Lille 2, université du droit et de la santé Ecole doctorale n° 74 Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES DU 1er AOÛT 2001 ET LA QUESTION DE LA RESPONSABILITE DES ACTEURS Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l’obtention du master droit recherche par Matthieu LEFRANC Mémoire rédigé sous la direction de Monsieur le Professeur Michel LASCOMBE 2004 – 2005 Mémoire publié après autorisation du jury sur http://edoctorale74.univ-lille2.fr Sommaire Introduction générale .....................................................................................5 Première partie : Les incompatibilités du régime des responsabilités actuelles avec la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001............................................................................... 8 Seconde partie – Les nécessaires évolutions des acteurs de l'exécution budgétaire...................................................................................................... 54 Conclusion générale.................................................................................... 100 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................... 102 2 Je remercie tout particulièrement Monsieur le Professeur Michel LASCOMBE, mon directeur de mémoire pour m'avoir conseillé et orienté dans mes recherches. Je le remercie également de sa disponibilité. J'en profite également pour remercier les membres du Groupe d'Etudes et de Recherche sur l'Administration Publique / Groupe de Recherches et d'Etudes sur l'Ethique Financière dirigé par Monsieur le Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE, pour leur accueil au sein de ce laboratoire. Un merci particulier à Madame Agnès PAKOSZ pour son accueil au Centre de Droit Public et à Messieurs Damien CATTEAU et Christophe PARENT pour leurs précieux conseils. A Maïa, mon épouse sans qui rien n'aurait été possible ; à mes parents qui m'ont permis de trouver ma voie... 3 La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. 4 Introduction générale « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration1 ». Cette disposition constitutionnelle2 constitue la base de notre droit public financier3 moderne. De manière traditionnelle, il est possible d'effectuer un découpage quelque peu artificiel du droit budgétaire en fonction du moment où l'on se trouve par rapport au vote du budget. On distingue ainsi la phase de préparation du budget, la phase de discussion, la phase de vote, la phase d'exécution, la phase de contrôle de son exécution et la phase de clôture. La première de ces phases, celle de préparation, revient principalement à l'administration des différents ministères et services ; la phase de discussion est celle qui a lieu devant les parlementaires, et qui se conclut, normalement, par le vote du budget ; la phase d'exécution concerne principalement les ordonnateurs et les comptables qui se verront confier les moyens mis à leur disposition pour mettre en oeuvre les politiques publiques ; la phase de contrôle est celle qui revient à la fois aux comptables, dans la mesure où ils contrôlent les agissements de l'ordonnateur, mais surtout au « juge4 » des comptes ; enfin, la phase de 1 Article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Le conseil constitutionnel, dans sa décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971 relatif à la liberté d'association, a consacré valeur constitutionnelle au préambule de la constitution de 1958. Or, ce préambule fait référence au préambule de la constitution du 27 octobre 1946, ainsi qu'à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Par ailleurs, la valeur constitutionnelle de cette déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été confirmée par la décision n°73-51 du 27 décembre 1973, dite taxation d'office. 3 Cette expression droit public financier nous semble plus appropriée que l'expression droit des finances publiques qui a longtemps été retenue. En effet, le concept de droit public financier est plus large et permet de regrouper à la fois les dispositions de droit budgétaire et de droit comptable de l'État et des collectivités territoriales, ainsi que le droit des finances sociales, des finances internationales... 4 Le recours au vocable « juge » n'est pas le plus juste dans la mesure où il peut exister des cas dans lesquels le contrôle de l'exécution n'est pas réalisé directement par le juge, mais par voie administrative ; le juge 2 5 clôture du budget se traduit par le vote de la loi de règlement définitif du budget, mais force est de constater qu'il est actuellement un moment quasi inexistant d'un point de vue de l'implication des parlementaires, dans la mesure où ce vote de la loi de règlement définitif du budget est souvent réalisé en quelques minutes seulement, alors que la discussion et le vote du budget prennent ensemble environ deux mois. Le droit public financier contemporain a connu plusieurs évolutions sous la Ve république. Tout d'abord, l'ordonnance portant loi organique5 du 2 janvier 1959 est venue consacrer le rôle prééminent du gouvernement en matière budgétaire. Par la suite, le décret du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique est venu définir celle des compétences de chacun des deux acteurs principaux de l'exécution budgétaire que sont les ordonnateurs et les comptables. Ce décret, n'ayant pas totalement précisé celles des responsabilités qui peuvent être appliquées aux comptables, la loi de finances rectificatives pour 1963, du 23 février 1963, et plus particulièrement son article 60 a procédé à la définition, assez précise, des règles qui étaient applicables en cas d'engagement de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires de fait. Plus récemment, l'ordonnance du 2 janvier 1959 a connu une profonde réforme d'origine parlementaire ayant fait l'objet d'un consensus entre les députés et sénateurs6. De ce fait, cette réforme ne peut pas avoir la prétention d'être parfaite. Cependant elle est un progrès considérable par rapport à l'ordonnance de 1959. Elle rénove la plupart des mécanismes de droit budgétaire et de droit comptable jusqu'alors applicables. Malheureusement, cette réforme ne s'attaque pas en elle-même à l'ensemble des problèmes fondamentaux, parmi lesquels figurent les insatisfactions relatives aux régimes de responsabilités des agents de l'exécution. Et pourtant, cette réforme aurait été nécessaire afin de mettre plus de cohérence dans la phase d'exécution budgétaire et dans les contrôles qui en découlent, d'autant que l'absence d'une telle réforme rend la situation existant actuellement parfaitement inapplicable sous l'empire de la loi organique de 2001. Il nous faudra donc démontrer quelles sont les incompatibilités qui existent entre les systèmes de responsabilités actuelles des acteurs de l'exécution et la loi organique du 1er août 2001 (première partie). On ne peut cependant pas se contenter de n'intervenant qu'en second lieu. 5 Cette ordonnance a été prise par l'ancien article 92 de la constitution qui permettait au président de la république, pendant la période de mise en place des institutions, de prendre par ordonnance l'ensemble des dispositions nécessaires au fonctionnement de l'État. 6 Pour un aperçu de ce consensus et des différentes dispositions de la loi organique en cause, voir notamment CAMBY (J-P) dir, La réforme du budget de l'Etat : La loi organique relative aux lois de finances, 2ème éd. 2004, LGDJ, Collection Sytèmes, 395 p. 6 dresser un constat d'échec. Il importe d'apporter quelques idées, quelques pistes de réflexion pour tenter de remédier à ces difficultés. Nous tâcherons donc de venir préciser quelques-unes des modalités permettant de redéfinir le rôle et la responsabilité des acteurs de l'exécution budgétaire (seconde partie). 7 PREMIÈRE PARTIE : LES INCOMPATIBILITÉS DU RÉGIME DES RESPONSABILITÉS ACTUELLES AVEC LA MISE EN OEUVRE DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES DU 1ER AOÛT 2001. Il est un principe séculaire dans notre droit public financier que celui de la séparation des fonctions d'ordonnateur et de comptable7. Rappelons à titre liminaire que ce principe suppose notamment que la personne qui décide d'engager une dépense ou de recouvrer une recette ne peut pas être la même que celle qui procède à l'encaissement ou au décaissement des deniers. La première personne se voit confier la phase dite administrative de la dépense ou de la recette publique tandis que la seconde est chargée de la phase dite comptable. La phase administrative est confiée à un administrateur auquel il a été reconnu la qualité d'ordonnateur, alors que la seconde phase est confiée à un corps de fonctionnaires spécialisés que constituent les comptables publics. Ainsi, il n'existe que des fonctions d'ordonnateurs, qui sont l'accessoire de certaines fonctions administratives, mais en revanche il existe une véritable profession de comptable public. Cette répartition des compétences entre ces deux organes a pour origine la volonté de mettre fin aux détournements de fonds que commirent pendant longtemps certains agents publics. Aujourd'hui une telle séparation trouve plutôt son fondement dans la nécessité de diviser et donc de spécialiser la procédure de dépense ou de recouvrement des recettes. 7 Déjà l'ordonnance royale du 14 septrembre 1822 proclamait l'incompatibilité des fonctions d'ordonnateur et de comptable. Ce principe fut par la suite sytématiquement repris dans les textes utlérieurs et est aujourd'hui consacré à l'article 20 du décret du 29 décembre 1962. 8 Sans anticiper sur la suite de nos développements, il convient toutefois de faire une observation. Une telle scission ne peut être parfaite. Aussi peut-il arriver que des immixions dans l'une ou l'autre des activités ait lieu. Dans ce cas, des sanctions existent. Cependant, ces sanctions, comme celles qui existent d'une manière générale à l'encontre des ordonnateurs et des comptables font apparaître un certain nombre de lacunes et de défauts. Nous tacherons de montrer brièvement quelles sont ces insatisfactions (Chapitre 1). Il faut également rappeler que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a procédé à l'abrogation et à la réforme profonde de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 et a revu d'une part les modes d'informations du Parlement en matière budgétaire, ce qui a entrainé d'autre part, une réorganisation très importante des modes de gestion de l'Etat. Ce second volet de la réforme a pour corrolaire la redéfinition de la structure des administrations de l'Etat, qui va notamment se traduire par l'apparition de nouvelles autorités. Ces nouvelles autorités, nous le verrons, ne pourront pas se voir appliquer les règles existantes en matière de responsabilités. Par ailleurs, cette réforme va également se traduire par une réadaptation des comptabilités de l'Etat, tant au niveau central qu'au niveau déconcentré. On va désormais être confronté à une triple comptabilité sur laquelle nous reviendrons ultérieurement, mais qui va aussi modifier le rôle du comptable. L'ensemble de ces modifications nous permettra de constater que la séparation classique des ordonnateurs et des comptables devra nécessairement connaître une atténuation voire une remise en cause (Chapitre 2) 9 Chapitre 1 – Les responsabilités traditionnelles en droit public financier : les insuffisances et les défaillances d'un système ancien. Le droit public financier français connaît deux acteurs principaux en matière d'exécution budgétaire : l'ordonnateur et le comptable. Tous deux disposent de compétences qui leur sont propres et dès lors que l'on rappelle l'existence de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui prévoit que « la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », on est en droit de s'attendre à une sanction en cas de comportement ou d'agissement irrégulier. Il paraît d'autant plus important de prévoir l'existence de sanctions à l'encontre des ordonnateurs et des comptables qu'ils se trouvent au coeur de la gestion des deniers publics. Il faut malheureusement constater que les sanctions prévues à l'encontre de ces deux catégories d'agents – et l'on nous pardonnera d'utiliser un tel euphémisme – ne sont pas totalement satisfaisantes et on peut même aller plus loin en affirmant que les sanctions qui existent contre les ordonnateurs sont quasiment illusoires. Nous nous attacherons donc à rappeler ici les mécanismes existants – au moins en théorie – à l'encontre des ordonnateurs fautifs (Section 1) avant que de nous interroger sur l'applicabilité de la responsabilité des comptables (Section 2). Section 1 : L'illusoire responsabilité des ordonnateurs. Les ordonnateurs sont des administrateurs ayant qualité pour émettre des ordres de dépenses ou de recettes8. On peut distinguer les ordonnateurs principaux des ordonnateurs secondaires. Les premiers sont ceux qui reçoivent directement les autorisations budgétaires, c'est-à-dire les ministres, les directeurs de services dotés d'un budget annexe, 8 SAIDJ (L.), Ordonnateurs publics in Dictionnaire encyclopédique de finances publiques. Economica, 1991, 1647 p., pp 1107 et s. 10 les maires, les présidents de conseil général ou de conseil régional, les présidents de groupements ou bien encore les exécutifs d'établissements publics. Les ordonnateurs secondaires sont ceux qui reçoivent les autorisations budgétaires par l'intermédiaire d'un ordonnateur principal leur ayant accordé une délégation de pouvoir. Il s'agit notamment des préfets et des présidents d'universités. Bien sûr, ces ordonnateurs – principaux et secondaires – peuvent désigner d'autres administrateurs pour les représenter grâce à une délégation de signature. On dit alors que ce sont des ordonnateurs délégués. Les fonctions d'ordonnateurs sont particulières : elles impliquent un pouvoir financier. A ce pouvoir doivent pouvoir s'appliquer des sanctions de même nature, c'est-à-dire des sanctions financières (Paragraphe 3). Si on examine les administrateurs ayant qualité d'ordonnateur, on se rend compte que certains occupent des fonctions électives, ce qui leur confie un statut quelque peu particulier. À défaut d'un mandat électif, les ordonnateurs sont tous des membres de l'administration soit locale soit centrale. Cette appartenance au milieu électif ou à l'administration laisse la possibilité d'envisager des sanctions politiques ou disciplinaires (Paragraphe 2). Au delà de ces sanctions, les ordonnateurs s'ils sont aussi des administrateurs, n'en demeurent pas moins des citoyens, ce qui permet avant tout de leur appliquer les sanctions de droit commun (Paragraphe 1). Paragraphe 1 – Les ordonnateurs et les sanctions de droit commun. A – L'inapplicabilité des sanctions civiles. Jusqu'en 1951, les ordonnateurs secondaires se voyaient appliquer le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire des fonctionnaires ne pouvait être engagée envers l'État du fait des fautes commises par eux dans l'exercice de leurs fonctions. Mais dans un arrêt d'assemblée rendu par le Conseil d'État, le 28 juillet 19519, le juge a mis fin à cette théorie en « considérant que si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas pécuniairement responsables envers lesdites collectivités publiques des conséquences dommageables de leurs fautes de services, il ne saurait en être ainsi quand le préjudice 9 Conseil d'État, assemblée, 28 juillet 1951, LARUELLE, Rec.464 11 qu'ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de l'exercice de leurs fonctions. » Désormais donc, les ordonnateurs secondaires peuvent être appelés à réparer le préjudice que leurs fautes personnelles ont causé à l'État. La procédure à suivre est celle qui était prévue, déjà, par la loi du 13 avril 1898 et on en trouve trace désormais dans l'article 7 du décret du 29 décembre 1962 qui dispose que « les ordonnateurs sont responsables des certifications qu'ils délivrent ». Ainsi, il incombe aux supérieurs des fonctionnaires fautifs de sanctionner cette responsabilité par l'émission d'ordres de reversement. Toutefois, dans les faits, cette responsabilité pécuniaire ou civile des ordonnateurs fautifs n'intervient que de manière exceptionnelle dans la mesure où il existe une disproportion considérable entre le montant des crédits engagés irrégulièrement et le patrimoine personnel des intéressés. Par ailleurs, de manière traditionnelle, le principe de la responsabilité civile des ministres envers l'État a été proclamé à plusieurs reprises. Par exemple, le Sénatus consulte du 28 floréal an XII, ou bien la loi du 24 mai 1938 prévoyaient cette responsabilité civile des ministres envers l'État. Par ailleurs, pendant longtemps, jusqu'en 1959, chaque loi de budget10 rappelaient que l'exécution de cette loi s'effectuait sous la responsabilité du ministre, ordonnateur, et sous la responsabilité du ministre des finances. Aujourd'hui c'est l'article 9 du décret du 29 décembre 1962 qui prévoit le principe en posant que « les ministres, ordonnateurs principaux de l'État, encourent, à raison de l'exercice de leurs attributions, les responsabilités que prévoit la constitution. » Or sur la question la Constitution est silencieuse et c'est pour cette raison que d'autres mécanismes doivent être soulignés. Cependant, comme souvent, l'écart entre la théorie et la pratique est très important et les ministres qui effectuent les dépenses au-delà des crédits budgétaires obtiennent assez facilement de la part des assemblées parlementaires, le vote des crédits supplémentaires qui permettent de régulariser les opérations réalisées. En outre, la loi du 13 avril 1898 que l'on mentionnait précédemment, prévoyait que le ministre compétent devait émettre un état de recouvrement ayant un caractère exécutoire, lequel enjoignait au débiteur de l'État, c'est-à-dire au ministre ayant réalisé l'opération illégale, de verser à l'État une somme déterminée. Le seul moyen pour l'ordonnateur, mis 10 Jusqu'en 1959, on parlait en effet de loi de budget C'est à partir de 1959 que l'appellation loi de finances a trouvé place. 12 en demeure de payer, de refuser de verser cette somme, était de contester la dette devant la juridiction administrative. Mais on le comprend assez facilement, ce procédé pouvait être interprété comme une forme de vengeance politique et n'avait pour cette raison aucune chance d'aboutir. De plus, et l'on retrouve la même situation que celle que pourraient connaître les ordonnateurs secondaires, la disproportion considérable qui existe entre les deniers ouverts et le patrimoine réel des ministres entraîne une inapplicabilité et partant, . une inapplication des sanctions civiles. B – L'inadéquation de la responsabilité pénale appliquée aux ordonnateurs. L'article L.111-3 du code pénal dispose que « nul ne peut être puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ». Il s'agit du principe classique en droit français de la légalité des délits et des peines. Cela signifie donc que pour pouvoir faire l'objet d'une sanction pénale, l'ordonnateur doit avoir commis une infraction pénalement répréhensible. Le code pénal sanctionne les manquements au devoir de probité. En effet, les articles L.432-10 et suivants du code pénal définissent un certain nombre d'infractions pouvant être commises par des agents publics. Parmi ces infractions, on peut citer la concussion, la corruption passive, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêts, les atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, la soustraction ou le détournement de bien. Les peines ainsi encourues pour chacun de ces délits sont lourdes et peuvent atteindre 150 000 € d'amende et 10 ans d'emprisonnement. Par ailleurs, la responsabilité pénale de tous les ordonnateurs n'est pas identique. En effet, les ordonnateurs locaux encourent beaucoup plus aisément le risque de voir leur responsabilité pénale entamée. Il n'y a qu'à rappler que les ordonnateurs locaux dépendent des juridictions répressives de droit commun alors que les ministres ordonnateurs principaux de l'Etat sont quant à eux justiciables de la Cour de justice de la République. La responsabilité pénale des ministres est ancienne. Une loi du 10 août 1922 punit des peines de forfaiture, c'est-à-dire essentiellement de la dégradation civique, les membres du 13 gouvernement et les fonctionnaires qui auraient engagé des dépenses supérieures aux crédits. Toutefois, jusqu'alors, cette procédure n'a jamais été mise en oeuvre. La procédure devant la Cour de justice de la République est particulière et est relativement protectrice à l'égard des ministres11. La Cour de justice de la République, apparaît comme une juridiction spécialisée composée de parlementaires et de magistrats de la Cour de Cassation. La saisine est ouverte à tout justiciable qui se prétend victime du comportement d'un ministre. Les plaintes individuelles sont étudiées quant à la recevabilité par une commission des requêtes composées de membres de la Cour de Cassation, du Conseil d'État et la Cour des Comptes. Si cette commission des requêtes estime cette requête recevable, alors elle saisira le procureur général près la Cour de cassation, qui tiendra le rôle du parquet près la Cour de justice de la République. Dès lors, ce magistrat procédera à l'instruction du dossier et, le cas échéant, saisira la Cour. La Cour de justice de la République est compétente pour connaître des actes commis par les membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, et qui sont qualifiés de crimes ou délits au moment des faits. Ces actes doivent être commis par un ministre en cette qualité, c'est-à-dire que ne sont justiciables devant la Cour que les actes commis par le ministre en tant que ministre, dès lors qu'ils constituent une infraction pénale, qu'elle soit intentionnelle ou non. Ceci permet de constater que la procédure tend à se rapprocher de la procédure de droit commun qui existe devant les juridictions répressives bien que le filtrage des requêtes s'effectue à deux niveaux :au niveau de la commission des requêtes d'une part et au niveau du procureur général près la Cour d'autre part, ce qui entraîne nécessairement la disparition d'un nombre important de requêtes12. Il nous faut, sans pour autant nous étendre sur le sujet, dresser quelque constat concernant la Cour de justice de la République et la responsabilité pénale des ministres d'une manière 11 Cette protection était encore plus grande avant la réforme constitutionnelle du 27 juillet 1993 ayant modifié le titre X de la constitution. Avant 1993, la Haute Cour de Justice était la « juridiction » compétente pour juger les membres du gouvernement des crimes et délits qu'ils avaient pu commettre. Cette Haute Cour de justice était l'expression d'une justice politique, dans la mesure où elle n'était pas véritablement une juridiction. Effectivement elle était composée de parlementaires et la saisine ne pouvait pas être faite par des individus. La saisine ne se faisait en effet que par les assemblées parlementaires qui devaient adopter une résolution à la majorité absolue de chacune de ses membres. Elles devaient ensuite tomber d'accord sur la nature des faits reprochés et sur la désignation des parlementaires qui siégeraient. 12 À ce jour,de nombreuses requêtes sont en attente de décision quant à leur avenir. Le fonctionnement de la Cour de justice de la République n'est pas ce que l'on pourrait appeler un modèle du genre. 14 plus générale. En effet, à ce jour, trois affaires ont été jugées par cette Cour13. Cela nous rassure quant au fait que cette juridiction puisse fonctionner, mais cependant on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la qualité de son fonctionnement14. Mais cela n'est pas une spécificité de l'époque puisque la responsabilité pénale des ministres a de toujours été très peu efficace15. Il ne s'agit nullement pour nous de dénoncer ce phénomène tant il nous apparaît que la responsabilité pénale doit rester, a fortiori lorsqu'elle touche les hommes d'Etat, un fait d'exception. Pourtant il nous semble qu'il pourrait y avoir un intermédiaire entre la pénalisation à outrance que connaît actuellement notre société et la quasi-impunité actuelle des ministres. On le comprend aisément, le système de la Cour de justice de la République laisse une impression d'insatisfaction importante. C'est d'ailleurs pour cette raison que de nombreux travaux sont intervenus concernant sur ce thème16. Pour élargir encore notre propos et nous intéresser désormais à l'ensemble des ordonnateurs ayant une fonction politique, on peut également s'interroger sur la question de savoir si on ne serait pas en train d'assister à une « banalisation de la responsabilité pénale17 ». N'aurait-on pas tendance à substituer la responsabilité pénale à la responsabilité politique ? En effet, la responsabilité politique n'ayant que peu de répercussions pratiques18, la responsabilité pénale semble la voie la plus immédiate, la plus rapide et la plus à même de remplir la fonction de vengeance à laquelle la société contemporaine semble si attachée. Contrairement à la responsabilité civile, la responsabilité pénale est, au moins pour les ordonnateurs locaux, une responsabilité réelle, mais elle ne semble cependant pas adaptée à la matière financière puisque exception faite des infractions intentionnelles prévues par la loi19, il semble peu opportun d'entamer des poursuites pénales en cas d'agissements imprudents ou négligents dans le champ financier. 13 CJR, 09 mars 1999, Madame Georgina DUFFOIX, Messieurs Laurent FABIUS et Edmond HERVE ; CJR, 16 mai 2000, Madame Ségolène ROYAL ; CJR, Juillet 2004, Michel GILLIBERT. 14 En avril 2005, trois plaintes contre des ministres de la santé ont été classées. 15 Les ministres devant la justice, Etude collective organisée par l'association française pour l'histoire de la justice, Actes Sud / AFHJ, 1997, 270p. 16 On peut par exemple citer le colloque tenu à Paris le 4 mai 1999, dont les actes ont été publiés : La Cour de justice de la République et après ? Les cahiers constitutionnels de Paris I, sous la direction de Didier MAUS et Bertrand MATHIEU, La documentation française, 2000, 80 p. 17 Olivier BEAUD, Le traitement constitutionnel de l'affaire du sang contaminé : Reflexions critiques sur la criminalisation de la responsabilité des ministres et sur la criminalisation du droit constitutionnel, Revue du droit public, n°1/2 – 2002, pp 995 et suivantes. 18 Voir infra 19 Ces infractions figurent principalement mais pas exclusivement dans le code pénal. 15 Les responsabilités de droit commun des ordonnateurs, responsabilités civiles et responsabilités pénales, nous semblent donc parfaitement illusoires. Cependant, il nous semble important de maintenir au moins une forme de responsabilité des ordonnateurs, afin que ces derniers ne se sentent pas exempts de toute menace en cas d'agissements irréguliers, négligeants ou imprudents. Aussi, si les responsabilités de droit commun ne sont pas satisfaisantes, qu'en est-il des responsabilités liées à leurs fonctions politiques ou administratives ? Paragraphe 2 – Les responsabilités des ordonnateurs à raison de leurs fonctions administratives ou politiques. Les ordonnateurs principaux de l'Etat comme des collectivités territoriales occupant des fonctions politiques, il nous semble préférable de commencer par l'étude des sanctions qui leur sont spécifiques avant que d'envisager celles qui sont propres aux ordonnateurs secondaires. C'est pour cette raison que nous étudierons d'abord les sanctions politiques avant que d'évoquer brièvement la question des sanctions disciplinaires. A – Les sanctions politiques applicables aux ordonnateurs Tous les ordonnateurs n'encourent pas de sanctions politiques. En effet seuls les ordonnateurs principaux de l'Etat et des collectivités locales encourent une telle sanction, ainsi que les préfets. Du moins en théorie. Intéressons-nous tout d'abord à la responsabilité politique des ministres avant que d'analyser celle des autres ordonnateurs. 1 – La responsabilité politique des ministres, ordonnateurs principaux de l'Etat. La France est un régime parlementaire et l'une des bases essentielles d'un tel régime réside dans le fait que les ministres sont politiquement responsables devant le Parlement. Cette responsabilité politique trouve en effet son fondement dans le fait que c'est le Parlement 16 qui a ouvert les crédits budgétaires mis à la disposition du Gouvernement et donc des ministres. Sous les IIIe et IVe Républiques, cette responsabilité était collective pour la politique générale du Gouvernement et individuelle pour la gestion des différents ministères20. La constitution de 1958 n'édicte plus que la responsabilité collective du Gouvernement21. Ainsi, en cas d'échec d'une politique financière, ou dans le cas d'une mauvaise gestion des crédits ouverts par le Parlement, on pourrait imaginer que le Gouvernement se fasse renverser par l'Assemblée nationale, ou bien encore que le Gouvernement, par la voie du Premier ministre, décide volontairement de démissionner, ou que le Président de la République l'incite fortement à démissionner. Ainsi, il n'existe pas sous la Vè République de responsabilité politique individuelle des ministres, sauf à considérer que constitue une responsabilité politique des ministres, l'influence que peut avoir le Premier ministre ou le Président de la République sur les membres du Gouvernement22. Mais si cette hypothèse n'est pas à exclure d'un point de vue théorique, on imagine mal une telle situation en matière financière ou budgétaire. Il faut d'ailleurs constater qu'aucun cas de démission individuelle d'un ministre n'est intervenu du fait d'un manquement à la législation ou à la réglementation financière ou budgétaire. 2 – La responsabilité politique des autres ordonnateurs Nous venons de voir que la responsabilité politique des ministres était purement théorique sous la Vè République. Toutefois, il nous semble qu'elle devrait connaître des aménagements du fait de l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 200123. Qu'en est-il en revanche de la responsabilité des autres ordonnateurs ? Nous allons essayer de présenter successivement et succintement cette responsabilité politique pour les autres ordonnateurs. 20 L'article 6 de la loi du 25 février 1875 prévoit que « Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels ». De même l'article 48 de la Constitution du 26 octobre 1946 disposait que « Les ministres sont collectivement responsables devant l'Assemblée nationale de la politique générale du Cabinet et individuellement de leurs actes personnels ». 21 On retrouve l'affirmation de ce principe à l'article 20 alinéa 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « [Le Gouvernement] est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50 ». 22 Il s'agirait là de l'hypothèse dans laquelle un ministre subirait des pressions de la part du Président de la République ou du Premier ministre, qui le contrainderaient à démissionner. 23 Voir notre chapitre suivant. 17 Les ordonnateurs secondaires que sont les préfets encourent une responsabilité politique. En effet, les préfets étant des emplois à la discrétion du Gouvernement, cela signifie qu'en cas de manquement à une obligation financière, le Premier Ministre serait tout à fait susceptible de congédier le préfet fautif. Mais cette hypothèse est assez peu vraisemblable du fait de la multiplication hiérarchique qui existe au sein de l'administration déconcentrée, et l'instauration de nouveaux échelons va rendre encore plus difficile la détermination de l'échelon responsable24. D'autres ordonnateurs connaissent une forme différente de responsabilité politique. En effet, la responsabilité politique des élus locaux agissant en tant qu'ordonnateurs peut trouver une application réelle, bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une responsabilité politique au sens où l'on pourrait s'y attendre, dans la mesure où l'exécutif n'est pas responsable devant son assemblée délibérante. Il n'est responsable que devant les électeurs. Il s'agit donc là d'une forme particulière de responsabilité politique puisque celleci n'intervient qu'au terme du mandat, et pour une raison qui n'est pas toujours en lien avec les irrégularités financières ou budgétaires. Cependant on a pu constater depuis quelques années, des pertes ou des non-renouvellements de mandats électifs suite à la mise en cause de responsables de collectivités, sans pour autant pouvoir imputer directement ce nonrenouvellement de mandat aux irrégularités financières. Force est toutefois de constater que l'électorat ne s'arrête pas à ce genre de comportements, et il lui arrive de renouveler sa confiance à certains élus dont les pratiques financières et budgétaires ne sont pas toujours des modèles de régularité juridique... On a ainsi pu constater une montée des sanctions politiques au niveau local25 ; dès lors qu'une juridiction prononce une sanction à l'encontre d'un élu local ou bien qu'une irrégularité financière est constatée, l'opposition aura tendance à reprendre cette condamnation et à en faire « son cheval de bataille » lors des prochaines élections. Par ailleurs, même si les élus locaux ne sont pas responsables en droit devant les assemblées qui les ont élus, l'hostilité qui peut naître d'elles, peut amener le chef de l'exécutif, ordonnateur principal, à démissionner. En effet, on pourrait imaginer une situation dans laquelle l'exécutif local n'obtienne plus la confiance de son assemblée, laquelle pourrait alors refuser de voter, par exemple, le budget ou d'approuver le compte administratif. 24 Ibid Voir notamment R. HERTZOG, La responsabilité politique des ordonnateurs in La comptabilité publique : continuité et modernité. Colloque tenu à Bercy les 25 et 26 novembre 1993. 25 18 Toutefois, il ne s'agit pas là d'une sanction politique eu égard à l'observation ou à l'inobservation des règles comptables ou budgétaires. Il s'agit en fait de sanctions liées à la mauvaise gestion financière de la collectivité et du coup, on peut affirmer que la responsabilité politique des ordonnateurs du fait d'irrégularités purement budgétaires n'est qu'exceptionnelle. B – La responsabilité disciplinaire encourue par les ordonnateurs La responsabilité disciplinaire est prévue par le statut général de la fonction publique, ainsi que par les différents statuts particuliers régissant les autres agents administratifs. Ainsi, l'agent public ou le fonctionnaire, qui méconnaîtrait les obligations fonctionnelles qui sont les siennes, pourrait se voir infliger par son autorité hiérarchique, des sanctions disciplinaires. Cependant, si elle existe en théorie, cette responsabilité disciplinaire n'est que rarement mise en oeuvre en matière financière. En effet, les ordonnateurs qui commettent des irrégularités en matière financière, le font le plus souvent en croyant leur action conforme à l'intérêt du service. Les ordonnateurs peuvent également commettre des irrégularités en ne faisant qu'obéir aux instructions et ordres qui leur ont été donnés par leurs supérieurs, y compris les ministres. Dans ces conditions, on comprend aisément que la responsabilité disciplinaire ne soit que rarement appliquée en matière financière. Par ailleurs, on voit mal comment les supérieurs pourraient infliger des sanctions aux ordonnateurs fautifs alors qu'ils ne font qu'obéir aux instructions qu'ils leur ont eux-mêmes donnés. Ainsi, l'une des rares hypothèses dans lesquelles on pourrait voir la responsabilité disciplinaire mise en oeuvre est celle dans laquelle un ordonnateur aurait sciemment commis des irrégularités pour son compte personnel. Mais dans ce cas, on se retrouvera dans la situation d'une responsabilité civile de droit commun pour faute personnelle. On se rend ainsi compte que les responsabilités des ordonnateurs en tant qu'acteurs politiques ou administratifs ne sont que peu efficaces ou efficientes. Reste enfin à s'interroger sur les responsabilités financières encourues. 19 Paragraphe 3 – Les responsabilités financières encourues par les ordonnateurs. Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables a une conséquence sur le plan de la compétence de la juridiction. Le règlement général sur la comptabilité publique de 196226 dispose que « les (...) ordonnateurs d'organismes publics encourent une responsabilité qui peut être disciplinaire, pénale et civile sans préjudice des sanctions qui peuvent leur être infligées par la Cour de discipline budgétaire [et financière] ». Le code des juridictions financières, dans son article L.131–2, confirme cette compétence exclusive de la Cour de discipline budgétaire et financière en prévoyant que la Cour des comptes « n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf sur ceux qu'elle a déclarés comptables de fait ». Nous analyserons donc tout d'abord la responsabilité financière encourue par les ordonnateurs devant la Cour de discipline budgétaire et financière27 (A) avant que d'étudier ce qui devrait être, en principe, une compétence restreinte de la Cour des comptes sur les ordonnateurs (B). A – La responsabilité des ordonnateurs devant la Cour de discipline budgétaire et financière Les ordonnateurs sont en principe justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière. L'article L.312–1 du code des juridictions financières énumère en effet celles des personnes qui peuvent être déférées devant la Cour de discipline budgétaire et financière28, mais ajoute aussitôt celles des personnes qui sont exclus de la juridiction de la cour29. Ainsi à la lecture de cet article on ne peut que constater que la grande majorité des 26 Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. Nous étudierons plus en détail le fonctionnement de cette Cour dans notre seconde partie. 28 L'article L.312-1 du code des juridictions financières dispose qu' « est justiciable de la Cour : a) Toute personne appartenant au cabinet d'un membre du Gouvernement ; b) Tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales ; c) Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale des comptes. Sont également justiciables de la Cour tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées ci-dessus. 29 Toutefois, ne sont pas justiciables de la Cour à raison des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions : 27 20 ordonnateurs sont exclus de la juridiction de la Cour de discipline budgétaire et financière, à commencer par les ordonnateurs principaux de l'État et les ordonnateurs principaux des collectivités territoriales. Pour qu'un ordonnateur puisse être attrait devant la Cour il faut qu'il ait exercé, en droit ou en fait, des fonctions qui ne sont pas l'accessoire obligé de ses fonctions principales ou bien alors, en ce qui concerne les élus locaux, à la condition qu'ils aient entravé l'exécution d'une décision de justice ou qu'ils aient exercé une réquisition de paiement en vue de procurer à autrui un avantage injustifié. On le comprend immédiatement, la compétence ratione personnae de la Cour de discipline budgétaire et financière est particulièrement restreinte ce qui explique sans doute une part de sa faible activité contentieuse30. Par ailleurs, la compétence de la Cour se trouve également limitée de par le fait qu'elle ne peut connaître des responsabilités des ordonnateurs que dès lors qu'ils ne peuvent exciper d'un ordre écrit de l'autorité supérieure, dûment informée sur l'affaire. En effet, dans ce cas, la responsabilité de ces supérieurs est substituée à celle des ordonnateurs. Il faut encore ajouter que lorsque la Cour de discipline budgétaire et financière prononce des amendes à l'encontre des ordonnateurs fautifs, le montant de ces amendes reste a) Les membres du Gouvernement ; b) Les présidents de conseil régional et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles L. 4132-3 à L. 4132-10, L. 4132-13, L. 4132-15, L. 4132-21, L. 4132-22, L. 4132-25, L. 4133-1, L. 4133-2, L. 4133-4 à L. 4133-8, L. 4231-1 à L. 4231-5 du code général des collectivités territoriales, les vice-présidents et autres membres du conseil régional ; c) Le président du conseil exécutif de Corse et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 4424-4 du code général des collectivités territoriales, les conseillers exécutifs ; d) Les présidents de conseil général et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles L. 3221-3 et L. 3221-7 du code général des collectivités territoriales, les vice-présidents et autres membres du conseil général ; e) Les maires et, quand ils agissent dans le cadre des dispositions des articles L. 2122-17 à L. 2122-20 et L. 2122-25 du code général des collectivités territoriales, les adjoints et autres membres du conseil municipal ; f) Les présidents élus de groupements de collectivités territoriales et, quand ils agissent par délégation du président, les vice-présidents et autres membres de l'organe délibérant du groupement ; g) S'ils ne sont pas rémunérés et s'ils n'exercent pas, directement ou par délégation, les fonctions de président, les administrateurs élus des organismes de protection sociale relevant du contrôle de la Cour des comptes et agissant dans le cadre des dispositions législatives ou réglementaires ; h) S'ils ne sont pas rémunérés et s'ils n'exercent pas les fonctions de président, les administrateurs ou agents des associations de bienfaisance assujetties au contrôle de la Cour des comptes ou d'une chambre régionale des comptes. Les personnes mentionnées aux a à f ne sont pas non plus justiciables de la Cour lorsqu'elles ont agi dans des fonctions qui, en raison de dispositions législatives ou réglementaires, sont l'accessoire obligé de leur fonction principale. 30 En janvier 2005, 145 arrêts avaient été rendus par la Cour de discipline budgétaire et financière depuis sa création en 1948 ! 21 relativement faible puisqu'elles ne peuvent dépasser « le montant du traitement brut annuel » de l'ordonnateur, ce qui peut paraître peu par rapport au montant des sommes pouvant être engagées irrégulièrement. Nous reviendrons ultérieurement plus en détail sur les critiques qui peuvent être faites à l'encontre de la Cour de discipline budgétaire et financière. B – Les ordonnateurs, des justiciables d'exception de la cour des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des comptes. L'article L.131–2 du code des juridictions financières proscrit à la Cour des comptes toute juridiction sur les ordonnateurs. Toutefois, comme tout principe en droit, celui-ci connaît des exceptions au nombre de deux. La première de ces exceptions se trouve à l'article L.111–3 du code des juridictions financières qui prévoit que la Cour des Comptes contrôle la comptabilité publique sur place et sur pièces. Cela signifie donc que la Cour des comptes pourra procéder à un contrôle indirect des ordonnateurs et plus particulièrement de leur gestion. Ainsi, si la Cour des comptes constate une quelconque irrégularité, elle ne pourra pas attraire l'ordonnateur devant elle, mais elle pourra soit statuer définitivement et décider de communiquer aux administrations intéressées les irrégularités et erreurs constatées, soit elle peut renvoyer les auteurs des infractions devant la Cour de discipline budgétaire et financière. Cependant, la Cour des Comptes dispose alors d'un délai d'action relativement bref puisque la Cour de discipline budgétaire et financière ne peut plus être saisie après l'expiration d'un délai de cinq années à compter du jour où l'infraction a été commise. Or, étant donné que la Cour des Comptes ne juge pas chaque année de l'ensemble des comptes31, cette prescription quinquennale est donc particulièrement courte, et l'on comprend que la Cour des comptes n'ait pas toujours la faculté de choisir entre la saisine du procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière et la communication d'observations aux autorités administratives. 31 Chaque année la Cour des Comptes décide par avance des comptes qui feront l'objet d'un contrôle objectif. Globalement, toutes les comptabilités publiques sont examinées une fois tous les quatre ans. Il s'agit ici d'une moyenne : la Cour essaye de contrôler chaque compte au minimum tous les cinq ans, périodicité ramenée à quatre ans pour les comptables de l'Etat. 22 Il existe une seconde exception au principe de la non juridiction des ordonnateurs devant la Cour des comptes qui est prévue par l'article L.131–2 in fine du code des juridictions financières qui prévoient que la Cour des comptes n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, « sauf sur ceux qu'elle a déclarés comptables de fait ». Il s'agit là pour la Cour des comptes d'attraire un ordonnateur devant elle, non pas pour contrôler ses agissements en tant qu'ordonnateur mais parce qu'il s'est immiscé dans les fonctions de comptable et est donc auteur d'une gestion de fait. Dans ce cas, l'ordonnateur est justiciable de la Cour des comptes non pas en tant que ordonnateur mais en tant que comptable. Ne nous nous attardons pas davantage sur l'hypothèse de la gestion de fait qui a déjà fait l'objet de nombreux travaux. L'ordonnateur une fois attrait devant la Cour des comptes en tant que comptable de fait encourt les mêmes responsabilités que celles des comptables patents. Section 2 – Une responsabilité des comptables publics insatisfaisante La procédure de jugement des comptes des comptables, patents ou de fait, est ancienne et inadaptée. En effet, à l'heure où la loi organique relative aux lois de finances instaure les notions de performance, de bonne gestion, d'efficience de la gestion etc., on peut s'interroger sur la nécessité de maintenir un contrôle objectif des comptes des comptables patents par la Cour des comptes ou par les chambres régionales ou territoriales des comptes. Si l'idée qui domine est de s'assurer de la bonne tenue des comptabilités publiques, et par extension de la bonne utilisation des deniers publics, est-il toujours pertinent de maintenir une procédure vieille de près de deux siècles ? Certes la procédure a évolué depuis 1807 mais la philosophie générale de celle-ci est toujours la même : il s'agit d'effectuer un contrôle objectif des comptes, c'est-à-dire de contrôler l'ensemble des comptes qu'ils soient tenus régulièrement ou non, en dehors de toute contestation quant à leur régularité. Ne s'agit-il pas finalement d'un travail d'audit dont la compétence pourrait revenir à une formation particulière, de la Cour des comptes ou d'un autre organisme, qui serait alors chargé d'effectuer ce travail d'apurement des comptes. Ne pourrait-il pas y avoir 23 d'apurement administratif comme c'est actuellement le cas pour les comptes des collectivités les moins importantes ? Par ailleurs, le maintien des principes traditionnels liés au contentieux financier, que sont d'une part le maintien de la justice retenue par le ministre de l'économie et des finances, et d'autre part la limitation du contrôle du juge aux seuls comptes des comptables, excluant par là les comportements de ceux-ci, rend peu satisfaisant le régime de responsabilité des comptables publics (paragraphe 1). De surcroît, la reconnaissance progressive des droits de la défense et de l'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme rend nécessaire la réforme de la responsabilité des comptables publics (paragraphe 2). Paragraphe 1 – La faible effectivité des condamnations des comptables publics Le contentieux financier est le dernier en France à maintenir une forme de justice retenue32. Cela a pour conséquence que le juge des comptes n'est finalement réduit qu'à un simple contrôle des comptes, sans qu'il lui soit possible d'apprécier le comportement du comptable (A), alors que le ministre peut anéantir les effets des décisions du juge des comptes en tenant compte d'éléments que le juge n'a pas la possibilité d'apprécier (B). A – Le juge des comptes « juge le compte et non le comptable 3 3 ». Ce vieil adage selon lequel le juge des comptes juge les comptes des comptables mais pas les comptables, reste le principe en droit financier (1). Cependant à tout principe ses exceptions ou à tout le moins ses tempéraments (2). 32 Pour mémoire, la théorie du ministre juge a été abandonnée en droit administratif par un arrêt du Conseil d'Etat, 13 décembre 1889,CADOT. Rec. 1148. 33 Commissaire du gouvernement Romieu, Conclusions sur Conseil d'Etat, 12 juillet 1907, NICOLLE. Rec. 656. 24 1 – La consécration du principe. C'est dans ses conclusions sous un arrêt de 1907 que le commissaire de gouvernement Romieu est venu poser ce principe34. En effet l'office du juge des comptes est particulière dans la mesure où il intervient au cours d'un contrôle objectif, c'est-à-dire au cours d'un contrôle des comptes en dehors de tout litige. Ainsi, chaque année, l'ensemble des comptables publics doivent déposer leurs comptes auprès de la direction générale de la comptabilité publique35, laquelle vérifiera que ces comptes sont en état d'examen avant de les transférer à la Cour. Ces comptes doivent être accompagnés des pièces justificatives nécessaires à l'examen des comptes. En cas de retard dans la reddition des comptes, des amendes pour retard peuvent être prononcées par le juge des comptes. Le juge des comptes vérifiera chacune des écritures contenues dans le compte, tant pour les opérations de dépenses que pour les opérations de recettes. Pour les opérations de dépenses, le juge s'assurera des contrôles opérés par le comptable, c'est-à-dire de ses contrôles concernant la compétence et la qualité de l'ordonnateur, mais aussi concernant la nature publique de la dépense, la disponibilité des crédits, l'exacte imputation des dépenses ainsi que le caractère libératoire du règlement. Le juge des comptes devra également contrôler que le comptable s'est assuré de la réalité du service fait et de la régularité de la liquidation réalisée par l'ordonnateur... Pour réaliser un tel contrôle, le juge s'appuiera sur les pièces justificatives fournies par le comptable, lequel ne pourra plus être mis en débet lorsqu'il aura payé une dépense sur la base d'une pièce reconnue ultérieurement comme fausse par le juge pénal36. Il s'agit là d'un revirement de jurisprudence important puisqu'il remet en cause un principe tiré d'une jurisprudence séculaire37. En matière de dépenses, l'office du juge est assez restreinte dans la mesure où il ne fait que contrôler la réalité de la dépense. Il s'agit d'un contrôle purement matériel. En revanche, en matière de recettes, le contrôle peut-être un peu plus poussé. Par exemple, le juge vérifiera que les recettes figurant dans le compte sont réelles et régulières mais en revanche, lorsque des recettes n'auront pas été encaissées, le juge devra contrôler un certain nombre de points 34 Ibid On notera que les comptes des établissements publics administratifs nationaux sont au préalable soumis au conseil d'administrationde l'établissement. 36 C.comptes, 27 mai 2004, COMMUNE D'ESTEVELLES, n°39708. AJDA, 20 décembre 2004, p.2438. Obs. N. GROPER 37 Cet arrêt de la Cour des comptes remet en cause un arrêt rendu par le Conseil d'État, 12 juillet 1907, NICOLLE. Rec.656 35 25 afin de pouvoir exonérer le comptable de sa responsabilité. En effet, pourquoi sanctionner pécuniairement et personnellement un comptable lorsque des recettes sont devenues irrecouvrables38 ? Le juge des comptes pourra ne pas condamner pécuniairement et personnellement le comptable, même lorsqu'il y aura un manquant dans la caisse de celui-ci, si le comptable peut prouver que la dépense irrégulière ou la recette non recouvrée est la conséquence de sa réquisition par l'ordonnateur. Par ailleurs, le comptable pourra s'exonérer de sa responsabilité s'il vient prouver que la recette qui n'a pas été recouvrée est devenue soit irrécouvrable, soit nécessiterait des mesures hors de proportion par rapport au montant de la recette à recouvrer. Dans cette hypothèse, le comptable pourra demander l'admission en non valeur de la recette. Il ne faut toutefois pas croire que le juge des comptes ne peut juger que les comptes : en effet le recours à la technique de l'admission en non valeur suppose l'appréciation d'éléments qui sont à rattacher au comportement du comptable. Et cette procédure de l'admission en non valeur n'est pas la seule qui permet d'affirmer qu'il existe des tempéraments au principe selon lequel le juge des comptes ne juge que les comptes et pas les comptables. 2 – Les tempéraments au principe. Le premier des tempéraments que l'on peut apporter au principe qui nous intéresse ici n'est finalement que la conséquence de ce qui vient d'être dit précédemment. En effet, pour admettre en non valeur des recettes, il appartient au comptable de prouver qu'il a effectué l'ensemble des diligences nécessaires39, mais qu'en dépit de celles-ci, les recettes sont restées irrécouvrables. Le Conseil d'État estime que les « diligences ne peuvent être dissociées du jugement du compte40 ». Ainsi, on ne peut que constater qu'il s'agit là d'un tempérament à l'adage, dans la mesure où le jugement du compte ne peut se faire qu'en tenant compte du comportement du comptable. 38 Nous verrons dans notre prochain développement par quels moyens le juge tempère le principe selon lequel il ne juge que le compte et pas le comptable. 39 Conseil d'État, assemblée, 27 octobre 2000, MME DESVIGNES. Req n°196046. RFDA, 2001, p,737 et s. Conclusions d'A. SEBAN 40 Conseil d'État, assemblée, 27 octobre 2000, MME DESVIGNES ibid 26 Le deuxième des tempéraments qui peut-être apporté concerne une technique très utilisée par le juge : les injonctions pour l'avenir41. Ces injonctions pour l'avenir ne sont pas des injonctions classiques. En effet, le juge peut être amené à prononcer un certain nombre d'injonctions au comptable en cours d'examen des comptes, injonctions qui auront pour but de demander au comptable un certain nombre de précisions quant aux écritures, et notamment d'apporter un certain nombre de pièces justificatives afin d'expliquer les dépenses ou les recettes inscrites dans le compte. Mais les injonctions pour l'avenir ne constituent pas ce genre d'injonctions fermes que peut utiliser le juge des comptes. Ces injonctions pour l'avenir sont en fait des moyens d'origine prétorienne qui vont permettre au juge d'atténuer voire d'ôter toute responsabilité au comptable public. Ces injonctions pour l'avenir vont être prononcées par le juge des comptes à l'encontre d'un comptable ayant payé une dépense alors que celle-ci n'aurait pas due l'être. Il s'agit en fait « d'attirer l'attention du comptable sur un problème, ou encore, (...) de mettre en garde le comptable contre les risques qu'il prendrait en acceptant de tels règlements irréguliers susceptibles d'engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire42 ». Une injonction pour l'avenir peut également être utilisée « pour stigmatiser des irrégularités comptables non sanctionnables »43, comme par exemple pour enjoindre au comptable de subdiviser davantage son compte afin d'en accroître la lisibilité44. Ces injonctions pour l'avenir auront donc pour effet d'atténuer voire de supprimer la responsabilité du comptable dans le cas d'espèce. En effet, ces injonctions pour l'avenir étant prononcées au cours d'une décision de justice, elles possèdent l'autorité de la chose jugée. Cela signifie donc que le comptable qui méconnaîtrait, au cours des exercices ultérieurs, les recommandations de la Cour, pourrait voir reconnaître sa responsabilité pécuniaire et personnelle. Ainsi donc, les injonctions pour l'avenir apparaissent bien comme un moyen de tempérer l'adage selon lequel le juge des comptes ne juge que les comptes. Le fait pour le juge de prononcer de telles injonctions est donc bien un moyen pour lui de prendre en compte des éléments extérieurs aux simples écritures et de prendre en compte notamment des éléments ayant trait au comportement du comptable. 41 Voir notamment sur le sujet, S. DAMAREY : « Les injonctions pour l'avenir prononcé par le juge des comptes », La revue du Trésor, 2001 pp.506 et suivantes, 42 Ibid p. 507 43 Ibid p.508 44 C. Comptes, 22 juin 1998, BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE ET NATIONALE DE STRASBOURG, n°19537. 27 Troisième tempérament à ce principe : le contrôle des régisseurs. En effet, les comptables sont en principe responsables des opérations de leurs régisseurs et du coup, si une opération du régisseur est irrégulière le comptable pourra se voir sanctionner. Cependant, mais nous ne développerons pas ces propos ici45, l'application de ce principe a été vivement critiquée par la doctrine dans la mesure où elle a conduit le juge des comptes à condamner pécuniairement le comptable du fait des opérations de son régisseur, alors même que celuici avait reçu de la part du ministre des finances, remise des débets prononcés à son encontre. Aussi pour tenter de remédier à cette situation plus que contestable, le pouvoir réglementaire est venu règler le problème par un décret du 21 juillet 2004 en affirmant solennellement que « les sommes allouées en décharge de responsabilité ou en remise gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été déclarés responsables mais qui ne pourraient pas être recouvrées ne peuvent être mises à la charge du comptable assignataire par le juge des comptes ou par le ministre sauf si le débet est lié à une faute de négligence caractérisée commise par le comptable public à l'occasion de son contrôle sur pièces et sur place ». Ce décret vient donc reconnaître explicitement l'existence d'un pouvoir d'appréciation du comptable par le juge des comptes. D'ailleurs, le juge des comptes n'a pas tardé à faire connaître son point de vue sur la question en venant confirmer qu'il exercerait pleinement ce pouvoir46. Dernier tempérament que l'on peut apporter à l'adage, et nous ne ferons ici que l'évoquer sans le détailler47, il s'agit de la reconnaissance par le juge européen de l'applicabilité de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et plus particulièrement de son article 6 paragraphe 1. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme est venue reconnaître l'applicabilité de l'article six paragraphe un au jugement des comptes des comptables de fait48 et au jugement des comptes des comptables patents49. Or, les stipulations de cet article ne concernent que les procès qui ont trait à la matière civile et à la matière pénale. Comment alors ne pas admettre que notre matière ne concerne pas uniquement le procès fait à un compte, mais bel et bien le procès fait à un homme tenant un compte. En effet il ne s'agit pas du compte exclusivement qui est jugé mais bel et bien du 45 Ils feront l'objet d'une étude plus importante dans le dernier chapitre, première section. Chambre régionale des comptes Provence Alpes Côte d'Azur, 9 février 2005, COMMUNE DE PERTUIS, J.2005-0035. 47 Cela fera l'objet de développements ultérieurs. 48 Cour EDH, Recevabilité, 7 octobre 2003, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00 confirmée par Cour EDH, 1er juin 2004, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00. 49 Cour EDH, Recevabilité, 13 janvier 2004, MARTINIE CONTRE FRANCE. Req. n°58675/00. 46 28 comptable, car si tel n'était pas le cas alors la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne trouverait pas application. Ce dernier argument permet donc de remettre en cause l'adage et de considérer que le juge des comptes juge les comptes et les comptables. Cependant, force est de constater que le juge des comptes n'est pas le seul à pouvoir apprécier le comportement des comptables, et à l'heure actuelle, le ministre de l'économie et des finances reste le principal juge du comportement des comptables. B – La compétence concurrentielle du ministre de l'économie et des finances. Le ministre de l'économie et des finances dispose de compétences concurrentes à celles du juge des comptes dans l'appréciation du comportement du comptable. En effet, il lui est reconnu un pouvoir d'appréciation du comportement du comptable dans le cadre de son pouvoir hiérarchique. Le ministre dispose d'une administration au sein de laquelle on trouve les comptables publics. Pour apprécier le comportement du comptable le ministre dispose de prérogatives importantes et que le juge des comptes ne possède pas : la décharge de responsabilité et la remise gracieuse. La décharge de responsabilité permet au ministre d'exonérer un comptable mis en débet par le juge des comptes dès lors que le comptable peut apporter la preuve que ce sont des circonstances de force majeure qui l'ont empêché de prendre les diligences nécessaires pour encaisser la recette ou qui l'ont conduit à effectuer une dépense irrégulière. Cela signifie donc que le juge des comptes mettra en débet un comptable, qui pourra par la suite demander au ministre décharge de responsabilité pour le manquant dans la caisse. Cette décharge de responsabilité est accordée par arrêté ministériel ; cette décharge peut être totale ou partielle. Il convient à ce stade de préciser que l'appréciation de la force majeure s'entend de la même manière qu'en droit administratif général. La seconde technique qui est reconnue au ministre des finances pour exonérer le comptable de sa responsabilité est la remise gracieuse. Les comptables mis en débet par le juge des comptes peuvent dans tous les cas demander au ministre une remise gracieuse totale ou partielle. Cependant l'utilisation qui est faite de cette technique doit être considérée « comme un mécanisme régulateur limitant la responsabilité du comptable à un niveau 29 socialement supportable50 ». On arrive désormais à une situation telle que la quasi-totalité des débets mis à la charge des comptables font l'objet d'une remise gracieuse par le ministre. Cette situation n'est d'ailleurs pas sans poser quelques problèmes dans la mesure où la remise gracieuse qui est faite au profit du comptable va laisser dans la caisse un manquant qu'il appartiendra à l'Etat de combler. Cependant, si l'État refuse, pour quelque raison que ce soit, de combler le manquant, et que l'on est en présence d'un compte d'une collectivité publique ou d'un établissement public, alors ces derniers devront à leur charge combler le manquant, et on se retrouvera dans une situation pour le moins curieuse, situation dans laquelle l'établissement ou la collectivité publique à laquelle appartient le comptable devra combler elle-même le manquant dans son propre compte. Le recours à la technique de la remise gracieuse donne à l'administration centrale un pouvoir très important sur les comptables dans la mesure où elle permet de garder une influence sur ceux-ci. De plus, si le comptable public reçoit de la part de son ministre de tutelle une instruction selon laquelle il devra engager une dépense de manière irrégulière51, le comptable doit pouvoir être certain qu'il verra le débet mis à sa charge remis par le ministre. On comprend en effet dans cette hypothèse que le comptable soumis aux obligations de sa hiérarchie ne pourra qu'obéir à cette instruction. Dans cette hypothèse alors le recours à la technique de la remise gracieuse va de soi ; toutefois, on peut s'interroger non pas sur la nécessité de maintenir une telle technique mais plutôt sur la nécessité juridique de procéder à des dépenses irrégulières. Il s'agit là du principal problème du recours à la remise gracieuse. On pourrait alors s'interroger sur la question de savoir pourquoi l'ordonnateur qui aimerait voir une dépense payée alors qu'elle est illégale ne réquisitionne pas le comptable ? En effet, l'article 8 du décret du 29 décmbre 1962 prévoit la possibilité pour un ordonnateur de réquérir les comptables publics. Cependant, une telle solution se heurte à un obstacle majeur : dans le cas de la réquisition, la responsabilité bascule ipso facto du comptable vers l'ordonnateur. On imagine donc aisément les réticences des ordonnateurs à utiliser une telle technique d'autant que contrairement aux comptables, les ordonnateurs ne sont pas des fonctionnaires du ministère des finances et ne peuvent pas dès lors bénéficier de la remise 50 M.LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, Cour des comptes § 156 in Répertoire de contentieux administratif Dalloz Novembre 2001 51 Il s'agit par exemple de l'hypothèse dans laquelle une dépense urgente n'a pas été encore autorisée par la personne juridiquement compétente mais pour laquelle il est nécessaire d'agir de manière immédiate, comme par exemple dans le cas d'une indemnisation. 30 gracieuse. De plus, la responsabilité des ordonnateurs pourrait52 être engagée pour faute, et ils ne pourraient pas aisément se sortir de la situation, a fortiori si l'ordre reçu est manifestement illégal53 ! Dernière réflexion concernant la compétence du ministre en matière d'appréciation du comportement du comptable, que celle qui consiste à voir dans le ministre une juridiction. En effet le ministre dispose d'un pouvoir, en l'espèce, juridictionnel. Or nous venons de le préciser précédemment, la juridiction européenne est venue considérer que le jugement des comptes des comptables patents et celui des comptables de fait devait respecter les principes contenus dans l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il faut alors rappeller que l'article 6 ici en cause prévoit notamment le droit pour tout justiciable à un tribunal impartial. Ne faut-il donc pas considérer le ministre, exerçant un pouvoir juridictionnel, comme étant une juridiction ? Si tel est le cas, ne devrait-il pas respecter le principe du tribunal impartial ? Si là encore la réponse est positive, le ministre, en tant que juridiction et autorité hiérarchique, peut-il être considéré comme un tribunal impartial ? Paragraphe 2 – La reconnaissance progressive de l'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention s'est manifestée dans la matière financière de deux manières : elle est tout d'abord venue des juridictions internes en ce qui concerne certains éléments procéduraux (A) avant que d'être reconnue d'une manière générale par la Cour de Strasbourg (B). 52 53 Avec toutes les réserves qu'on a émises ! Notamment en matière pénale ! 31 A – La reconnaissance des principes issus de la Convention par les juridictions internes. La première manifestation de la reconnaissance du principe au droit à un procès équitable, s'est traduit par l'exclusion de la participation du rapporteur au délibéré. Or, la reconnaissance par le juge administratif du principe selon lequel le rapporteur de l'affaire ne pouvait pas participer au délibéré est un phénomène récent54. En effet, il a longtemps été admis que cette participation du rapporteur au délibéré était conforme au principe d'impartialité55, bien que des tempéraments aient été apportés quelques mois auparavant56. Cependant, le Conseil d'État, s'il est bien venu reconnaître que la participation du rapporteur au délibéré était contraire au principe d'impartialité, n'en a pas pour autant fait référence à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme mais il s'est simplement borné à considérer qu'il s'agissait là d'un principe qui devait être respecté devant les juridictions administratives. En effet, le commissaire du gouvernement A. SEBAN considère que « le détour par l'article 6 paragraphe 1 n'est indispensable que lorsqu'il est nécessaire d'écarter des dispositions législatives ; mais tel n'est pas le cas devant les juridictions financières, les dispositions de procédure concernant le rôle du rapporteur ne résultant que de textes réglementaires57 » Il faut encore préciser que le respect du principe d'impartialité a été consacré par un décret du 14 avril 200058 qui a remanié le code des juridictions financières en excluant, en premier lieu, le rapporteur du délibéré prononçant l’amende pour gestion de fait mais aussi pour celles prononcées à l’encontre d’un comptable patent qui aurait produit ses comptes en retard. Ensuite, la loi du 21 décembre 200159 et le décret du 27 septembre 200260 sont venus 54 Conseil d'Etat, Assemblée., 6 avril 2001, SARL RAZEL frères et LE LEUCH, Revue du Trésor 2002, p. 221. Note M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE. Concl. SEBAN, RFDA 2001, p. 1299. 55 Cour des comptes, 26 mai 1992, MEDECIN ET AUTRES COMPTABLES DEFAIT DE LA COMMUNE DE NICE. Rec. Cour des Comptes p.49 ; Cour des comptes, 11 mars et 29 avril 1993, ASSOCIATION ANIMATION SOCIALE GRENOBLOISE, CARIGNON ET AUTRES ; Conseil d'État, 6 janvier 1995, OLTRA. Rec.15 ; Cour des comptes, 27 janvier 2000, SOCIETE RMR, REGION ALSACE. Droit Adminitratif Juillet 2000 n°161 p.15. 56 Conseil d'État, assemblée, 3 décembre 1999, DIDIER, Rec. p. 399 ; Conseil d'État, assemblée, 3 décembre 1999, LERICHE, Rec.402. 57 Conclusion du commissaire du gouvernement SEBAN sur l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat, Assemblée, 6 avril 2001, SARL RAZEL frères et LE LEUCH op cit. 58 Décret n° 2000-338 du 14 avril 2000. 59 Loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes. 60 Décret n° 2002-1201 du 27 septembre 2002 portant modification du CJF (partie réglementaire). 32 compléter ces dispositions pour exclure le rapporteur du délibéré en matière de procédure de gestion de fait bien que ces apports ne soient pas totalement satisfaisants61. La seconde manifestation du principe d'impartialité dans la jurisprudence administrative française se retrouve dans la notion de préjugement dont la principale illustration a été l'arrêt « LABOR METAL62 ». Cette jurisprudence est venue censurer l'arrêt de la Cour des comptes63 dans lequel elle avait déclaré comptable de fait la société requérante, dans la mesure où la Cour des comptes était venue dans un précédent rapport public64 dénoncer les irrégularités commises par la requérante. Cette jurisprudence a par la suite été confirmée en 200265 et à même fait l'objet de « transposition » auprès de la Cour de discipline budgétaire et financière66. Ces jurisprudences ont été vivement critiquées dans la mesure où elle remettent en cause la double mission des juridictions financières, puisque soit elles n'évoquent plus d'affaires dans leurs rapports publics, ce qui fait perdre un intérêt certain à ces rapports, et alors elles peuvent juger normalement des infracteurs, soit elles continuent de dénoncer dans leurs rapports publics les irrégularités constatées, et dans ce cas elles ne peuvent plus juger l'affaire par la suite. Le Conseil d'État est venu atténuer quelque peu les effets de la jurisprudence « LABOR METAL » dans la mesure où il a évoqué l'affaire qui a été portée devant lui67 et a annulé l'ensemble de la procédure de gestion de fait qui avait été jusqu'alors menée. On le comprend aisément, les solutions qui ont été retenues dans les jurisprudences « LABOR METAL », « ABRAN », « DUBREUIL » et « DUGOUIN » ne sont bien évidemment pas satisfaisantes68. Il faut par ailleurs préciser que cette insatisfaction ne fait qu'augmenter avec la reconnaissance explicite de l'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. 61 S. FRULEUX, La prise en compte des principes issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les juridictions financières françaises, Lille II, 2004, 99 pages, p.26 et suivantes. 62 Conseil d'Etat, Assemblée., 23 février 2000, SOCIETE LABOR METAL ET AUTRES. 63 Cour des comptes, 7 novembre 1997, SOCIETE LABOR METAL. Req. n°18086 64 Rapport public de la Cour des comptes pour 1996, p.61 à 68. 65 CE, 13 février 2002, ABRAN, Revue du Trésor, n°2, février 2004, p. 141. Note M LASCOMBE et X VANDENDRIESSCHE. 66 Conseil d'État, 4 juillet 2003, DUBREUIL Req. n°234252 67 Conseil d'État, 17 octobre 2003, DUGOUIN Req. n°237290 68 S. FRULEUX op cit. p.48 et suivantes 33 B – La généralisation de l'application de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. On le sait, le conseil d'État est réticent à appliquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme69. On peut par exemple rappeler que le Conseil d'État a refusé l'application de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de comptabilité patente70. Cependant, dès 1998, le conseil d'État est venu apporter quelques tempéraments à ce refus d'application de la Convention européenne des droits de l'homme71. Dans sa jurisprudence le Conseil d'État est venu rappeler « que la Cour des comptes, lorsqu'elle fixe la ligne de compte de la gestion de fait et met le comptable en débet, ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil » mais en revanche, quand elle se prononce sur des amendes, « la Cour des comptes (...) [doit] être [regardée] comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale ». Ce revirement de jurisprudence paraissait évident dans la mesure où la Cour européenne des droits de l'homme allait devoir se prononcer quelques mois après sur une affaire72 impliquant la Cour de discipline budgétaire et financière. Aussi, pour anticiper l'arrêt de la Cour de Strasbourg, le Conseil d'État a-t-il décidé de reconnaître l'applicabilité de la Convention européenne des droits de l'homme à une partie de la procédure de gestion de fait. Il paraissait toutefois assez curieux de distinguer les différentes étapes de la procédure de gestion de fait et de ne reconnaître que pour une de ces étapes une coloration pénale. Aussi fort logiquement, la Cour de Strasbourg est-elle venue étendre à toute la procédure de gestion de fait l'application de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention à la totalité de la procédure de la gestion de fait73 en posant en principe que le jugement d'une procédure de gestion de fait constituait un litige portant sur la matière civile, sauf celles des dispositions portant sur le prononcé des amendes qui relevaient de la procédure pénale au sens de la 69 Conclusion du commissaire du gouvernement A. SEBAN sur l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat, Assemblée, 6 avril 2001, SARL RAZEL frères et LE LEUCH op cit. 70 Conseil d'Etat, 19 juin 1991, VILLE D’ANNECY contre DUSSOLIER, Rec.242. 71 Conseil d'Etat, 16 novembre 1998, SARL DELTANA et M. PERRIN. Rec.415 ; Conseil d'Etat, 30 octobre 1998, LORENZI. Les Petites Affiches, 15 janvier 1999, p. 12 72 Cour EDH, 26 septembre 2000, GUISSET contre FRANCE, Rec. 2000-IX 73 Cour EDH, Recevabilité, 7 octobre 2003, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00 confirmée par Cour EDH, 1er juin 2004, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00. 34 convention. Le Conseil d'État se devait donc d'intégrer dans sa jurisprudence les apports de la récente jurisprudence européenne ; quelques semaines après la décision concernant la recevabilité de la requête, le Conseil d'État est venu consacrer l'application de l'article 6 paragraphe 1 à la totalité de la procédure de gestion de fait74. Désormais, la généralisation de l'application de l'article 6 paragraphe 1 à la totalité des procédures devant les juridictions financières ne semble plus pouvoir être contestée. En effet, explicitement reconnue par la Cour de Strasbourg et par le Conseil d'État en matière de gestion de fait75, l'applicabilité de la Convention a été récemment consacrée par une décision concernant la recevabilité d'une affaire en matière de gestion patente76. Cette fois, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas considéré qu'il s'agissait d'un litige relevant de la matière pénale, mais qu'il s'agissait du second volet de l'applicabilité de l'article 6, à savoir la matière civile. Il y a donc fort à parier que la Cour européenne des droits de l'homme vienne confirmer dans son arrêt au fond que la procédure de contrôle des comptes des comptables publics relève d'un litige en matière civile et que par conséquent l'article 6 paragraphe 1 trouve nécessairement à s'appliquer. Les particularismes des procédures devant les juridictions financières et la reconnaissance progressive de l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme illustre parfaitement la nécessité qu'il y a à réviser les procédures existantes devant les juridictions financières. Même si nous ne l'avons pas développé, la Convention européenne des droits de l'homme est également applicable devant la Cour de discipline budgétaire et financière. Aussi nous paraît-il impossible de maintenir un système qui a jusqu'alors fait montre de ses défauts et de ses incohérences. C'est la raison pour laquelle il nous semble qu'une réforme est devenue nécessaire d'autant plus que la récente loi organique relative aux lois de finances apporte de profondes modifications à la structure financière française. 74 CE, 30 décembre 2003, BEAUSOLEIL et RICHARD, req. n° 251120 et 215233. RFDA 2004, p. 368. Voir notamment A. POTTEAU, Le jugement des comtpes confronté aux droits processuels de la Convention européeene des droits de l'homme, in RFDA, 2004, n°2, pp.378 et suivantes 76 Cour EDH, Recevabilité, 13 janvier 2004, MARTINIE CONTRE FRANCE. Req. n°58675/00. 75 35 Chapitre 2 – Les mutations récentes de l'exécution budgétaire suite à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. La loi organique du 1er août 2001 procède à la révision importante des règles en matières budgétaire et comptable. Cette réforme des règles comptables est importante dans la mesure où elle consacre à un rang organique des règles qui, pour leur quasi-totalité, étaient jusque-là de nature réglementaire77. Le conseil constitutionnel aurait pu déclasser certaines des dispositions de la loi organique, notamment celles concernant la comptabilité publique en considérant qu'elles n'avaient pas de caractère organique, et n'avaient en réalité qu'un simple caractère législatif ou réglementaire. Cependant, le conseil constitutionnel78 est venu considérer que « si ces articles contiennent certaines dispositions qui, par ellesmêmes, ne seraient pas de nature organique, ils constituent les éléments indivisibles d'un dispositif d'ensemble ayant pour objet d'assurer la sincérité et la clarté des comptes de l'Etat79 ». Ce considérant a dès lors pour conséquence que l'ensemble des dispositions concernant la comptabilité publique et qui figure dans la loi organique revêt un caractère organique. La loi organique relative aux lois de finances apporte des modifications importantes concernant la comptabilité publique, qui vont avoir pour conséquence de remettre en cause le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables (section 1) ; remise en cause d'autant plus nécessaire que cette même loi organique procède à la rénovation des règles budgétaires de l'État et des administrations déconcentrées (section 2). 77 L'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 ne traitait que de manière superficielle de la comptabilité publique. Pour une étude des règles contenues dans cette ordonnance, voir le commentaire de Michel Bermond sous l'article 27 de la loi organique in La réforme du budget de l'Etat, LGDJ, Collection Systèmes, 2è éd. 2004, p.189 et suivantes. 78 Conseil constitutionnel, 25 juillet 2001, 2001-448 DC, loi organique relative aux lois de finances. 79 Ibid, Considérant n°57 36 Section 1 – La remise en cause de la séparation des ordonnateurs et des comptables. La loi organique relative aux lois de finances procède à la rénovation des règles de la comptabilité publique (paragraphe 1). Elle vient accroître les compétences des gestionnaires en leur accordant de plus grandes libertés. Cet accroissement des compétences des gestionnaires va entraîner une modification de la fonction comptable, ce qui va nécessairement entraîner une remise en cause de la séparation traditionnelle des ordonnateurs et des comptables (paragraphe 2). Paragraphe 1 – La rénovation des règles de la comptabilité publique. La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a consacré à un rang supérieur la comptabilité publique80. L'article 27 de cette loi organique instaure une triple comptabilité : comptabilité budgétaire, comptabilité générale et comptabilité analytique. La comptabilité budgétaire est une comptabilité dite de caisse, et retrace l'ensemble des opérations budgétaires. Dans ce système, les dépenses sont retracées au moment où elles sont payées, c'est-à-dire au moment où est émis un virement au profit d'un fournisseur par exemple ; les recettes sont inscrites au moment où elles sont encaissées, c'est-à-dire notamment au moment où le chèque émis par le contribuable est encaissé. Cette comptabilité budgétaire existe déjà sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959, mais il s'agit plutôt d'un système dit « de caisse modifiée81 » dans la mesure où l'exercice auquel est rattaché la dépense ou la recette peut ne pas être le même que celui au cours duquel la dépense a été réellement payée. En effet, l'existence d'une période complémentaire permet de rattacher à l'exercice précédent certaines des dépenses payées au début de l'année suivante. Cependant cette période complémentaire, si elle est maintenue par la loi organique de 2001, se trouve désormais strictement encadrée. En effet, sous l'empire de l'ordonnance de 1959 la période complémentaire pouvait s'étendre jusqu'au 7 février de 80 Jusqu'alors, la comptabilité publique était principalement de nature réglementaire voire législatif. Cette loi organique, sans affirmer la majeure partie des règles comptables, vient renforcer cette matière en lui donnant une plus grande normativité. 81 Jean BASSERES, La comptabilité publique et la réforme, La revue du Trésor 2002 pp.163 et suivantes ; Revue française de finances publiques n°76 pp.93 et suivantes. 37 l'année n+1.82 Désormais, l'article 28, 2°, alinéa 2 de la loi organique prévoit que la durée de la période complémentaire « ne peut excéder vingt jours ». L'existence de la période complémentaire trouve son fondement dans le fait que le principe d'annualité ne saurait être entendu strictement, et ce pour de simples raisons pratiques : en effet, le délai qui sépare nécessairement l'initiation d'une opération de recettes ou de dépenses de son achèvement exige quelques tempéraments au principe de l'annualité. Il faut encore préciser que la loi organique83 encadre davantage la période complémentaire dans la mesure où celle-ci ne peut être ouverte aux ordonnateurs que pour exécuter des opérations de recettes et de dépenses prévues par une loi de finances rectificative intervenue au cours du mois de décembre précédent. Cette remarque est importante dans la mesure où sous l'empire de l'ordonnance de 1959, la période complémentaire était ouverte de plein droit aux ordonnateurs principaux jusqu'au 10 janvier de l'année suivante dès lors qu'il s'agissait du paiement d'une dépense née au cours de l'année achevée. Par ailleurs, l'article 27 de la loi organique instaure une comptabilité générale de l'ensemble des opérations de l'État84. Cette comptabilité générale est nécessairement plus large que la comptabilité budgétaire et va donc englober cette dernière. Ainsi la comptabilité générale va regrouper l'ensemble des opérations de l'État qui ont une incidence budgétaire, ainsi que celles qui n'ont pas d'incidence budgétaire ou qui affectent directement son patrimoine. Pour cette comptabilité générale, il a été préféré au système dit de caisse celui dit de droits constatés. La comptabilité en droits constatés implique que les opérations soient prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment donc de leur date de paiement ou d'encaissement. Il va donc être possible d'intégrer dans cette comptabilité, les éléments de la dette publique, et plus particulièrement le montant des intérêts nés entre le 1er janvier et le 31 décembre, quelque soit le moment où ils ont été réellement payés. L'article 30, alinéa 2 de la loi organique apporte une précision importante puisqu'il prévoit que « les règles applicables à la comptabilité générale de l'État ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action ». Ainsi, le 82 Article 9 du décret n°86-451 du 14 mars 1986 modifié par le décret n°96-1172 du 26 décembre 1996. On peut aussi constater que la période complémentaire a été élevée au rang organique par la loi organique de 2001 dans la mesure où l'ordonnance de 1959 ne la prévoyait pas explicitement. Elle renvoyait à un décret le soin de définir les modalités d'application du principe d'annualité et des exceptions qui pouvaient y être apportées. 84 Une comptabilité générale existait déjà sous l'empire de l'ordonnance, mais la loi organique a profondément revu les règles applicables. 83 38 rapprochement opéré par la loi organique entre le secteur public et le secteur privé se retrouve principalement au niveau comptable : les notions de sincérité, de fidélité, de prudence vont trouver parfaitement à s'appliquer à la comptabilité publique. En revanche, un certain nombre d'éléments doit encore faire l'objet de précisions dans la mesure où l'activité de l'État ne s'apparente pas directement à celle d'une entreprise ; de plus, le patrimoine de l'État est particulier et ne peut être comparé à celui d'une entreprise... En outre, contrairement aux entreprises, le référentiel comptable de l'État, c'est-à-dire l'ensemble des principes, normes et règles applicables à sa comptabilité, ne peut pas connaître de modifications perpétuelles et constantes. Pour permettre une plus grande transparence et un meilleur fonctionnement de ce système, une certaine pérennisation est nécessaire. Enfin, l'article 27 de la loi organique prévoit l'instauration d'une comptabilité dite analytique, permettant de faire apparaître le coût des différentes actions engagées dans le cadre des programmes85. Cette comptabilité analytique s'inscrit parfaitement dans la logique de mesure de la performance telle qu'elle est souhaitée par la loi organique. La modification de la comptabilité publique de l'État s'inscrit dans un mouvement européen de réforme des comptabilités publiques. En effet, depuis la mise en oeuvre de la troisième phase de l'union économique et monétaire, le rapprochement des systèmes des différents Etats européens est devenu nécessaire afin de pouvoir comparer de manière satisfaisante les données comptables de chacun des Etats membres. Cependant, la réforme de la comptabilité publique française n'a pas été aussi importante que dans certains autres Etats, dans la mesure où le système de comptabilité français était proche du système européen86. Au delà de la réforme des comptabilités de l'Etat, la loi organique vient aussi réformer la fonction comptable, ce qui va avoir pour conséquence de porter atteinte au sacro-saint principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables. 85 Pour une étude des notions de programmes et d'actions, voir nos développements ultérieurs dans la seconde section de ce chapitre. 86 Pour un approfondissement de ces questions, voir notamment l'article de Loïc LEVOYER, Fondements et enjeux de la réforme de la comptabilité de l'Etat, La revue du Trésor 2003 pp.3 et suivantes. 39 Paragraphe 2 – La nécessaire remise en cause de la séparation traditionnelle des ordonnnateurs et des comptables. A – L'évolution de la fonction comptable. L'article 31 de la loi organique du 1er août 2001 vient préciser le rôle des comptables publics et leur confie la tenue et l'établissement des comptes de l'État ainsi que le respect des principes et règles définis par elle. Par ailleurs, ils doivent s'assurer, entre autres, de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures. Les dispositions de la loi organique, sans remettre en cause les compétences et le rôle des comptables publics tels qu'ils existent sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et les textes qui en découlent, le modifie sensiblement. Certains contrôles opérés par les comptables sont amenés à évoluer sensiblement, et par ailleurs, les comptables vont connaître de nouveaux rôles. Ils vont ainsi s'assurer de la sincérité et de la fidélité des enregistrements comptables qu'ils ne seront plus seuls à effectuer. Ils se verront également confier des missions de certifications concernant notamment les opérations financières des ordonnateurs et les mesures d'inventaires que devront réaliser les gestionnaires et les ordonnateurs. La modification des comptabilités publiques de l'État, tel que nous l'avons précisé dans nos développements précédents, va entraîner des modifications dans la chaîne de dépenses et de recettes. En effet, la consécration d'une comptabilité d'exercice va entraîner l'écriture des droits et obligations dès lors qu'ils auront acquis une valeur certaine et non plus au moment où ils sont payés ou encaissés. Ainsi par exemple en matière de dépenses, dès la constatation du service fait ou dès la réceptions de la facture, la dette devra être inscrite dans le compte. De manière similaire, dès la constatation de la réalité juridique de la créance, la recette devra être inscrite elle aussi dans le compte. Cela va avoir pour conséquence de faire remonter certaines opérations de la phase comptable en amont de la procédure, ce qui signifie qu'il reviendra à l'ordonnateur d'inscrire ces opérations. Il ne faut cependant pas croire que le comptable ne gardera qu'une simple fonction d'enregistrement. En effet, il gardera ses compétences en matière de contrôles tant d'un 40 point de vue du payeur que du caissier. Ainsi, il devra toujours rechercher la qualité de l'ordonnateur qui est à l'origine de la dépense ou bien encore vérifier la réalité du service fait. En tant que caissier, il devra vérifier que la dépense a bien un caractère libératoire. En cas d'erreur ou d'absence de contrôle, le comptable s'expose à la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire, telle que nous l'avons rappelée dans notre chapitre précédent. La loi organique relative aux lois de finances va également induire de nouveaux contrôles. Si le contrôle exhaustif, qui est celui théoriquement en place actuellement, reste possible, d'autres contrôles87 vont donc être instaurés : un contrôle hiérarchisé et un contrôle partenarial. Ainsi, la relation existante entre le comptable et l'ordonnateur va être amenée à évoluer. Le contrôle hiérarchisé sera plutôt concentré sur les opérations aux enjeux importants ou dont les risques sont reconnus. Le comptable contrôlera ainsi celles des opérations qui présentent un risque d'irrégularités, soit dans leur montant, soit dans leur technicité. Le contrôle hiérarchisé permettra au comptable de moduler le champ, le moment et l'intensité de son contrôle. Il pourra ainsi décider d'effectuer un contrôle de l'exhaustivité des pièces ou bien lui préférer un contrôle d'un simple échantillon. Par ailleurs, il pourra choisir d'effectuer son contrôle avant le paiement ou l'encaissement, mais il pourra également décider d'effectuer un contrôle a posteriori. Enfin, le comptable pourra décider d'effectuer l'ensemble de ses contrôles ou bien de n'en faire qu'une partie. Ce contrôle hiérarchisé va donc permettre un rapprochement entre le comptable et l'ordonnateur : le comptable pourra moduler son contrôle en fonction de l'ordonnateur. Le contrôle hiérarchisé va donc se traduire par une réduction des délais de paiement et va donc autorisé dans certains cas une simplification des procédures. Le contrôle partenarial va quant à lui être basé sur un véritable partenariat entre le comptable et l'ordonnateur. Une convention entre ces deux acteurs pourra être passée, laquelle permettra au comptable d'indiquer à l'ordonnateur celles des opérations sur lesquelles porteront ces contrôles. Ceci va donc permettre d'instituer de véritables relations de confiance entre les comptables et les ordonnateurs : les premiers certifieront certaines 87 Il ne faut toutefois pas imaginer que la loi organique se trouve à l'origine de l'ensemble des nouveaux contrôles. En effet, déjà sous l'empire de l'ordonnance de 1959, certaines expérimentations avaient été faites. Ces dernières ont donc pu faciliter l'instauration de ces nouveaux contrôles. 41 opérations des ordonnateurs, ce qui aura pour conséquence d'accropitre l'autonomie de l'ordonnateur. En même temps, l'ordonnateur devra respecter les règles du « contrat » puisqu'il sera soumis à un contrôle nécessaire du comptable, afin que ce dernier vérifie que la certification accordée à l'ordonnateur est toujours valable. Ce contrôle partenarial va permettre une plus grande différenciation des contrôles. En effet, jusqu'à présent le comptable effectue ses contrôles sur pièces uniquement. Dans le cadre du contrôle partenarial il pourra effectuer son office sur place. Dans ce cas, cette démarche s'apparente à un audit. Celui-ci sera réalisé en commun par l'ordonnateur, le gestionnaire et le comptable. Du résultat de ce contrôle partenarial découleront des conséquences importantes : lorsqu'aucune défaillance majeure durable n'aura été décelée, le comptable pourra décidé « d'accorder une certification » sur certaines opérations de l'ordonnateur, ce qui aura pour effet de restreindre ses contrôles contemporains de sorte qu'il pourra effectuer quelques contrôles a posteriori sous forme de sondage. Ce contrôle partenarial va donc instaurer un nouveau cadre relationnel entre l'ordonnateur, le gestionnaire et le comptable. Le contrôle partenarial est un contrôle basé sur la synergie et la confiance et dont la finalité se trouve dans la recherche de l'efficacité et de la performance. Toutefois, si le comptable constate que l'ordonnateur ne respecte plus la « convention » passée, il pourra décider de cesser ce type de contrôles et effectuer de nouveau un contrôle hiérarchisé ou exhaustif. Enfin on peut encore préciser que le développement des systèmes d'informations budgétaires et comptables va permettre de réduire ceux des contrôles qui sont devenus aujourd'hui moins importants. En effet, le développement des systèmes d'informations permettra de supprimer à l'avenir les contrôles traditionnels de certaines opérations pour lesquelles la fraude est désormais impossible. C'est d'ailleurs grâce aux systèmes d'informations comptables qu'il a été possible pour les comptables patents de ne plus contrôler les seuils de passation des marchés publics. B – La remise en cause du principe traditionnel de la séparation des ordonnateurs et des comptables. Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables implique trois conséquences. Tout d'abord, les tâches d'exécution de la dépense ou de la recette doivent être strictement partagées. La phase administrative de la dépense ou de la recette incombe à 42 l'ordonnateur alors que la phase dite comptable appartient aux comptables. Par ailleurs, et il ne s'agit là que du corollaire du premier effet, les fonctions d'ordonnateur et de comptable sont incompatibles comme le précise l'article 20 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. Cette incompatibilité est importante et va relativement loin dans la mesure où elle exclut également les conjoints des ordonnateurs des fonctions de comptable dès lors qu'ils auraient compétence sur les organismes publics auprès desquels ces ordonnateurs exercent leurs fonctions. Cependant, il existe certaines hypothèses dans lesquelles les comptables publics peuvent être ordonnateurs de leurs propres services, bien que ce dans ce cas, la Cour des comptes n'admette pas cette pratique88. Enfin, le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables entraîne pour conséquence un contrôle des ordonnateurs par les comptables dans la mesure où les comptables sont personnellement et pécuniairement responsables des paiements et des encaissements. Cette responsabilité est levée dans le cas où un ordre de réquisition du comptable a été établi par l'ordonnateur. Dans ce cas, la responsabilité bascule du comptable vers l'ordonnateur. La réforme de la comptabilité publique et de la fonction comptable va entraîner une remise en cause de cette séparation des ordonnateurs et des comptables. En effet, chacune des trois conséquences de ce principe va se trouver atteinte par la réforme. Tout d'abord, la séparation stricte de chacune des étapes de la dépense ou de la recette est vouée à disparaître. Effectivement, s'il est vrai que la phase administrative de la dépense ou de la recette demeure une compétence de l'ordonnateur, il n'en va pas de même pour la compétence du comptable. Les étapes d'engagement, de liquidation et d'ordonnancement89 sont toujours de la compétence de l'ordonnateur. En revanche, ce dernier va accroître l'étendue de son pouvoir sur la phase comptable dans la mesure où il va lui revenir l'obligation90 d'émettre les bons de commande, de notifier un marché, de signer une décision attributive de subventions ou d'émettre un titre de perception... De même, il reviendra à l'ordonnateur de saisir la date de réception de la facture et celle du service fait, de liquider la dépense ou la recette et après de l'inscrire au fichier des tiers. Les ordonnateurs devront également passer les écritures relatives aux droits et obligations. Par 88 Cour des comptes, 13 janvier 1992, référés n° 5723 et 5724, Rec. 180. Ou bien mandatement en ce qui concerne les ordonnateurs secondaires. 90 Il faut d'ailleurs préciser que ces obligations existent déjà, mais que l'empiettement de l'ordonnateur sur la fonction comptable va s'accroître avec la mise en oeuvre de la loi organique. 89 43 exemple, il paraît logique que ce soit les ordonnateurs ou les services gestionnaires qui soient chargés de constater les droits acquis par l'État sur des tiers, ou en tout cas qu'ils le fassent pour les opérations les plus simples et les plus fréquentes. En outre, la mise en oeuvre des principes d'une comptabilité d'exercice impliquera de procéder en fin d'année à des opérations d'inventaire afin d'analyser la situation comptable de l'exercice écoulé. Il faudra donc effectuer l'ensemble des opérations d'inventaire afin qu'elles soient répertoriées au niveau comptable, mais pour ce faire, il faudra au préalable effectuer un inventaire physique. Il est évident que ce sont les ordonnateurs et les gestionnaires qui seront les plus à même de réaliser ces opérations d'inventaire que le comptable sera chargé de contrôler par la suite91. Ainsi, les gestionnaires et les ordonnateurs auront à exercer certaines des fonctions comptables, à charge pour eux de le faire correctement puisqu'ils peuvent faire l'objet d'audits par le comptable notamment dans le cadre du contrôle partenarial. Du coup, dès lors que la séparation entre les différentes étapes de dépenses et de recettes n'est plus aussi strictement démarquée, les fonctions d'ordonnateur et de comptables ne peuvent plus être aussi « étanches92 ». Certes un comptable ne pourra toujours pas être ordonnateur, en revanche, un ordonnateur pourra exercer des fonctions qui relèvent de la compétence du comptable. Enfin, le contrôle opéré par le comptable public sur les ordonnateurs va sensiblement évoluer. Dès lors que le comptable public n'exerce plus un contrôle exhaustif, on ne peut pas maintenir une responsabilité identique selon que le comptable ait ou non effectuer son contrôle. Dans le système existant sous l'empire de l'ordonnance de 1959, le contrôle a priori et exhaustif exercé par le comptable trouve son fondement dans le fait qu'il est pécuniairement et personnellement responsable. Dans le système nouveau, un plan de contrôle des normes va être mis en place, ce qui permettra au comptable d'avoir la certitude que les opérations qu'il contrôle sont bien celles qui doivent faire l'objet d'un contrôle exhaustif, ou bien que ces opérations peuvent faire l'objet d'un simple contrôle par sondage. Bien sûr, une approche sélective des contrôles expose mécaniquement le comptable à des risques en ce qui concerne les opérations non contrôlées. Aussi, la situation qui semble être retenue est celle qui consiste à recourir à la technique de la remise gracieuse par le ministre des débets prononcés par le juge des comptes, dès lors qu'ils portent sur des dépenses qui 91 Le comptable, lors de son contrôle, pourra décider de « certifier » ces mesures et effectuer dès lors un contrôle partenarial. 92 Le principe d'incompatibilité des fonctions est consacré à l'article 20 du décret du 29 décembre 1962. 44 n'avaient pas à être contrôlées93 et que le plan de contrôle mis en place soit cohérent avec les risques encourus94. Toutefois, si les contrôles des comptables viennent à diminuer, il ne faut cependant pas que les ordonnateurs et gestionnaires aient le sentiment d'être totalement libres dans leurs agissements. Ainsi, il faut que les ordonnateurs et les gestionnaires puissent voir leur responsabilité engagée en cas de faute, de manquement ou d'erreur. En effet, le fait que le comptable ne procède plus à un contrôle exhaustif, va permettre aux gestionnaires une plus grande liberté d'action et va permettre également d'accélérer les processus de paiement. Il apparaît donc nécessaire que la responsabilité des ordonnateurs et des gestionnaires trouve une application particulière dans le nouveau système95. Ainsi une certaine liberté de gestion va apparaître grâce à la loi organique, qui doit répondre à un objectif de performance et d'efficacité. C'est également dans ce souci qu'a été revue l'organisation générale d'exécution des lois de finances. Section 2 –L'intervention de nouveaux acteurs dans le système financier. La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a modifié la forme du budget de l'État. En effet, elle procède à une rénovation importante tant au niveau central qu'au niveau déconcentré. Ainsi, les missions, actions et programmes vont permettre de déterminer les grandes politiques gouvernementales qui vont être mises en oeuvre (paragraphe 1), tandis que d'autres structures subalternes vont être chargées de les appliquer (paragraphe 2). 93 Alain CAUMEIL, Le contrôle hiérarchisé : un levier d'une gestion publique plus performante, La revue du Trésor 2004, pp 95 et suivantes. 94 Voir nos développements dans notre prochain chapitre en ce qui concerne l'applicabilité des mécanismes de responsabilité des comptables, du fait notamment de la modification des fonctions. 95 Nous tâcherons d'apporter quelques éléments de réflexion sur ce sujet dans notre prochain chapitre. 45 Paragraphe 1 – Les missions et les programmes : le renouveau de l'action gouvernementale. A – Les missions et les programmes 1 – Les missions La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 procède à la rénovation des outils budgétaires de l'État. En effet, sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959, les dépenses étaient regroupées par nature ou par destination, et comme le titre était le premier niveau de la nomenclature budgétaire, il n'était pas particulièrement simple de connaître le montant total des crédits qui étaient ouverts aux différents services ou ministères. Il a souvent été reproché à l'ordonnance de 1959 de favoriser une logique de moyens. La loi organique relative aux lois de finances veut quant à elle instituer une logique de résultats, d'objectifs et de contrôle c'est-à-dire en fait une logique de performance. L'article 7 de la loi organique prévoit que « les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l'État sont regroupés par mission ». Le vocable « mission » lui-même montre bien cette volonté d'orienter le budget vers une logique de performance, d'objectifs. Désormais l'unité de vote budgétaire ne sera plus le titre ou le chapitre, comme c'était le cas jusqu'à présent, mais l'unité de vote sera la mission, ce qui signifie que le vote sera désormais effectué en sachant à quelle finalité iront les crédits ouverts par le Parlement. On passe désormais d'une budgétisation par nature de dépenses à une budgétisation par objectif. Les missions constituent donc le premier niveau de regroupement des crédits et elles ne peuvent être créées que par une « disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale ». Cette précision est importante car elle signifie que le Parlement ne pourra pas proposer la création d'une mission dans un de ces amendements96. Une mission peut être soit interministérielle, soit ministérielle, soit infraministérielle97. L'article 7 de la loi organique définit ce qu'est une mission en précisant qu'elle « comprend un ensemble de 96 Le parlement ne dispose pas de la possibilité d'initier une loi de finances ainsi que le prévoit l'article 39 de la constitution. 97 Rien n'empêche en effet qu'une émission ne concerne que certains services d'un seul ministère. 46 programmes concourant à une politique publique définie ». Les missions se distinguent donc des programmes dans la mesure où les premières constituent l'unité de vote alors que les seconds constituent l'unité de spécialité. Par ailleurs, la question du droit d'amendement des parlementaires en matière financière a pendant longtemps fait l'objet de critiques. Or la loi organique du 1er août 2001 vient apporter un terme à ces critiques. En effet, son article 47 assimile la notion de « charge » à celle de « mission ». Les parlementaires ne pourront pas augmenter le montant global de la mission, faute de quoi ils augmenteraient une charge publique ; en revanche, ils peuvent augmenter le montant affecté à un programme en réduisant celui d'un autre programme de la même mission. La mission va donc permettre une logique dans l'action gouvernementale dans la mesure où elle va regrouper un ensemble cohérent de programmes. Ces missions pourront faire participer plusieurs ministères ce qui permettra, contrairement à l'ordonnance du 2 janvier 1959, de tenir compte du caractère interministériel des politiques publiques. En revanche, les programmes, unités de spécialité, ne peuvent être que ministériels ou infraministériels. 2 – Les programmes Les programmes constituent le deuxième niveau de regroupement budgétaire. Ils sont l'unité de spécialité budgétaire et les crédits sont donc limités à leur niveau. Contrairement aux missions, ils peuvent être créés par une disposition législative d'origine gouvernementale ou parlementaire. Ils doivent cependant respecter le principe posé à l'article 47 de la loi organique, qui confirme l'article 40 de la constitution. Par ailleurs, ces programmes semblent pouvoir être créés par voie réglementaire en cours d'exercice98. L'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 dispose qu' « un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auxquelles sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalité d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ». Aux termes de cet article, plusieurs conditions doivent être regroupées pour qu'un programme puisse être créé. Il faut tout d'abord que le programme soit uniquement ministériel dans la mesure où l'article 7 précité prévoit expressément que cet ensemble d'actions relève d'un même ministère. Par ailleurs, il faut que cette construction constitue 98 Il semble en effet possible de pouvoir créer un programme en recourant à la technique des décrets d'avance à condition qu'ils ne constituent pas une simple mesure de régulation budgétaire. En effet, si tel était le cas, une atteinte excessive serait portée au pouvoir du Parlement. 47 un ensemble cohérent d'actions. Enfin, cette création doit répondre à des objectifs et à des résultats évaluables. On peut également envisager que certains indicateurs soient donnés bien qu'il ne s'agisse pas là d'une formalité indispensable dans la mesure où les parlementaires ne pourraient pas apporter nécessairement ces indicateurs. Ces programmes doivent répondre à un objectif de performance et c'est la raison pour laquelle des projets annuels de performance et des rapports annuels de performance sont créés. Les premiers interviennent a priori, au moment du vote des crédits afin que les parlementaires soient informés des objectifs qui sont assignés au programme. Les seconds interviennent a posteriori, c'est-à-dire juste avant que le Parlement ne se prononce sur la loi de règlement afin de voir si les objectifs qui étaient assignés ont été ou non atteints, et voir les résultats obtenus. Il faut que les objectifs et les résultats influent sur les décisions budgétaires. Il faut que l'ensemble des programmes puissent faire l'objet d'un contrôle quant à leur exécution afin de voir quels sont les avantages et les inconvénients, les points forts et les points faibles de chacun d'entre eux. On peut également se demander si certaines responsabilités pourraient être engagée en cas d'échec, et si oui sur qui pèsera cette responsabilité ? B – L'apparition de personnes responsables. La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 accroît considérablement la liberté des gestionnaires. En contrepartie de cette liberté de gestion, une plus grande responsabilisation a été souhaitée. Cependant, qui dit responsabilisation dit responsabilité, et donc responsable. C'est la raison pour laquelle des responsables de programmes ont été clairement identifiés. En revanche, au niveau des missions, il n'y a pas de responsables proprement dits dans la mesure où ce sont les ministres qui devront rendre compte des politiques menées par leurs services. La liberté de gestion accordée aux gestionnaires se traduit par la suppression d'une spécialisation par chapitre, à laquelle il a été préféré une spécialisation par programme qui va donc diminuer sensiblement la précision de l'autorisation budgétaire. En contrepartie de cet assouplissement, des objectifs doivent être définis et atteints. Désormais, les crédits de 48 chaque programme sont présentés par titre99, bien que cette présentation ne soit qu'indicative dans la mesure où le vote se fait au niveau de la mission et non plus au niveau du titre ou du chapitre. Cela signifie donc encore que le caractère limitatif de l'autorisation de dépenses ne s'apprécie plus au niveau du titre ou du chapitre mais au niveau de la mission dans son ensemble. Les crédits deviennent donc fongibles à l'intérieur d'une même mission ce qui va permettre de redéployer les moyens affectés initialement à des dépenses de fonctionnement à des opérations d'investissement, ou inversement. Cette liberté de gestion des crédits au sein des missions va donc permettre au ministre gestionnaire et à ses services de bénéficier d'enveloppes globalisées et fongibles qui vont leur permettre de mettre en oeuvre, de la manière dont ils l'entendent, les politiques publiques afin de répondre aux objectifs définis dans les lois de finances. Il faut cependant préciser que cette fongibilité n'est pas absolue dans la mesure où elle est dite asymétrique. En effet, « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel constituent le plafond des dépenses de cette nature ». Cela signifie donc que les gestionnaires sont libres de puiser des crédits dans le titre relatif aux dépenses de personnel afin d'abonder un autre titre, en revanche ils ne peuvent pas puiser des crédits d'un autre titre pour venir abonder le titre II100. Par ailleurs, la loi organique complète les dispositions relatives au montant des crédits ouverts dans le titre II par des plafonds d'autorisation d'emplois rémunérés par l'État et spécialisés par ministère. Cela signifie donc qu'à côté du plafond des crédits ouverts sur le titre II, correspond un plafond des emplois calculés en équivalent temps plein indépendamment de la catégorie à laquelle cet emploi se rattache. Ainsi, le titre II consacré aux dépenses de personnel se trouve doublement plafonné : d'une part d'un point de vue des crédits ouverts afin de financer les dépenses en personnel, et d'autre part d'un point de vue du nombre d'emplois calculés en équivalent temps plein par ministère. On peut donc considérer que la liberté de gestion qui est accordée aux gestionnaires va permettre une meilleure performance de l'action publique. Toutefois, étant donné que ces gestionnaires disposent de compétences accrues, ceux-ci doivent faire l'objet de responsabilités supplémentaires par rapport à celles qui existent, théoriquement, actuellement. En effet, les responsables de programmes constituent des ordonnateurs 99 C'est-à-dire en fait qu'ils sont présentés par nature comme c'était déjà le cas sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959, mais à l'époque cette répartition était très stricte puisque le Parlement votaient les crédits par titre et par chapitre. 100 Le titre II est le titre consacré aux dépenses de personnel ainsi que le prévoit l'article 5 de la loi organique du 1er août 2001. 49 secondaires et encourent donc en théorie les responsabilités des ordonnateurs. Cependant, nous démontrerons dans notre chapitre suivant que les responsabilités des ordonnateurs ne leur sont pas applicables. Il faudra donc instituer une nouvelle forme de responsabilité : il semble que la responsabilité managériale soit la plus prisée101. Les missions et les programmes constituent donc le cadre premier de l'exécution budgétaire. Cependant, pour mettre en oeuvre ces programmes il est nécessaire de procéder à un éclatement de ceux-ci en actions, afin de pouvoir mettre en oeuvre concrètement dans des niveaux subalternes les mesures votées dans les lois de finances. Paragraphe 2 – Les niveaux subalternes : les budgets opérationnels de programmes et les unités d'exécution 1 0 2 . La loi organique relative aux lois de finances autorise une plus grande souplesse de gestion aux gestionnaires. Une fois la masse des crédits votés par le Parlement et la délimitation définitive du programme, il incombe au responsable de programme de procéder à la répartition par service et / ou par territoire, des actions, des objectifs et des indicateurs de programme. Pour permettre la mise en oeuvre de ces actions, de ces objectifs et de ces indicateurs de programme, un certain nombre d'enveloppes budgétaires doivent être réparties : ce sont les budgets opérationnels de programme. Cette répartition est réalisée par le responsable de programme qui confie un budget opérationnel de programme à une personne particulière : le responsable de budget opérationnel de programme. La dotation financière qui sera attribuée correspond en fait à l'enveloppe budgétaire approuvée par le responsable de programme et correspond à l'actuelle notification des budgets des services. Elle n'ouvre pas de droit à la consommation. En effet, la dotation du budget opérationnel de programme ne sera pas allouée « d'un coup ». Elle sera versée selon un échéancier défini par avance103. 101 Le démontrerons de notre prochain chapitre quelles sont celles des responsabilités qui peuvent être applicables. 102 Pour des développements plus complets sur le sujet, voir notamment http://www.minefi.gouv.fr/lolf/2_2.htm ; http://www.minefi.gouv.fr/lolf/15_1_3.htm . 103 Cela peut s'expliquer du reste par le fait que le responsable de programme ne disposera pas en une seule fois des crédits alloués au programme ; mais il ne faut pas non plus perdre de vue que les crédits tels qu'ils sont alloués initialement au programme peuvent faire l'objet de modifications en cours d'exercice. Il peut 50 Les budgets opérationnels de programme ne sont pas des services chargés de mettre en oeuvre de manière concrète les politiques publiques. Ce sont simplement des services gestionnaires des programmes. Par conséquent, il doit y avoir des services spécifiques chargés d'appliquer matériellement les mesures et objectifs : ce sont les unités d'exécution. Une unité d'exécution est un service gestionnaire d’un budget opérationnel de programme qui met en oeuvre la part de programmation qui lui est confiée : elle est rattachée à un budget opérationnel de programme et un seul, pour lequel elle assure la mise en oeuvre effective de la programmation (en tout ou partie). Son responsable est donc nécessairement ordonnateur principal ou secondaire (le plus souvent délégué) car c’est lui qui engage concrètement les actions à mener en mobilisant les moyens nécessaires. Les unités opérationnelles sont identifiées par le responsable de budget opérationnel de programme dans le schéma d’organisation d’exécution financière. Toutefois il peut arriver qu'un même service soit à la fois chargé d'un budget opérationnel de programme alors qu'il est une unité d'exécution. Il est également possible qu'un même service soit unités d'exécutions de plusieurs budgets opérationnels de programme différents104. Ainsi, une fois les crédits obtenus par le responsable de budget opérationnel de programme, celui-ci va pouvoir répartir, selon les besoins prévus par les objectifs, actions..., les différents crédits aux différentes unités d'exécution, lesquelles auront pour mission de mettre en oeuvre concrètement les actions définies dans le programme et d'atteindre les objectifs tels qu'ils y sont présentés. Chacune des unités d'exécution est placée sous la direction d'un responsable d'unité d'exécution. Il est donc primordial qu'existe un dialogue de gestion entre les différents niveaux105 tant ils sont dépendants les uns des autres. « Le dialogue de gestion est le processus d'échanges existant entre un niveau administratif et les niveaux qui lui sont subordonnés, relatifs aux volumes de moyens mis à la disposition des entités subordonnées et aux objectifs qui leur sont assignés. Ce dialogue de gestion s'instaure essentiellement entre les responsables de programme et les responsables de budgets opérationnels et entre ces derniers et l'ensemble des services placés sous leur responsabilité. L'objectif de ce dialogue de gestion est de faciliter la participation et le goût de l'initiative de chaque agent et ce, à effectivement survenir des gels ou annulations de crédits, ou il peut même arriver que soient pris des arrêtés de transfert ou des décrets de virement. 104 Voir notamment http://www.minefi.gouv.fr/lolf/downloads/220_bop_daf_04_07_2003.pdf 105 Entre le programme et le budget opérationnel et entre ce dernier et les unités d'exécution. 51 tous les niveaux de responsabilité et à tous les niveaux d'implication »106. Ce dialogue de gestion interviendra en amont de l'exécution, c'est-à-dire au moment où les crédits seront répartis afin que chaque niveau fasse valoir ses remarques ; mais il interviendra également en cours d'exécution afin d'appréhender les difficultés ou aisances avec lesquelles sont exécutés les moyens mis en jeu pour parvenir aux objectifs fixés. Ce dialogue de gestion sera notamment le lieu de la justification d'un certain nombre de points ; parmi ces points, on peut relever notamment la justification des reports de crédits, la justification des dépenses au premier euro... Il s'agit également du lieu où pourront être présentés les risques de mettre en oeuvre telle ou telle action de telle ou telle manière. Le budget opérationnel de programme est composé d’éléments indissociables. Il doit contenir une programmation d’actions et de moyens mettant en œuvre le programme dans un contexte donné mais aussi un budget prévisionnel structuré par destinations et natures de dépenses et accompagnée d’un schéma d’organisation financière traduisant la répartition par unités opérationnelles de la programmation et du budget prévisionnel. Le budget opérationnel de programme comporte donc plusieurs éléments. On y trouve tout d'abord une présentation de la déclinaison des objectifs et des résultats attendus du programme avec les indicateurs proposés pour la mesure des résultats. On trouve également dans les budgets opérationnels de programme, une description physique de leur contenu qui peut porter sur deux éléments : sur les emplois en équivalents temps plein et l’évolution prévisionnelle du schéma d’emplois, lorsque le programme autorise le titre II ainsi que sur les moyens de fonctionnement prévus par grands types de dépenses ainsi que les dispositifs d’intervention que le budget opérationnel de programme recouvre. Enfin, le budget opérationnel de programme contient la liste des opérations d’investissement prévus (liste qui peut être détaillée au-dessus d’un certain seuil et globalisée pour les opérations de faible montant unitaire). Le budget opérationnel de programme profitera des caractéristiques du programme auquel il est rattaché et, notamment en matière de fongibilité asymétrique. Il faut enfin préciser que le budget opérationnel de programme peut se trouver limiter en cours d'exercice par les mesures que peut prendre le responsable de programme, notamment de sa volonté de redéployer certains moyens sur d'autres budgets opérationnels contenus dans son programme. Une dernière observation doit être faite quant au contenu du budget 106 Il s'agit là de la définition qui est donnée par la Moderfie. 52 opérationnel de programme : il s'agit de la réserve. En effet, le responsable de budget opérationnel de programme peut décider de garder une partie des crédits alloués par le responsable de programme afin de maintenir une réserve de crédits pouvant être alloués en cas d'aléas. Il faut d'ailleurs préciser que la même chose peut être faite au niveau du programme et le responsable de programme peut lui aussi réserver une partie des crédits en cas d'aléas107. La loi organique relative aux lois de finances de 2001 a donc rénové profondément la matière comptable et l'exécution budgétaire. Aussi nous devons nous attendre à des difficultés dans les débuts. Il faut en effet rappeler que tous les développements qui viennent d'être faits ne sont que des prospections dans la mesure où toutes ces mesures vont être applicables à compter de l'exécution du budget 2006. Cependant, pour mettre en oeuvre de manière satisafaisante cette réforme titanesque, il serait important que les régimes de responsabilité des agents, dont nous avons préalablement montré qu'ils étaient inadéquats, fassent l'objet de réformes, d'autant plus que les gestionnaires, auxquels ont été reconnus de plus grandes libertés, sont pour la plupart des ordonnateurs. Etant donné que leurs pouvoirs augmentent considérablement, il semblerait normal que les responsabilités encourues par eux soient effectives et surtout adaptées. 107 La réserve existe aussi au niveau de l'Etat dans les dotations pour dépenses accidentelles notamment. 53 SECONDE PARTIE – LES NÉCESSAIRES ÉVOLUTIONS DES ACTEURS DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE. Nous avons précédemment montré que les responsabilités des agents d'exécution budgétaire, ordonnateurs et comptables, étaient dans « l'ancienne génération108 » inadaptées. Or, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 ayant redéfini les prérogatives de chacun de ces agents, il découlera assez logiquement que les responsabilités des agents « de la nouvelle génération109 » devront faire l'objet de réformes. Il conviendra alors de présenter quelles pourraient être les mécanismes de la redéfinition des responsabilités des agents d'exécution du budget de la « nouvelle génération » (Chapitre 1). Il faut encore préciser que si l'on souhaite voir la réforme de 2001 aboutir dans sa totalité, et donc procéder à la réforme de la responsabilité des agents d'exécution, il faudra rénover celles des règles qui seront devenues obsolètes. On peut alors s'interroger sur la question de savoir s'il ne faudrait pas profiter de la nécessaire réforme des responsabilités des agents d'exécution pour réformer profondément certains des fondements textuels de la responsabilité de ces agents, et aussi les textes qui viennent compléter les dispositions de la loi organique, notamment celles qui concernent les règles de la comptabilité publique. En effet, aujourd'hui ces règles sont pour la plupart contenues dans le règlement général de la comptabilité publique issu d'un décret du 29 décembre 1962. Or, certaines de ces dispositions doivent faire l'objet d'une révision du fait de leur incompatibilité avec les nouvelles dispositions budgétaires et comptables, alors que d'autres sans être 108 Il nous semble en effet possible d'utiliser l'expression « ancienne génération » pour parler des fonctions des ordonnateurs et des comptables telles qu'elles découlaient de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959. 109 L'expression « nouvelle génération » s'oppose ici à l'expression « ancienne génération » et correspond aux fonctions d'ordonnateurs (et donc 'aux fonctions de responsables de programme, de budget opérationnel de programme et d'unités opérationnelles), de gestionnaires et de comptables telles qu'elles apparaissent dans la loi organique de 2001. 54 incompatibles, ne sont plus parfaitement adaptées. Par ailleurs, les dispositions législatives concernant la responsabilité des comptables sont-elles aujourd'hui compatibles avec les transformations de la fonction comptable ? En outre, les juridictions financières chargées de contrôler les agents d'exécution du budget ne pourraient-elles pas profiter de la réforme des responsabilités des agents d'exécution pour s'adapter à ces nouvelles formes de contentieux ? L'ensemble de toutes ces questions nécessitera une étude plus détaillée (Chapitre 2). 55 Chapitre 1 – Les nécessaires adaptations concernant les responsabilités des agents d'exécution du budget. Les agents « de la nouvelle génération » chargés de l'exécution du budget, nous l'avons déjà dit, doivent connaître une responsabilité qui soit réelle. On peut alors considérer qu'étant donné l'évolution des fonctions d'ordonnateurs et de comptables dans le sens d'une moins grande distinction des tâches attribuées à chacune, il pourrait apparaître intéressant qu'un régime de responsabilité répondant aux mêmes logiques soit mis en oeuvre. C'est dans cette optique que devraient se mettre en place une responsabilité de type managérial, applicable aux acteurs de la « nouvelle génération » chargés de l'exécution du budget (section 1). Cependant, cette responsabilité managériale ne doit pas faire oublier que d'autres responsabilités puissent exister à côté. Il paraîtrait peu opportun de ne pas maintenir certaines des responsabilités que connaissent les ordonnateurs, tout en les rénovant afin de les rendre pleinement applicables aux acteurs de la « nouvelle génération », de même qu'aux ordonnateurs qui ne connaîtront pas dans l'immédiat de la réforme110 (section 2). La même remarque peut d'ailleurs être faite en ce qui concerne les comptables puisque eux aussi doivent connaître une évolution de leurs responsabilités, qui doit se faire d'une part, par rapport aux mutations que connaissent leurs fonctions, et d'autre part pour s'adapter aux défaillances de l'ancien système, toujours applicable pour les comptables des collectivités décentralisées (section 3). 110 En effet, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 ne concerne que le budget des administrations centrales et déconcentrées et de leurs établissements publics, à l'exclusion donc des administrations décentralisées qui continueront à être régies par les principes antérieurs. Il est d'ailleurs intéressant de noter à ce stade qu'il paraît difficilement tenable de maintenir une telle dualité des systèmes alors même que certaines collectivités constituent, pour certaines de leurs attributions, des 'administrations déconcentrées, alors que pour d'autres de leurs attributions, elles constituent des collectivités territoriales décentralisées. Du reste, les principes issus de la loi organique relative aux lois de finances ne peut que s'étendre à l'ensemble de la sphère financière : la réforme des finances sociales actuellement en cours le montrent, et à n'en pas douter, les collectivités territoriales ne pourront pas rester indifférentes à de tels principes d'efficacité et de performance. 56 Section 1 – L'émergence d'une responsabilité de type managérial aux acteurs « de la nouvelle génération ». Paragraphe 1 – Les contours de la responsabilité managériale. Le vocable « responsabilité » peut être entendu de deux manières différentes. Il peut tout d'abord s'agir de l'entendre dans le sens d'une « obligation de répondre d'un dommage devant la justice et d'en assumer les conséquences111 ». Mais ce vocable peut également être entendu dans le sens de « rendre compte de ses actes et de ceux des personnes qui sont sous sa dépendance112 ». C'est dans ce dernier sens que la responsabilité de type managérial doit être entendu. En effet, nous savons que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a rénové les modes de gestion publique en apportant un certain nombre de modifications à la structure même du budget et en créant des missions, des programmes, des actions. Or, pour rendre compte du succès plus ou moins grand de l'action gouvernementale, un certain nombre d'objectifs doivent être annexés à ces missions, programmes et actions. La mesure de la performance de l'action gouvernementale se fera donc en comparant les objectifs fixés aux résultats obtenus. Il s'agit donc de l'essence même de la responsabilité managériale que de rendre compte de ces éléments. La responsabilité managériale repose donc sur un ensemble d'éléments que sont d'une part, les objectifs, d'autre part les moyens, et enfin la liberté et qui est accordé aux gestionnaires pour utiliser ces moyens. Ainsi, celui qui disposera de ces moyens et de cette liberté devra bénéficier d'objectifs déterminés afin qu'il puisse rendre compte ultérieurement de l'efficacité des mesures engagées. En contrepartie de cette liberté de gestion, il devra assumer les conséquences de ses actions en rendant compte de ses résultats. 111 Gérard CORNU, responsabilité in Vocabulaire juridique, Presses universitaires de France, 6ème édition, 2004, 992 pages. 112 André BARILARI, Vers la réforme des responsabilités des gestionnaires publics, in A.J.D.A. 2005, n°13, p.698. 57 L'idée de l'instauration d'une responsabilité managériale n'est pas nouvelle en France. En effet, dès la fin de la décennie 1980113, l'idée d'une responsabilité managériale est apparue de par l'informatisation de services du ministère de l'équipement114, mais il semble que l'identification d'une véritable responsabilité managériale se heurtait à plusieurs difficultés. André BARILARI115 en présente effectivement trois : il rappelle qu'au niveau central, les ministères distinguaient le plus souvent des directions de moyens et des directions de missions. Par ailleurs, il ajoute qu'au niveau des services déconcentrés, il n'y avait pas véritablement d'objectifs clairs affectés aux actions à réaliser. Enfin, il rappelle que l'existence de contrôles financiers et comptables a priori ne permettaient pas de donner des marges de manoeuvre suffisantes pour mettre en oeuvre une telle responsabilité. Ainsi, selon André BARILARI, il n'y a que quelques niveaux qui vont pouvoir bénéficier de la responsabilité managériale, étant donné que seules ces strates auront l'équilibre nécessaire entre la liberté de gestion de moyens d'une part et la fixation d'objectifs d'autre part. Pour lui, seuls les responsables de programmes, les responsables de budgets opérationnels de programmes et les responsables d'unités opérationnelles pourront se voir appliquer une responsabilité managériale. Cela laisse donc supposer a contrario, que si seulement trois catégories d'ordonnateurs peuvent se voir attribuer une responsabilité managériale, les autres ordonnateurs ne pourront pas être investis de cette responsabilité et demeurent donc régis par les responsabilités traditionnelles décrites dans notre première partie. Paragraphe 2 – Les modalités de la mise en oeuvre de la responsabilité managériale. Afin de déterminer les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité managériale, trois questions doivent être posées : devant qui les gestionnaires devront-ils rendre compte de 113 Circulaire du 23 février 1989, JO du 24 février 1989, p.2526. C'est en tout cas ce que révèle l'article d'Hervé CHOMIENNE, Contours et limites de la responsabilité managériale des acteurs dans les organisations administratives publiques : le cas de l'informatisation de services du ministère de l'équipement. in Revue politiques et management public, Vol.19 n°4, Décembre 2001, pp.45 et suivantes. 115 André BARILARI, op. cit p.698. 114 58 leurs actions ? (A) De quoi précisément devront-ils rendre compte ? (B) Quelles conséquences cette responsabilité pourrait-elle engendrer ? (C) A – Devant quelle autorité les gestionnaires devront-ils rendre compte de leurs actions ? L'affirmation d'une responsabilité quelle qu'elle soit ne trouve d'intérêt que dès lors qu'a été précisée l'autorité qui sera chargée d'apprécier l'action menée par le gestionnaire. Rappelons-le, seuls les responsables de programmes, les responsables de budgets opérationnels de programmes et les responsables d'unités opérationnelles116 seront soumis à cette responsabilité de type managérial. Or, nous avons vu précédemment que les différents niveaux (programmes, budget opérationnel de programmes) vont nécessairement connaître des imbrications et dès lors, il sera parfois difficile de distinguer celles des actions qui relèvent d'un niveau plutôt que d'un autre. Si l'on part de l'unité la plus spécialisée, c'est-à-dire l'unité opérationnelle, on peut très bien concevoir qu'elles doivent rendre des comptes devant l'unité qui lui attribue les moyens. Dans ce cas, le responsable d'unité opérationnelle devra rendre compte de l'action de son unité devant le responsable de budget opérationnel de programme. Dans la même optique, le responsable de budget opérationnel de programme devra rendre compte de l'action de son niveau devant l'autorité qui lui attribue les moyens, c'est-à-dire en fait devant le responsable programme. Il s'agit là en fait de la conséquence du dialogue de gestion : pour pouvoir évaluer les moyens nécessaires à l'action de chacun des niveaux, le responsable de celui-ci doit rendre compte à l'autorité qui lui attribue les moyens, de l'action menée par lui. Cependant, se pose au niveau des responsables de programmes une question importante : devant qui seront-ils responsables ? En effet, qui contrôlera ceux qui se trouvent au sommet du système117 ? Plusieurs réponses peuvent être apportées à cette question. On peut d'abord envisager que les responsables de programmes rendent compte de leurs actions, et de celles des services qui leur sont subordonnés, à l'autorité qui leur attribue les moyens financiers, c'est-à-dire le Parlement. En effet, il paraîtrait fondé de faire peser la responsabilité des responsables de programmes devant les représentants du peuple, lesquels 116 Il semble qu'ils soient les seuls ordonnateurs à pouvoir bénéficier de telles responsabilités. Il est envisagé d'appliquer cette forme de responsabilité aux comptables publics. 117 Il est évident que nous n'intégrons pas le ministre dans ce système ! 59 pourraient décider d'auditionner l'ensemble des responsables de programmes et ensuite prendre les mesures qui découlent de leur action118. Il nous semble toutefois que les conséquences qui pourraient être tirées par les parlementaires ne soient pas les mêmes que celles qui pourraient être tirées par les ministres ordonnateurs principaux de l'État. C'est sans doute pour cette raison qu'André BARILARI recommande que « l'appréciation des responsables de programmes devrait (...) être avant tout une prérogative des ministres qui les nomment et (...) du gouvernement qui rendra compte de leur action au Parlement par les projets annuels de performances et les rapports annuels de performance119 ». Il nous paraît donc évident que l'autorité devant laquelle les responsables de programmes devront rendre des comptes ne sera pas le Parlement mais bien les ministres. En effet, il paraît difficilement admissible que les ministres laissent échapper une telle prérogative leur permettant d'avoir une influence supplémentaire sur leurs agents, d'autant que comme on le verra par la suite, les conséquences de la mise en jeu de la responsabilité managériale relèvent pleinement des services administratifs des ministères. Une fois déterminées les autorités devant lesquelles les différents responsables devront rendre compte des actions menées par leurs services, il faut venir préciser quelles sont les actions qui pourront relever de la responsabilité managériale. B – De quoi les responsables devront-ils rendre compte ? Une telle question peut paraître inutile : les responsables devront rendre compte des actions menées par eux et par les services qui leur sont subordonnés. Cependant, il faut tempérer ses propos en rappelant que le compte rendu de ses actions doit s'analyser comme la 118 Et il faut alors se demander si cette responsabilité est engagée devant les deux assemblées ensemble, c'està-dire par exemple réunies dans la même composition que le congrès ou si cette responsabilité est engagée devant une partie seulement des deux assemblées, par exemple la réunion des deux commissions des finances, ce qui ressemblerait un peu à la composition d'une commission mixte paritaire. Enfin, on pourrait envisager que cette responsabilité des responsables de programmes soit engagée successivement devant tout ou partie de l'assemblée nationale et du Sénat. Il nous semble cependant que la solution qui consiste à engager la responsabilité des responsables de programmes devant la réunion des deux commissions des finances de chacune des assemblées soit la solution la meilleure, dans la mesure où les responsables de programmes seraient auditionnés par ceux des parlementaires les plus intéressés et les plus connaisseurs des questions financières. 119 Op cit p. 700 60 traduction de la bonne gestion financière des services (1), qui doit être de surcroît fiable et honnête (2). 1 – Les responsables devront rendre compte de la bonne gestion financière de leurs services La loi organique relative aux lois de finances instaure une liberté de gestion importante, qui est contrebalancée par l'existence d'une responsabilité certaine. Aussi, les gestionnaires sont libres d'agir comme ils l'entendent mais doivent respecter les objectifs qui leur ont été fixés. Ils seront contrôlés sur la qualité de leurs actions par rapport à ces objectifs. Cela signifie donc que lorsque leur gestion financière n'aura pas permis d'atteindre ces objectifs, ce qui peut avoir des répercussions négatives sur l'action d'autres services, le gestionnaire pourra se voir reprocher une mauvaise gestion financière et dès lors, sa responsabilité managériale pourra se voir engager. On le comprend donc assez facilement, pour que la responsabilité managériale soit engagée, il ne sera plus nécessaire qu'une faute, autre que de gestion, intervienne : dès lors que les objectifs fixés n'ont pas été atteints en raison d'une mauvaise gestion des moyens mis à la disposition du gestionnaire, la responsabilité de ce dernier pourra se voir engagée devant l'autorité déterminée précédemment. Toutefois, si la responsabilité managériale peut être engagée même en l'absence de faute autre que de gestion, il n'est pas à exclure qu'elle puisse être engagée également en cas de faute120. 2 – L'exigence d'un compte rendu fiable et honnête. Les gestionnaires devront rendre compte de leurs actions. Toutefois, le compte-rendu devra respecter la réalité. En effet, quoi de plus tentant pour un gestionnaire ayant obtenu des résultats plus que mitigés, que de dissimuler certaines des erreurs ou fautes de gestion qui sont intervenues en cours d'année. Pourquoi ne pas enjoliver les résultats obtenus afin de les rendre plus conformes aux attentes fixées par les objectifs ? Enfin, comment ne pas 120 On peut par exemple envisager l'hypothèse dans laquelle un gestionnaire méconnaîtrait certaines règles de la fonction publique et pourrait voir sa responsabilité managériale engagée. Cela n'est pas expressément prévu par la philosophie de la loi organique, mais étant donné les sanctions qui sont pour l'instant avancées en cas de mauvaise gestion financière notamment, on pourrait admettre que les fautes disciplinaires se traduisent par une responsabilité managériale, beaucoup plus simple à mettre en oeuvre. 61 faire en sorte d'obtenir des résultats compatibles avec les objectifs en agissant de quelque manière que ce soit, sans pour cela respecter la « feuille de route » déterminé ? C'est la raison pour laquelle les résultats produits par les gestionnaires doivent respecter la réalité et donc doivent être particulièrement fiables. Cette fiabilité est liée bien évidemment à la bonne gestion financière. Toutefois on peut très bien envisager l'hypothèse dans laquelle un gestionnaire aurait atteint les objectifs qui lui était fixés par des moyens qui n'étaient pas ceux prévus et qui, éventuellement, ne respectent pas parfaitement la régularité juridique. Il est donc nécessaire d'instituer des moyens de contrôle de l'action des gestionnaires afin de vérifier que ces derniers n'agissent pas de manière plus ou moins « crapuleuse ». Il faudra donc que les autorités chargées de contrôler les gestionnaires qui leur sont subordonnés, disposent de moyens suffisants pour s'assurer de la fiabilité et de l'honnêteté du compte rendu du gestionnaire. Il n'est donc pas exclu que de nouvelles infractions pénales ou financières soient ici créées et qu'elles puissent être mises en jeu effectivement à l'encontre des gestionnaires peu scrupuleux de la légalité. Dans tous les cas, le compte-rendu des actions menées par les gestionnaires devront connaître des effets certains. Ainsi, les gestionnaires qui auront atteint leurs objectifs tout en respectant la conformité des moyens mis à leur disposition, devront se voir récompensés, alors qu'au contraire les autres gestionnaires devront se voir sanctionnés à une intensité plus ou moins forte selon les cas. C – Les conséquences du compte rendu pour le gestionnaire. Les conséquences du compte rendu pour le gestionnaire peuvent être soit en sa faveur, soit en sa défaveur. Lorsque le gestionnaire aura fait montre de bonne gouvernance, tant du point de vue de l'atteinte des objectifs, que du respect des moyens et des formes, les conséquences de la responsabilité managériale iront en sa faveur ; dans le cas contraire, elles iront en sa défaveur. Les conséquences pour le gestionnaire peuvent être essentiellement de deux natures : il peut tout d'abord s'agir de conséquences concernant la carrière du gestionnaire, mais 62 également d'influences sur sa rémunération. Des conséquences peuvent également être diffusées auprès des services placés sous la responsabilité du gestionnaire. Il ne faut pas exclure du champ d'application de la responsabilité managériale ceux qui se trouvent au coeur de l'action menée. En effet, l'ensemble des agents du service pourront profiter d'évolutions de carrières et de rémunérations en fonction de leurs participations à la réussite de l'action menée. Des évaluations pourront intervenir en cours d'année ou en cours d'exécution de l'action afin de constater l'implication des agents et partant, de récompenser les meilleurs. Là encore, il s'agit de la traduction du dialogue de gestion au sein des différents niveaux gestionnaires. L'existence d'objectifs et de critères d'évaluations vont permettre d'objectiver121 les conditions de bénéfice de promotions pour les agents. Ces évaluations pourront alors se traduire par des avancements différenciés ou des avancements de grade, ou des nominations à des postes de responsabilités opérationnelles. Ces promotions peuvent être appliquées aussi bien aux gestionnaires qu'à leurs services. En ce qui concerne les postes à responsabilité managériale122, le dialogue de gestion va permettre de déboucher sur des conclusions en termes de progression de carrière. Ces promotions seront substantiellement liées à l'appréciation des résultats de la structure dont ils sont responsables. Ainsi, on peut envisager qu'un responsable d'unité opérationnelle qui a atteint parfaitement ses objectifs et qui a su faire montre de dynamisme pour y parvenir, se voit promu soit à la tête d'une unité opérationnelle de plus grande envergure, ou bien à la tête d'un budget opérationnel de programmes. Dans le même sens, un responsable de budget opérationnel de programme qui sera parvenu à atteindre les objectifs fixés, pourra se voir promu à la tête d'un budget opérationnel de programmes plus important, voire être nommé responsable de programmes. En sens inverse, ceux des managers qui n'auront pas atteint les objectifs pour des raisons déterminées, pourront se voir soit reconduit au même poste dans le meilleur des cas, soit se voir attribuer des responsabilités moindres. Enfin, en termes de rémunération, l'atteinte des objectifs fixés pourra être synonyme de prime, ou pourquoi pas d'avancement, alors que l'échec pourra entraîner la suppression de ces primes123. 121 Du moins, peut-on l'espèrer ! C'est-à-dire rappelons-le, les responsables de programmes, les responsables de budgets opérationnels de programmes, et les responsables d'unités opérationnelles. 123 Là encore, il faut l'espérer !!! 122 63 Il ne faut cependant pas se contenter de ces simples conséquences en termes de rémunération et d'avancement dans le cas où les objectifs n'ont pas été atteints. En effet, il peut y avoir des hypothèses dans lesquelles les manquements commis par le gestionnaire seront passibles de sanctions autres que managériales : il s'agit des sanctions disciplinaires, financières ou répressives. Section 2 – La rénovation d'autres formes de responsabilités à l'encontre des gestionnaires et des autres ordonnateurs. Il faut le rappeler, les dispositions de la loi organique de 2001 ne concerneront pas l'ensemble des acteurs : seuls ceux de l'État et de ses établissements publics, et ceux des administrations déconcentrées pourront se voir appliquer ce régime. Les autres membres de l'administration, notamment ceux de l'administration décentralisée, continueront à être régis par l'ancien système. Or, nous en avons fait le constat : le système de responsabilité des ordonnateurs est davantage un sabre de bois qu'une épée de Damoclès. Pour cette raison, il convient de développer des mécanismes de responsabilité politique et financière, afin d'éviter qu'une pénalisation excessive ne vienne perturber la mise en oeuvre d'une réforme essentielle. Paragraphe 1 – La nécessité de contrecarrer le risque d'un accroissement de la pénalisation par le développement d'autres formes de responsabilité. Ainsi que nous l'avions précisé dans notre premier chapitre, il est une forme de responsabilité qui semble préférer par la société contemporaine : c'est la mise en jeu de la responsabilité pénale. Cette dernière est en effet aujourd'hui la seule qui trouve une application régulière à l'encontre des membres de la société ce qui suscite déjà quelques 64 interrogations, mais il est encore plus inquiétant de constater la multiplication des procédures pénales à l'encontre de l'administration. Le risque de voir la pénalisation se développer est important. En effet, si l'on ne procède pas de manière urgente à la mise en oeuvre de systèmes de responsabilités réelles et efficaces, la société risque de vouloir utiliser la pénalisation à outrance contre les ordonnateurs, les gestionnaires de la nouvelle génération. De plus, il ne faut pas se leurrer, la responsabilité managériale qui pourra être mise en oeuvre, ne suffira pas à calmer à elle seule la montée de la pénalisation. En effet, si on veut faire un parallèle avec le secteur privé, on se rend bien compte que les sanctions managériales ne contentent plus les actionnaires des grands groupes. Seule la sanction pénale trouve une forme de salut auprès de ceux-ci. Les gestionnaires ne seront sans doute pas au premier plan de la vie publique mais il y a fort à parier que leurs actions, notamment lorsqu'elles n'auront pas donné entière satisfaction aux ministres ou au Parlement, seront relayées par les médias. Aussi, lorsqu'il n'y aura pas eu de bonne gestion financière, on pourrait envisager qu'un citoyen saisisse le juge pénal afin que celui-ci condamne par exemple le responsable d'une unité opérationnelle pour une faute de négligence ou d'imprudence financière. Dans ce cas, on se retrouvera en présence de poursuites à l'encontre d'un ordonnateur à qui on reproche un comportement imprudent ou négligent au sens pénal du terme. Par ailleurs, étant donné que la gestion publique va connaître de profondes réformes, certaines infractions nouvelles vont sans doute être créées. Sans prétendre les citer ici, on peut en évoquer au moins une que nous avons déjà rencontrée dans nos développements précédents : il s'agit du fait de ne pas rendre de manière fiable et honnête un compte rendu. On pourrait bien imaginer qu'une infraction que l'on pourrait intituler « présentation frauduleuse de résultats » puisse voir le jour. Rien que cette infraction pourrait être utilisée à maintes reprises par les justiciables afin d'obtenir du juge une condamnation de l'administration ou de l'ordonnateur. C'est pour cette raison qu'il nous semble qu'il est nécessaire de développer d'autres formes de responsabilités. Ces nouvelles formes devant être efficaces et réelles. Par exemple, il faut que la responsabilité disciplinaire devienne effective et que dès lors qu'un ordonnateur ou un gestionnaire a commis une irrégularité, il faut qu'il soit réellement sanctionné. Pourtant, nous ne pensons pas que de telles responsabilités disciplinaires et managériales 65 suffisent à faire perdre à la société cette volonté de pénaliser la vie publique. C'est sans doute pour cette raison qu'il conviendrait de développer un véritable système de responsabilité qui serait à la fois efficace, et pouvant éventuellement être mis en oeuvre par les citoyens. C'est pour cette raison qu'il convient de développer notamment les responsabilités politiques et financières. Paragraphe 2 – La nécessité de développer les responsabilités politiques et financières à l'encontre des ordonnateurs. La grande majorité des ordonnateurs occupent des fonctions politiques. Les ministres, ordonnateurs principaux de l'État124, échappent en pratique à toute sanction politique125. De même, les présidents de conseil régional126 ou général127, les maires128, les présidents d'université129... occupent également des fonctions à caractère politique130. Cependant, il n'existe pas à proprement parler de responsabilité politique. On peut le rappeler, les assemblées qui les ont élues ne peuvent pas en pratique renverser leur exécutif du fait d'irrégularités financières. Seuls les préfets131 pourraient voir une forme de responsabilité politique engagée à leur encontre ainsi que nous l'avons déjà évoqué précédemment. Or les préfets et les présidents d'université vont connaître de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Leurs pouvoirs vont s'en trouver nettement augmentés. Les préfets vont même connaître une évolution de leurs fonctions de part l'intervention d'une deuxième réforme très importante : l'acte deux de la décentralisation132. Désormais le préfet aura pour mission133 d'assurer l'unité de l'État au 124 Article 9 du décret du 29 décembre 1962 portant réglement général sur la comptabilité publique. Voir supra nos développements sur la question. 126 Ils ont la qualité d'ordonnateurs principaux de la Région 127 Ils ont la qualité d'ordonnateurs principaux du Département 128 Ils ont la qualité d'ordonnateurs principaux de la Commune 129 Ils ont la qualité d'ordonnateurs secondaires. 130 Quoique les présidents d'université n'occupent pas une fonction politique de même nature que les autres : on pourra préférer à cette qualification, celle de responsabilité élective. 131 Ils ont la qualité d'ordonnateurs secondaires des administrations déconcentrées. 132 L'acte deux résulte de la modification constitutionnelle du 28 mars 2003, des lois organiques n°2003-704 et 2003-705 du 1er août 2003 et de la loi organique n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. 133 Circulaire du 16 juin 2004, JO 13 juillet 2004. 125 66 niveau territorial. Ainsi, les services de l'État seront tous regroupés sous l'autorité du préfet. Ce dernier, exercera un pouvoir de direction en organisant de manière fonctionnelle et territoriale les services sur la circonscription dont il a la charge. Le préfet verra également ses compétences renforcées en matière de notation par l'exercice d'une mission nouvelle d'évaluation. Cela permettra de faire évoluer la carrière des fonctionnaires de l'État. Les relations entre le préfet et les établissements publics vont être rénovées. Plus important peut-être le rôle du préfet dans la programmation et la gestion des crédits est affirmée. Il y est rappelé qu'il « importe de concilier la logique ministérielle de responsabilisation des acteurs avec la nécessaire cohérence interministérielle de l'action de l'État sur le territoire. Pour une meilleure prise en compte des priorités territoriales, le préfet sera le garant, pour les missions qui relèvent de son autorité, d'une approche transversale de la programmation et de la gestion des crédits134 ». Ainsi par exemple, le préfet est confirmé dans son rôle d'ordonnateur secondaire unique des dépenses civiles de l'Etat135. Les délégations des signatures interviendront nécessairement dans la mesure où des unités opérationnelles devront être définies, et où l'on voit mal le préfet exercer le rôle de responsable de l'ensemble des unités opérationnelles de sa circonscription. Ainsi, et ce n'est que le corollaire, les responsables d'unités opérationnelles seront des ordonnateurs secondaires délégués. Le préfet va donc se trouver au coeur de la nouvelle procédure budgétaire déconcentrée dans la mesure où il sera chargé de défendre le point de vue du territoire lors de la préparation des budgets opérationnels de programmes. Il devra donc défendre la politique territoriale auprès des ministres et des responsables de programmes, et constituera « l'autorité de synthèse indispensable à la convergence des objectifs nationaux et des politiques territoriales dont il a la responsabilité136 ». Le préfet sera donc au coeur du système : les responsables de budgets opérationnels de programmes lui présenteront l'ensemble des éléments rattachés à ce budget. Le préfet transmettra aux responsables de programmes le projet de budget auquel y sera joint son avis. Par ailleurs, le préfet s'assurera de la prise en compte par les services déconcentrés des objectifs fixés par les projets annuels de performance et appréciera les éléments de mesure de la performance 134 Troisième point de la circulaire op cit. Sauf pour le préfet à déléguer sa signature à une autre personne qui disposera alors du statut d'ordonnateur secondaire délégué et qui bénéficiera à ce titre des crédits initialement destinés au préfet. 136 Circulaire op cit. 135 67 produits par ses services afin de rendre compte dans les rapports annuels de performance de l'activité des services. On le voit bien, les préfets vont bénéficier de prérogatives très importantes et vont se retrouver, rappelons-le une fois encore, au coeur du système. Ils vont bénéficier de pouvoirs très larges notamment lors de l'élaboration des budgets opérationnels de programmes et il apparaît nécessaire que les responsabilités qui sont les leurs s'appliquent réellement137. On peut même souhaiter que certaines formes de responsabilités se développent véritablement. En effet, comment imaginer que les ordonnateurs de la « nouvelle génération » profitent de libertés de gestion importantes, tout en bénéficiant encore d'impunités. Par exemple, on pourrait souhaiter voir les responsabilités des présidents d'universités mises en oeuvre, non pas politiquement car celle-ci serait illusoire (sauf crise majeure), mais financièrement devant une juridiction aux compétences accrues. Les préfets pourraient également bénéficier de nouvelles formes de responsabilités financières. La Cour de discipline budgétaire et financière138 pourrait profiter de cette réforme pour connaître de plus de contentieux et juger ainsi les ordonnateurs indélicats. Il faudrait aussi pour ce faire, qu'elle obtienne compétence pour juger les élus locaux et les ministres. On peut d'ailleurs souligner que les gestionnaires de programmes, de budgets opérationnels de programmes et d'unités opérationnelles, semblent pouvoir relever de la compétence de la Cour dans la mesure où il ne semble pas possible de les identifier au sein d'une catégorie d'agents prévue par l'article L.312-1 du code des juridictions financières. Dès lors, les irrégularités financières sont passibles de condamnation de la Cour de discipline budgétaire et financière. Toutefois pour que cela puisse trouver une application réelle, il conviendrait de revoir celles des infractions relevant de la Cour et prévues aux articles L.313-1 et suivants du code des juridictions financières, afin d'étendre la liste de celles-ci pour y intégrer de nouvelles infractions découlant notamment de l'obligation de rendre compte. On le voit donc, la réussite de la mise en jeu de la responsabilité financière est conditionnée à la venue d'une réforme du code des juridictions financières. De plus, pour ne faire qu'aggraver la situation, la séparation des ordonnateurs et des comptables va dans 137 Si aucune réforme n'est faite, les responsabilités qui pourraient leur ête appliquées sont celles que nous avons décrites dans notre premier chapitre, c'est-à-dire, sauf exception, pas grand chose. 138 Voir nos développements et nos remarques sur la Cour dans notre chapitre suivant. 68 les prochains mois se brouiller pour laisser place à un empiètement des fonctions l'une sur l'autre. Sans vouloir paraître pessimiste, comment la Cour de discipline budgétaire et financière pourra-t-elle exercer un réel contrôle sur une fonction dont les contours vont devenir malléables ? On ne voit pas comment la situation pourrait s'améliorer dans l'immédiat sans l'intervention d'une réforme de fond de la Cour de discipline budgétaire et financière et partant, des juridictions financières dans leur ensemble139. S'il nous semble impossible d'appliquer la réforme induite par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 sans rénover les responsabilités des gestionnaires et des ordonnateurs, il ne nous semble pas davantage possible de mettre en oeuvre cette réforme sans procéder à la révision profonde des responsabilités des comptables. Section 3 – La refonte des responsabilités théoriques classiques des comptables publics. Nous avons vu précédemment que les responsabilités des comptables publics connaissaient quelques insatisfactions. Sans revenir sur ce que nous avons déjà dit, on rappellera que dans l'état actuel du droit, la responsabilité des comptables publics est engagée, pécuniairement et personnellement, dès lors que le compte ne représente pas exactement ce qui aurait dû y figurer. En effet, l'ensemble des opérations en recettes et en dépenses doivent être retracées dans le compte : les comptables sont ainsi mis en débet lorsqu'une opération apparaît irrégulière même si elle n'a pas entraîné de manquant ou de déficit dans la caisse. Il faut par ailleurs s'interroger sur l'évolution de la fonction comptable au fil du temps. En effet, on assiste depuis quelques temps à la disparition de postes comptables140. Ainsi, l'article 59 de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004 autorise le gouvernement « à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour ouvrir la possibilité aux établissements publics à caractère scientifique et technologique de déroger au régime budgétaire et comptable qui leur est applicable et présenter leur comptabilité 139 140 Voir nos développements ultérieurs sur la question. M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, Peau de chagrin, AJDA 2005 p. 569 69 selon les usages du commerce141 ». Même si le contenu de cette ordonnance n'est pas connu, le rapport d'information de Jean-Pierre DOOR142 préconise de transformer les établissements publics à caractère scientifique et technologique en établissement public industriel et commercial, ce qui permettrait à ces établissements de ne plus avoir de comptable public. Or, et on ne peut que le dénoncer, la plupart des établissements de recherche sont financés par une majorité de fonds publics ; ce qui revient à dire, que les deniers publics pourraient être utilisés de manière beaucoup plus simple, ce qui n'est pas critiquable en soi, mais surtout sans le contrôle d'un comptable, et partant, sans pouvoir contrôler les ordonnateurs. Par ailleurs, suite à la condamnation du comptable public de l'établissement « Aéroports de Paris » par la Cour des Comptes143, le décret du 29 juin 2004144 a résolu les difficultés en supprimant purement et simplement l'agent comptable de l'établissement. Cette suppression est là encore regrettable dans la mesure où s'il n'existe plus de comptable public, il n'est pas possible non plus de contrôler les ordonnateurs. On peut donc constater que la fonction comptable connaît quelques évolutions ces derniers temps qui vont, nous semble-t-il, dans le mauvais sens. Pour tenter d'enrayer ce déclin, deux évolutions nous paraissent nécessaires : la première concerne les formes de sanctions qui paraissent devoir être mises en place (paragraphe 1) ; la seconde concerne la nécessaire réforme de la décharge de responsabilité et de la remise gracieuse (paragraphe 2). Paragraphe 1 – Quelles évolutions de responsabilités pour les comptables publics ? Le système actuel de comptabilité publique impose une responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable en cas d'irrégularités dans le compte. Cela signifie donc, que même dans les hypothèses où il n'existe pas de manquant ou de déficit dans le compte, mais qu'une simple irrégularité existe, le comptable sera mis en débet par le juge financier. 141 Article 59 de la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 relative à la simplification du droit. JO 10 décembre 2004, p. 20857 142 Jean-Pierre DOOR, Rapport d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi international, Proposition n°3 : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i1998.asp 143 Cour des comptes, 5 novembre 2003, RFDA 2004, p.803 144 Décret n°2004-621 du 29 juin 2004 portant modification des dispositions du code de l'aviation civile relatives au régime comptable d'Aéroports de Paris 70 On peut déjà s'interroger sur la pertinence d'un tel système : en effet, comment justifier l'existence d'un débet dans les cas où il n'y a pas de manquant ? Cela revient à rembourser une somme qui ne manque pas, ce qui, il faut l'avouer, est un peu curieux. Par ailleurs, puisque l'on se trouve dans un procès objectif145, le comptable ne invoquer quelque raison que ce soit pour échapper au paiement du débet. La seule solution pour lui est de saisir, une fois le jugement prononcé, son ministre et invoquer devant lui des causes pouvant entraîner la décharge de responsabilité ou lui demander remise gracieuse des débet prononcés par le juge146. Une réforme paraît de ce côté possible dans la mesure où la direction générale de la comptabilité publique semble admettre que lorsqu'une irrégularité dans le compte est constatée mais qu'elle n'a pas entraîné de manquant, le débet pourrait ne plus être prononcé et il serait remplacé par la mise en oeuvre d'une forme de responsabilité de types managérial ou disciplinaire. Il est donc assez facile de constater que le système actuel ne se justifie plus. Il est urgent de procéder à une réforme d'autant que l'évolution des fonctions comptables que nous avons présentées précédemment, va entraîner une profonde modification des contrôles du comptable. On peut encore rappeler ici l'apparition de deux nouveaux contrôles que devra exercer de comptable : le contrôle partenarial et le contrôle hiérarchisé. En ce qui concerne le contrôle hiérarchisé, le comptable aura à exercer son office sur deux types d'opérations : les opérations figurant dans un référentiel et qui devront obligatoirement faire l'objet d'un contrôle par le comptable et celles qui ne figurent pas dans ce référentiel et qui pourront faire l'objet d'un contrôle. Dès lors que le contrôle n'est plus obligatoire, on ne peut plus envisager d'instituer une responsabilité personnelle et pécuniaire sur l'ensemble des opérations figurant dans le compte. On peut par exemple maintenir une responsabilité pleine et entière du comptable sur les opérations qu'il doit contrôler et maintenir dans ce cas l'existence du débet et être peut-être moins rigoureux quant aux opérations ne figurant pas dans le référentiel de contrôle. La conséquence de tout cela est bien évidemment qu'il faut que les sanctions personnelles et pécuniaires que connaît le comptable soient réelles en ce qui concerne les contrôles devant être effectués, ce qui doit avoir pour corollaire de rendre quasiment impossible la remise gracieuse par le 145 C'est en tout cas ainsi qu'est présenté le jugement des comptes des comptables, bien qu'un certain nombre de tempéraments doivent être apportés ainsi que nous l'avons décrit dans notre premier chapitre. 146 Nous développerons la question de la décharge de responsabilité et celle de la remise gracieuse dans notre prochain paragraphe. 71 ministre des débets prononcés par le juge des comptes. En revanche, afin d'inciter les comptables à exercer en plus de ces contrôles obligatoires certains contrôles facultatifs, il faut qu'existe dans l'hypothèse concernant les opérations non obligatoirement contrôlées la possibilité pour le comptable de bénéficier de causes d'exonérations partielles ou totales des débets. En ce qui concerne le contrôle partenarial, puisqu'il s'agit d'un audit de gestion, le comptable ne contrôlera plus les opérations de l'ordonnateur au moment où elles sont effectuées. Il s'agira d'un contrôle d'ensemble et non plus un contrôle spécialisé sur une opération particulière. On voit mal dans ce cas comment un comptable pourrait être personnellement et pécuniairement responsable en cas de mauvaise gestion. Ce contrôle permettra aux comptables de certifier les pratiques des services et ainsi de ne plus contrôler les opérations réalisées par ses services. Ce type de contrôle partenarial doit bien entendu intervenir régulièrement afin de vérifier que les services disposent toujours de la même qualité. Toutefois, il faut nous interroger sur les conséquences de ce contrôle partenarial. Peut-on envisager de condamner aux débets un comptable parce que la gestion du service qu'il avait labellisé n'est finalement pas aussi saine que ce que le contrôle partenarial avait laissé supposer lors de la certification ? Il ne nous semble pas que le débet trouve ici une quelconque raison d'être. Mais on doit alors s'interroger sur le type de sanctions qui devraient intervenir lorsqu'une irrégularité apparaît suite à ce contrôle partenarial. De même, comment réagir si une irrégularité causée par l'ordonnateur intervenait et qu'elle entraînait un manquant dans la caisse du comptable ? Il nous semble que dans ce cas la responsabilité du comptable ne devrait pas être mise en jeu de manière principale et qu'il faudrait à la place rechercher la responsabilité de l'ordonnateur fautif. Toutefois, le comptable ayant commis une faute147, il doit faire l'objet de sanctions non pas personnelles et pécuniaires, mais de type managérial ou disciplinaire148. En outre, sans vouloir pénaliser la matière149, il nous semble que ces nouveaux modes de gestion vont permettre de nouvelles formes de fraudes et il serait peut-être bon d'instituer de nouvelles infractions afin de sanctionner par exemple les méconnaissances aux principes de tenue et de présentation des comptes, dès lors que ces méconnaissances 147 Cette faute pourrait se rapprocher de l'imprudence de la négligence. Nicolas GROPER invite notamment à une réflexion à ce sujet et s'interroge sur ces deux types de sanctions : AJDA 2005 p. 718 149 Il nous semble que nous avons déjà démontré à quel point cette pénalisation était à éviter ! 148 72 seraient intentionnelles ou importantes. Gageons que le législateur saura trouver des infractions appropriées et des sanctions idoines. Dès lors que les relations entre les ordonnateurs et les comptables doivent se rapprocher, et que les sanctions de type managérial et disciplinaire peuvent trouver à s'appliquer, pourquoi ne pas envisager d'unifier les contentieux et de les confier à une juridiction financière renforcée ? Il convient cependant que cette juridiction renforcée puisse bénéficier de l'ensemble des outils appartenant théoriquement au juge. Paragraphe 2 – Le devenir de la remise gracieuse et de la décharge de responsabilité. Le jugement des comptes des comptables patents est un contrôle objectif, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un jugement intervenant en dehors de tout litige. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'adage selon lequel le juge des comptes juge les comptes et non les comptables a longtemps dominé la matière150. Le corollaire de cela était que quelle que soit la raison pour laquelle le comptable était mis en débet, celui-ci devait personnellement et pécuniairement assumer la responsabilité de sa charge. Cette procédure a cependant des effets pervers puisqu'elle ôte au juge financier tout pouvoir d'appréciation du comportement du comptable et l'oblige du coup à prononcer systématiquement un débet. Cependant, il est un certain nombre d'hypothèses dans lesquelles le comptable ne peut pas être réellement reconnu responsable d'un manquant dans la caisse. La première de ces hypothèses se retrouve dans la force majeure151. Dans ce cas, le comptable pourra prétendre à la décharge de responsabilité, laquelle pourra lui être accordée non pas par le juge des comptes152, mais par le ministre des finances après que le débet ait été prononcé par le juge153. Le ministre pourra accorder décharge de responsabilité pour tout ou partie du débet. On peut être surpris de constater que ce n'est pas le juge des comptes qui disposent du pouvoir d'apprécier ou non la force majeure, mais que celle-ci est 150 Voir nos développements précédents sur le sujet. La force majeure, comme en droit administratif, s'analyse comme un événement extérieur aux parties, imprévisible et irrésistible quant à ses effets. 152 Cour des comptes, 1er mars 1979, HLM de la Dordogne Rec.66. 153 Cour des comptes, 30 octobre 1952, Receveur municipal de La Roche-Posay Rec.64. 151 73 appréciée par le ministre des finances après que la procédure de jugement des comptes et de mise en débet soit intervenue. On ne peut que déplorer une telle situation qui n'est pas sans nuire d'une part au système en lui-même et d'autre part aux deniers publics, dans la mesure où tout cela a un coût. On doit cependant constater qu'un progrès est possible. En effet, il semble que la Direction générale de la comptabilité publique admette que cette prérogative de décharger le comptable de sa responsabilité puisse revenir désormais au juge financier154. Ainsi, dans ces conditions, le juge disposera d'un moyen, certes limité dans son étendue, pour apprécier le comportement du comptable. Reste qu'il ne s'agit pas de la technique la plus utilisée, dans la mesure où le recours à la remise gracieuse par le ministre des finances reste d'une discrétion quasi totale. La remise gracieuse constitue donc le deuxième moyen pour le comptable public ou de fait, de voir sa responsabilité personnelle et pécuniaire atténuée voire éteinte. En effet, le comptable peut demander au ministre des finances, avant que ne soit prononcé le débet, la remise gracieuse de celui-ci155. Le ministre des finances, par arrêté156, pourra accorder remise gracieuse de tout ou partie des débets prononcés par le juge des comptes. Il faut malheureusement constater que le recours à la technique de la remise gracieuse est devenue aujourd'hui « monnaie courante » et peut du coup être analysée comme étant la règle alors qu'elle devait être utilisée comme étant une arme exceptionnelle. Sans que l'on sache véritablement l'étendue du recours à cette technique, on peut néanmoins dire que la quasi-totalité des débets prononcés par le juge des comptes s'ensuivent dans les faits d'une remise gracieuse partielle ou totale par le ministre des finances157. Cependant, contrairement à l'hypothèse de la décharge de responsabilité, le ministre des finances n'est pas prêt à céder cette compétence à la Cour. L'ancien directeur de la direction générale de la comptabilité publique avançait en effet comme argument que si le ministre 154 C'est ce qu'on apprît de Jean BASSERES, ex-directeur de la Direction Générale de la Comptabilité Publique lors du colloque organisé par la Cour des comptes au Conseil Economique et Social les 5 et 6 avril 2005 : Finances publiques et responsabilités : l'autre réforme. Actes du colloque à paraître à La Revue Française de Finances Publiques, Automne 2005. 155 Article 60-IX alinéa 2 de la loi de finances rectificatives du 23 février 1963. Nous montrerons dans nos développements ultérieurs que certaines des dispositions de cette loi exigent d'être révisées. 156 L'arrêté du ministre des finances devra être pris, le cas échéant après avis du ministre ou de l'organe délibérant de l'établissement public concernés et éventuellement, selon le montant de la remise sollicitée, du Conseil d'Etat. 157 Nicolas GROPER, Chronisque de jurisprudence de la Cour des comptes et de la Cour de discipline budgétaire et financière, AJDA 2004 p. 2438. 74 perdait cette compétence, il perdrait une grande part de son pouvoir d'influence sur les comptables. Certes, une fois cet argument avancé on comprend bien tout l'intérêt pour le ministre de garder cette compétence, mais on ne peut que la déplorer surtout que l'argument ne tient pas dans la mesure où les autres ministres ne disposent pas d'un tel pouvoir sur les membres de leur administration et pourtant ils exercent un réel pouvoir disciplinaire... Il semble donc assez peu probable que le juge financier puisse obtenir pleinement le pouvoir d'apprécier le comportement du comptable. Comme nous l'avons vu dans nos développements précédents, la fonction comptable va connaître de profondes évolutions et la technique de la remise gracieuse continuera à être utilisée de manière discrétionnaire par le ministre. Or, nous l'avons déjà dit, on ne peut pas imaginer que dans le cadre des contrôles obligatoires réalisés par le comptable, ce dernier puisse obtenir une remise gracieuse pour quelque raison que ce soit. Il faut que le recours à cette technique demeure l'exception et que la mise en jeu effective de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables constitue le principe. En revanche, dans le cadre des contrôles non obligatoires réalisés par le comptable, il paraît nécessaire de maintenir le recours à la remise gracieuse, en l'encadrant cependant davantage par rapport à ce qui existe actuellement. En effet, il nous semble que si l'on procédait à la suppression de la remise gracieuse, cela serait très mal ressenti par les comptables, lesquels ne prendraient pas le risque de ne pas contrôler l'ensemble des opérations. On reviendrait alors à une situation assez voisine de celle que l'on connaît sous l'ancien système et qui a fait montre de ses limites. Il est ainsi prévu158 que la remise gracieuse soit toujours de la compétence du ministre mais que la Cour des comptes soit désormais consultée, en lieu et place du Conseil d'État, concernant les remises gracieuses dont les montants en cause sont les plus importants. Il nous semble cependant qu'il eut été préférable de transférer cette compétence au juge financier afin que celui-ci puisse, pleinement, apprécier le comportement des comptables lors du jugement des comptes. En tout état de cause, que la remise gracieuse reste de la compétence du ministre ou qu'elle revienne à la Cour, il faut que cette technique soit strictement encadrée tant d'un point de 158 D'après ce que l'on a pu entendre lors du colloque des 5 et 6 avril 2005 op cit et de la 2è Université de printemps de finances publiques organisée par le Groupement Européen de Recherches en Finances publiques les 30 et 31 mai 2005, Actes à paraître. 75 vue de la fréquence de son utilisation que de son étendue. En effet, il ne faut plus que le recours à la remise totale soit la règle ! Il faut que cette remise existe en s'adaptant aux montants en cause : en effet dans le cas de débets importants, la remise gracieuse doit être partielle en laissant à la charge de l'acteur de la « nouvelle génération » une part subsancielle du montant des débets. Dans le cas de débets faibles, cette remise doit être exceptionnelle. La réforme de la responsabilité des comptables devra être très importante, si l'on veut que la loi organique relative aux lois de finances et l'ensemble des conséquences qui en découlent soit un plein succès. Il faudra rénover les mécanismes de responsabilités personnelles et pécuniaires, appliquer un certain nombre de principes issus de la responsabilité managériale, accroître les compétences du juge des comptes en matière d'appréciation des comportements des comptables, encadrer strictement la remise gracieuse. L'ensemble de ces réformes concernant la responsabilité des comptables, mais plus généralement celles concernant la responsabilité des acteurs de l'exécution budgétaire, vont nécessairement entraîner la réécriture d'un certain nombre de dispositions normatives. En outre, si l'on parvient à réécrire certaines des règles qui régissent le droit des contentieux financiers, il faudra profiter de cela pour rénover les juridictions financières afin de leur donner un nouvel élan, et de les inscrire dans la même perspective que la loi organique relative aux lois de finances. 76 Chapitre 2 – Vers la refonte des socles des contentieux financiers Les principes qui régissent notre droit public financier sont dans leur ensemble anciens. Ils sont principalement regroupés dans quatre textes : le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, la loi de finances rectificatives du 23 février 1963 et plus particulièrement son article 60, le code des juridictions financières et enfin la loi organique relative aux lois de finances du premier août 2001. A l'heure actuelle159, seule cette dernière loi organique a connu une réforme, puisque avant elle, les principes essentiels étaient contenus dans l'ordonnance du 2 janvier 1959. Les trois autres textes complètent les dispositions de la loi organique sur divers points. Certains de ces textes vont devoir connaître une évolution certaine de par la nouvelle répartition des compétences entre ordonnateurs et comptables, et partant, de la nécessaire réforme de leur régime de responsabilité. Par ailleurs, les dispositions concernant les juridictions financières ne pourront pas rester inchangées : en effet, les évolutions induites par la loi organique de 2001 vont entraîner une inévitable réforme des juridictions financières et, nous l'appelons de nos voeux, des procédures exercées devant elle. C'est la raison pour laquelle il nous semble indispensable que les différents textes fondateurs de la responsabilité des agents et des mécanismes juridictionnels connaissent une réforme (section 1), ce qui entraînera nécessairement l'évolution des juridictions financières afin qu'elles s'adaptent à ces nouveaux mécanismes (section 2). Section 1 – L'inévitable modification des textes fondateurs du droit public financier. Nous l'avons dit, parmi les différents textes régissant le droit public financier, seul celui se trouvant au plus haut de la hiérarchie des normes a connu une réforme. Il reste donc à 159 C'est-à-dire à la fin du mois de juin 2005. 77 modifier le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (paragraphe 1), l'article 60 de la loi du 23 février 1963 (paragraphe 2) ainsi que certaines dispositions du code des juridictions financières (paragraphe 3). Paragraphe 1 – La réforme du règlement général sur la comptabilité publique. Le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique précise celles des règles qui sont applicables au droit de la comptabilité publique. Étant donné la technicité et la complexité de ces dispositions, nous ne nous engagerons pas dans une étude linéaire de ces dispositions ; nous ne prétendons pas davantage procéder à une étude exhaustive de ce décret. Notre volonté est ici de montrer pourquoi nous souhaitons qu'il fasse l'objet d'une réforme en rappelant que certaines de ces dispositions ne sont plus conformes ou compatibles avec la loi organique de 2001 et des conséquences qu'elle appelle. Préalablement à cette étude succincte, on voudra rappeler la réticence originelle de la direction générale de la comptabilité publique qui ne voyait pas la nécessité de procéder à une telle réforme. Toutefois, progressivement, cette même direction a reconnu qu'il fallait peut-être procéder à une réforme de ce règlement général. En outre, une telle réforme du règlement général sur la comptabilité publique soulève quelques inquiétudes. En effet, Mme Hélène GISSEROT160 nous confiait161 qu'elle craignait que l'on ne mesure pas assez les conséquences d'une telle réforme. Ainsi, on peut penser que si une personne dont l'expérience n'est plus à démontrer émet quelques réserves quant à la nécessité d'une réforme du décret de 1962, il faut sûrement s'attendre à ce que celle-ci ne soit pas d'une ampleur considérable. Toutefois, il nous semble que certaines dispositions du décret du 29 décembre 1962 ne sont plus conformes aux exigences de la loi organique et des conséquences qui en découlent. Dans la mesure où nous ne voulons pas être exhaustifs, nous nous contenterons de préciser 160 Procureure générale honoraire près la Cour des comptes. Interrogée par nous lors de la 2ème université de printemps de finances publiques organisées les 30 et 31 mai 2005 à Paris par le GERFIP. 161 78 quelques-unes des dispositions concernant les ordonnateurs et les comptables qui nous semblent devoir faire l'objet de modifications. Tout d'abord concernant les ordonnateurs, l'article 5 du règlement général prévoit qu'ils « prescrivent l'exécution des recettes et dépenses (...) [et] constatent les droits des organismes publics, liquident les recettes, engagent et liquident les dépenses ». Or, nous avons vu que les fonctions des ordonnateurs allaient connaître nécessairement une évolution puisqu'ils vont désormais occuper des compétences dans le domaine comptable stricto sensu. On ne peut donc pas se satisfaire de la rédaction de cet article, et il nous semble qu'il conviendrait d'y inclure l'idée selon laquelle ils devront écrire une part des informations comptables. Par ailleurs, l'article 9 du décret énonce celles des responsabilités qu'encourent les ordonnateurs. Selon nous, cet article devrait faire l'objet d'une réécriture totale, et ce, pour plusieurs raisons. En effet, actuellement, l'article 9 dispose tout d'abord que « les ministres, ordonnateurs principaux de l'État, encourent à raison de l'exercice de leurs attributions, les responsabilités que prévoit la constitution ». Il nous semble que cet alinéa devrait faire l'objet d'une modification afin d'y ajouter une responsabilité financière à côté des responsabilités que prévoit la constitution. Une telle modification n'obligerait pas à une énième révision de la constitution de 1958. De plus, elle permettrait de lever l'irresponsabilité financière qui pèse actuellement sur les ministres, ce qui aurait pour corollaire de les rendre potentiellement justiciables des juridictions financières162. L'article 9, second alinéa, prévoit que « les autres ordonnateurs d'organismes publics encourent une responsabilité qui peut être disciplinaire, pénale et civile sans préjudice des sanctions qui peuvent leur être infligées par la Cour de discipline budgétaire ». Première remarque, d'ordre rédactionnel, cet article 9 alinéa 2 comporte déjà une irrégularité dans la mesure où depuis une loi du 21 juillet 1963, la juridiction mentionnée n'est plus la Cour de discipline budgétaire mais la Cour de discipline budgétaire et financière. Deuxième remarque, nous avons tenté de démontrer dans notre premier chapitre que certaines des responsabilités encourues par les ordonnateurs étaient illusoires. Pourquoi alors maintenir 162 Dans le système actuel, les ministres sont irresponsables financièrement. S'ils ne l'étaient pas, ils seraient sans doute justiciables, comme les autres ordonnateurs, de la Cour de discipline budgétaire et financière. Or, comme nous le montrerons dans notre prochaine section, l'avenir de la Cour de discipline budgétaire et financière n'est peut-être pas si prometteur et c'est pour cette raison que nous préférons recourir à l'expression « juridictions financières » plutôt que de déterminer précisément la juridiction compétente. 79 celles des responsabilités qui ne sont pas réelles ? Troisième remarque allant dans le même sens que la précédente, pourquoi avoir relégué la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière à la fin de cet énoncé alors qu'elle devrait être la première responsabilité mise en jeu. Enfin, quatrième et dernière remarque, si la responsabilité de type managérial est amenée à être appliquée, il nous semble qu'il conviendrait de l'intégrer dans ce texte afin que celui-ci la consacre. De tout cela il découle que l'article 9 doit faire l'objet d'une réécriture totale qui pourrait être la suivante : les ministres, ordonnateurs principaux de l'État, encourent à raison de l'exercice de leurs attributions, une responsabilité financière sans préjudice des autres responsabilités que prévoit la constitution. Les autres ordonnateurs peuvent voir leur responsabilité financière engagée, sans préjudice des sanctions managériales, disciplinaires ou pénales qui peuvent leur être appliquées. Parallèlement aux dispositions concernant les ordonnateurs, le décret de 1962 comporte un certain nombre de prescriptions concernant les comptables. Par exemple, les articles 11 à 13 concernent les compétences du comptable. Étant donné que la nature des contrôles que les comptables devront effectuer va évoluer, il paraît difficile de ne pas tenir compte de ces nouveaux contrôles dans le règlement général sur la comptabilité publique. De même, étant donné que les ordonnateurs vont voir leurs pouvoirs étendus et vont du coup pouvoir exercer un certain nombre de compétences qui relevaient avant de la fonction comptable, les dispositions précitées ne pourront pas rester inchangées. En outre, puisque les comptables ne vont plus contrôler l'ensemble des opérations, ils n'auront plus à contrôler l'ensemble des pièces justificatives et dès lors, n'auront plus nécessairement à les garder. Enfin, ils ne pourront plus contrôler l'existence du visa des contrôleurs financiers sur l'ensemble des opérations réalisés par les ordonnateurs. On le voit, il n'est pas besoin de procéder à une étude très fouillée du règlement général sur la comptabilité publique pour se rendre compte que certaines de ses règles essentielles ne sont plus conformes ou compatibles avec les dispositions de la loi organique et les conséquences qui en découlent. C'est pour cette raison qu'il nous semble urgent de procéder à sa refonte. Mais il ne s'agit pas du seul texte qui devra faire l'objet d'une réforme dans la mesure où la loi du 23 février 1963, et plus particulièrement son article 60, concerne la responsabilité des comptables, ce qui, nous l'avons déjà dit, doit évoluer. 80 Paragraphe 2 – La réforme de l'article 60 de la loi de finances rectificatives du 23 février 1963. L'article 60 de la loi du 23 février 1963 énonce les principales règles concernant la responsabilité des comptables. À la lecture de ces dispositions, et en les comparant aux évolutions que vont connaître les fonctions des comptables, on ne peut que s'attendre à voir une réforme. Nous allons tâcher d'énoncer successivement celles des dispositions de cet article qui nous paraissent devoir faire l'objet d'une réforme. L'article 60 I de la loi de 1963 rappelle le principe de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, en raison notamment « du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, (...) de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent ». Le deuxième alinéa de ce même article prévoit leur responsabilité personnelle et pécuniaire du fait « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes [et] de dépenses ». Plusieurs remarques doivent être faites sur ces dispositions. Tout d'abord, puisque les comptables n'auront plus à connaître de l'ensemble des opérations, on ne peut pas maintenir comme principe une responsabilité personnelle et pécuniaire sur l'ensemble des opérations recouvrées ou payées. Il convient donc d'atténuer le principe énoncé dans cet article pour tenir compte de l'évolution des fonctions. Par ailleurs, on ne peut pas imposer une responsabilité personnelle et pécuniaire aux comptables pour la conservation des pièces justificatives et des documents de comptabilité dans la mesure où ils ne contrôleront plus toutes les opérations. Comment imposer aux comptables de conserver toutes les pièces justificatives dès lors qu'ils n'effectuent pas tous les contrôles ? Lui demander de garder l'ensemble des pièces justificatives revient à l'obliger à effectuer l'ensemble des contrôles, et donc de maintenir le système ancien. L'article 60 II de la loi de 1963 prévoit que « les comptables publics sont tenus de constituer des garanties ». Il ne nous semble pas que cette disposition ait à connaître de réforme d'envergure. En effet, et nous allons le démontrer par la suite, même si le système de responsabilité connaissait des réformes importantes, le débet resterait pour certains types d'irrégularités163 l'outil le plus efficace pour réparer le préjudice. Puisque le débet est 163 Il resterait notamment l'outil le plus efficace pour toutes les irrégularités ayant entraîné un préjudice financier. 81 amené à être maintenu, mieux vaut prévoir des mécanismes de garantie afin de s'assurer du paiement effectif du débet, et ainsi éviter une propension trop forte au développement de la remise gracieuse164. L'article 60 IV de la loi de 1963 prévoit l'engagement de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables « dès lors qu'un déficit ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas pu être recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par la faute du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ». Ces dispositions sont au coeur de la réforme. En effet il s'agit de déterminer la nature de la responsabilité du comptable selon les différentes irrégularités qui ont été commises. Dans le système actuel, cet article prévoit la mise en débet du comptable dès lors qu'une irrégularité a été commise, qu'elle entraîne ou non un déficit ou un manquant. On l'a déjà dit, le débet ne peut plus constituer l'unique effet de la responsabilité du comptable. Effectivement, pourquoi condamner aux debêts un comptable dès lors qu'il n'existe pas de manquant dans la caisse ? Il nous semble en effet qu'il convient de maintenir le débet dans le cas où un manquant a été constaté mais uniquement dans ce cas. Dès lors qu'une recette n'a pas été recouvrée ou qu'aucune dépense n'a été irrégulièrement payée ou que la faute du comptable a entraîné l'indemnisation d'un tiers, mais que cela n'a pas entraîné de préjudice pour la collectivité, il n'est plus concevable de maintenir le débet. D'autres responsabilités doivent être trouvées : nous avons déjà parlé des responsabilités disciplinaires et/ou managériales. On peut envisager que de telles sanctions soient appliquées dans ces hypothèses. De plus, il convient de recourir aux débets dans les hypothèses où l'opération qui a causé d'irrégularité devait être obligatoirement contrôlée par le comptable165, mais également dans l'hypothèse où l'opération contrôlée n'y figurait pas. Seulement, on peut envisager dans le premier cas qu'en plus du débet, le comptable soit condamné à l'amende puisqu'il aurait commis une faute de négligence dans son contrôle alors que dans le second cas on pourrait le condamner à l'amende, uniquement s'il a mal effectué son contrôle sur l'opération qui n'était pas obligatoirement contrôlable. On voit mal comment on pourrait condamner à l'amende le comptable qui n'était pas tenu de réaliser son contrôle et qui ne l'a donc pas 164 Il nous semble en effet que si la constitution de garantie était abandonnée, le risque de trouver des comptables dans des situations patrimonialement délicates s'en trouverait accru, et partant, un des moyens les plus simples pour résoudre ce problème serait pour le comptable de demander remise gracieuse des débets. 165 C'est-à-dire que cette opération figurait dans le référentiel de contrôle. 82 réalisé, alors que l'opération ne figurant pas dans le référentiel a finalement entraîné une irrégularité. En effet, il nous semble que dans ce cas, l'amende ou la sanction autre pourrait être prononcée à l'encontre de l'ordonnateur fautif. L'article 60 V de la loi de 1963 prévoit que la mise en oeuvre de la responsabilité pécuniaire du comptable ne peut intervenir que « du ministre dont il relève, du ministre des finances ou du juge des comptes ». Par ailleurs, cet article instaure une prescription de six166 ans suivant l'année au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes. En outre, depuis peu167, dès lors qu'aucune charge provisoire ou définitive n'a été retenue à l'encontre du comptable, public ou de fait, dans ce délai, le comptable est déchargé ou quitte168 de sa gestion pour l'exercice en cause. Cela signifie donc que désormais le comptable pourra ne plus bénéficier d'un arrêt blanc de la part du juge des comptes, lequel pourra préférer laisser courir ce délai de six années pour décharger le comptable de sa gestion. Cela peut donc s'analyser de deux manières : soit le compte du comptable aura été examiné par la Cour, laquelle n'aura pas constaté d'irrégularités, et décidera de ne pas rendre d'arrêt et préférera attendre l'extinction de la prescription ; soit le compte du comptable n'aura pas été examiné par la Cour dans ce délai, et dans ce cas il n'y a plus de possibilités de contrôler les comptes et partant plus de possibilités non plus de contrôler les ordonnateurs. La réduction du délai de la prescription de dix à six années est importante dans la mesure où elle pourra avoir pour conséquence, qu'en cas de « flottement » dans l'activité de la Cour, celle-ci perdra ipso facto sa compétence pour juger les comptes.169 L'article 60 IX prévoit la possibilité pour le comptable d'obtenir décharge de sa responsabilité ou remise gracieuse de tout ou partie des débets prononcés à son encontre. Nous ne développerons pas les nécessaires évolutions que doit connaître cet article dans la mesure où nous avons dans notre chapitre précédent longuement développé cette question. On se contentera juste de dire que dans l'hypothèse où il n'y a pas de débet prononcé, mais qu'existe une irrégularité, il nous semble que le juge des comptes devrait pouvoir tenir 166 L'article 125 de la loi de finances rectificatives pour 2004, du 30 décembre 2004, a modifié la prescription qui était depuis 2001 de 10 ans. 167 Ces dispositions ont été rajoutées par ce même article 125 de la loi de finances rectificatives pour 2004 du 30 décembre 2004. 168 Le comptable peut recevoir quitus de sa gestion s'il est sorti de fonction au cours de cet exercice. 169 Nous avons dans le premier chapitre rappelé les délais moyens de jugement des comptes par la Cour. Voir note n°31 83 compte du comportement du comptable pour atténuer l'intensité de la sanction infligée à son encontre. L'article 60 X de la loi de 1963 traite de la responsabilité des régisseurs. Cet article est une prolongation de l'article 60 III. Là encore on peut faire plusieurs remarques : un décret du 21 juillet 2004170 est venu mettre fin à la difficile compréhension de plusieurs jurisprudences du Conseil d'État171 par lesquels le comptable public avait été mis en débet pour des irrégularités commises par son régisseur, lequel avait déjà été mis en débet mais avait obtenu remise gracieuse par le ministre des finances. La logique aurait donc été de ne pas condamner le comptable au débet puisqu'il était certain que le ministre des finances allait accorder une seconde fois la remise, ce qui a d'ailleurs été le cas. Aussi, pour ne plus avoir à recourir à deux actes réglementaires, le pouvoir réglementaire a décidé de mettre fin à cette jurisprudence en prévoyant désormais que « les sommes allouées en décharge de responsabilité ou en remise gracieuse aux régisseurs ou celles dont ceux-ci ont été déclarés responsables mais qui ne pourraient pas être recouvrées ne peuvent être mises à la charge du comptable assignataire par le juge des comptes ou par le ministre sauf si le débet est lié à une faute de négligence caractérisée commise par le comptable public à l'occasion de son contrôle sur pièces et sur place ». Ainsi, pour que le comptable ne puisse pas voir sa responsabilité engagée du fait de son régisseur, le juge ou le ministre devra s'assurer que le comptable a effectué les contrôles nécessaires. Autrement dit, cela signifie qu'il est reconnu au juge des comptes un pouvoir d'apprécier le comportement du comptable. Un tel pouvoir a d'ailleurs été récemment explicitement reconnu par une chambre régionale des comptes pour apprécier le cas échéant le comportement du comptable172. Il s'agit donc d'une atténuation du vieil adage que nous avons décrypté dans notre premier chapitre, et qui vient du coup renforcer notre point de vue concernant la nécessaire transmission de la remise gracieuse et de la décharge de responsabilité au juge des comptes. 170 Décret n°2004 – 737 Conseil d'Etat, 28 février 1997, BLEMONT. Rec.62. La revue du Trésor 1997, p.742 Note LASCOMBE (M) et VANDENDRIESSCHE (X) ; confirmé par Conseil d'Etat, 20 mars 2002, THOORIS. La revue du Trésor 2003 p.532. 172 Chambre régionale des comptes Provence Alpes Côte d'Azur, 9 février 2005, COMMUNE DE PERTUIS, J.2005-0035 op cit. 171 84 Enfin173 concernant l'étude linéaire de l'article 60, le point XI traite de la gestion de fait. Cette procédure a depuis le début de son existence fait montre de ses atouts et de ses faiblesses. En effet, cette procédure a le mérite de pouvoir condamner l'ensemble des personnes174 qui se seraient immiscées dans la fonction comptable. Cependant, l'un des principaux reproches que l'on pourrait faire à cette procédure est qu'elle peut durer particulièrement longtemps. En effet, dans le meilleur des cas, sept arrêts doivent être rendus au cours de la procédure. Il n'est du coup pas rare de voir des procédures dépasser le délai raisonnable imposé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme175. Aussi, pour tenter de remédier à cette lacune, on pourrait très bien envisager de réformer la procédure de gestion de fait et de supprimer la règle du double arrêt permettant ainsi de passer de sept à quatre arrêts. La suppression de la règle du double arrêt pourrait être compensée par la publicité des audiences et la garantie du principe du contradictoire176. Il nous semble cependant que la gestion de fait connaîtra une évolution de par la mise en oeuvre de la loi organique de 2001 dans la mesure où elle modifie la séparation entre les fonctions d'ordonnateurs et de comptables et qu'il sera dès lors, peut-être, plus difficile d'identifier les contours de la fonction comptable et partant, de déterminer que quelqu'un s'est immiscé dans cette fonction. Enfin, on peut affirmer que certains auteurs semblent voir dans la procédure de gestion de fait un modèle à suivre pour la sanction des gestionnaires. Effectivement, puisque les fonctions d'ordonnateurs et de comptables tendent à se rapprocher, il semblerait plus judicieux d'unifier les procédures et les juridictions financières. Du coup, il faudrait trouver une procédure qui convienne à la fois pour la condamnation des ordonnateurs et des comptables. La procédure de gestion de fait semble pouvoir s'appliquer parfaitement aux deux protagonistes et on peut compléter ceci en disant que si on combinait les règles de la 173 Nous laissons volontairement de côté l'article 60 dans ses points VI, VII, VIII et XII qui n'appellent pas de commentaires particuliers. 174 La procédure de gestion de fait ne connaît pas de limites quant aux personnes qui peuvent être reconnues comptables de fait dès lors qu'elles se sont immiscées dans les fonctions comptables. 175 Voir notamment Cour EDH, Recevabilité, 7 octobre 2003, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00 confirmée par Cour EDH, 1er juin 2004, RICHARD DUBARRY CONTRE FRANCE. Req. N°53929/00 op. cit 176 On pourrait pour ce faire envisager de communiquer les rapports et les conclusions aux parties et d'auditionner les comptables de fait après les conclusions du parquet. Du reste, certaines Chambres régionales l'ont récemment fait : Chambre régionale des comptes Centre, 18 janvier 2005, SYNDICAT MIXTE DU PROJET « IRIS »: J. 2005-0036 ; Chambre régionale des comptes Ile-de-France, 14 novembre 2003, GESTION DE FAIT DES DENIERS DU LYCEE LA FAYETTE A CHAMPAGNE-SUR-SEINE : La Revue du Trésor 2004 p.458 85 gestion de fait avec celles que nous écrivions dans les commentaires des différents points de l'article 60 de la loi de 1963, il nous semble que nous pourrions obtenir une procédure répondant aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde de l'homme d'une part et à l'assurance d'une responsabilité effective d'autre part. On conclura ce paragraphe en affirmant que la réforme de la loi du 23 février 1963 a déjà été entamée par l'article 125 de la loi de finances rectificatives pour 2004 du 30 décembre 2004177. Il semble d'ailleurs que la direction générale de la comptabilité publique aimerait voir cette réforme mise en oeuvre rapidement puisque Madame Nathalie MORIN178 nous disait179 qu'elle espérait voir cette réforme adoptée d'ici à la fin de l'année 2005. On comprend donc qu'il s'agit d'une réforme importante et pour laquelle la direction générale de la comptabilité publique semble prendre une place très active. Il reste un troisième texte, source de notre droit public financier, qui doit faire l'objet de réformes : c'est le code des juridictions financières. Paragraphe 3 – Les évolutions prochaines du code des juridictions financières. Il ne s'agit pas, là encore, pour nous de dresser l'ensemble des dispositions devant faire l'objet de réformes. Nous verrons dans notre prochaine section les évolutions que l'on peut attendre ou espérer des juridictions financières et il va de soi que ces modifications souhaitées devront entraîner la réécriture de certaines dispositions du code. On se bornera simplement ici à analyser une récente décision du conseil constitutionnel et les conséquences qui vont en découler. Le conseil constitutionnel a été saisi le 18 février 2005 par le premier ministre180 d'une demande de déclassement de certaines dispositions du code des juridictions financières concernant la Cour de discipline budgétaire et financière. Dans une décision du 3 mars 177 Ibid Chef de service de la fonction comptable de l'État à la direction générale de la comptabilité publique. 179 Interrogée par nous lors de la deuxième université de printemps de finances publiques organisée les 30 et 31 mai 2005 à Paris par le GERFIP. 180 En fait, et par délégation, c'est le secrétaire général du gouvernement qui a signé la demande dont il est question ici. 178 86 2005181, le conseil constitutionnel est venu déclasser l'ensemble des dispositions qui lui étaient soumises, c'est-à-dire qu'il a reconnu aux dispositions législatives en cause une valeur réglementaire. Le conseil constitutionnel a examiné l'ensemble des dispositions qui lui étaient soumises182 et a tout d'abord considéré que les dispositions dont on lui demandait de statuer sur la nature juridique ne portaient pas sur des règles constitutives d'une juridiction, pas plus qu'elles ne portaient sur une juridiction pénale. Il en déduit naturellement que les règles qui lui sont soumises peuvent relever du pouvoir réglementaire. En revanche, le conseil constitutionnel est venu apporter une distinction entre le principe législatif de mixité de la Cour et celui de la parité. En effet, pour le juge constitutionnel, le principe de mixité, c'està-dire le principe selon lequel la Cour de discipline budgétaire et financière est composée à la fois de membres de la Cour des comptes et de membres du Conseil d'État, est une règle constitutive de cette juridiction est relève donc du domaine de la loi. En revanche, il affirme que le principe de parité entre le nombre de membres de la Cour des comptes et celui du Conseil d'État relève simplement du pouvoir réglementaire. En outre, il précise que les autres dispositions qui lui sont soumises relèvent du domaine réglementaire dans la mesure où elles ne traitent que « de la suppléance de la présidence de la juridiction, de son siège et de la situation administrative de ses membres ; qu'il en va de même des dispositions relatives aux choix et au mode de nomination des commissaires du gouvernement, des rapporteurs et du greffier, lesquelles n'appartient pas à la formation de jugement ». Enfin, il rappelle que les dispositions procédurales qui lui sont soumises « ne concernent ni les règles constitutives de cette juridiction, ni la procédure pénale au sens de l'article 34 de la constitution, ni les garanties fondamentales » et que partant, elles relèvent du pouvoir réglementaire. Cette décision de déclassement de certaines dispositions du code des juridictions financières n'est pas une décision qui soit en elle-même fondamentale. En revanche, les 181 Décision 2005–198 L du 3 mars 2005 relative à la nature juridique des dispositions du code des juridictions financières relatives à la Cour de discipline budgétaire et financière. Le constitutionnaliste aura remarqué la rapidité avec laquelle le juge constitutionnel a statué (à peine 15 jours), ce qui montre l'activité particulièrement « chargée » ces derniers temps du juge de la rue de Montpensier. 182 Contrairement au contrôle de constitutionnalité des projets ou des propositions de loi, le conseil constitutionnel, quand il est juge de la nature juridique de dispositions et qu'il est saisi dans le cadre de l'article 37 alinéa 2 de la constitution, ne peut pas statuer infra petita quand bien même il donnerait satisfaction au requérant, puisque dans cette hypothèse de saisine il lui appartient de se prononcer sur la valeur juridique de toutes les dispositions soumises. 87 conséquences de cette décision vont être qu'il va être possible pour le gouvernement de procéder à la réforme183 de la Cour de discipline budgétaire et financière à fin « de remédier aux principaux défauts dont souffre actuellement le fonctionnement de la Cour de discipline budgétaire et financière184 ». Le projet de décret modifiant le code des juridictions financières prévoit l'augmentation du nombre de membres titulaires et suppléants de la Cour permettant ainsi, la création de deux sections respectivement présidées par le premier président de la Cour185 et le vice président186. La création de sections et l'augmentation du nombre de membres, vont permettre de remédier aux difficultés soulevées par l'arrêt DUBREUIL187. Dans cette jurisprudence en effet, la Cour avait alors deux possibilités : soit respecter le quorum est dans ce cas, elle méconnaissait la règle du procès équitable dans la mesure où certains de ses membres avaient participé à un rapport public précédent ayant notamment dénoncé certaines pratiques réalisées par le l'ordonnateur ; soit la Cour pouvait statuer sans respecter le quorum et dans ce cas elle était certaine de voir son arrêt cassé par le Conseil d'État pour violation du code des juridictions financières. Dans les deux cas, elle était sûre que son arrêt serait cassé. Elle a donc décidé de se dessaisir de l'affaire et de renvoyer au Conseil d'État le soin de se prononcer sur la question. La haute juridiction administrative a confirmé le raisonnement de la Cour de discipline budgétaire et financière mais a renvoyé devant elle l'affaire, dans la mesure où, suite à la nomination du nouveau premier président de la cour des comptes et donc du président de la Cour de discipline budgétaire et financière, lequel n'avait pas pris part au rapport public en cause, pouvait désormais respecter à la fois le quorum et la règle du procès équitable. Par ailleurs, le projet de décret prévoit la possibilité pour les membres de la Cour de discipline budgétaire et financière d'être composé de conseillers d'État et de conseillers maîtres à la cour des comptes honoraires. Les rapporteurs près la Cour de discipline budgétaire et financière pourront désormais être choisis parmi l'ensemble des juridictions administratives de droit commun et des juridictions financières. De plus, le projet de décret 183 Certains auteurs ironisent en parlant de « réformette ». Jean-Eric SCHOETTL, Les dispositions relatives à la Cour de discipline budgétaire et financière sontelles législatives ou réglementaires ? in Les petites affiches, 24 mars 2005, n°59, pp.7 et suivantes ; Décisions et documents du conseil constitutionnel in les cahiers du conseil constitutionnel n°18 : http://www.conseilconstitutionnel.fr/cahiers/ccc18/jurisp198l.htm 185 C'est-à-dire présidée par le Premier président près la Cour des comptes. 186 C'est-à-dire le président de la section des finances du Conseil d'Etat. 187 Conseil d'État, 4 juillet 2003, DUBREUIL Req. n°234353 184 88 prévoit d'instaurer un article R.311–4 permettant la nomination de plusieurs greffiers près la Cour. Par ailleurs, le déclassement du dernier alinéa de l'article L. 314–12 du code va permettre de respecter le principe de la non-participation du rapporteur au délibéré188. Enfin, la règle du quorum et la règle de la publicité des audiences vont connaître une évolution importante afin de respecter la règle du procès équitable telle qu'elle découle de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme189. En effet, le décret instaurerait un article R.311–1 alinéa 6 qui prévoirait que la Cour ne pourrait délibérer en formation plénière ou en section qu'à la condition que quatre au moins de ses membres soient présents dont au moins un membre du Conseil d'État et un membre de la Cour des comptes. Cette règle permettrait ainsi de respecter le principe de mixité, sans pour autant respecter celui de la parité. La règle de la publicité des audiences serait quant à elle consacrée par l'article R.311–6 du code. On pourrait donc considérer que la réforme qui va s'annoncer est très importante et va permettre de résoudre les problèmes structurels que connaît la Cour de discipline budgétaire et financière. On nous promet ainsi la possibilité de doubler le nombre d'affaires annuellement traitées par la Cour. Qu'on s'en réjouisse ! On tempérera cependant ces propos en rappelant l'illustre bilan de la Cour de discipline budgétaire et financière au cours de l'année précédente : quatre arrêts ont été rendus ! un arrêt prononçant la condamnation d'un ordonnateur à une amende de 1500 €190, un arrêt au terme duquel la Cour se déclare incompétente et renvoie le soin au Conseil d'État de statuer, lequel a déjà précisé191 qu'étant donné la modification de la composition de la Cour de discipline budgétaire et financière celle-ci était de nouveau compétente, un arrêt déclarant la requête irrecevable, et un arrêt prononçant une relaxe. 188 Conseil d'État, 3 décembre 1999, DIDIER Req n°207434. Et ainsi permettre à l'avenir, du moins on l'espère, de ne plus être condamné par la Cour de Strasbourg comme ce fut le cas par l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, 26 septembre 2000, GUISSET. Req n°33933/96. 190 Étant toutefois précisé que cet arrêt a été rendu après une annulation préalable du conseil d'État. 191 Conseil d'État, 4 février 2005, PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES, MINISTERE PUBLIC PRES LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE. Req n° 269233. Conclusions du commissaire de gouvernement GUYOMAR in AJDA 2005 du 23 mai 2005 pp.1070. 189 89 On comprend donc pourquoi certains auteurs ironisent quant à la portée de cette réforme d'autant que comme nous allons le voir, la cour de discipline budgétaire et financière connaît d'autres problèmes. Section 2 – Quelles évolutions pour les juridictions financières ? Traditionnellement, le droit public financier français connaît trois types de juridictions financières : les chambres régionales et territoriales des comptes, la Cour des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière. Nous étudierons donc successivement l'hypothèse de la Cour de discipline budgétaire et financière (paragraphe 1) avant que l'étudier la situation de la Cour des comptes, étant entendu que la grande majorité des évolutions la concernant pourront être transposables aux chambres régionales et territoriales des comptes (paragraphe 2). Paragraphe 1 – La cour de discipline budgétaire et financière : agonie ou renaissance ? Il existe deux manières d'appréhender la Cour de discipline budgétaire et financière. La première conception, optimiste, laisse croire que la Cour est une juridiction efficace et qui laisse peser une réelle menace sur les ordonnateurs. La seconde conception nous paraît beaucoup plus réaliste et laisse entrevoir une inefficacité certaine. On pourrait même aller plus loin en affirmant que la Cour de discipline budgétaire et financière n'est finalement pas une réelle menace. La Cour de discipline budgétaire et financière pourrait, en utilisant une métaphore osée, être comparée à un fantôme puisqu'elle est source de craintes pour certaines personnes et en laisse d'autres de marbre. Et puisque paraît-il, il existe un fantôme dans chaque château, dans chaque palais, pourquoi la Cour de discipline budgétaire et financière ne serait-elle pas le fantôme du palais Cambon ? Sans revenir sur l'ensemble des remarques que nous avons formulées dans notre paragraphe précédent, on tachera de montrer que la Cour de discipline budgétaire et financière n'est 90 finalement pas une juridiction menaçante et qu'il semble grand temps « de chasser ce fantôme » pour rendre toute la vigueur et le prestige au Palais de la rue Cambon. La Cour de discipline budgétaire et financière est une juridiction qui est « censée » juger de la responsabilité financière des ordonnateurs. Or, et nous ne rappelons ici que ce que nous avons déjà dénoncé au cours de notre étude, la grande majorité des ordonnateurs échappent à la juridiction de la Cour. Ainsi, les ministres, ordonnateurs principaux de l'État ainsi que la plupart des élus locaux ne peuvent pas relever de la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière dans la quasi-totalité des cas192. Par ailleurs, les irrégularités que juge jusqu'à présent la Cour de discipline budgétaire et financière sont simplement budgétaires et comptables. En effet, elle ne s'est jusqu'alors pas prononcée sur les infractions les plus graves que prévoit le code des juridictions financières dans ses articles L.313–1 et suivants. Ce simple constat suffit à lui seul, du moins nous semble-t-il, à montrer à quel point la Cour de discipline budgétaire et financière ne fait que vivoter. Ne peut-on pas considérer là qu'il s'agisse de son agonie ? N'est-il pas temps de mettre un terme à celle-ci ? Si certains auteurs voit dans cette juridiction une « évidence193», il nous semble pour notre part que cette juridiction est en fait une simple empreinte du passé et qu'elle ne peut pas être considérée comme un avenir potentiel du système de responsabilisation. Il est maintenant acquis que la responsabilité des ordonnateurs doit connaître une évolution certaine. Nous avons par ailleurs rappelé que les fonctions d'ordonnateurs et de comptables allaient tendre à se rapprocher et du coup, la distinction entre ces différentes fonctions va, quant à elle, tendre à se brouiller. Aussi, dès lors que l'on ne peut pas clairement distinguer celles des fonctions qui relèvent de la compétence de l'ordonnateur et celles des fonctions qui relèvent du comptable, il convient de ne pas non plus distinguer celles des juridictions dont relèveront les ordonnateurs et celles des juridictions dont relèveront les comptables. Pour clarifier la situation il convient d'unifier les juridictions afin d'obtenir une seule juridiction compétente pour statuer sur la responsabilité des ordonnateurs, des gestionnaires et des comptables. 192 Voir à ce sujet nos développements précédents dans notre premier chapitre. Selon Bernard POUJADE, « la Cour de discipline budgétaire et financière est, à l'évidence, l'institution à laquelle on pense lorsqu'il s'agit d'évoquer la responsabilité des gestionnaires publics » in AJDA 2005, n°13, pp.703 et suivantes. 193 91 Nous venons d'analyser rapidement194 le contenu du projet de réforme de la Cour de discipline budgétaire et financière. Nous avons vu que celle-ci devait améliorer le fonctionnement de la Cour mais il nous semble cependant que ses principales causes de dysfonctionnements ne s'en trouveront pas changées. Aussi, puisque la plupart des saisines de la Cour de discipline budgétaire et financière émanent de la Cour des comptes ou des chambres régionales et territoriales des comptes, cela signifie que ces juridictions ont découvert des comportements répréhensibles. Or, pour avoir pu constater de tels éléments, il faut au préalable qu'ait été menée une enquête par l'un des rapporteurs de ces juridictions. A quoi bon alors procéder à une nouvelle procédure quasi identique devant la Cour de discipline budgétaire et financière ? N'est-ce pas là une cause supplémentaire d'accroissement inutile des dépenses publiques ? Il nous semble que la réponse est déjà contenue dans la question que nous venons de poser. Dès lors, la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière ne trouvera pas de réelle modification par la réforme en cours, d'autant que les irresponsabilités des ministres et de la plupart des élus locaux sont maintenues195, il semble que la Cour de discipline budgétaire et financière ne puisse pas renaître de cette réforme et soit du coup condamnée à disparaître. Nous appelons donc à la sagesse et à la raison en demandant que soient unifiées les juridictions financières étatiques196 au sein de la seule juridiction financière que constitue la Cour des comptes. Paragraphe 2 : Quelles évolutions pour la juridiction des comptes bientôt bicentenaire ? La Cour des comptes doit connaître de deux types d'évolution si elle veut s'adapter aux réformes attendues. Le premier type de réformes concernera ses compétences 194 Mais il nous semble de toute manière que vu l'étendue de la réforme, notre analyse ne pouvait être que rapide sauf à nous répéter. 195 Il semble qu'il soit difficile d'envisager la réforme de la compétence ratione personnae de la Cour de discipline, ou de son successeur, en une seule fois. Par ailleurs, il semble délicat de procéder à une telle réforme par la voie législative dans la mesure où les parlementaires sont pour la plupart également des élus locaux. On voit mal les parlementaires voter une loi qui donnerait compétence à une juridiction financière pour statuer sur des agissements des ordonnateurs locaux. La solution qui semble préconisée par la Cour des Comptes consiste à accroître peu à peu cette compétence ratione personnae. Cependant, on peut s'interroger sur l'étendue de cette extension de compétence. 196 En 1948, le doyen Georges VEDEL s'interrogeait déjà sur la nécessité de disposer d'une dualité de juridictions financières étatiques. 92 juridictionnelles ; le second type de réformes concernera ses compétences non juridictionnelles, et notamment l'élaboration de rapports et l'accomplissement de ses nouvelles missions telles qu'elles découlent de la loi organique de 2001. A – L'adaptation des compétences juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes. La procédure juridictionnelle actuellement en place devant la Cour des comptes connaît quelques critiques notamment au regard de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il nous semble préférable de ne pas procéder à une modification point par point de la procédure, mais plutôt de réformer l'ensemble de la procédure afin de la rendre cohérente et surtout conforme aux prescriptions de l'article 6 précité. Nous formulerons donc quelques propositions concernant l'ensemble de la procédure juridictionnelle de l'ensemble des acteurs. En effet, nous avons déjà dit précédemment qu'il nous semblait préférable de ne recourir qu'à une seule juridiction. Dès lors, il semble qu'il faille conférer cette prérogative à la Cour des comptes. La Cour des comptes pourrait être la juridiction compétente pour juger de la responsabilité des ordonnateurs, des gestionnaires et des comptables. Afin d'éviter de nouvelles incompétences structurelles de la Cour197, il conviendrait de distinguer en son sein deux chambres juridictionnelles, une chambre chargée du contrôle de gestion et une chambre chargée de la réalisation des différents rapports. Effectivement, il nous semble qu'eu égard à l'étendue du contrôle de gestion devant être réalisé par la Cour, il serait bon de consacrait une chambre à la réalisation de cette tâche. Par ailleurs, puisque les pouvoirs de la Cour concernant les relations avec les autres institutions, et notamment l'établissement des différents rapports, constituent la tâche certainement la plus médiatique, il convient de leur consacrer également une part importante en distinguant une chambre uniquement chargée de ses missions. Enfin, la création de deux chambres juridictionnelles ou contentieuses permettrait de solutionner la jurisprudence DUGOUIN en permettant au Conseil d'État, en cas de besoin, de casser un arrêt rendu par l'une de ces chambres et de renvoyer les parties 197 Comme ce fut le cas avec les jurisprudences LABOR METAL et DUGOUIN op cit 93 devant l'autre chambre. Ainsi, on ne serait plus dans la situation inextricable qu'ont connu la juridiction financière et le Conseil d'État198. Les comptables patents et les gestionnaires de fait seraient justiciables de ces deux chambres de manière indifférente, et selon une répartition équilibrée. Ils devraient toujours continuer à déposer leurs comptes auprès de la juridiction, dans des conditions semblables à celles qui existent aujourd'hui. Les professeurs Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE199 se demandent s'il est nécessaire de maintenir une juridiction pour apurer les comptes ? Selon eux, un apurement administratif des comptes pourrait remplacer l'apurement juridictionnel aujourd'hui en place. La juridiction ne serait alors saisie que dans le cas où une irrégularité dans le compte aurait été constatée. Cette pratique permettrait donc à l'autorité administrative habilitée d'effectuer une première étude des comptes produits et ferait donc gagner un temps précieux à la juridiction. Les arrêtés conservatoires qui seraient ainsi pris par l'autorité administrative devraient être confirmés, ou infirmés, par la Cour. Seuls les comptes présentant des irrégularités, quelles qu'elles soient200, seraient transmis à la Cour des comptes afin qu'elle procède à son office de juge des comptes. Si cette solution nous semble intéressante dans sa présentation, elle nous paraît cependant difficilement réalisable dans la mesure où il s'agirait d'un changement radical et profond quant aux méthodes de travail de la Cour. Nous pensons que si la proposition des professeurs Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE doit être celle vers laquelle on doit tendre, elle ne sera cependant pas facile à mettre en oeuvre. C'est pour cette raison qu'on pourrait lui préférer une alternative qui consisterait à recourir à une utilisation plus étendue de l'apurement administratif des comptes. Cela pourrait être rendu possible en augmentant les seuils fixés aux articles D.131–28 et D.131-31 du code des juridictions financières. Quelle que soit l'étendue de l'apurement administratif des comptes qui serait retenue, celuici aurait une conséquence immédiate sur la rapidité avec laquelle la Cour se prononcerait. 198 Ibid LASCOMBE (M) et VANDENDRIESSCHE (X), Plaidoyer pour assurer le succès d'une réforme : la loi organique relative aux lois de finances et la nécessaire refonte de la responsabilité des ordonnateurs et des comptables, RFDA 2004 pp.398 et suivantes. 200 Nous entendons par là qu'elles aient ou non entraîné un manquant ou un déficit. 199 94 Cela permettrait donc d'éviter que les arrêts et jugements blancs ne soient finalement « prononcés » par le silence gardé par le juge pendant six années201. Dès lors que la Cour pourrait statuer plus rapidement, sa compétence pourrait se trouver tout naturellement étendue aux ordonnateurs et aux gestionnaires. La Cour pourrait désormais sanctionner les irrégularités commises par eux en les condamnant aux débets et aux autres formes de sanctions que nous avons évoquées précédemment. Pour ce faire, il faudrait que la Cour dispose pleinement de la possibilité d'apprécier le comportement du comptable, et désormais de l'ordonnateur et du gestionnaire. Pour réaliser un tel contrôle du comportement des acteurs, la Cour devrait pouvoir retenir l'hypothèse de la force majeure et dès lors décharger les acteurs de leur responsabilité, tout comme elle devrait pouvoir, dans l'idéal, pouvoir prononcer la remise de tout ou partie des sanctions prononcées, débets et autres types de sanctions202. Concernant, la compétence ratione personnae de la Cour, celle-ci devrait nécessairement être étendue à l'ensemble des ordonnateurs, gestionnaires et comptables. Devraient ainsi être supprimées les exemptions de compétences que connaissent actuellement les ministres et les élus locaux. La Cour devrait avoir plénitude de juridiction concernant les infractions qui pourraient être commises et ainsi juger de l'ensemble des infractions que connaît actuellement le code des juridictions financières, auxquelles de nouvelles infractions pourraient venir s'ajouter, concernant aussi bien les comptables que les ordonnateurs et les gestionnaires. La Cour des comptes devrait tenir compte des récentes condamnations par la Cour de Strasbourg afin de procéder à la rénovation profonde du déroulement de la procédure. La Cour devrait pour ce faire supprimer la règle du double arrêt afin de gagner encore plus de temps, en respectant pour cela au cours des audiences le principe du contradictoire. Les audiences justement devraient être publiques pour l'ensemble des acteurs. Par ailleurs, les parties devraient être entendues après que le parquet ait formulé ses conclusions. En outre, les autorités habilitées a saisir la Cour des comptes devraient connaître des évolutions : en effet, si l'on admet l'idée d'un apurement administratif plus généralisé, il faudra sans doute étendre les autorités pouvant saisir le juge des comptes en y intégrant par 201 Il est ici fait référence à la récente modification de l'article de 60 V de la loi de 1963 que nous avons analysé précédemment. 202 Dans ce cas, ce pouvoir de remise pourrait s'analyser comme un pouvoir de tenir compte de circonstances atténuantes. Du reste en matière procédurale, la Cour de discipline budgétaire et financière nous semblait beaucoup plus moderne que la Cour des comptes. 95 exemple celles qui seront chargées d'effectuer cet apurement administratif des comptes des comptables patents et des comptables de fait. Dans cette optique, on admet l'idée que le comptable de fait remette spontanément son compte à l'autorité chargée d'effectuer l'apurement administratif. Si tel n'est pas le cas, il revient à d'autres autorités de saisir le juge des comptes : ces autorités pourraient être celles qui disposent de cette faculté actuellement c'est-à-dire, la Cour elle-même203, le parquet près la Cour auxquels pourraient venir s'adjoindre les comptables publics qui auraient été lésés du fait de l'immixtion d'une autre personne dans ses fonctions, les collectivités et autres organismes impliqués par la gestion de fait ou bien encore les ordonnateurs ou gestionnaires qui, de par leur action, auraient découverts une gestion de fait. On peut envisager de transposer le même modèle que celui que connaîtrait la Cour des comptes aux chambres régionales et territoriales des comptes. Nous ne voyons pas de raison de modifier la réforme selon le niveau auquel on se trouvera. En effet, s'il est envisagé d'instituer un certain nombre de chambres interrégionales de discipline budgétaire et financière nous ne pensons pas qu'il s'agisse là d'une solution d'avenir dans la mesure où on se retrouverait en présence d'une séparation arbitraire entre les ordonnateurs et les comptables. Il nous semble avoir montré à quel point cette séparation était factice. Du coup, nous recommandons d'étendre la compétence des chambres régionales et territoriales des comptes aux ordonnateurs et aux gestionnaires qui interviennent avec ceux des comptables qui relèvent de la compétence de ces chambres régionales et territoriales des comptes. Ainsi, l'ensemble de ces réformes permettrait de voir appliquer une procédure à la fois efficace et conforme aux attentes de la Cour de Strasbourg. Reste sans doute le plus difficile, convaincre la Cour elle-même et le ministère des finances qu'une telle réforme de la procédure est devenue nécessaire, tout comme il faudra les convaincre qu'il est urgent de réformer la structure de la Cour afin de prendre davantage en compte et de manière parfaitement distincte, ses compétences non juridictionnelles. 203 Un récent arrêt du Conseil d'État, 20 avril 2005, D'AGUESSEAU req n°261706 vient d'ailleurs confirmer que l'auto saisine de la Cour n'est pas d'une violation du principe d'impartialité, dans la mesure où elle vient se combiner avec d'autres dispositions qui assurent le respect de ce principe. 96 B – L'extension des compétences non juridictionnelles de la Cour : les impacts de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 sur ses compétences. Parmi celles des missions non juridictionnelles de la Cour, nous ne nous intéresserons qu'à son rôle de rapporteur. En effet, cette mission connaîtra quelques modifications de par l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. La Cour des comptes, dans son rôle d'assistance du Parlement, est chargée de réaliser un certain nombre de rapports. Ainsi, elle doit réaliser un rapport sur chaque projet de loi de règlement, lequel sera par la suite annexé au-dit projet. Au sein de ce projet, elle établit la déclaration générale de conformité entre les comptes individuels des différents comptables et les comptes généraux de l'État. Par ailleurs, elle doit faire figurer la liste des communes ayant bénéficié de subventions exceptionnelles ainsi que le montant de ces dernières. La Cour des comptes est également chargée de réaliser les enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et les commissions d'enquête de chacune des assemblées parlementaires. Ces enquêtes doivent avoir pour objectif d'analyser la gestion des services et organismes qui sont soumis à son contrôle, ainsi que les organismes et entreprises publiques bénéficiant de concours financiers publics. Depuis 1996204, la Cour des comptes doit établir un rapport portant sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale et présentant notamment une analyse de l'ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale. Parallèlement, la Cour des comptes peut être saisie par une commission parlementaire compétente de toute question relative à l'application de ces lois de financement de la sécurité sociale. Parmi les missions de rapporteur les plus connues du grand public, il est incontestable que le rapport public annuel de la Cour se situe au sommet. En effet, annuellement, « la cour des comptes adresse au président de la République et présente au Parlement un rapport dans lequel elle expose ses observations et dégage les enseignements qui peuvent en être tirés205 ». Ce rapport traite des différents services et organismes contrôlés par la Cour, mais également des collectivités publiques et autres groupements qui relèvent de la compétence des juridictions financières d'une manière générale. Ce rapport est le plus médiatique. Il est 204 205 Et la loi organique du 22 juillet 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale. Article L.136 – 1 du code des juridictions financières. 97 également celui qui dénonce, qui constate. Il est celui qui se trouve à l'origine des problèmes d'impartialité de la Cour. C'est pour cette raison que nous recommandons que soit instituée une chambre chargée des missions de rapporteur afin que les impartialités structurelles ne puissent plus avoir lieu206. Il nous faut cependant préciser que la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 est venue accroître les pouvoirs de la Cour des comptes dans ses missions de rapporteur. L'article 58 de cette loi organique vient définir quelles sont celles des missions qui incombent à la Cour des Comptes dans son rôle d'assistance du Parlement. Tout d'abord, la loi organique étend à la mission d'évaluation et de contrôle de chacune des assemblées parlementaires la possibilité de demander à la Cour son aide. Par ailleurs, la loi organique vient imposer à la Cour de rendre un rapport concernant les résultats de l'exécution de l'exercice antérieur au moment où le projet de loi de finances est déposé sur le bureau de l'assemblée. Cela signifie donc que les parlementaires disposeront d'un rapport partiel sur l'exécution de la loi de finances de l'année « n » au moment où ils vont voter le projet de loi de finances de l'année « n+1 ». Ce rapport va donc permettre aux représentants de la nation d'avoir une meilleure approche de l'exécution budgétaire. En outre, la loi organique étend l'obligation de présenter un rapport à l'ensemble des lois de finances qu'elles soient rectificatives ou de règlement. Enfin, et c'est sans doute la la mission la plus innovante pour la Cour des Comptes, la loi organique lui impose de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État, et ce, en annexant cette certification au projet de loi de règlement. Cependant, la Cour des comptes a anticipé la mise en oeuvre de la loi organique et l'on peut constater que depuis son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2000, elle a joint de nouveaux développements concernant les différents résultats financiers de l'État, en réalisant des approches spécifiques et synthétiques sur la gestion budgétaire des ministères et les méthodes et outils du contrôle de gestion utilisés par les services. On peut donc dire que la Cour des comptes s'est préparée à la certification des comptes de l'État en intégrant déjà dans son rapport sur l'exécution des lois de finances celles des remarques qu'elle sera amenée à faire pour sa mission de certification des comptes de l'État. 206 On peut par exemple envisager des mécanismes qui empêchent qu'une personne qui était préalablement membre de la chambre du rapport ne puisse intégrer une des chambres juridictionnelles. 98 Cette dernière mission de certification des comptes de l'État montre bien la philosophie générale de la réforme. En effet, certifier les comptes de l'État est une grande nouveauté en comptabilité publique. En revanche, dans le système privé, il s'agit d'un principe traditionnel. Par conséquent, on le voit parfaitement avec cette nouvelle mission, la philosophie de la loi organique relative aux lois de finances est donc de rapprocher les principes de la comptabilité publique et ceux de la comptabilité des entreprises. On se rend bien compte que les évolutions que nous sollicitons dans ce dernier chapitre sont importantes. Il nous semble cependant que ces évolutions sont évidemment liées et indispensablement liées au succès de la réforme de 2001. Par conséquent, il faut sans doute que l'ensemble des acteurs (ministères, ordonnateurs, gestionnaires, comptables, juridictions financières...) admettent de faire quelques concessions et s'empressent de mettre en oeuvre celles des réformes qui sont indispensables à la réussite de la loi organique de 2001. Réforme des responsabilités des ordonnateurs, des gestionnaires et des comptables, modification du fonctionnement des juridictions financières, absorption par la Cour des comptes de la Cour de discipline budgétaire et financière, rénovation des procédures de jugement des acteurs... autant de réformes ambitieuses sur lesquelles il nous faudra compter si l'on veut être absolument satisfait de la réforme fondamentale de 2001. 99 Conclusion générale Alors que nous assistions à la deuxième université de printemps de finances publiques organisée par le Groupement européen de recherches en finances publiques, un intervenant, quelque peu ironique, affirma qu'un sénateur en fonction avait coutume de dire, en substance, que si c'est un progrès207, ça ne passera pas !!! Il nous semble que cette affirmation révèle bien à quel point il est difficile de faire évoluer les choses, quand bien même elles seraient infimes. Alors il est vrai que l'on a basé beaucoup d'espoirs sur la réforme des responsabilités des juridictions financières, mais devons-nous pour autant imaginer que de telles réformes passeront aussi simplement et aussi rapidement qu'il le faudrait, nous n'en sommes malheureusement pas convaincus.208 Cependant, en rappellera rapidement que si la réforme des responsabilités des ordonnateurs et des comptables n'est pas engagée rapidement, tout comme si la réforme des juridictions financières n'est pas entamée, la mise en oeuvre de la loi organique de 2001 s'en trouvera particulièrement affaiblie. En effet, comment envisager que l'on puisse mettre en oeuvre la loi organique en accroissant donc les pouvoirs des ordonnateurs et des gestionnaires, et partant leurs libertés, tout en maintenant un système qui a fait montre de ses lacunes et qui, finalement, à part la répression pénale, ne trouve pas de satisfactions réelles. En outre, comment envisager que cette réforme puisse être mise en oeuvre sans une révision de la responsabilité des comptables ? Si tel n'est pas le cas, le juge des comptes aura deux possibilités : soit il condamnera les comptables pour ne pas avoir présenté l'ensemble des pièces justificatives relatives aux opérations contenues dans le compte209 ; soit il considérera que la loi du 23 février 1963 et le décret du 29 décembre 1962 sont tacitement abrogés par la loi organique et dans ce cas, il ne disposera plus de sa compétence pour 207 Le progrès ici en cause pourrait être la réforme des responsabilités et celle des juridictions financières. On peut cependant espérer une telle « conjoncture astrale » dans la mesure où celle-ci est déjà intervenue pour la mise en oeuvre de la réforme de la « constitution financière ». Ce qui est arrivé une fois pourrait très bien intervenir une seconde fois. 209 Et dans ce cas, toute la philosophie de la loi organique concernant la rénovation de la comptabilité tombera à l'eau. 208 100 juger les comptables, et on se retrouvera alors dans une forme d'imbroglio juridique quasi inextricable. Par ailleurs, si les juridictions financières ne connaissent pas de réformes de fond, on connaîtra de très grandes difficultés pour appliquer, en pratique, la loi organique dans la mesure où la séparation des ordonnateurs et des comptables va être particulièrement floue et où il sera délicat de distinguer le domaine de compétences appartenant aux gestionnaires de celui appartenant aux comptables. La conséquence est qu'une partie du contentieux relèverait de la Cour de discipline budgétaire et financière210 tandis que l'autre relèverait de la chambre régionale et territoriale des comptes ou de la Cour des comptes. Là encore on comprend le système n'est pas viable. Enfin, la mise en oeuvre de la réforme des responsabilités et des juridictions financières va devenir, en fait, inévitable si l'on veut que notre droit public financier connaisse un renouveau. Il faudra par ailleurs étendre ce système des nouvelles responsabilités à l'ensemble des acteurs de quelque niveau que ce soit, c'est-à-dire de l'État, de ses établissements publics, des administrations déconcentrées, mais également des collectivités locales et de leurs groupements. En effet, comment imaginer un instant que certains ordonnateurs puissent être régis par un système plus moderne et plus efficace et que les comptables puissent être régis par des dispositions différentes selon les collectivités qu'ils représentent, alors même que certains comptables pourront tantôt représenter une collectivité locale, personne publique autonome issue de la décentralisation, et tantôt représenter une circonscription administrative identique à la collectivité locale quant à sa forme, et seulement différente quant aux compétences. On comprend donc facilement que la réforme des responsabilités devra être généralisée à l'ensemble des acteurs. En outre, on ne peut pas envisager de généraliser l'unification des compétences ratione personnae de la juridiction financière étatique, si l'on ne procède pas à une réforme analogue au niveau local. Il convient donc également d'appliquer la réforme des juridictions financières au niveau local et donc, de permettre aux chambres régionales et territoriales des comptes de connaître de la responsabilité des ordonnateurs et des gestionnaires, en plus de leurs compétences sur les comptables. 210 Ou des fameuses Chambres Interrégionales de discipline budgétaire et financière. 101 BIBLIOGRAPHIE I – Ouvrages généraux Code administratif, 2004, 28ème édition, Dalloz BOUVIER (M), ESCLASSAN (M-C), LASSALE (J-P) : Finances publiques, 2003, 6ème édition, LGDJ, collection Manuel, 880 p. LASCOMBE (M) : Le droit constitutionnel de la Vè République, Logiques juridiques, L'Harmattan, 2002, 8ème édition, 377 p. LASCOMBE (M), VANDENDRIESSCHE (X) : Les finances publiques, 2003, 5ème édition, Dalloz, Collection Connaissance du droit, 198 p. MARTINEZ (J-C), DI MALTA (P) : Droit budgétaire, 1999, 3ème édition, LITEC, 998 p. 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Deuxième université de printemps de finances publiques organisé par le Groupement Européen de Recherches en Finances publiques, les 30 et 31 mai 2005. Actes à paraître. VI – Multimédias et Internet www.legifrance.gouv.fr www.ccomptes.fr www.conseil-constitutionnel.fr 108 www.minefi.gouv.fr https://mioga.minefi.gouv.fr/drb/home/Extralolf/Accueil.htm Emission « Le bien commun » d'Antoine GARAPON (France culture, samedi 11h) : spécial Loi organique relative aux lois de finances. Invité : Michel BOUVIER 109 Table des matières Introduction générale .....................................................................................5 Première partie : Les incompatibilités du régime des responsabilités actuelles avec la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001............................................................................... 8 Chapitre 1 – Les responsabilités traditionnelles en droit public financier : les insuffisances et les défaillances d'un système ancien.......................................................10 Section 1 : L'illusoire responsabilité des ordonnateurs................................................ 10 Paragraphe 1 – Les ordonnateurs et les sanctions de droit commun........................ 11 A – L'inapplicabilité des sanctions civiles............................................................11 B – L'inadéquation de la responsabilité pénale appliquée aux ordonnateurs...... 13 Paragraphe 2 – Les responsabilités des ordonnateurs à raison de leurs fonctions administratives ou politiques....................................................................................16 A – Les sanctions politiques applicables aux ordonnateurs................................. 16 1 – La responsabilité politique des ministres, ordonnateurs principaux de l'Etat..................................................................................................................16 2 – La responsabilité politique des autres ordonnateurs...................................17 B – La responsabilité disciplinaire encourue par les ordonnateurs...................... 19 Paragraphe 3 – Les responsabilités financières encourues par les ordonnateurs......20 A – La responsabilité des ordonnateurs devant la Cour de discipline budgétaire et financière.............................................................................................................. 20 B – Les ordonnateurs, des justiciables d'exception de la cour des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des comptes................................................ 22 Section 2 – Une responsabilité des comptables publics insatisfaisante....................... 23 Paragraphe 1 – La faible effectivité des condamnations des comptables publics.... 24 A – Le juge des comptes « juge le compte et non le comptable »........................24 1 – La consécration du principe........................................................................25 2 – Les tempéraments au principe.................................................................... 26 B – La compétence concurrentielle du ministre de l'économie et des finances....29 Paragraphe 2 – La reconnaissance progressive de l'applicabilité de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.. 31 A – La reconnaissance des principes issus de la Convention par les juridictions internes................................................................................................................. 32 B – La généralisation de l'application de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme................................................ 34 Chapitre 2 – Les mutations récentes de l'exécution budgétaire suite à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances...............................................................36 110 Section 1 – La remise en cause de la séparation des ordonnateurs et des comptables..... 37 Paragraphe 1 – La rénovation des règles de la comptabilité publique..................... 37 Paragraphe 2 – La nécessaire remise en cause de la séparation traditionnelle des ordonnnateurs et des comptables..............................................................................40 A – L'évolution de la fonction comptable............................................................ 40 B – La remise en cause du principe traditionnel de la séparation des ordonnateurs et des comptables..................................................................................................42 Section 2 –L'intervention de nouveaux acteurs dans le système financier...................45 Paragraphe 1 – Les missions et les programmes : le renouveau de l'action gouvernementale.......................................................................................................46 A – Les missions et les programmes.................................................................... 46 1 – Les missions............................................................................................... 46 2 – Les programmes......................................................................................... 47 B – L'apparition de personnes responsables......................................................... 48 Paragraphe 2 – Les niveaux subalternes : les budgets opérationnels de programmes et les unités d'exécution............................................................................................50 Seconde partie – Les nécessaires évolutions des acteurs de l'exécution budgétaire...................................................................................................... 54 Chapitre 1 – Les nécessaires adaptations concernant les responsabilités des agents d'exécution du budget.......................................................................................................56 Section 1 – L'émergence d'une responsabilité de type managérial aux acteurs « de la nouvelle génération »....................................................................................................57 Paragraphe 1 – Les contours de la responsabilité managériale................................ 57 Paragraphe 2 – Les modalités de la mise en oeuvre de la responsabilité managériale. .................................................................................................................................. 58 A – Devant quelle autorité les gestionnaires devront-ils rendre compte de leurs actions ?................................................................................................................59 B – De quoi les responsables devront-ils rendre compte ?...................................60 1 – Les responsables devront rendre compte de la bonne gestion financière de leurs services.................................................................................................... 61 2 – L'exigence d'un compte rendu fiable et honnête.........................................61 C – Les conséquences du compte rendu pour le gestionnaire.............................. 62 Section 2 – La rénovation d'autres formes de responsabilités à l'encontre des gestionnaires et des autres ordonnateurs...................................................................... 64 Paragraphe 1 – La nécessité de contrecarrer le risque d'un accroissement de la pénalisation par le développement d'autres formes de responsabilité...................... 64 Paragraphe 2 – La nécessité de développer les responsabilités politiques et financières à l'encontre des ordonnateurs................................................................. 66 Section 3 – La refonte des responsabilités théoriques classiques des comptables publics.......................................................................................................................... 69 Paragraphe 1 – Quelles évolutions de responsabilités pour les comptables publics ?. 70 Paragraphe 2 – Le devenir de la remise gracieuse et de la décharge de responsabilité. ..........................................................................................................73 111 Chapitre 2 – Vers la refonte des socles des contentieux financiers..................................77 Section 1 – L'inévitable modification des textes fondateurs du droit public financier.... 77 Paragraphe 1 – La réforme du règlement général sur la comptabilité publique....... 78 Paragraphe 2 – La réforme de l'article 60 de la loi de finances rectificatives du 23 février 1963.............................................................................................................. 81 Paragraphe 3 – Les évolutions prochaines du code des juridictions financières......86 Section 2 – Quelles évolutions pour les juridictions financières ?...............................90 Paragraphe 1 – La cour de discipline budgétaire et financière : agonie ou renaissance ?.............................................................................................................90 Paragraphe 2 : Quelles évolutions pour la juridiction des comptes bientôt bicentenaire ?............................................................................................................92 A – L'adaptation des compétences juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes................................................. 93 B – L'extension des compétences non juridictionnelles de la Cour : les impacts de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 sur ses compétences......................................................................................................... 97 Conclusion générale.................................................................................... 100 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................... 102 I – Ouvrages généraux....................................................................................................102 II – Ouvrages spécialisés................................................................................................ 103 III – Articles divers, commentaires de jurisprudences, chroniques................................104 IV – Thèses et mémoires................................................................................................ 108 V – Colloques ................................................................................................................108 VI – Multimédias et Internet.......................................................................................... 108 112