrecarrer le risque d'un accroissement de la
pénalisation par le développement d'autres formes de responsabilité...................... 64
Paragraphe 2 – La nécessité de développer les responsabilités politiques et
financières à l'encontre des ordonnateurs................................................................. 66
Section 3 – La refonte des responsabilités théoriques classiques des comptables
publics.......................................................................................................................... 69
Paragraphe 1 – Quelles évolutions de responsabilités pour les comptables publics ?.
70
Paragraphe 2 – Le devenir de la remise gracieuse et de la décharge de
responsabilité. ..........................................................................................................73
111
Chapitre 2 – Vers la refonte des socles des contentieux financiers..................................77
Section 1 – L'inévitable modification des textes fondateurs du droit public financier....
77
Paragraphe 1 – La réforme du règlement général sur la comptabilité publique....... 78
Paragraphe 2 – La réforme de l'article 60 de la loi de finances rectificatives du 23
février 1963.............................................................................................................. 81
Paragraphe 3 – Les évolutions prochaines du code des juridictions financières......86
Section 2 – Quelles évolutions pour les juridictions financières ?...............................90
Paragraphe 1 – La cour de discipline budgétaire et financière : agonie ou
renaissance ?.............................................................................................................90
Paragraphe 2 : Quelles évolutions pour la juridiction des comptes bientôt
bicentenaire ?............................................................................................................92
A – L'adaptation des compétences juridictionnelles de la Cour des comptes et des
chambres régionales et territoriales des comptes................................................. 93
B – L'extension des compétences non juridictionnelles de la Cour : les impacts de
la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 sur ses
compétences......................................................................................................... 97
Conclusion générale.................................................................................... 100
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................... 102
I – Ouvrages généraux....................................................................................................102
II – Ouvrages spécialisés................................................................................................ 103
III – Articles divers, commentaires de jurisprudences, chroniques................................104
IV – Thèses et mémoires................................................................................................ 108
V – Colloques ................................................................................................................108
VI – Multimédias et Internet.......................................................................................... 108
112
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