Les images prises dans un lieu public :
Autrefois, beaucoup n’hésitaient pas à penser que
toute photographie prise dans un lieu ne pouvait être
répréhensible : dans l’affaire dite de la Tour de Pise, la
représentation d’un groupe de touristes dans un journal
avait été jugée licite, bien qu’aucun consentement n’eût
été donné à cet effet, précisément parce que le cliché avait
alors été pris dans un lieu public.
Aujourd’hui, et dans le courant protecteur des droits de la
personnalité, peu importe que la personne se trouve dans
un lieu public, dès lors qu’elle paraît isolément grâce au
cadrage réalisé par le photographe, ainsi que l’a tranché la
Cour de cassation le 12 décembre 2000.
La publication d’une photo prise dans un lieu public ne sera
donc pas punissable si et seulement si la personne occupe
une place accessoire sur l’image ou si elle est intégrée
à une photographie de groupe illustrant un événement
La Cour de cassation l’a confi rmé de manière particulièrement
explicite. Un homme avait assigné le journal France Soir
pour avoir publié une photo illustrant un article faisant état
de “l’arsenal des barbus” à propos d’une opération de police
dirigée contre les milieux islamistes et sur laquelle il fi gurait,
arguant de ce que “pratiquant israélite portant la barbe, il
se trouvait, étant identifi able sur la photographie, assimilé
aux personnes impliquées dans l’action de la police”. Il a
été jugé que la photographie était prise sur le seuil d’un
bâtiment public, que rien ne venait isoler Mr. X du groupe
de personnes représentées sur la photographie, centrée
non sur sa personne, mais sur un événement d’actualité,
auquel il se trouvait mêlé par l’effet d’une coïncidence
due à des circonstances tenant exclusivement à sa vie
Cet arrêt laissait par ailleurs présager la solution qui allait
être adoptée par la Cour de cassation s’agissant de la
publication de clichés sur lesquels la personne est isolée
Il y a atteinte au droit à l’image lorsque la personne est isolée
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 12 décembre
2000, un enfant participant à la fête de son village en
costume folklorique avait été photographié par un
journaliste, lequel n’avait pas hésité ensuite non seulement
à publier le cliché du seul visage de l’enfant dans la presse
locale mais également à commercialiser ladite photo. Les
parents du jeune garçon avaient alors agi sur le fondement
de l’article 9 du Code civil en réparation du préjudice subi
par leur fi ls du fait de la publication et de l’exploitation de
son image sans leur consentement.
Le déroulement de la procédure a par ailleurs révélé les
divergences d’appréciation qui ont pu exister parmi les
tribunaux : alors que le Tribunal de Grande Instance avait
accueilli la demande, la Cour d’appel avait pour sa part
considéré que le droit à l’image devait céder, dans le cas
d’un cliché d’information pris lors d’une manifestation
folklorique se déroulant dans un lieu public.
Saisie du pourvoi formé par les parents, lesquels soutenaient
qu’en plus de n’avoir pas sollicité leur autorisation, le
photographe avait non pas publié une photo du char sur
lequel se trouvait leur fi ls mais avait centré l’image sur son
seul visage et l’avait commercialisée, la Cour de cassation a
considéré au contraire que “l’image de l’enfant était isolée
de la manifestation au cours de laquelle elle avait été prise
et que le photographe avait procédé à une publication de
cette image, sans l’autorisation des parents”, confi rmant en
cela certaines décisions plus anciennes.
Dans le même ordre d’idées, les magistrats n’hésitent pas à
rappeler, notamment à propos de personnes photographiées
lors de manifestations, que le droit à l’image joue pour la
diffusion de l’image “d’un individu aisément identifi able”.
Les tribunaux admettent par extension les procédés de
“fl outage” des visages, et qu’il n’y aura violation du droit
à l’image que si un lecteur normalement attentif peut
discerner les traits de la personne représentée pour pouvoir
la reconnaître. Il a ainsi été jugé que l’intéressé ne pouvait
se plaindre d’une diffusion sans son consentement d’une
photographie représentant une personne au visage masqué
Cela étant, le “fl outage” et autres techniques similaires ne
légitimeront pas la publication d’une photo si l’article ou
la légende accompagnant le cliché rendent les personnes
parfaitement identifi ables.
On relèvera pour fi nir qu’il peut y avoir atteinte au droit
à l’image, même si l’image est banale et ne porte pas en
soi atteinte à la vie privée, lorsque le cliché est “volé”, tels
que ceux obtenus au téléobjectif, ou lorsqu’il y a volonté
évidente de nuire à la personne, en la montrant notamment
dans des situations désagréables ou ridicules, ou lorsque le
cliché est accompagné de propos dévalorisants.