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Octobre 2004
Le contentieux relatif à l’image : analyse et perspective
Introduction
“Si aujourd’hui on respectait à la lettre le droit à l’image, le
travail d’Henri Cartier-Bresson ou celui de Robert Doisneau
ne pourrait plus être publié” assure le directeur artistique
d’une agence de photo.
Une telle af rmation pourrait sembler excessive. Elle refl ète
nombre considérable de décisions de justice qui ont été
rendues au nom du “droit à l’image”.
Il y a déjà près d’un siècle que les tribunaux s’attachent à
principes généraux de la responsabilité civile
1
, puis sur le
fondement plus spécifi que du “droit au respect de la vie
privée” consacré par l’article 9 du Code civil
2
institué par
la loi du 17 juillet 1970, loi rédigée en réaction à l’affaire
Markovic
3
.
Depuis, ce droit à l’image n’a cessé d’évoluer et c’est un
droit en pleine mutation, qui n’a à ce jour reçu aucune
consécration législative
4
, se concentrant essentiellement
sur l’impératif de consentement.
Le principe est simple : toute personne dispose, sur son
image ou sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif
et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
Autrement dit, personne n’a le droit de saisir et d’exploiter
l’image d’autrui sans son autorisation. Dès lors, l’utilisateur
d’une image devrait s’assurer que les personnes représentées
ont bien approuvé, idéalement expressément et par écrit,
l’utilisation en cause. Reste que cette autorisation est parfois
diffi cile à obtenir.
Pour analyser les nombreuses décisions de justice rendues
en la matière, casuelles et souvent contradictoires, on peut
distinguer deux contentieux : d’une part le contentieux
qui se noue en l’absence de contrat (I) et d’autre part le
contentieux qui naît alors même qu’un contrat a été passé
(II).
Contentieux du droit à l’image en l’absence de
contrat
Certains “détracteurs” du droit à l’image diront que c’est
un droit absolu et que “le risque pris par l’utilisateur d’une
image en l’absence d’autorisation est, à l’heure actuelle,
suffi samment grand pour être dissuasif”
5
. La jurisprudence
a pourtant tenté de relativiser le droit à l’image et a posé des
principes applicables lorsqu’aucun contrat relatif à l’image
n’a été conclu.
1 Le Tribunal civil de la Seine consacrait le 10 février 1905 “la propriété imprescriptible que toute personne a sur son image, lui conférant
le droit de
demander réparation, à condition de rapporter la preuve du préjudice réel causé par la reproduction
” (D. 1905, 2, p. 389), tandis que n’était pas sanctionnée “
la mise
en vente de cartes postales reproduisant des photographies prises sur la voie publique
” (Trib. de Paix de Paris 10 avril 1908, D. 1908, somm. p. 63).
en vente de cartes postales reproduisant des photographies prises sur la voie publique” (Trib. de Paix de Paris 10 avril 1908, D. 1908, somm. p. 63).en vente de cartes postales reproduisant des photographies prises sur la voie publique
2 Le rattachement n’était pourtant pas évident puisque l’article 9 du Code civil ne vise pas expressément le droit à l’image.
3 Une sordide affaire politique greffée sur un fait divers banal. Dans le village d’Élancourt (Yvelines), le corps décomposé de Stephan Markovic, ancien
garde du corps d’Alain Delon, est trouvé dans une décharge. La correspondance privée de Markovic semble impliquer Delon et un truand corse François
Marcantoni. L’instruction se dirige donc vers Delon et Marcantoni. Puis un événement fait tout basculer : une lettre anonyme dans le Figaro implique
de hauts fonctionnaires et d’anciens membres du gouvernement dans des soirées douteuses organisées par Marcantoni. Puis on apprend qu’un certain
yougoslave nommé Akov, a des révélations à faire. On est désormais loin du simple fait divers, et l’affaire devient politique. Le tout Paris ne parle que
de l’Affaire Markovic et les rumeurs s’amplifi ent, on parle même de photos, des photos d’un genre particulier sur lesquelles apparaîtrait, selon une
rumeur, l’épouse de Georges Pompidou.
4 Il est à noter cependant qu’une proposition de loi a été déposée le 16 juillet 2003 visant à “
donner un cadre juridique au droit à l’image
”.
donner un cadre juridique au droit à l’image”.donner un cadre juridique au droit à l’image
5 Proposition de loi déposée le 16 juillet 2003
2
L’image est licite lorsqu’elle illustre un événement dont le
public est en droit d’être informé :
Puisque la connaissance de l’événement passe par l’image,
la publication de l’image de tous ceux qui sont acteurs,
auteurs ou victimes, d’événements d’actualité ne pouvait
être systématiquement réprimée.
D’abord timidement, et allant même contre la jurisprudence
dominante faisant du droit à l’image un droit absolu,
puis avec de plus en plus de fermeté et opérant ainsi une
profonde mutation, la Cour de cassation a donc consacré
un droit à l’information du public qui doit, sous certaine
conditions, prévaloir sur le droit à l’image, conditions qui
ont du reste tendance à être assouplies.
Ainsi, n’est pas licite :
- la publication de photographies qui ne sont pas en
relation directe ou, selon la dernière jurisprudence,
qui n’ont pas un lien de pertinence, avec un événement
s’intégrant légitimement dans l’actualité et dont
l’importance nécessite qu’il soit communiqué au
public ;
- la publication d’images d’actualité ne respectant pas la
dignité de la personne visée.
L’affaire citée le plus fréquemment pour illustrer ces
principes est sans doute l’affaire qui avait opposé un
hebdomadaire aux victimes de l’attentat à la station
St-Michel du RER : la première chambre civile de la Cour
de cassation a admis le caractère licite de la publication de
la photographie montrant les suites de l’explosion de la
bombe, en l’absence de toute recherche de sensationnel
et de toute indécence, “sous la seule réserve du respect de
la dignité de la personne humaine”.
Cela étant, les frontières ne sont pas toujours faciles à tracer :
ainsi par exemple a-t-il été jugé que la publication dans la
presse, au cours d’une période de deuil de ses proches, de
la photographie du cadavre du préfet Claude Erignac gisant
dans une rue d’Ajaccio quelques instants après avoir été
assassiné constituait une profonde atteinte à leur sentiment
d’affl iction, partant à l’intimité de leur vie privée, et la Cour
de cassation a refusé cette fois-ci de faire prévaloir le droit
à l’information.
Dans le monde des sportifs, la même règle s’applique, et les
mêmes diffi cultés d’appréciation se posent. Les photos qui
ne sont pas prises “dans le feu de l’action” dans le cadre des
activités publiques ou professionnelles du sportif, et qui ne
sont pas publiées à des ns d’information du public, sont
condamnables
6
.
Ainsi, les photographies de sportifs prises lors de compétitions
et publiées pour illustrer des articles d’information sont
licites, mais en revanche lorsque le quotidien L’Equipe
publie en première page le fessier dénudé du footballeur
Daniel Xuereb suite à un incident survenu lors d’un
match de championnat, il ne peut se retrancher derrière
l’exception d’intérêt légitime du public à être informé
7
.
Et s’il peut être tentant de détourner le principe du droit à
l’information à des fi ns purement commerciales, une telle
pratique serait inévitablement sanctionnée
8
: l’utilisation
de l’image du sportif, même prise au cours de ses activités
professionnelles, est illicite - et ce d’autant plus que les
sportifs aujourd’hui sont de plus en plus sollicités par la
publicité et négocient de véritables contrats sur leur image
en marge de leur carrière d’athlète
9
. Ont ainsi été jugées
illicites: l’utilisation de l’image d’un basketteur prise lors
d’un match et reproduite sur des placards publicitaires
vantant les mérites de pellicules photos
10
, l’utilisation
de l’image d’un golfeur en action pour des propositions
d’abonnement à une revue
11
, l’utilisation de photographies
de Yannick Noah au cours d’un match pour illustrer un
dépliant
12
, l’utilisation de l’image d’une skieuse acrobatique
pour une campagne publicitaire
13
.
6 TGI Lyon, 17 déc. 1980, D. 1981, p. 202
7 TGI paris 3 mai 1989, D. 1989, IR, p. 228
8 Sans oublier qu’en ce qui concerne les manifestations sportives, d’autres monopoles peuvent venir se greffer sur le droit à l’image des sportifs et
notamment celui des organisateurs de telles manifestations lesquels sont, et selon un arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2004 (disponible sur
le site Internet http://lexinter.net), propriétaires des droits d’exploitation de l’image de cette manifestation et notamment par diffusion de clichés
photographiques réalisés à cette occasion.
9 D’ailleurs les décisions condamnant une telle utilisation de l’image des sportifs sont motivées par le fait que les sportifs eux-mêmes, s’ils ne peuvent
s’opposer à la diffusion de leurs photos à des ns d’information, conservent toutefois le droit de commercialiser leur image et donc d’autoriser l’utilisation
de celle-ci à des fi ns publicitaires.
10 TGI Lyon, précité.
11 CA Paris 26 mai 1983, Juris-data n° 023239
12 TGI Paris 21 déc. 1983, D. 1984, II, IR, p. 331.
13 TGI Paris 21 avril 1986, inédit.
3
Les images prises dans un lieu public :
Autrefois, beaucoup n’hésitaient pas à penser que
toute photographie prise dans un lieu ne pouvait être
répréhensible : dans l’affaire dite de la Tour de Pise, la
représentation d’un groupe de touristes dans un journal
avait été jugée licite, bien qu’aucun consentement n’eût
été donné à cet effet, précisément parce que le cliché avait
alors été pris dans un lieu public.
Aujourd’hui, et dans le courant protecteur des droits de la
personnalité, peu importe que la personne se trouve dans
un lieu public, dès lors qu’elle paraît isolément grâce au
cadrage réalisé par le photographe, ainsi que l’a tranché la
Cour de cassation le 12 décembre 2000.
La publication d’une photo prise dans un lieu public ne sera
donc pas punissable si et seulement si la personne occupe
une place accessoire sur l’image ou si elle est intégrée
à une photographie de groupe illustrant un événement
d’actualité.
La Cour de cassation l’a con rmé de manière particulièrement
explicite. Un homme avait assigné le journal France Soir
pour avoir publié une photo illustrant un article faisant état
de “l’arsenal des barbus” à propos d’une opération de police
dirigée contre les milieux islamistes et sur laquelle il gurait,
arguant de ce que “pratiquant israélite portant la barbe, il
se trouvait, étant identifi able sur la photographie, assimilé
aux personnes impliquées dans l’action de la police”. Il a
été jugé que la photographie était prise sur le seuil d’un
bâtiment public, que rien ne venait isoler Mr. X du groupe
de personnes représentées sur la photographie, centrée
non sur sa personne, mais sur un événement d’actualité,
auquel il se trouvait mêlé par l’effet d’une coïncidence
due à des circonstances tenant exclusivement à sa vie
professionnelle”.
Cet arrêt laissait par ailleurs présager la solution qui allait
être adoptée par la Cour de cassation s’agissant de la
publication de clichés sur lesquels la personne est isolée
et/ou identifi able.
Il y a atteinte au droit à l’image lorsque la personne est isolée
et/ou identifi able :
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 12 décembre
2000, un enfant participant à la fête de son village en
costume folklorique avait été photographié par un
journaliste, lequel n’avait pas hésité ensuite non seulement
à publier le cliché du seul visage de l’enfant dans la presse
locale mais également à commercialiser ladite photo. Les
parents du jeune garçon avaient alors agi sur le fondement
de l’article 9 du Code civil en réparation du préjudice subi
par leur ls du fait de la publication et de l’exploitation de
son image sans leur consentement.
Le déroulement de la procédure a par ailleurs révélé les
divergences d’appréciation qui ont pu exister parmi les
tribunaux : alors que le Tribunal de Grande Instance avait
accueilli la demande, la Cour d’appel avait pour sa part
considéré que le droit à l’image devait céder, dans le cas
d’un cliché d’information pris lors d’une manifestation
folklorique se déroulant dans un lieu public.
Saisie du pourvoi formé par les parents, lesquels soutenaient
qu’en plus de n’avoir pas sollicité leur autorisation, le
photographe avait non pas publié une photo du char sur
lequel se trouvait leur ls mais avait centré l’image sur son
seul visage et l’avait commercialisée, la Cour de cassation a
considéré au contraire que “l’image de l’enfant était isolée
de la manifestation au cours de laquelle elle avait été prise
et que le photographe avait procédé à une publication de
cette image, sans l’autorisation des parents”, confi rmant en
cela certaines décisions plus anciennes.
Dans le même ordre d’idées, les magistrats n’hésitent pas à
rappeler, notamment à propos de personnes photographiées
lors de manifestations, que le droit à l’image joue pour la
diffusion de l’image “d’un individu aisément identifi able”.
Les tribunaux admettent par extension les procédés de
“fl outage” des visages, et qu’il n’y aura violation du droit
à l’image que si un lecteur normalement attentif peut
discerner les traits de la personne représentée pour pouvoir
la reconnaître. Il a ainsi été jugé que l’intéressé ne pouvait
se plaindre d’une diffusion sans son consentement d’une
photographie représentant une personne au visage masqué
non identifi able.
Cela étant, le “fl outage” et autres techniques similaires ne
légitimeront pas la publication d’une photo si l’article ou
la légende accompagnant le cliché rendent les personnes
parfaitement identifi ables.
On relèvera pour nir qu’il peut y avoir atteinte au droit
à l’image, même si l’image est banale et ne porte pas en
soi atteinte à la vie privée, lorsque le cliché est “volé”, tels
que ceux obtenus au téléobjectif, ou lorsqu’il y a volonté
évidente de nuire à la personne, en la montrant notamment
dans des situations désagréables ou ridicules, ou lorsque le
cliché est accompagné de propos dévalorisants.
4
Contentieux du droit à l’image et contrat
Si le consentement de chaque personne intéressée est
difficile voire quasiment impossible à recueillir dans
absolument tous les cas, notamment lors du compte-rendu
d’événements d’actualité, il est le sésame en la matière
et permet d’éviter, dans toute la mesure du possible, les
contentieux.
Tout contentieux n’est cependant pas exclu mais il est peu
abondant et se concentre essentiellement sur la question
de l’étendue de l’autorisation donnée à la réalisation et/ou
la diffusion de l’image.
Des décisions rendues en la matière l’on apprend que
le consentement, lorsqu’il est donné, doit être effectif,
non équivoque et surtout qu’il s’interprète strictement :
le consentement est spécial et ne vaut que pour une
publication particulière, sur un support précis et à une
date déterminée.
Bien que l’on puisse déduire de manière non équivoque
l’étendue de l’autorisation de circonstances particulières
- ainsi par exemple un animateur d’une émission de
télévision accepte nécessairement l’enregistrement et la
diffusion de son image -, il est néanmoins plus fréquent, et
d’ailleurs fortement recommandé, de conclure un contrat
prévoyant les modalités d’utilisation et de conservation des
images
14
.
La jurisprudence est sur ce point assez explicite.
Une première affaire avait opposé l’artiste de variétés M.
Michel Leeb à la société Xodo exploitant des magasins.
Les parties avaient conclu un contrat aux termes duquel
l’artiste s’était engagé à dédicacer l’un de ses ouvrages dans
deux des magasins de la société Xodo. Cette dernière avait
alors organisé une campagne publicitaire plus vaste, avec
publication dans trois quotidiens de diffusion nationale de
placards comportant la photographie de M. Leeb, ainsi que
la distribution de prospectus du même modèle. Soutenant
n’avoir jamais autorisé une telle exploitation commerciale
de son image et de son nom, M. Leeb a en défi nitive refusé
d’assurer la séance de dédicace. Les deux parties avaient
ainsi chacune formé une demande de dommages-intérêts
l’une contre l’autre. La Cour d’appel avait considéré que
faute pour M. Leeb d’avoir défi ni avec soin les limites dans
lesquelles pourrait s’exercer la publicité, et par conséquent
l’exploitation de son image et de son nom, le contrat devait
être résolu à ses torts exclusifs. Mais la Cour de cassation,
cassant l’arrêt de la Cour d’appel sous le visa de l’article
9 du Code civil, a au contraire jugé que la société Xodo
avait l’obligation d’obtenir l’autorisation de faire gurer
la photographie de M. Leeb sur les placards publicitaires
parus dans la presse.
En décidant ainsi, la Cour de cassation a confi rmé que
lorsqu’une personne a consenti à une utilisation déterminée
de son image, une violation de l’article 9 du Code civil peut
être la conséquence de l’inapplication du contrat
15
.
Dans une autre affaire similaire, la Cour d’appel de Versailles
a pu mettre l’accent sur le caractère nécessairement spécial
de l’autorisation donnée à l’exploitation de l’image et des
contrats d’image conclus à cet effet
16
. Cette affaire opposait
Mlle Bertholus, mannequin, et la société Alpha Contact
Edition. Pour fêter l’anniversaire de l’ouverture du magasin
“Auchan Bagnolet”, son directeur avait confi é à la société
Alpha l’édition et la diffusion de tracts et d’affi ches sur le
lieu de vente. Le bon de commande précisait “tout droit de
cession d’utilisation de ces photos inclus”. Melle Bertholus,
recrutée par l’agence de publicité, signe un document
mentionnant le nom du magasin “Auchan Plaisir”, le
nom de l’agence “Alpha Contact”, les dates et durées des
séances photos et le montant de la rémunération (3.000 F).
Les photos sont prises et Melle Bertholus constate peu de
temps après que son image a été reproduite sur des affi ches
de 4x3 apposées dans des stations de métro et diffusée
sur des tracts. Estimant n’avoir pas consenti à une telle
utilisation de son image, Melle Bertholus assigne l’agence
de publicité. Déboutée en première instance, elle obtient
gain de cause devant la Cour d’appel qui lui alloue 20.000
F de dommages-intérêts.
Ce qu’il est encore intéressant de noter c’est que pour cider
que la publicité avait débordé le cadre de l’autorisation
donnée, la Cour d’appel s’était livrée à une recherche de
la volonté des parties à partir du seul document manuscrit
signé par Melle Bertholus qui ne précisait ni l’utilisation ni
la destination des photos prises lors de la séance, mais qui,
“eu égard à la faible rémunération prévue”, prêtait à penser
que l’utilisation aurait une portée limitée.
14 La charge de la preuve de l’autorisation incombe à celui qui s’en prévaut.
15 Civ. 1ère 12 juin 1990, Bull. civ. I, n° 164.
16 CA Versailles 4 nov. 1999, D. 2000, p. 347.
5
Enfi n, dans une autre affaire qui opposait le chanteur
Johnny Hallyday au magazine “Ici Paris”, la Cour de cassation
a récemment pris parti contre toute “redivulgation” de
photographies sans autorisation
17
. Le magazine “Ici Paris”
avait publié un article dans lequel était évoqué l’éventuel
échec du futur concert de Johnny Halliday à Las Vegas (“Et
s’il faisait un bide à Las Vegas ?”) et critiqué ses choix quant
à l’exploitation de son image (“Il s’affi che sur n’importe
quoi”) pour remédier à ses problèmes nanciers (“Même
en chantant jusqu’à 110 ans, il n’arriverait pas à payer ses
dettes”). L’article était accompagné de photographies du
chanteur.
La Cour de cassation condamne l’hebdomadaire pour
avoir notamment publié des photos détournées de leur
objectif publicitaire. Ce faisant, elle rappelle que la
commercialisation de l’image requiert une autorisation
spéciale, les exploitations non expressément consenties
étant conservées par l’individu représenté. Le principe reste
bien celui de l’interprétation restrictive des contrats sur
l’image et en l’espèce il était indéniable que la publication
de photographies pour illustrer un article au ton critique
ne répondait pas à la finalité publicitaire visée dans
l’autorisation donnée.
Ces quelques décisions montrent ainsi que les limites de
l’utilisation de l’image doivent être défi nies avec précaution
en précisant notamment la destination des images captées.
Il est en effet préférable de préciser avec soin l’étendue
de l’autorisation donnée, ce afi n d’éviter au maximum
les contentieux ou, le cas échéant, les interprétations
diffi cilement prévisibles des magistrats.
Les sportifs d’aujourd’hui savent tout particulièrement
user de ces contrats d’image. Il est vrai que par les valeurs
qu’il véhicule, le sportif est très largement courtisé, non
seulement par les médias, mais également par la publicité.
Certains comme Zinédine Zidane ne se cachent pas de leur
activité “commerciale” menée en marge de leur discipline et
se rattachant exclusivement à leur image. Les contentieux en
la matière sont très rares, peut-être parce que les intéressés
ont su adapter “leur comportement contractuel à la réalité
juridique de l’image”
18
.
L’essentiel est de ne pas s’engager en des termes trop
généraux. A cet égard, les contrats passés par les candidats
des émissions de télé-réalité, restés confi dentiels, seraient
rédigés de manière très vague et la cession de leurs
droits à l’image seraient très large. Ainsi par exemple, le
contrat signé par les participants à l’émission “L’île de la
tentation”, pendant laquelle des couples devaient tester
leurs sentiments et leur délité envers leurs conjoints,
n’aurait prévu aucune rémunération mais l’autorisation des
candidats pour exploiter leur image pendant 5 ans… Et les
contrats des autres émissions telles que “Popstars” ou “Loft
Story” ne seraient ni plus explicites, ni plus respectueux des
droits à l’image des participants
19
.
Peut-être que la télé-réalité fera elle aussi son entrée dans
les prétoires et que ces contrats viendront bientôt alimenter
le contentieux déjà très riche du droit à l’image…
Conclusion
Il resterait, en conclusion, à dire quelques mots de
l’indemnisation en matière de droit à l’image.
Le principe est celui, comme en toute matière, de la
réparation intégrale du dommage.
Le dommage est apprécié souverainement par les magistrats
qui tiennent compte de divers éléments et notamment des
situations “particulièrement intimes” dans lesquelles les
clichés ont été pris ou du caractère anodin des photos, ou
de leur caractère humiliant ou dégradant, du nombre de
photographies publiées. Le dommage est encore apprécié
au regard de l’attitude de la victime et de son éventuelle
complaisance passée ou au contraire de son souci de
discrétion. S’il s’agit dans la plupart des cas d’un dommage
moral, le dommage peut encore être matériel, notamment
en cas de transgression du droit à l’image des personnes qui
ont, notamment par leur activité professionnelle, conféré
une valeur patrimoniale à leur image.
Dommages-intérêts et publication de la décision sont
les deux mesures de réparations les plus fréquemment
ordonnées par les magistrats.
17 Civ. 1ère 30 mai 2000, JCP 2001, n° 19, p. 937.
18 Selon les mots de G. Jeannot-Pagès, Légicom n°23, 2000/3, p. 107.
19 L. Marino, Les contrats portant sur l’image des personnes, Communic. Comm. Elect. mars 2003, chron. n° 7, p. 10
20 Il est même prétendu que la victime pourrait “choisir” son tribunal et moduler ainsi le montant de sa réparation en fonction du lieu de l’action : M-D.
Douaoui, La réparation du trouble médiatique, D. 2001, chron. p. 1333
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