MANIPULATIONS en formation d’adultes Pratiques théâtrales Mémoire de DUFA Année universitaire 2012/2013 Jérôme Plaud Diplôme Universitaire de Formation d’Adultes Directeur pédagogique : Mehdi Farzad 2 Remerciements à, Z**** & P**** pour m’avoir conçu, B**** pour m’avoir initié M**** pour m’avoir montré, G**** pour m’avoir soutenu, A**** pour m’avoir guidé, T**** pour m’avoir accompagné, la Coopération P**** pour y avoir cru, N**** pour m’avoir éclairé, P**** pour ses bonnes idées, et tous les autres bien entendu. 3 « Avertissement de l’Editeur Nous croyons devoir prévenir le public, que, malgré le titre de cet ouvrage et ce qu’en dit le rédacteur dans sa préface, nous ne garantissons pas l’authenticité de ce recueil et que nous avons même de fortes raisons de penser que ce n’est qu’un roman. Il nous semble de plus que l’auteur, qui paraît pourtant avoir cherché la vraisemblance, l’a détruite lui-même et bien maladroitement par l’époque où il a placé les évènements qu’il publie. En effet, plusieurs des personnages qu’il met en scène ont de si mauvaises mœurs, qu’il est impossible de supposer qu’ils aient vécu dans notre siècle ; dans ce siècle de philosophie, où les lumières, répandues de toute parts, ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnêtes et toutes les femmes si modestes et réservées. Notre avis est donc que si ces aventures rapportées dans cet ouvrage ont un fond de vérité, elles n’ont pu arriver que dans d’autres lieux ou dans d’autres temps ; et nous blâmons beaucoup l’auteur, qui, séduit apparemment par l’espoir d’intéresser davantage en se rapprochant plus de son siècle et de son pays, a osé faire paraître sous notre costume et avec nos usages, des mœurs qui nous sont si étrangères. Pour préserver au moins, autant qu’il est en nous, le lecteur trop crédule de toute surprise à ce sujet, nous appuierons notre opinion d’un raisonnement que nous lui proposons avec confiance, parce qu’il nous paraît victorieux et sans réplique ; c’est que sans doute les mêmes causes ne manqueraient pas de produire les mêmes effets, […].» 1 1 Pierre CHODERLOS de LACLOS, Les liaisons dangereuses. Avertissement de l’Editeur, Paris (F), Flammarion, 1981 (1re éd. 1782), p. 14 4 Sommaire « Si tu t’imagines » p. 6 « Oui, Jérôme, c’est moi » p. 8 « Attention Mesdames et Messieurs » p. 18 « Rosarum, rosis, rosis » p. 25 Interlude p. 34 « Sacré Charlemagne » p. 38 « Céci-ile » p. 51 « Y en a qui » p. 74 « J’me souviens plus très bien » p. 78 Bibliographie p. 80 Annexes p. 96 Table des matières p. 106 5 2 « Si tu t’imagines »3 J e connais Jérôme depuis toujours ! Du moins se connait-on ainsi depuis un spectacle autour de textes de Roland Dubillard4 en 2001. Lorsqu’il m’a demandé de devenir son sujet d’étude pour son mémoire, j’ai d’abord cru qu’il se moquait de moi. « La manipulation ». Quelle drôle d’idée ! Je n’avais pas très envie d’être manipulé, surtout pas par lui ! Il m’expliqua longuement sa démarche, me fit part de ses avancées, de ses tâtonnements et de ses doutes. Je compris vite que nous ne tournions pas dans une mauvaise série B sur le complot international du lobby franco-maçonnico-sionico-islamo-martien mais que Jérôme tenais là un angle de réflexion intéressant quant à la formation des adultes par le théâtre. 2 V**** A.C., « Mop », J**** (F), 2001 © Peu Importe Juliette GRECO, Si tu t’imagines, Joseph KOSMA et Raymond QUENEAU, (3 :11) Album : Juliette Gréco à l’Olympia, Fontana, 1956 4 Oups ! La télé est cassée !, d’après Roland DUBILLARD, Les Nouveaux diablogues, Paris (F), Gallimard, 1998, 232 p. ; adaptation Mop et K**** C****, par La Cie des P****, mis en scène par Jérôme PLAUD, avec K**** C**** (Un) et Mop (Deux), le 30 août 2001 à 20h30, Salle multimédia de J**** 6 3 Dès lors, comme « Madame O. »5, je choisis d’accepter d’être le héros de son écrit. Pas un héros de roman aux aventures rocambolesques, ni un héros dégoulinant de jargon incompréhensible de revue scientifique, mais un héros du quotidien aux prises avec le monde et lui-même. Servir de support à la réflexion de Jérôme est une façon d’exister : il allait me retourner, me former et me déformer dans tous les sens pour trouver ce qu’il cherchait. « Je est un autre »6 écrivait Rimbaud à Izambard. Alors pourquoi ne pas jouer le « je » jusqu’au bout ? Jérôme ne va pas parler de lui, il va parler de moi ! Quelle importance, et quelle différence ? Nous sommes si proches. C’est une question de point de vue. Participer à cette recherche m’a beaucoup appris sur moi-même et mes habitudes de vie dans le milieu de la formation : aujourd’hui je ne suis plus aussi naïf et suis plus attentif – lorsque j’endosse la casquette de formateur notamment – aux influences et manipulations en tout genre qui se mettent en place, souvent de façon naturelle. Que cet ouvrage apporte au lecteur qui prendra la peine de le parcourir tous les bénéfices qui j’ai pu y trouver. Mop 5 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, Grenoble (F), Presses Universitaires de Grenoble, 2002, p. 7 6 Arthur RIMBAUD, Lettre de Rimbaud à Georges Izambard - 13 mai 1871, WIKISOURCE, mise ne ligne le 29 septembre 2009, consulté le 19 aout 2013, URL : http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_Rimbaud_%C3%A0_Georges_Izambard__13_mai_1871 7 7 « Oui, Jérôme, c’est moi » 8 e suis né à la fin de ce que l’on appelle communément les « Trente J Glorieuses ». Dernier d’une fratrie de cinq. La légende familiale veut qu’à ma naissance mon père ait déclaré : « celui-là, il fera de la musique pour animer les repas de famille ! » Je n’ai pas fait de musique, j’ai fait du théâtre. Dès la maternelle, j’ai entendu ma mère dire : « Il a un don dans l’dessin ». Sans trop savoir ce que cela voulait dire, « un don », j’ai suivi des études d’arts plastiques. J’étais bon élève, soutenu par des parents qui voyaient en l’instruction le moyen de grimper l’échelle sociale. J’ai fréquenté le Lycée Pilote Innovant du F****, sur le site du parc d’attraction du même nom, à côté de P****. Il était à 5 minutes de chez mes parents, pas la peine de se lever tôt pour prendre le train et aller à P****. Ce fut là je crois une des premières motivations pour y 7 V**** AC, Jérôme, P****, 2001, © Peu Importe C. Jérôme, C’est moi, Jean ALBERTINI et Sylvain GARCIA, (2:52) 45 tours/17 cm éponyme, AZ /Discodis, 1974 8 8 présenter un dossier de demande d’admission. Il y a avait aussi le fait que le parc d’attraction de R. M**** démarrait tout juste et que la rumeur disait que les lycéens avaient un passe pour y entrer gratuitement ! Quelle déception ne fut pas la mienne ! Mais je n’eus rien à regretter. Cet établissement proposait une nouvelle forme de pédagogie, loin de ce que j’avais connu jusqu’alors. Plus de notes mais des niveaux à atteindre selon la filière choisie, des modules, des évaluations formatives et sommatives, des activités complémentaires de formation (ACF), des ordinateurs dans la salle d’arts plastiques, tout un nouveau vocabulaire pour l’époque, une nouvelle façon de penser et de faire les choses. Rien à voir avec là d’où je venais. J’ai rejoint l’ACF théâtre. 25% de mon temps scolaire dédié au théâtre, en plus de celui passé dans des ateliers amateurs. Il s’agissait de monter un projet et de le réaliser par nous-même, accompagnés par un « professeurressource ». Nous fîmes intervenir une comédienne professionnelle et entrer du sable dans la cours du lycée pour y jouer L’Île des esclaves 9 de Marivaux, parce que ça se passe sur une île et qu’une île, c’est forcément en sable ! Bac en poche mais refusé aux différents conservatoires de théâtre auxquels j’avais auditionné, j’ai entrepris de faire une fac d’histoire, puis une mise à niveau d’arts appliqués. Mais le retour dans les structures rigides de l’éducation m’a vite refroidi et je me suis littéralement enfui de ces lieux pour d’autres expériences. A ce moment-là, pour moi, c’était fini l’école. Cette immersion dans les pédagogies actives avait déterminé la route que j’ai prise jusqu’à aujourd’hui. Formé chez B**** ! A l’époque ça en jetait, c’était le nec plus ultra du travail en amateur à P****. Ce prof de sport converti au théâtre avait gagné un concours avec sa troupe d’ados et ils étaient partis en tournée en URSS (actuellement Fédération de Russie). Il se mit alors à travailler avec des professionnels pour amorcer ce qui deviendra plus tard la section théâtre du Conservatoire National de Région de P****. C’est dans cette ambiance joyeuse de troupe, consacrée à la formation de l’acteur, que j’ai renforcé ma conviction : ma vie était là. Trois ans et 9 « L'Île des esclaves est une comédie en un acte de 11 scènes et en prose de Marivaux représentée pour la première fois le lundi 5 mars 1725, à l'Hôtel de Bourgogne par les Comédiens Italiens. », WIKIPEDIA, mis à jour le 27 juin 2013, consulté le 26 juillet 2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%8Ele_des_esclaves 9 je partis en A**** participer à un projet de tournée européenne de musique et théâtre de rue. L’exigence était moindre mais ce fut un moment déterminant. Je fondais ma première association de spectacle avec une amie comédienne de chez B****, et un « community artist »10 anglo-jamaïcain rencontré lors de la tournée européenne « Musik und theater auf dem weg »11. L’aventure dura dix ans. Nous avons créé des spectacles de rue, organisé des concerts, des soirées cabaret, des tournées, animé des ateliers artistiques, formé des adultes, professionnels et amateurs, parcouru l’Europe avec pour objectif de stimuler la créativité et aider à la réalisation de projets artistiques. Cela a abouti à une résidence d’artistes dans une petite ville des alentours de P****. « Avec le temps, avec le temps va, tout s’en va »12 comme le dit le poète. Ce fut la fin de cette histoire-là. Je me retrouvais donc seul. L’ANPE 13 me proposa avec insistance de faire une formation qualifiante. Bilan de compétences, tentative de VAE14. Je choisis alors de faire tapisserie. L’ambiguïté de la formule m’a toujours fait rire. Je me retrouvais donc dans l’A**** à apprendre le métier de tapissier garnisseur traditionnel. Certains se demandaient ce que je faisais là. Moi aussi j’avoue quelque fois. Je retournais donc à « l’école », acquérir un métier concret et honorable qui me permettrait de subvenir à mes besoins, seul. Un maître artisan face à seize disciples, daignait leur transmettre l’art du bien-assis et du confort-èsséant, légué de générations en générations. Sept mois, le temps d’une gestation de singe de Barbarie, à apprendre à façonner les crins, les tissus, les sangles, les ressorts, les guindes à la façon d’un autrefois supposé, pour avoir comme sujet d’examen pratique : garnir en matériaux contemporains (colle contact, mousse…) 10 Les « Artistes de la communauté » collaborent avec un large éventail de groupes sociaux locaux, afin d’encourager l'utilisation des activités artistiques pour leur développement et améliorer leur qualité de vie. En général, ils travaillent dans les zones où il y a des problèmes sociaux, culturels ou environnementaux. Ils utilisent tout un éventail de formes d'art : arts visuels, théâtre, danse, musique, arts du carnaval, cinéma, etc. 11 « Musique et théâtre sur la route », projet de l’association T****-K****, T****, G****, 1993 12 Léo FERRE, Avec le temps, Léo FERRE, (4 :28) 45 tours/17 cm éponyme, Barclay éditions, 1970 13 ANPE : Agence Nationale Pour l’Emploi 14 VAE : Validation des Acquis de l’Expérience 10 un repose-pieds pour fauteuil Voltaire, style Louis-Philippe15… Bon. J’ai obtenu le diplôme et je me suis retrouvé en région p**** à garnir canapés et fauteuils de standing. Trois ans en atelier. Je découvrais un monde du travail que j’avais à peine effleuré plus jeune et qui ne me plaisait pas trop. Je ne me sentais plus ni maître de mon temps, ni maître de ce que je faisais. Il me fallait exécuter ce que l’on me demandait, sans réfléchir. Je suis parti, vous pensez bien ! Je n’avais pas pour autant oublié mes désirs et mes rêves de spectacles. Je suis devenu tapissier de théâtre dans l’évènementiel. Jamais au même endroit, jamais la même chose et pas tout le temps ! Cela m’a permis de me consacrer de nouveau à la formation par le théâtre avec des adultes, aussi bien en formation professionnelle qu’en « insertion ». Je suis également remonté sur scène avec un texte de théâtre contemporain. La vie d’avant revenait, grandie d’expériences et de nouveautés. Jusqu’à aujourd’hui, où je me retrouve à écrire ce mémoire de DUFA. Pourquoi ce DUFA là ? Existentiel ! Il y en a bien d’autres non ? J’avais déjà versé avec la tapisserie, dans le « titre interministériel », diplôme fourre-tout sans grande valeur sur le marché du travail ou de la formation. Je voulais obtenir un diplôme universitaire reconnu de tous qui me permettrait de me donner de l’assurance dans le monde de la formation d’adultes. C’est ce que je me suis dit : avoir l’aval de mes pairs pour m’octroyer le droit de faire partie officiellement, tamponné sur la fesse, de cette caste particulière qu’est la formation. Avoir ma revanche sur l’éducation et passer légitimement de l’autre côté : oui mais pas n’importe comment ! Je ne tenais pas à entrer dans un moule déjà établi, ni à être formaté pour devenir un bon petit soldat. Je cherchais juste à partager mes expériences avec d’autres, à ouvrir des perspectives, à comprendre comment tout cela marche et à savoir si je n’étais pas à côté de la plaque dans ce que je pouvais faire avec 15 Pour avoir un aperçu du meuble en question, consulté le 26 juillet 2013, URL : http://www.patines-anciennes.fr/image/353-coiffeuse-voltaire 11 des groupes d’adultes en formation, pour pouvoir continuer plus loin, le pas sûr et le tampon en médaille. « Hieronymus oportet graduatus ! »16 Il a fallu choisir un fil rouge. J’ai commencé ma réflexion autour de l’évaluation. J’avais, je pensais, des soucis d’évaluation dans mes ateliers. Comment faire pour évaluer du théâtre ? Qu’est-ce qui fait que l’on évalue, pourquoi ce besoin d’évaluer ? Mais très vite, j’ai vu la forêt qui se cachait derrière l’arbre. Cela m’a paru fastidieux. J’ai repris du début. Qu’avais-je fais jusqu’à maintenant ? Tout au long de mon parcours j’ai appris à contrôler mon corps, ma voix, l’expression de mes émotions pour créer l’illusion du spectacle et me frayer également un chemin dans la société ; j’ai appris à utiliser des outils, des matériaux, pour fabriquer marionnettes, costumes, décors et meubles ; j’ai appris à travailler avec des groupes autour des arts du carnaval et du théâtre, quelquefois dans un but artistique, d’autres fois dans un but professionnel ou social. Quel est le point commun à tout ça ? Entre le théâtre et la formation, il y a déjà tout un vocabulaire : acteur, expression, corps, voix, politique, improvisation, confiance en soi, doute, etc. Bon début, mais avec les marionnettes ? Avec le repose-pieds Louis-Philippe ? C’est en repensant au personnage de Pridamant dans L’Illusion comique de Corneille s’écriant « Mon fils Comédien ! »17 (Acte V, sc. VI, v. 1765) que s’est produit le déclic : la manipulation ! Dès que j’ai avancé le mot comme fil rouge de mon mémoire, mon entourage professionnel et privé a réagi un peu comme Cécile Volanges dans son entretien avec Mop : « Manipulation pour moi, ça a une connotation super négative. »18 Que ce soit dans la littérature, scientifique ou pas, au théâtre, au cinéma, dans les journaux ou sur Internet, il est facile de trouver de quoi se sustenter en ce qui concerne la ou les manipulations. La manipulation fait partie des fantasmes d’une société médiatique comme la nôtre, entre autres, et 16 « Il faut que Jérôme ait son diplôme » Google Traduction, français-latin, consulté le 8 juillet 2013, URL : https://translate.google.fr/?hl=fr&tab=wT 17 Pierre de CORNEILLE, L’Illusion comique, Paris (F), Gallimard, édition de SERROY Jean, coll. Folio-Classique n° 3416, 2000 (1re éd. 1639), p. 165, vers 1765 18 Cf. « Entretien avec Cécile Volanges », p. 70 12 tourmente l’actualité. La peur d’être manipulé, la crainte du « complot » côtoient l’envie d’avoir une influence sur son propre destin, sur les autres, sur le monde. Aujourd’hui, on peut même prendre des cours sur Internet ! La manipulation effraie et fascine à la fois. J’étais persuadé, pour ma part, que la manipulation pouvait s’élever au-delà des notions de bien ou de mal. Gardons cela pour la philosophie. Manipulation ! C’est la mise en abîme du théâtre écrite par Corneille qui m’a mis sur la voie. Alcandre, un magicien, illusionne Pridamant, un père au désespoir de revoir son fils. Les magiciens sont reconnus pour leur « adresse manuelle et [leur] dextérité du mouvement »19 qui font apparaître ou disparaître objets et êtres vivants. Alcandre manipule donc le père à l’aide de l’artifice du théâtre, tentant « d’imposer une vison fausse de la réalité en recourant à la falsification »20. Et comme un metteur en scène ou un auteur, il utilise le théâtre pour sa duperie – dans le noble but de réconcilier un père et son fils, bien évidemment. Corneille nous montre à voir les coulisses de l’engagement au travers de sa pièce et j’aime à croire qu’il nous montre ainsi notre reflet de spectateur. Car personne n’est dupe : le théâtre est l’art du faux. Des comédiens incarnent des personnages qu’ils ne sont pas ; ils rusent avec l’espace, le temps, les corps, les émotions et tout un tas d’artifices pour faire croire aux histoires qu’ils racontent. Des gens viennent voir ces acteurs exécuter des histoires « pour de faux » et tout le monde fait « comme si ». « Dans la vie quotidienne, l’expression « comme si » est une évasion ; au théâtre, « comme si » est la vérité. Quand nous sommes convaincus de cette vérité, alors le théâtre et la vie ne font qu’un. »21 Et tout ce monde – auteurs, metteurs en scène, acteurs, spectateurs, techniciens, etc. – consent à jouer le jeu du « comme si » : c’est la magie du théâtre. Manipulation ! WIKIPEDIA, l’encyclopédie libre, mis à jour le 7 janvier 2013, consulté le 10 janvier 2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Manipulation 20 ALTIF & L’ACADEMIE FRANÇAISE (Col.), Dictionnaire de l'Académie française, neuvième édition. Version informatisée, consulté le 10 janvier 2013, URL : http://atilf.atilf.fr/academie9.htm 21 Peter BROOK, L’espace vide. Ecrits sur le théâtre (trad. Christine ESTIENNE et Franck FAYOLLE), Paris (F), Editions du Seuil, 1977, p. 181 13 19 Ce nom est un dérivé du verbe22. Il concerne donc une action. La manipulation n’est donc pas figée, elle est mouvement. Du latin « manipulus, « poignée » »23, son sens premier évoque les alchimistes, les chimistes maniant méticuleusement des fioles, des produits et divers instruments. Par extension, il est devenu « actionner avec la main »24. Tout ce que j’ai pu faire en arts du carnaval, décor et tapisserie en tout genre c’était de la manipulation. Quand on tape le mot « manipulation » sur le moteur de recherche Google™ 25, la première image qui arrive en tête de liste est celle d’une main, une ficelle rouge au bout de chaque doigt, qui semble faire bouger un mannequin en bois articulé : l’idée de la marionnette. Que ce soit sur des décors ou des accessoires, des fauteuils ou des marionnettes, j’actionne des outils, des machines, je manipule des matières, je tire des ficelles pour donner la forme ou la vie souhaitée. C’est l’ « acte consistant à modifier l'état d'un sujet ou d'un objet »26, lui donner une autre forme, une autre vie. Manipulation ! Former, se former. L’idée créatrice du mot, celle de façonner, de donner une forme et de composer, me renvoie directement aux activités de théâtre et de construction. C’est divin !27 Mais dans son sens d’éduquer, de « s’instruire » comme l’écrivait Bossuet28, utilise-t-on la manipulation ? Comment sommes-nous façonnés, façonnons-nous ? Par quels moyens ? La manipulation a-t-elle une place en formation ? Si tel est le cas, quelles manipulations ont lieu lors d’une formation ? En quoi la pratique théâtrale en formation d’adultes utilise-t-elle et/ou met-elle en place des techniques manipulatoires ? Que dois-je mettre en place pour que les autres consentent à participer à ce que je leur propose ? Si tant est qu’il faille le devoir ! Quelles sont les astuces et les ruses employées par chacun des acteurs de l’éducation et de la formation ? De manière instinctive ou préméditée ? Je tenais mon sujet ! 22 ALTIF & L’ACADEMIE FRANÇAISE (Col.), op. cit. Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), Le Petit Robert, Paris (F), Dictionnaires Le Robert, 2013 (1re éd. 1967), pp. 1526-1527 24 ALTIF & L’ACADEMIE FRANÇAISE (Col.), ibid. 25 GOOGLE™, consulté le 17 juillet 2013, URL : www.google.fr 26 WIKIPEDIA, op. cit. 27 Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit., p. 1079 28 Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), ibid., p. 1079 14 23 Manipulation ! Non pas celle des sociopathes ou autre être malveillant, non. Quoi que. Je veux parler de la manipulation quotidienne, celle du jeu social auquel nous nous prêtons pour défendre nos intérêts, pour conserver nos liens avec les autres ou pour atteindre nos objectifs. Celle que l’on serait presque amené à appeler « vertueuse »29. Toutes ces ruses pour tromper l’autre et s’abuser soi-même, ces influences qui s’exercent de toutes parts, ces persuasions que l’on utilise pour « convaincre rationnellement et en toute transparence un individu de modifier son comportement »30, je les ai réunies sous le terme « manipulation » dont la définition la plus appropriée – il me semble pour ce mémoire – reste celle de Fabrice d’Almeida : « La manipulation : un vocable qui traduit globalement une série de procédures et de moyens mis en œuvre pour obtenir le consentement de l’autre. »31 Nous sommes bien dans une action. On parle d’ensembles de procédés, d’agissements, de conduites, de manières d’agir pour faire que l’autre – le stagiaire, le formateur ou l’institution – « [accepte] qu’une chose se fasse »32, ne l’empêche pas de se faire, l’approuve même. Je ne chercherai pas dans cet écrit à faire un tour exhaustif de toutes les techniques de manipulation, qu’elles soient individuelles ou de masses. Cela n’aurait aucun intérêt et d’autres s’en sont chargés déjà. De Machiavel 33 à Chomsky et Herman34, en passant par Bernays35, du Roman de Renart36 au traité 29 Jean-François MARMION, « La manipulation vertueuse », in Sciences Humaines, mis en ligne le 15 juin 2011, consulté le 18 juin 2013, URL : http://www.scienceshumaines.com/la-manipulation-vertueuse_fr_22767.html 30 Jean-François MARMION, « La manipulation, dans la joie et la bonne humeur », in Le Cercle Psy, Auxerre (F), Trimestriel n° 6 sept. /oct. /nov. 2012, p. 46 31 Fabrice D’ALMEIDA, La manipulation, Paris (F), Editions Presses Universitaires de France, coll. Que sais-je ? n° 3665, 2003, p. 23 32 Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit., p. 516 33 MACHIAVEL, Le prince (trad., prés. et notes Marie GAILLE-NIKODIMOV), Paris (F), Librairie Générale Française, coll. Le livre de poche-Classiques de la philosophie n° 4662, 2000, 190 p. 34 Noam CHOMSKY et Edward HERMAN, La fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie (trad. Benoît EUGENE et Frédéric COTTON), Marseille (F), Agone, 2008, 653 p. 15 de Joule et Beauvois37, on trouvera pléthore de livres, d’articles, de sites, etc., traitant de la manipulation, de ses vices et de ses vertus. Le lecteur aura, afin d’étancher sa soif de connaissances à ce sujet, vite fait d’aller piocher dans la bibliographie pour y trouver des références qui le conduiront vers d’autres et ainsi de suite. J’ai pour ma part décidé de prendre trois axes de réflexion : l’axe du formateur, celui du stagiaire et enfin celui de l’organisme de formation. Pour ce faire, je vais mettre en scène un personnage, Mop, Comédien-formateur. Je vais poster Mop aux différents « pôles » de la réflexion, et comme dans les histoires de Martine38, nous suivrons quelques exemples des aventures de Mop dans son personnage de formateur, dans celui de stagiaire. Nous finirons par observer ce qu’il en est des manipulations d’un point de vue institutionnel. Pour des raisons de sécurité, de respect et de copyright, tous les noms de personnes et de lieux ont été masqués ou modifiés. 35 Edward BERNAYS, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie (trad. Oristelle BONIS), Paris (F), Éditions La Découverte, coll. Zones, 2007, 220 p. 36 Le Roman de Renart. Extraits. Edition remise à jour, Paris (F) ; Editions Larousse, coll. Nouveaux Classiques Larousse, 1972, 127 p. 37 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., 286 p. 38 « « Martine » est une série belge de livres pour enfants composée de soixante albums publiés, avec une périodicité quasi annuelle, entre 1954 et 2010, chez l'éditeur Casterman. Les histoires, écrites par Gilbert DELAHAYE (1923-1997) puis, après la mort de celui-ci, par Jean-Louis MARLIER, sont illustrées par Marcel MARLIER (1930-2011) », WIKIPEDIA, mis à jour le 19 avril 2013, consulté le 26 juillet 2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Martine 16 39 « Attention Mesdames et Messieurs ! »40 es Unités d’Action Sociale (UAS) sont des structures publiques, L financées par le département. Leurs missions sont le conseil, l’orientation et l’accompagnement des personnes dans le domaine social et médico-social. Un groupe de travail sur « l’estime de soi », composé de professionnels de l’UAS de L**** et de la CRAMIF 41, a élaboré une action dont l’objectif est de rompre l’isolement et qui s’adresse à un public en grande précarité qu’il n’est pas aisé de mobiliser sur des actions d’insertion. Ainsi les professionnels du Service Social Départemental devaient orienter des personnes vers cette action. Dix l’ont intégrée : deux hommes et huit femmes de 30 à 60 ans, 39 Peu IMPORTE, Hieronymus oportet graduatus, (Il faut que Jérôme ait son diplôme (trad. Google traduction, français-latin, consulté le 16 juin 2013, URL : https://translate.google.fr/?hl=fr&tab=wT)), Paris (F), 2008 © Peu Importe 40 Michel FUGAIN, Attention Mesdames et Messieurs, Michel FUGAIN & Le BIG BAZAR, (3 :04) Album : Fugain et le Big Bazar, Columbia, 1970 41 CRAMIF : Caisse Régionale de l’Assurance Maladie d’Ile de France 17 dont les ressources variaient du RMI42 à l’AAH43, des ASSEDIC44 à rien du tout. Ils seraient accompagnés pendant cette action par deux travailleuses sociales. La Municipalité de L**** mettait à disposition, gratuitement, une salle située dans la Maison des Associations répondant parfaitement aux besoins du groupe. Il était primordial que les séances se déroulent hors de l’UAS, dans un espace neutre tant pour les participants que pour les travailleurs sociaux. Dix séances de trois heures devaient avoir lieu du mois de février au mois de juin, espacées de plus ou moins quinze jours compte-tenu des congés scolaires de février et d’avril. Les exercices de groupe devaient permettre progressivement, à partir du collectif, d’aborder l’individu en privilégiant le travail corporel. Un temps de pause en milieu de séance était prévu et servait de moment de convivialité avec boissons et gâteaux. Nous sommes en 2008 en S****. Mop vient de décrocher le contrat avec l’UAS de L****. Il va devoir animer, en termes de contenu, l’intégralité des séances de cette action d’insertion. Comment allait-il s’y prendre ? Cela faisait un bon moment qu’il n’avait pas fait d’atelier de théâtre. Après une parenthèse en tapisserie d’ameublement de cinq années, il avait décidé de reprendre l’animation d’ateliers de théâtre. Mop avait déjà travaillé avec des publics en réinsertion auparavant. Il se précipite alors à la F**** et s’achète quelques ouvrages de théâtre. Là, il tombe sur un livre45 d’Augusto Boal. Il vient de faire une découverte étonnante : le théâtre-forum. Le théâtre de l’Opprimé, dont le théâtre-forum est une des expressions, est une technique et une philosophie mise au point au Brésil et développée par Augusto Boal au cours de son exil, notamment en France. Il se fonde sur deux convictions : le théâtre peut et doit être un outil de changement (du monde, de soi) ; et le langage théâtral est inhérent à l’être humain qui « devient humain 42 RMI : Revenu Minimum d’Insertion AAH : Allocation aux Adultes Handicapés 44 ASSEDIC : terme commun pour parler de l’allocation versée en cas de chômage par les ASSociations pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce. 45 Augusto BOAL, Jeux pour acteur et non-acteurs. Pratique du Théâtre de l’opprimé (trad. Virginia RIGOT-MÜLLER), Paris (F), Editions La Découverte, 2004, 2 e éd. (1re éd. 1991), 307 p. 18 43 quand il invente le théâtre. »46 Ce théâtre se veut, selon son créateur, à la fois un outil de compréhension des problèmes sociaux et personnels et une mise en évidence de solutions possibles. Par les différentes étapes de travail qu’il propose, le théâtre de l’opprimé fait faire un véritable travail pour connaître son corps, le rendre expressif et amener l’acteur à considérer le théâtre non plus comme « un produit reflétant des images du passé »47 mais bel et bien comme un « langage vivant et actuel.»48 Le théâtre de l’opprimé est donc pleinement une méthode de travail, une philosophie de vie et un système de techniques. Il ne cherche pas à ce que le citoyen s’adapte à la société injuste dans laquelle il vit, mais à ce qu’il la change. C’est un mouvement pacifiste, éthique, qui lutte contre la passivité, ennemie de la paix. Construisons notre avenir, au lieu de l’attendre, semble-t-il nous dire. « Bref, un outil parfait, se dit Mop, pour ce que l’on me demande là ! » Car il ne s’agit en aucun cas de former des acteurs. Il s’agit ici de tenter de faire sortir des personnes de leur isolement, de les rendre confiantes en elles, de les aider à recréer du lien social et de les amener à se libérer, à sortir de chez elles pour élaborer un projet avec d’autres. Mop prend donc la décision de suivre la méthode de Boal, du moins en partie. « Première étape : connaître son corps […]. Deuxième étape : rendre son corps expressif […]. Troisième étape : le théâtre envisagé comme langage »49. Voilà les trois premières étapes du processus que Boal avait mis en place et que Mop allait utiliser pour structurer son programme d’atelier. Il n’a pas voulu aller plus loin, pour cette première expérience avec cette méthode, ne voulant pas obtenir par mégarde l’inverse de ce qui était attendu ! 46 Augusto BOAL, Théâtre de l’opprimé (trad. Dominique LEMANN), Paris (F), Editions La Découverte & Syros, coll. Poche n° 4, 2007 5 ème éd. (1re éd. Libraire François Maspero, 1977), 4ème de couverture. 47 Augusto BOAL, ibid., p. 19 48 Augusto BOAL, ibid., p. 19 49 Augusto BOAL, Théâtre de l’opprimé, op. cit. p. 19 19 « Comment tu t’appelles ? » 50 Premier atelier. Des chaises sont installées en cercle au centre de la salle. Tout le monde s’assoit. E**** et I****, deux travailleuses sociales qui participent à l’action, prennent la parole pour expliquer aux participants le déroulement des opérations. Ils allaient donc se voir régulièrement, autour d’ateliers de théâtre animés par Mop, avec pour objectif de réaliser un projet ensemble, quel qu’il soit, et dans la mesure du réalisable. Mop prend la parole. Il se présente, raconte son parcours et expose ce qu’il compte faire avec eux durant ces dix séances. Il parle des trois étapes de travail et explique qu’ils ne vont pas faire du théâtre au sens commun du terme – c’est à dire apprendre un texte, le mettre en scène et le présenter devant un public – mais utiliser des jeux et des exercices de théâtre afin d’apprendre à mieux se connaître, regagner de la confiance en soi, s’amuser, etc. Le programme se fera au fur et à mesure de la vie du groupe et de ses envies. Il positionne enfin les deux travailleuses sociales qui sont présentent : elles ne sont pas là pour regarder ce qu’il se passe, pour « fliquer » les participants, mais bien pour prendre part aux ateliers, au même titre que le reste du groupe et contrairement aux autres, elles n’ont aucun pouvoir de décision sur les envies du groupe. Il assure aux « usagers »51 une totale liberté de faire, ou pas, ce qu’il va leur proposer et quant à la nature du projet qu’ils ont à bâtir. Il propose ensuite de faire un tour du cercle afin que chacun puisse se présenter et exprimer ses attentes vis-à-vis du groupe. Les présentations étant faites, l’atelier commence par un petit échauffement physique et le jeu du « prénom-ballon ». Cet exercice consiste à envoyer un petit ballon à une personne en donnant son prénom. Tout le monde est en cercle, debout. Dans un premier temps, on envoie le ballon à une personne, en la nommant, en la regardant et en essayant d’aller le plus rapidement possible, en réfléchissant le moins possible. Ensuite, quand tout le monde a plus ou moins intégré les prénoms de chacun, il s’agit toujours d’envoyer la balle à une personne en la nommant, mais cette fois-ci en regardant quelqu’un d’autre. Ce premier exercice dure un quart d’heure environ. Puis Mop arrête le « prénom-ballon » et propose un autre jeu qui allait être récurrent lors de leurs Philippe CHATEL, Chanson de l’extra-terrestre, Philippe CHATEL, (3 :11) Album : Emilie Jolie, RCA Victor, 1979 51 Cf. op. cit., p. 61 20 50 séances : le « paso ». Quatre ou cinq personnes se mettent en ligne d’un côté de la salle. Huit pas en avant, demi-tour, huit pas, demi-tour, six pas, demi-tour, six pas, demi-tour et ainsi de suite, de deux en deux. L’objectif est que les participants se meuvent ensemble sur un même rythme, en une seule ligne droite et d’un seul homme, le regard porté au lointain. Un chef d’orchestre – la personne qui va compter à voix haute le nombre de pas – est désigné par la ligne en place et l’exercice débute. Au fur et mesure que les participants se sentent à l’aise, on rajoute des contraintes : sans chef d’orchestre, sur de la musique, en enlevant et remettant une veste, etc. A la fin de chaque jeu, Mop propose d’échanger sur les ressentis, les objectifs de chaque jeu. L’atelier continue et se passe sans encombre : tout le monde participe à tous les exercices et revient la fois suivante. Le lecteur est en droit de se demander où se situent les manipulations dans cet exemple-là. Et je ne lui donnerais pas tort ! Mop utilise ici deux techniques manipulatoires : « l’effet de gel » 52 et le « détour »53. Je m’explique. Selon la théorie de l’engagement développée dans leur « Petit traité »54, Joule et Beauvois nous montrent comment les actes nous engagent. La décision de participer, d’être venu à ce rendez-vous a en quelque sorte déjà piégé les participants. Il se produit ce que l’on appelle un phénomène d’adhérence : ils ont fait le choix de venir, sans contrainte et l’expression de leur libre-arbitre tend à leur faire garder le même positionnement : « J’y suis, j’y reste ! 55» Mop manipule cet « effet de gel » en leur proposant de se présenter nominativement devant tout le monde et d’exprimer leurs attentes. Le fait de décliner son identité, devant les autres, participe du renforcement de leur engagement : il implique plus. Il est en effet beaucoup moins facile de se rétracter quand on sait que les autres savent qui l’on est : donner son nom engage plus que de rester anonyme. En outre, le fait que Mop ait créé deux catégories dans le groupe – les « usagers » qui ont la liberté de faire ou de ne pas faire et les « travailleuses sociales » qui n’ont pas cette liberté – participe de cette manipulation, les premiers ayant alors le sentiment d’avoir une liberté que les autres n’ont pas. Voilà une autre façon de les 52 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 29 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 50 54 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., pp. 74-78 55 Cf. idid., p. 82 21 53 engager plus avant dans leur participation aux ateliers. Se sentant libres, ils ont participé à tous les exercices proposés par Mop. « Quand le travail est vécu comme un jeu, alors ce n’est plus du travail. »56 Cette citation de Brook est très intéressante. Ce que l’UAS propose, en utilisant les ateliers de Mop, c’est que les « usagers » reconquièrent une estime de soi, travaillent sur eux-mêmes afin d’améliorer leur situation intérieure. Le jeu semble plus efficace que de passer des heures à bûcher assis devant un problème et le jeu fait partie intégrante de l’éducation. Les pédagogues ne contestent en rien son utilité. Il permet « une synthèse entre discipline et liberté »57, deux notions inhérentes à la vie en société. Seulement ça ? Je ne pense pas. Le jeu permet aussi d’appréhender la réalité sans avoir à y réfléchir, de manière détournée. Prenons l’exemple du jeu du « paso ». Que se cache-t-il derrière cet objectif de tous marcher en ligne, d’un seul homme ? Cela permet, entre autre, de développer la psychomotricité, de travailler l’écoute, de construire l’unité du groupe, de créer – vu qu’il sera refait à chaque séance avec de nouvelles consignes – un fil rouge tout au long de l’action. Ne s’agirait-il pas dès lors de ce que l’on appelle « la stratégie de la diversion »58 ? Le jeu du « paso » ne met-il pas en place une telle stratégie – les règles (nombre de pas, façon de tourner, etc.) et le but (marcher d’un seul homme) – détournant l’attention des participants des objectifs réels sont tout autre (développer l’écoute, la psychomotricité, etc.) ? Il y a bien manipulation. Dans les deux cas, Mop utilise des techniques qui amènent le groupe à consentir à travailler avec lui sur la thématique de l’action. L’effet de transparence qu’il donne à la fin de chaque jeu, lors de l’expression des ressentis par le groupe, permet de renforcer les adhérences de chacun tout en analysant les « détours » empruntés pour atteindre les objectifs de l’action. Mop ainsi montre au participant « la démarche que doit suivre son esprit et ne divulgue aucune recette »59. Il fait appel à son sens de la liberté. Mais comment Mop a-t-il décroché ce contrat ? Revenons en arrière. 56 Peter BROOK, op. cit., p. 181 Augusto BOAL, Jeux pour acteur et non-acteurs, op. cit., p. 105 58 Sylvain TIMSIT, « Les dix stratégies de manipulation de masses », in Pressenza, mis en ligne le 21 septembre 2010, consulté le 16 janvier 2013, URL : http://www.pressenza.com/fr/2010/09/les-dix-strategies-de-manipulation-de-masses/ 59 Marie GAILLE-NIKODIMOV, « Introduction », in MACHIAVEL, op. cit., p. 16 22 57 « Viens voir les comédiens »60 E****, animatrice locale d’insertion, fait partie du groupe de travail sur « l’estime de soi » et coordonne l’action. Il se trouve que l’UAS est voisine de l’association dans laquelle Mop suit des cours de théâtre. E**** a proposé l’appel d’offre à cette association. Celle-ci ne fait pas ce genre de prestation. Mop est intéressé. Il saute sur l’occasion, monte une association (il fallait une structure pour pouvoir le rémunérer, l’UAS ne pouvant garantir un contrat en direct) et répond à l’appel d’offre. Il est en concurrence avec deux autres compagnies du coin. Ici, personne ne le connaît, il n’y a jamais travaillé. Ses dernières expériences remontent à cinq ans, quand il était à P****. Il sait également que les sommes allouées à ce genre de projet ne sont pas mirifiques. Rien n’est joué. Il commence par rencontrer E****. Il s’est habillé pour l’occasion : jeans, baskets de ville aux pieds, chemise orangée ouverte sur un t-shirt rouge, un peu décoiffé, une chéchia en « bogolan »61 sur la tête. Elle lui explique exactement ce qu’elle recherche, quels sont les tenants et les aboutissants, le planning envisagé, etc. Lui, raconte son parcours et commence à chiffrer devant elle le coût éventuel de son intervention, au vu des paramètres énoncés. Il annonce un chiffre approximatif. Le visage de l’animatrice est sans équivoque : c’est cher ! Mop l’a remarqué et propose à E**** de lui envoyer une proposition de contenu et un prix pour le projet avant la fin de la semaine. Trois jours plus tard, il lui envoie comme convenu un projet écrit sur la démarche qu’il compte suivre accompagné d’un budget plus léger. Nous connaissons la suite. Je ne peux pas décemment prouver que c’est la technique de la « porte-aunez »62 utilisée avec le budget, ni « l’effet de halo »63 de son apparence physique 60 Charles AZNAVOUR, Les comédiens, Jacques PLANTE et Charles AZNAVOUR, (2 :24) 45 tours/17 cm éponyme, Barclay, 1962 61 « Le bogolan est un tissu teint suivant une technique utilisée au Mali, au Burkina Faso et en Guinée », WIKIPEDIA, dernière modification le 13 mars 2013, consulté le 26 juillet 2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bogolan 62 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 117 63 Robert CIALDINI, Influence & manipulation. Comprendre et maîtriser les mécanismes et les techniques de persuasion, édition révisée et augmentée (trad. Marie-Christine GUYON), Paris (F), Editions First-Gründ, 2004, p. 185 23 qui a joué en sa faveur, ne sachant pas ce qu’il s’est passé avec les autres compagnies. Le fait que Mop ait décidé de s’habiller en couleur vive, décontracté, avec une touche d’originalité exotique (le bogolan) le situe dans une image sociale « d’artiste », de personne gravitant autour des arts, de saltimbanque. S’il était venu en costume cravate, pas sûr qu’il ait été pris au sérieux. Il a consciemment utilisé l’atout de la sympathie par son apparence physique (effet de halo) pour influencer son interlocutrice. Il sait que s’il veut vendre ses compétences de comédien, il faut qu’il se costume tel que la société l’envisage en général. De même, le fait de faire devant elle un premier budget afin de voir sa réaction et de lui en proposer un second, un peu plus tard, plus léger participe à la manipulation (porte-au-nez). E**** a ainsi l’impression que Mop lui fait un cadeau, fait une concession. C’est une technique de marchandage vieille comme le monde : « C’est dix euros, mais comme c’est toi je te le fais à neuf ! » Que ce soit face à ses stagiaires ou face à ses employeurs, le formateur utilise des techniques manipulatoires. Elles lui permettent, tout au long de la formation, de maintenir l’adhésion du groupe, d’avoir son consentement et de contourner des obstacles qui pourraient compromettre le processus de formation. Elles lui sont aussi utiles pour convaincre les organismes de lui faire confiance et de l’employer. 24 64 « Rosarum, rosis, rosis »65 L e Collège Coopératif de P**** , créé en 1959 par H. D****, figure importante de la pédagogie pour adulte, est une association d’éducation populaire, qui, en partenariat avec l’Université de P**** propose entre autre une formation en vue d’obtenir un Diplôme d’Université de Formation d’Adultes (DUFA). Alors que d’autres organismes de formation proposent le même diplôme reposant leur pédagogie uniquement autour du rapport au savoir formel et constitué, le Collège prend en considération « l’inachèvement de l’homme »66 et tient compte des interrelations et des aspects affectifs de la formation. « Depuis plus de 50 ans, en effet, toutes les activités de formations et de recherches du Collège Coopératif […] sont animées par des principes tels 64 B. T****, Jérôme à W****, W****, 2013, © Jérôme PLAUD Jacques BREL, Rosa, Jacques BREL, (2 :40), in 6ème album, Barclay, 1962 66 Georges LAPASSADE, L’entrée dans la vie. Essai sur l’inachèvement de l’homme, Paris (F), Editions de Minuit, 1963, 260 p. 25 65 que : la reconnaissance, la validation et la valorisation des acquis de l’expérience, l’approche dynamique et existentielle de la formation, la nécessité du changement et du développement des individus, des pratiques et des pays par la démarche de recherche-action, la place privilégiée accordée à chaque adulte en formation considéré alors comme le sujet principal de la formation »67 Lorsque B**** présenta à Mop la plaquette de la formation 68, ce fut comme une illumination : « hieronymus oportet graduatus »69 s’écria-t-il ! Enfin, selon ses dires. Il faut préciser que B****, étudiante à l’époque en Master d’ethnométhodologie, est une amie de longue date de Mop et qu'elle le connait bien. Depuis son expérience avec l’UAS de L****, il était en proie aux doutes. Il venait de jouer un texte contemporain au théâtre, après six années passées hors des planches. Vingt dates pour un retour, pas mal et seul en scène pendant une heure et quart, alors là, chapeau ! Du point de vue comédien, Mop se sentait à l’aise, commençait à développer son activité et pensait à de nouvelles créations. Mais de là à en vivre, il allait falloir attendre un peu. Peut-être cela n’arrivera-t-il jamais, mais peu importe. Pour ça, les trois entreprises de décoration en évènementiel qui l’embauchaient régulièrement comme tapissier lui permettaient de vivre correctement tout en lui garantissant du temps libre. Sans oublier les singularités des lieux d’installation et les voyages à l’étranger réguliers qui agrémentent cette profession. Les seuls bémols à cette activité : les clients et la pénibilité. Il s’agissait en effet de confectionner des décors de conventions et autres évènements pour le compte de « grandes entreprises » de l’énergie, du jeu, du médicament ou de la mode. Le fait de mettre son savoir-faire au service d’entreprises dont l’éthique semblait peu lui convenir le mettait en porte-à-faux visà-vis de ses convictions. Gagner sa vie n’est pas une excuse suffisante pour se déculpabiliser du fait de faire partie consciente des rouages d’une machine ultralibérale. Là, pas de libération, mais participation à la mise en place de l’illusion voulue par le client, dans le seul but de vendre, séduire… manipuler peut-être ? La manutention permanente et la flexibilité, parfois très grande, des horaires commençaient également à avoir raison de sa détermination quant à continuer 67 Annexe A, pp. 98-101 Annexe B, pp. 102-103 69 « Il faut que Jérôme ait son diplôme », op. cit. 26 68 plus avant dans ce domaine. Les ateliers en formation d’adultes, de leur côté, commençaient à se diversifier. Il avait obtenu des contrats avec les Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) de M**** et de S**** et s’apprêtait à entamer une longue cession avec des travailleurs en situation de handicap dans le cadre d’une formation de reconversion proposée par le Centre de Réadaptation de C**** en S****. Mop se sentait confiant lorsqu’il « jouait » au formateur. Mais pas suffisamment pour aller démarcher au-delà de son cercle de connaissances. Il fallait qu’il étende son réseau. Mais pour le développer, il faut avoir du temps, et le temps laissé libre par la tapisserie et le spectacle n’était pas suffisant. Et puis, avec juste un bac en poche, difficile de postuler pour un emploi à équivalence bac +3. Mop prit la décision de développer son activité de formateur et de réduire fortement celle de tapissier et la plaquette agitée sous ses yeux par son amie tombait à pic ! Il se remit dare-dare au travail afin de cumuler ses « points formation » et passa avec succès l’entretien d’admission. Mop allait retourner « à l’école », vingt ans après avoir déclaré : « L’école, c’est fini ! ». « Le Bon-Dieu sans confession »70 Il fit donc sa rentrée au Collège Coopératif en novembre 2012. Il s’intégra vite au groupe et fut même élu délégué lors d’une élection digne d’une république bananière. Mop, lors des nombreuses présentations qu’il avait dû faire devant le groupe, avait mis en avant son côté comédien, plus que tapissier. Et il sait bien que le métier d’acteur a une place particulière dans l’esprit des gens : il fait rêver aussi bien ceux qui ont été acteurs et qui ne le sont plus, que ceux qui n’ont jamais osé se lancer, entre autres. Le spectacle fait rêver et lors d’une formation, ça ne manque pas, le comédien c’est celui qui n’a pas peur de l’ouvrir en public ! Mop, un peu exaspéré au début que ce schéma se reproduise encore une fois, s’est vite pris au jeu. Et il a décidé d’en jouer : ses collègues voulaient qu’il joue au comédien, il allait leur donner ce qu’ils voulaient. Mop ne laisse pas attendre son public. Et c’est la peur au ventre qu’il a commencé à prendre la parole. Puis la 70 Jacques HIGELIN, Champagne, Jacques HIGELIN, (4 :31) Champagne pour tout le monde, Pathé-Marconi/EMI, 1979 27 parole et le corps se sont vite déliés. Lorsqu’un professeur émérite de l’Université demanda de lire à voix haute et théâtrale ce que chacun avait écrit en écriture automatique, le groupe n’eut pas à presser longtemps Mop de franchir le pas en premier. Lorsqu’arriva l’élection, Mop se présenta, avec trois autres de ces collègues. Son « programme » tenait en trois phrases : « Si je suis élu délégué, je m’occuperai uniquement de faire l’intermédiaire avec l’Université et de vous accompagner si besoin est dans vos démarches avec la fac. Pas plus ! Nous sommes des adultes ! ». Chacun fit son discours. Le vote se fit à main levée et Mop fut élu à une écrasante majorité, au grand dam de J****. L’étiquette « artiste du spectacle » avait sans doute fait son effet. L’image d’une personne à l’aise en public et affichant une certaine liberté face à la responsabilité a sans doute favorisé son élection. « L’étiquetage »71 de quelqu’un, quel qu’il soit, conditionne en quelque sorte son comportement – comme le montre les expériences de Miller, Brickman et Bolen en 1975 exposées dans Le Petit Traité72 – et j’irai même jusqu’à dire ses pensées – comme nous le suggère Huxley dans Le meilleur des mondes73, quand il nous fait suivre les aventures de son personnage Bernard Marx affublé de l’étiquette « alcool dans le pseudosang »74 en proie à des pensées qu’il n’aurait pas eu sinon, vu sa caste. L’étiquetage d’une personne la conditionne mais conditionne aussi son entourage. Nous avons tendance à voir les gens tels que nous les avons étiquetés plutôt que tels qu’ils sont réellement. Qui n’a jamais pensé, par exemple, qu’un professeur d’Université est plus crédible, plus intelligent qu’un plombier ? Dans ce cas-là Mop a réussi à manipuler ses collègues mais s’est également fait manipuler : il a joué le jeu que les autres attendaient de lui tout en utilisant cette étiquette pour arriver à ses fins. « Jeux de rôle et prise de parole en public. » Voilà l’intitulé du séminaire de deux jours qui attend Mop et ses collègues en cette mi-décembre. Il est animé par un comédien professionnel qui a lui-même passé son DUFA au Collège. Mop est bien installé dans le groupe. Tout le monde à l’air d’attendre ce module avec 71 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 155 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, ibid., p. 156 73 Aldous HUXLEY, Le meilleur des mondes (trad. CASTIER Jules), Paris (F), Editions Plon, coll. Pocket n° 1438, 1977, 319 p. 74 Aldous HUXLEY, ibid., p. 74 28 72 impatience. Mop sait que l’on attend quelque chose de lui, c’est son élément. Il a de son côté décidé de jouer un tour durant ces deux jours : faire croire au groupe qu’il a participé à un exercice alors que c’est faux. Vêtu de sa plus belle chemise blanche, Mop arrive au Collège, prêt à assister, en tant que stagiaire, à un atelier de théâtre. Il a hâte de connaître le contenu, de découvrir de nouveaux exercices. Je passerai ici au lecteur la liste fastidieuse et inutile des jeux et exercices de théâtre que P****, le formateur, utilisa lors de ces deux journées. Le lecteur assoiffé de connaissances et désireux d’en savoir plus trouvera dans toute bonne librairie des guides pratiques à cet usage. Mop est systématiquement le premier à se lancer dans les exercices, entraînant les autres, servant de moteur autant sur les exercices de confiance en soi que sur les jeux d’improvisation. Il se fait très présent durant la première partie de la journée. C’est au milieu de l’après-midi que P**** lance un nouvel exercice. Tous les participants doivent aller d’un côté de la salle et figurer l’espace du public. En face d’eux, une table et une chaise représentent l’espace scénique. Ils doivent, un par un, venir sur scène et parler de ce qu’ils veulent comme ils le veulent devant les autres. C’est un exercice de prise de parole en public. Le formateur, une grille de prise de notes à la main, s’installe au milieu des spectateurs et l’exercice commence. Cinq personnes passent, Mop est attentif, chacun commente ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu. La journée se termine. P**** annonce que l’exercice se poursuivra le lendemain, vu le nombre de stagiaires présents, afin que tout le monde puisse s’y essayer. Mop revient le lendemain avec une chemise de couleur. Quelques exercices et le groupe repart sur la prise de parole en public. Tout le monde passe à son tour. Mop n’a pas bougé de sa chaise. En fin d’après-midi, P**** demande si tout le monde a fait l’exercice. S’en est suivi l’échange suivant : P**** : Oui, je pense que tout le monde est passé. Le groupe : Oui, oui K**** : Non, Mop il est pas passé je crois ! C**** : Ben si, en premier hier. Si si, il avait une chemise blanche, je m’en souviens. P*** : oui, c’est vrai, il est passé ! 29 Mop n’a pas bougé de sa chaise de tout l’exercice. Il acquiesce et sort ravi du séminaire. Que s’est-il passé ? Comment est-il possible qu’il arrive à faire croire à un groupe de vingt-quatre personnes qu’il a fait quelque chose qu’il n’a pas fait ? Serait-il devenu illusionniste ? Que nenni. Mop a tout simplement utilisé un truc vieux comme le monde : « le conditionnement et l’association »75 comme stratégie manipulatoire. Combien de messagers antiques n’ont-ils pas vécu cela, heureusement ou malheureusement, suivant la teneur de la nouvelle qu’ils apportaient ? Combien de téléspectateurs injurient ou remercient la présentatrice météo suivant que le temps est au beau ou à la pluie ? Et ils ne sont pourtant pour rien dans le résultat d’une bataille, ni du temps qu’il fait. Depuis le début de la formation, tout le monde a fait, de façon naturelle, une association Mop-théâtre. Quand le séminaire a lieu, tout le groupe aime à penser que Mop est dans son élément, qu’il se sentira à l’aise et qu’il va pouvoir montrer ses « talents ». Une deuxième association s’est produite ce jour-là : Mop-chemise blanche. Il était le seul dans le groupe à en porter une et au milieu des couleurs des autres, sa chemise était on ne peut plus visible et tranchait d’avec les autres. Voilà en ce qui concerne l’association. Le fait de commencer « systématiquement » tous les exercices a sans doute conditionné les autres. C’est ce que semble dire C**** dans le dialogue plus haut. Répéter une même chose, un même acte, une même façon d’être conditionne. Un canidé des plus fameux ne dirait pas le contraire. Les publicitaires l’ont tout aussi bien compris quand ils nous matraquent de slogans, images et autres jingles pour vendre des produits. Le mélange des associations d’idées et du conditionnement a ainsi permis à la ruse de fonctionner. L’illusion a marché. Mop n’a pas participé à l’exercice et personne ne s’en est rendu compte. On affirme même qu’il y est passé en premier, la veille. P****, qui pourtant avait des grilles de notes et aurait pu ainsi vérifier – bien que cela n’ait aucun intérêt – P**** donc, a été dupe également. Seul K**** s’est aperçu de la supercherie. Et quand il a dit que Mop n’est pas passé, il a paru à C**** improbable que Mop, comédien, avec sa chemise blanche n’ait pas participé à un exercice alors qu’il a toujours été le premier à se lancer pendant ces deux jours et que c’est quasiment 75 Robert CIALDINI, op. cit., p. 202 30 « dans ses gènes ». Avant de partir, K**** démasqua Mop sur le ton de la plaisanterie : « Je sais que t’es pas passé ! T’as bien manipulé là ! » « Quand on vous aime comme ça ! »76 Dans le cadre de leur formation, les stagiaires du Collège doivent organiser tous ensemble deux jours de séminaire. Le thème, le lieu, les intervenants, tout est au choix du groupe. Une enveloppe est même à disposition pour les dépenses éventuelles. Cet exercice de groupe doit être réalisé un peu avant que chacun parte en stage en entreprise. Bref, il y a un spectacle de fin d’année à préparer et il va falloir que 24 personnes se mettent d’accord. Plusieurs journées ont été nécessaires pour cela. Les négociations furent âpres et dès le mois de janvier, Mop proposa le thème de la procrastination. L’art de remettre au lendemain comme le dit si bien Perry77. Cela fit bien fait rire ses collègues. Différents thèmes comme le stress ou le street-art78 étaient également proposés mais personne n’arrivait vraiment à se mettre d’accord. Il a fallu plusieurs réunions pour que G**** propose un thème fédérateur : « observer la rue : se former autrement ». Voilà qui fit consensus. La sociologie selon Lévi-Strauss, par l’observation et l’enquête de rue allait permettre à chacun d’exploiter sa thématique. Mop se retrouva seul avec la procrastination. J**** lui demanda alors quel était le rapport entre la procrastination et « observer la rue » ? Mop prenait le sujet très au sérieux : il tenait à faire cette intervention sur la procrastination et il lui répondit : « c’est la procrastination ou rien ! » Six sujets ont été retenus, dont la procrastination. U**** a décidé de rejoindre Mop et ils se sont mis au travail. La procrastination est un sujet à la mode depuis quelques années. Plusieurs questions leur viennent à l’esprit : la procrastination est-elle due à une psychopathologie ? Est-ce culturel ? A-t-elle un rapport avec l’époque ou les générations ? Peut-elle être considérée comme une protection face au productivisme et à la vie effrénée de nos sociétés ? Le retour 76 Yvette GUILBERT, Quand on vous aime comme ça, Paul DE KOCK et Yvette GUILBERT, (2 :35), Heugel, 1927 77 John PERRY, La procrastination. L’art de reporter au lendemain (trad. DENNEHY Myriam), Paris (F), Editions Autrement, 2012, 137 p. 78 Street-art : art urbain. Traduction de l’auteur. 31 en force de ce mot a-t-il un lien avec la crise ? La multiplication, notamment sur internet, de « spécialistes, coaches et psychothérapeutes en tout genre » en estelle un signe ? La procrastination n’est-elle pas un élément de la construction de l’individu ? Et enfin quelle posture d’accompagnement peut-on envisager pour sortir de la procrastination ? Pour répondre à cela, U**** et Mop ont décidé de faire intervenir un coach certifié et de réaliser un vidéo-trottoir dans les rues de P**** afin de récolter des témoignages. Pour ce qui est de la forme, Mop a l’idée de réaliser leur présentation sous la forme d’un talk-show79 populaire de France. Il a dans un coin de sa tête le thème qu’il a choisi pour son mémoire de fin d’année : la manipulation. Les médias de masse utilisent notamment « la stratégie de la distraction »80 pour manipuler la population. Les coaches, en utilisant la programmation neurolinguistique (PNL), sont également à même d’utiliser des méthodes manipulatoires pour faciliter le consentement de salariés à une restructuration d’entreprise par exemple. Et enfin, le sujet tant à la mode de la procrastination n’est-il pas également un moyen de manipuler l’opinion afin de donner un sentiment de culpabilité face à la crise ? Tous les ingrédients étaient réunis. Il ne restait plus qu’à faire un découpage séquentiel de l’intervention81 et à réaliser l’interview de personnes dans la rue. Pour ajouter à leur programme, ils avaient décidé de faire intervenir en direct au cours de leur séminaire trois de leurs collègues qui répondraient à quelques questions dont ils auraient eu connaissance au préalable. Ils décidèrent également d’ouvrir un débat avec le 79 « Un débat télévisé (ou « émission-débat » ou « télé-entrevue ») ou un talk-show est une émission télévisée ou radiodiffusée qui rassemble un groupe de personnes pour discuter de différents sujets proposés par un animateur. Parfois, il s'agit d'un groupe d'experts, c'est-à-dire des personnes formées dans une discipline ou ayant une grande expérience en lien avec le sujet à l'ordre du jour. D'autres fois, un seul invité présente son travail. Il arrive que des débats télévisés favorisent les échanges avec les auditeurs en leur permettant de communiquer directement avec le groupe sur place pendant l'émission. » WIKIPEDIA, mis à jour le 12 juin 2013, consulté le 8 août 2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bat_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9 80 Sylvain TIMSIT, « Les dix stratégies de manipulation de masses », in Pressenza, mis en ligne le 21 septembre 2010, consulté le 16 janvier 2013, URL : http://www.pressenza.com/fr/2010/09/les-dix-strategies-de-manipulation-de-masses/ 81 Annexe C, pp. 103-106 32 public à la fin. Le jour venu, la présentation de U**** et Mop se « déroule sans accroc.»82 Au-delà de toutes les manœuvres que Mop a mis en place pour réaliser ce séminaire avec U**** – la forme télévisuelle, le coach et les fausses réponses spontanées des invitées entre autres – il a également utilisé une technique de manipulation afin de faire approuver le thème qu’il souhaitait aborder. Il s’agit là d’un procédé très simple qui consiste à enfermer son interlocuteur dans une opposition simpliste qui l’empêche d’imaginer d’autres alternatives : la technique du « de deux choses l’une. »83 En disant « c’est la procrastination ou rien ! », Mop ne laisse aucune alternative à ses collègues, malgré le choix apparent, ce qui fait qu’ils sont dans l’obligation d’accepter la proposition. Ils auraient très bien pu dire à Mop de ne pas participer, le thème qu’il avait choisi n’étant pas en adéquation avec le thème principal. Le fait d’être engagés dans une réalisation commune – « l’effet de gel » décrit plus haut faisant ainsi son effet – empêche les collègues de Mop de voir d’autres alternatives que celle qu’il propose. Lors de sa formation au Collège Coopératif, Mop a manipulé et s’est fait manipuler. En utilisant des techniques simples, comme celle de l’étiquetage, de l’association d’idées, du conditionnement et de l’opposition simpliste, il a réussi à se faire élire délégué, à esquiver un exercice et à imposer une idée. Le groupe a également eu un effet manipulatoire sur lui : les stratégies qu’il a mises en place, plus ou moins consciemment, ne sont que le résultat des influences qu’il a reçues du groupe. 82 HANNIBAL, in «The A-Team (L’Agence tous risques) », Rod HOLCOMBS, Frank LUPO et Stephen J. CANNELL, avec George PEPPARD, Dirk BENEDICT, Mr. T, USA, série télévisée, 1983, 48 min 83 NAJE (Nous n’abandonnerons Jamais l’Espoir) : Fabienne BRUGEL, Célia DANIELLOU-MOLINIE, Jean-Paul RAMAT (dir.), Les Bâtisseurs. Théâtre forum, Drancy (F), ABC’éditions, coll. Spect’auteurs–Les voies du dire, 2013, p. 18 33 Interlude ous sommes le 15 août 2013 au moment où j’écris ce chapitre. Il y N a belle lurette que j’aurai du finir. Lorsque je me suis engagé pour passer ce diplôme, je me suis donné un mois pour écrire ce mémoire à partir de la fin des cours : du 28 juin au 1er août. Le mois de juin a été prolifique pour la structure associative dont je m’occupe : en plus de ces activités habituelles, elle a employé onze personnes sur la création d’un défilé de carnaval avec les habitants d’une ville de la région p****. Je suis chargé de l’administration de cette structure. Je me suis donc mis à accompagner la porteuse du projet tout au long de sa démarche. Il aura fallu une dizaine de jours pour venir à bout, début juillet, définitivement des règlements, salaires et tracas administratifs liés à ce projet. Il a fallu également prévoir la fin de saison avec les différents projets afférents à cette association, bilans, perspectives etc. Ceci réglé, je pouvais me lancer « à fond » dans la rédaction de ce mémoire. Mon compagnon avait décidé, pour ne pas me déranger et être tenté de me distraire, de partir avec des amis faire quelques sauts de cabri dans les montagnes. Nous devions nous retrouver début août à l’occasion d’un festival de concerts « best-off », interprétés par des papis de la musique pop. Mon mémoire, à ce moment-là, devait être rédigé et passé à la correction. Il n’en était rien. Le festival fut somme toute très agréable. De retour chez moi, je me remis à travailler sur ce fichu mémoire. La date butoir de remise des mémoires prévue lors des derniers rendez-vous au Collège Coopératif était le 15 août. Nous y sommes. Mais pas de panique. Un message de l’Université, émis sur le forum de la formation, m’indiquait dès le 16 juillet que la date fatidique était repoussée au 26 août. Ouf ! Il me reste 11 jours. Cependant, 34 un rendez-vous pris pour dans 8 jours raccourci ce délais. Il faut en finir. Mais que s’est-il passé ? 84 « Une opératrice va vous répondre »85 Je procrastine. La procrastination peut être définie comme la tendance à remettre au lendemain. Lorsque l’on commence à se pencher sur le sujet, on trouve énormément de choses sur Internet. Des bons conseils de coaches certifiés aux sites de psychologie, beaucoup semblent vouloir mettre en évidence les peurs qui seraient à l’origine de cette pratique : la peur de réussir, la peur de l’échec, de perdre son indépendance, la peur de l’isolement ou bien le perfectionnisme, j’en passe et des meilleures. Tous semblent nous dire que la procrastination est une sorte de déviance, un défaut à corriger de toute urgence. Seuls quelques philosophes comme Perry, nous parlent de façon positive de cette pratique. Dans son ouvrage, il donne la part belle au côté irrationnel du comportement humain et nous parle de son expérience de « procrastinateur structuré. »86 Il nous montre comment procrastiner permet de gérer la pression que le monde exerce sur nous. Comme lui, j’ai accompli beaucoup de choses tout en en négligeant d’autres. J’ai rempli mes devoirs envers la structure associative tout en négligeant ceux de la formation. J’ai tout fait pour me soustraire à la 84 « mi / sol# sol# sol# fa# mi si / si la sol# sol# sol# fa# mi si / si la sol# la si la sol# fa# ré# si mi. » Antonio VIVALDI, Allegro, (4 :54) Concerto I pour violon opus 8 Les quatre saisons, La primavera. Il Cimento dell’ Armonia e dell’ Invenzione, 1er mvt, 4 premières mesures du 1er violon, Amsterdam (NL), Michel-Charles Le Cène, 1725 85 Bande sonore d’attente téléphonique 86 John PERRY, op. cit., p. 11 35 corvée d’écriture. Lorsque les obligations que je m’étais donné envers l’association furent finies, je me laissais prendre au jeu de la navigation sur Internet pour éviter d’entrer dans le vif du sujet. Je regardais documentaires en rediffusion et films divers et variés, épluchais les articles de presse en ligne, rejoignais mon compagnon plus tôt que prévu, etc. Tout était bon prétexte pour ne pas m’y coller. Entre deux temps de procrastination, pris de culpabilité, je me mettais à faire des listes de ce que je devais faire pour ce mémoire. Chaque liste établie me promettait un lendemain efficace. J’avançais doucement. Exemple de liste : 1. Faire plan 2. Préparer mise en page 3. Tel D**** pour remorque août 4. image pour la couverture 5. Trouver truc pour que le lecteur ait à manipuler physiquement 6. Bibliographie 7. Faire les courses 8. Transcrire entretien 9. Trouver un super concept de manipulation de la manipulation 10. …. Maintenant que le temps presse, je m’attèle à la corvée. Il faut que j’aie ce diplôme ! Mais cela ne m’empêche pas de procrastiner. Et quel rapport me direz-vous avec notre fil rouge. La « to-do list87 […] participe d’une stratégie d’auto-manipulation qui nous rendra productif »88 nous dit Perry dans son ouvrage. Cela n’empêche aucunement la procrastination, mais donne au procrastinateur le sentiment d’avoir fait quelque chose, d’avoir été productif et/ou d’être prêt à l’être le lendemain. Le fait de faire des listes de choses à faire, au jour le jour, n’a rien produit en qualité d’écriture mais m’a permis de me déculpabiliser face à l’obligation que je me suis donné de rendre ce mémoire. L’échéance se rapproche, plus que 11 jours. Rien ne m’oblige à écrire ce mémoire. Il n’est pas une question de survie. L’avoir ou non ne m’empêchera pas 87 88 To-do list : liste des choses à faire. Traduction de l’auteur John PERRY, op.cit., p. 46 36 de trouver du travail. Au mieux le diplôme facilitera les entrées dans le réseau professionnel. Si je ne l’ai pas, on ne me coupera pas la tête, ni ne me demandera le remboursement des salaires qui m’ont été versés au cours de ma formation. Comme l’ont expliqué les responsables pédagogiques, nous avons la liberté, mes collègues et moi, de passer ou non ce diplôme. Ils nous y encouragent sans nous y obliger. Nous avons le choix. La « forme d’adhérence des personnes à leurs décisions »89 entre ici en jeu. Je me suis trop investi pour pouvoir faire marche arrière, alors que j’ai la possibilité, le choix, j’irai même jusqu’à dire le droit de changer d’avis et de ne pas répondre à l’exercice demandé. J’exerce sur moimême des techniques manipulatoires. Je manœuvre, de façon plus ou moins consciente, mes états d’implication. Je m’oblige moi-même à faire un exercice que personne d’autre ne m’oblige à faire. Personne ? Pas si sûr, car si je n’ai pas cette pièce officielle, ce diplôme, aucune certitude que la « caste » des formateurs m’acceptera à part entière en son sein. L’écriture de ce mémoire met en évidence des stratagèmes d’automanipulation qui font à mon avis partie intégrante de notre fonctionnement en société. Si nous ne nous auto-manipulions pas pour réaliser des objectifs, ou pour les repousser, serions-nous encore libres ? L’auto-manipulation ne serait-elle pas un processus fondamental qui nous permet de vivre en société, nous « engageant » dans des habitus de communication avec le reste de nos congénères ? 89 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 47 37 90 « Sacré Charlemagne »91 L a société française est depuis la révolution de 1789, basée sur un système de méritocratie. Fi des privilèges et avantages dus à la naissance. Grâce à l’institution d’une « éducation nationale », par l’intermédiaire de l’école républicaine gratuite, laïque et obligatoire, notamment depuis Jules Ferry, tout un chacun a désormais accès à l’éducation, peut prétendre à des diplômes d’enseignement supérieur et gravir ainsi l’échelle sociale. C’est cette idée même de changement de classe sociale, de progression sur l’échelle qui a fait la force de cette institution : libérer le peuple du joug de sa naissance. Cependant, par les contenus des programmes et des livres scolaires utilisés au fil du temps, on s’aperçoit vite que le « mammouth » reste un objet de justification du pouvoir en place, d’une façon de penser et de voir le monde. Prenons par exemple l’histoire. Pour des raisons d’unification du pays, Napoléon III ressort des placards du temps le personnage de Vercingétorix, Gaulois mythique qui a résisté jusqu’à la mort à l’envahisseur romain. Qui se souciait de lui auparavant ? Personne. Autre exemple : la guerre d’Algérie. Ce terme, banni des ouvrages scolaires pendant des décennies, fait son apparition officiellement 90 Jérôme PLAUD, « Mémoire de bureau », P**** (F), 2012 © Jérôme PLAUD France GALL, Sacré Charlemagne, G. Liferman et R. Gall, (2 :50) 45 tours/17 cm France Gall et ses petits amis – 5ème édition, Philips, 1964 38 91 depuis peu. On parlait alors « d’événements ». Il était sans doute hors de question pour la république d’admettre qu’il y ait pu avoir une guerre sur ce qu’elle considérait alors comme son territoire. Les travaux d’Edward Bernays (1891-1995) dans les années trente ont permis aux Etats démocratiques non seulement de manipuler les opinions, mais également de permettre l’éducation de la population dans le but d’améliorer son existence et son cadre de vie. Les campagnes pour l’hygiène, pour le tri des déchets, pour la réduction de la consommation d’électricité, etc., ont permis effectivement le recul, voire la disparition de certaines maladies, le recyclage de matières premières et la réduction de dépenses énergétiques de certains foyers. Ces méthodes ont été bien entendu utilisées à des fins commerciales par les entreprises du tabac notamment dans l’entre-deux guerres. « Théoriquement, chacun se fait son opinion sur les questions publiques et sur celles qui concernent la vie privée. Dans la pratique, si tous les citoyens devaient étudier par eux-mêmes l'ensemble des informations abstraites d'ordre économique, politique et moral en jeu dans le moindre sujet, ils se rendraient vite compte qu'il leur est impossible d'arriver à quelque conclusion que ce soit. Nous avons donc volontairement accepté de laisser à un gouvernement invisible le soin de passer les informations au crible pour mettre en lumière le problème principal, afin de ramener le choix à des proportions réalistes. Nous acceptons que nos dirigeants et les organes de presse dont ils se servent pour toucher le grand public nous désignent les questions dites d'intérêt général ; nous acceptons qu'un guide moral, un pasteur, par exemple, ou un essayiste ou simplement une opinion répandue nous prescrivent un code de conduite social standardisé auquel, la plupart du temps, nous nous conformons. » 92 Cette longue citation de Bernays nous permet d’entrevoir le principe même de la manipulation de masse. On parle plus généralement, et pudiquement, de 92 Edward BERNAYS, op. cit., p. 46 39 « communication engageante »93, alliant un discours de persuasion, d’information et d’engagement. « Antisocial tu perds ton sang froid ! »94 « Passe ton bac d’abord ». Nombre d’écoliers, tout comme Mop, ont entendu cette phrase. Elle a même inspiré Pialat pour un film 95. Cette petite phrase, anodine en apparence, est un paradigme français. Ce pays est connu pour son affection des diplômes. Sans diplôme, pas d’avenir dans cette société. Mop, tout comme Cécile96, en bon citoyen issu d’un milieu modeste, a passé son bac avec l’idée qu’il était la clé pour accéder au monde du travail, du moins d’un travail correctement payé. Et ainsi, pendant une dizaine d’années, il a, avec sa compagnie de spectacle, animé des ateliers de création artistique. Tout d’abord avec des enfants. Il est facile, lorsqu’on est jeune, de travailler avec le jeune public. Il existe des diplômes d’animation comme le BAFA97, qui permettent de pratiquer et qui offrent des opportunités de travail et d’évolution dans le milieu de l’animation. Mais Mop avait décidé d’agir autrement, n’ayant pas la moindre envie de devenir animateur à temps complet. Il se présentait comme artiste-intervenant. Après avoir eu l’aval de l’Inspection Académique et du Ministère de la Jeunesse et des Sports, Mop est intervenu dans nombre d’écoles maternelles, primaires, centres de loisirs et collèges de la région de P****, se faisant une renommée locale, notamment grâce aux ateliers publics du Carnaval de P**** qu’il organisait tous les ans. Il se vit assez vite proposer des ateliers de formation d’adultes auprès de futurs animateurs ou futurs travailleurs sociaux. Il avait réussi, avec son bac et son expérience, à obtenir des postes dont l’exigence en diplôme était supérieure à ce qu’il avait. 93 Jean-François MARMION, « Manipulez qui vous aimez », in Le Cercle Psy, Auxerre (F), Trimestriel n° 6 sept. /oct. /nov. 2012, p. 62 94 TRUST, Antisocial, Bernie BONVOISIN et N. KRIEF, (5 :10) 45 tours/17 cm éponyme, CBS, 1980 95 Passe ton bac d’abord, Maurice PIALAT, avec Sabine HAUDEPIN et Philippe MARLAUD, 1978, France, drame, 86 min. 96 Cf. op. cit ., p. 55 97 BAFA : Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur 40 « Titre professionnel du Ministère chargé de l’emploi »98 Lorsque Mop a pris la décision de mettre fin temporairement à ses activités artistiques, il s’est décidé à suivre une formation en tapisserie d’ameublement. Il s’est dit que c’était un moyen de gagner de l’argent tout en restant dans le monde du spectacle. S’il y a bien un département tapisserie à la Comédie Française et à l’Opéra, c’est surement qu’il y a du travail dans d’autres branches du spectacle pour un tapissier ! Accompagné par la Mission Locale d’Insertion et l’ANPE, il se retrouve pendant sept mois hors des listes du chômage à apprendre le métier de tapissiergarnisseur dans le centre de la France. C’est au cours de sa formation qu’il apprit que le titre qu’il allait passer équivaut à un CAP 99. « Bac -3, s’est-il dit, il n’y a pas de raison pour que je n’ai pas ce diplôme ! » Bien qu’il fût rapide à l’examen pratique, sa réalisation n’atteignait pas le niveau requis, il le savait. Face au jury – trois professionnels de la profession – il joua sa carte spectacle et les convint que ses futurs espoirs n’étaient pas dans l’artisanat mais dans le décor. Il obtint son titre et le brandit aussitôt pour trouver du travail. Il en eut rapidement, à son grand étonnement, et conclut un CDI100 avec une entreprise de garnissage de meubles de standing. Rien à voir avec le spectacle, mais c’était pour lui l’occasion de se stabiliser géographiquement et financièrement. Une porte vers la sortie de la galère en somme. L’expérience durera trois ans. L’ennui du travail quotidien en atelier, l’attitude peu empathique des patrons et la déclaration d’une arthrose cervicale le firent démissionner. Il se remit en quête de travail et en trouva rapidement – en plus de ses ateliers de formation – en tant que tapissier décorateur en événementiel. Il venait de passer trois ans à garnir des canapés destinés à une clientèle plus qu’aisée, qui renvoie la marchandise au moindre défaut, et il allait maintenant tendre des toiles de coton sur des cadres en bois pour des entreprises de renom. Il a également cherché à faire, pendant cette période, une formation courte en tapisserie, notamment pour apprendre à 98 Ce titre professionnel a été créé par arrêté du 26/07/04 (JO du 05/06/2004) et classé au niveau et dans le domaine d'activité (code NSF). Il est inscrit au répertoire national des certifications professionnelles. 99 CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle 100 CDI : Contrat à Durée Indéterminée 41 capitonner101, auprès d’un centre de formation renommé de la capitale. Au moment du premier entretien, il brandit fièrement son titre et son expérience. Son interlocutrice lui rétorqua que son « titre » n’avait aucune valeur de niveau ou de diplôme. Mop était déstabilisé par cette nouvelle. Elle lui lança quelques mots techniques, il ne sut pas répondre. Il n’avait pas le niveau pour passer cette spécialisation. « Diplôme Universitaire de Formation d’Adultes. Bac +3. Si j’ai ce diplôme et que je l’ajoute à mon bac -3, il me restera un Bac. Mais comme il faut Bac +2 pour aller à Bac +3 et que je peux l’obtenir par validation d’acquis, ça fera : +3 -3 +2 = 2 ! J’aurais alors un Bac +2 » se mit à rire Mop quand il prit la décision de suivre la formation de formateur au Collège Coopératif de P****. Neuf mois en dehors des listes de l’intermittence du spectacle à essayer de comprendre les tenants et les aboutissants du métier de formateur. « Cela me permettra de développer mon activité de formateur » se dit Mop. Il chercha de l’aide auprès de sa conseillère à l’emploi, qui fut enthousiaste et lui proposa directement une formation, tous frais payés, auprès de l’organisme de formation où Mop avait passé son titre de tapissier-garnisseur. N’ayant aucunement l’envie de revivre la même chose quant à la valeur du « titre » qu’il voulait obtenir, il choisit d’avoir son diplôme de formateur à l’Université. Personne au monde ne viendrait dénigrer un diplôme obtenu à l’Université. C’est un gage de sérieux. Pas sûr de pouvoir suivre une formation classique, il découvre grâce à B**** 102 la pédagogie active mise en place par le Collège Coopératif, en lien avec une Université et décide de s’y inscrire. Pour pouvoir être légitimement un formateur, il faut qu’il ait ce diplôme pense-t-il. Pour ce faire, il doit écrire un mémoire et le soutenir. L’équipe pédagogique accompagne et insiste sur la réalisation de ce chef d’œuvre. Mop a toujours cherché à ne pas rentrer totalement dans la « norme » sociale. Jamais complètement à côté, mais pas non plus complètement dedans. Il n’a pas la télévision et préfère démissionner d’un CDI en plein début de crise économique, plutôt que de subir le management paternaliste de ses patrons. A 101 Capitonner : « Rembourrer (un siège) en piquant d’espace en espace. p. p. adj. Fauteuil capitonné, cercueil capitonné » Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit., p. 347 102 Cf. ibid., p. 26 42 bientôt quarante ans, il se veut plus aventurier. Il se veut lui-même autodidacte. Comment se fait-il qu’il passe ces diplômes alors ? Dans un premier temps, avec le Baccalauréat, Mop a suivi le « code de conduite standardisé »103 prescrit par l’opinion générale de cette fin de XXe siècle. Avoir son bac assure un boulot. Il faut dire que l’éducation alors est muée par deux objectifs essentiels : comment instruire une population pour qu’elle trouve sa place dans l’économie du siècle et comment éduquer pour que chacun acquière une certaine identité culturelle afin que les gènes culturels de nos communautés soient transmis ? L’origine même du mot diplôme est intéressante : « 1 HIST. Pièce officielle établissant un droit, un privilège. »104. Son sens a légèrement dévié au XIXe siècle pour devenir « un acte qui confère et atteste un titre, un grade. »105 Avoir un diplôme, c’est donc justifier de façon officielle d’un grade dans la société. Le diplôme serait une forme de graduation de l’échelle sociale française. Une sorte de sésame. « Passe ton bac d’abord » semble nous suggérer, lorsque l’on est adolescent, que tout est permis après. Il me fait fortement penser à une sorte de rite républicain, comme la Communion106 chez les croyants catholiques, de passage de l’enfance à l’âge adulte, notamment à la façon dont les médias français couvrent tous les ans l’évènement. Cette manipulation de masse quant à l’obtention du Bac a permis une augmentation conséquente du nombre de bacheliers 107 en France par tranche d’âge entre 1964 et aujourd’hui. Elle est une manipulation car elle utilise le rêve d’ascension sociale d’une partie de la population, sans tenir compte de sa névrose face à cette ascension, et permet de maintenir une autre partie de la population dans son statut privilégié. Réussir à l’école, c’est réussir dans la vie, nous serine l’instruction publique depuis plus de cent ans. Et ceux qui n’ont pas le Bac ? Il semble qu’ils n’aient pas d’avenir. Pourtant, lorsque Mop a passé son bac, en 1992, un de ses camarades ne s’est pas présenté à l’examen. Qu’est-il 103 Edward BERNAYS, op. cit., p. 46 Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), op. cit., p. 744 105 Josette REY-DEBOVE, Alain REY (dir.), ibid., p. 744 106 Communion : cérémonie de réception de l’Eucharistie où chaque communiant fait sa profession de foi et déclare ainsi appartenir, de son plein gré et en adulte, à la communauté catholique. 107 Daniel DUVERNEY, Bac général, étude réalisée pour la Société Chimique de France, mise à jour le 5 novembre 2010, consulté le 13 août 2013, URL : http://www.societechimiquedefrance.fr/extras/ActionSciences/2%20%20Bac%20g%C3%A9n%C3%A9ral.PDF 43 104 devenu ? Il dirige aujourd’hui une école de cirque et possède son chapiteau. N’est-ce pas là une réussite sociale ? Nous avons affaire ici à un conditionnement. Rien ne prouve que sans son bac, Mop ne serait pas parti en A**** faire une tournée, qu’il n’aurait pas fondé sa première compagnie de spectacle et qu’il ne serait pas aujourd’hui en train d’écrire un mémoire de DUFA. Le processus est, je pense, le même pour chaque diplôme que Mop a passé. Pour la tapisserie, comme pour la formation, le diplôme est ce qui fait que l’on n’a plus à prouver ce que l’on est supposé savoir. Il permet de se positionner dans la société. A-t-on besoin d’un diplôme pour former ? Dans certains cas, notamment en tapisserie d’ameublement, cinq années de vie professionnelle attestées suffisent pour devenir formateur d’adultes. On voit là que ce sont les compétences et non pas les diplômes qui comptent. De nos jours, avec l’incertitude économique qui nous entoure, avoir un diplôme n’est plus forcément synonyme d’emploi bien payé. Alors comment Mop a-t-il cédé à la tentation du diplôme ? Pourquoi se laisse-t-il influencer par une société qui réfléchit sur des schémas du siècle passé ? Je pense que l’on retrouve ici « l’effet de gel » cité plus haut. Il s’est engagé auprès de lui-même à changer sa vie professionnelle et si l’on suit la théorie de l’engagement, il va aller jusqu’au bout. Mop, sous l’effet de l’influence de l’opinion, s’auto-manipule au même titre que je m’auto-manipule en faisant des listes dans le chapitre précédent. Il s’entraîne lui-même à se persuader que la voie est là s’il tient à changer de vie. Aura-t-il donc son diplôme pour autant ? Rien de sûr. En a-t-il réellement besoin ? Qui sait ? Si ce n’est pour la société, cela peut sans doute le rassurer intérieurement et lui donner une confiance supplémentaire dans la voie qu’il explore. « On lâche rien ! »108 N**** est une compagnie de théâtre de l’Opprimé.109 Ils officient un peu partout en France, et notamment en région p****. Les deux personnes qui dirigent 108 HK et les Saltimbanks, On lâche rien, Kaddour HADDADI, (3 :44) Album : Citoyens du monde, Coopérative Music, 2011 109 Tous les noms des personnes citées de la Cie N**** ont été changés et remplacés de façon arbitraire par des noms de personnage du roman épistolaire de M. Pierre 44 cette structure, Mme de Merteuil et M. de Valmont, ont été formés par Augusto Boal. Ils proposent des formations et des analyses de pratiques par le théâtreforum. Ils montent également des spectacles-forum, sur commande, autour de thématiques comme l’environnement, l’homosexualité, la violence faite aux femmes, etc. C’est une compagnie de spectacle militante et engagée. Un de ses principes fondamentaux est le volontariat des participants. Depuis 15 ans, ils organisent un projet national autour d’une thématique de politique générale. Cela permet, une fois par an, aux comédiens de la troupe de se retrouver autour d’un même projet, sans commanditaire, et de pouvoir ainsi laisser libre cours à leur créativité. Lorsque Mop est allé faire son stage chez eux, dans le cadre du DUFA de formateur, il était loin de s’imaginer que le thème de cette année serait la propagande ! Du pain béni pour lui. Cependant, il décida de ne pas dévoiler le véritable thème de sa recherche, parlant plutôt d’implication sociale et politique du théâtre en formation, de peur que l’on ne jette un regard suspicieux sur sa présence. Après sa rencontre avec Mme de Merteuil, il fut décidé que Mop suivrait quelques ateliers de formation d’adultes en région p**** et participerait au projet national jusqu’aux représentations. Mme de Merteuil le mit en garde contre le côté intrusif que peuvent avoir certaines personnes ayant déjà fait de la mise en scène dans les processus que sa compagnie met en place. Mop en prit bonne note. Il décida que son terrain d’étude serait le spectacle national réunissant une cinquantaine de personnes, professionnels et amateurs confondus, venus de toute la France. Mop prit la stratégie de l’observation participante, son terrain s’y prêtant particulièrement bien. Lors de la première rencontre avec le groupe, il fut présenté en tant que Franck, stagiaire. Merteuil a du mal avec les prénoms. Il se présenta sous son vrai nom au groupe, ce qui provoqua un rire général. L’ambiance semblait bonne. Les participants venaient tout juste de recevoir le texte qu’ils allaient devoir jouer en juin. Il était le fruit de plusieurs mois de recherches coopératives avec conférences, rencontres, débats et improvisations sur le sujet de la propagande et de la pensée unique. Différents groupes, animés par les comédiens de la troupe, se constituèrent et les répétitions commencèrent. Mop observait les interactions dans le groupe et cherchait des contacts. Très vite, CHODERLOS DE LACLOS, Les liaisons dangereuses, Op. cit, n’en déplaise aux protagonistes. 45 on lui proposa un rôle. De l’observation périphérique, il passait à l’observation active. Il allait participer au même titre que les autres. Au fur et à mesure de son stage, il fit plus ample connaissance avec Cécile Volanges, travailleuse sociale très impliquée dans le projet et Mme de Rosemonde, une comédienne professionnelle de la compagnie, dont Mop suivait quelques ateliers qu’elle animait en compagnie de M. de Valmont. Il prit la décision de les interviewer à la fin du projet. Les répétitions se faisaient sur les week-ends et la logistique était assez conséquente. Il s’agissait de faire venir de gens de toute la France, pour certains prendre en charge leurs billets de transport, les loger et les nourrir et ce pendant dix-neuf jours, étalés sur deux mois et demi. Merteuil et Valmont semblaient rompus à l’exercice : tout se passa au mieux. Mettre en scène cinquante personnes n’est pas une mince affaire. Monter un texte d’une heure trente en dix-neuf jours avec cinquante personnes, dont une majorité d’amateurs peu ou pas exercés à la scène, relève du défi ! Une équipe de professionnels, une dizaine environ, était chargée de faire répéter des scènes aux comédiens amateurs, de les faire travailler sur leurs personnages, leur faire comprendre les enjeux du texte, de proposer une mise en scène possible. Chacun travaille dans un coin, Mme de Merteuil dirigeant au centre la mise en scène générale. Cette petite femme menue, habillée de rouge et noir, la cinquantaine, offre une apparence de « pète-sec cordiale ». Une autorité naturelle et froide se dégage d’elle au premier abord, accompagnée d’une sincère sympathie. Elle tient son rôle de leader. A quelques rares exceptions, tout le monde vient régulièrement, aux heures prévues et nul ne chôme lors des répétitions. Le Vicomte de Valmont est à la technique et au décor, il joue également dans le spectacle. C’est une affaire qui roule. Mop sent que la machine est bien huilée. Il se voit même attribuer deux ateliers avec des amateurs. Le premier consistait à aider un comédien à comprendre son personnage, à le situer, à essayer de lui trouver un leitmotiv afin qu’il reste présent en jeu sur scène, sans oublier de dire son texte. Le second était de travailler avec un couple qui n’arrivait pas à passer du calme à la panique lors d’une scène. Dans le premier cas, Mop proposa une lecture analytique du texte, à savoir repérer les circonstances dans lesquelles parle le personnage, quels sont ses liens avec les autres, à qui parle-t-il, etc. Dans le second, Mop proposa de 46 travailler sur l’imaginaire personnel des deux acteurs pour les amener à faire « comme si » au moment de la panique souhaitée par la mise en scène. Mop passait alors de l’observation active à l’observation totale en devenant membre du groupe. Il s’impliqua complètement dans le projet, proposant même ses talents de tapissier pour parfaire le décor. Il avait retrouvé là l’esprit de troupe, qu’il n’avait plus senti depuis son départ de P****. Le spectacle-forum fut présenté deux fois dans une salle à M****. Il attira environ huit cents personnes. Un bilan fut fait au lendemain de la dernière représentation. Le poisson dans le bocal est un jeu très simple. Tout le monde se met en cercle, assis sur une chaise. Une personne sur deux avance sa chaise vers le centre du cercle. C’est le poisson. Ceux qui restent sur place forment le bocal. Seuls les poissons ont le droit de parler et de réagir à ce qui se dit. Les personnes qui forment le bocal doivent écouter et ne pas réagir. Chacun s’exprime. On inverse ensuite les rôles. Des notes de ce qui est dit sont prises. Beaucoup d’émotions se sont exprimées lors de ce bilan. Bon nombre de personnes ont pleuré. Suite à cela, Mop s’est engagé à participer au prochain projet national de la compagnie. Cinq semaines plus tard, il décide d’aller interviewer Mme de Rosemonde et Cécile Volanges. Son Smartphone en main, il donne rendez-vous à la première dans un café. Mop dévoile son véritable thème et commence à enregistrer les réponses de la comédienne professionnelle. Comment est-elle arrivée au théâtre ? Et pourquoi le théâtre-forum particulièrement ? Depuis quand anime-t-elle des ateliers ? Que met-elle en place pour que les gens participent ? Quelle influence pense-t-elle avoir sur les participants ? Puis il alla interroger Cécile Volanges, sur son histoire avec le théâtre, comment il avait influencé sa vie et surtout qu’est-ce qui faisait qu’elle venait participer à un projet de la compagnie N**** ? Autant de question auxquelles elle répondit lors de l’entretien retranscrit en annexes. Mme de Rosemonde appela Mop quelques jours plus tard pour lui demander de ne pas utiliser son entrevue pour son mémoire, de peur de commettre des impairs vis-à-vis de N****. Devant l’ambiguïté du sujet, elle proposa à Mop d’aller demander directement à Mme de Merteuil ou au Vicomte de Valmont. Mais ce que cherchait Mop, c’était à comprendre quels processus manipulatoires sont en jeu pour que la compagnie N**** arrive à drainer cinquante 47 personnes, venant de la France entière, pour faire du théâtre-forum. L’opinion des organisateurs d’un tel projet ne l’intéressait guère. Il trouva plus intéressant d’avoir le point de vue des participants, professionnels comme amateurs. Il décida alors de faire l’impasse sur le témoignage de Mme de Rosemonde. Dans son entretien avec Mop, on note clairement l’importance du spectacle vivant dans la vie de Cécile Volanges. Elle commence jeune à faire de la danse et découvre le théâtre à l’adolescence. « J’aimais bien faire les spectacles de fin d’année. J’adorais. »110 Dit-elle. Elle s’est impliquée dans le théâtre jusqu’à écrire des pièces qui seront jouées. Elle a fait la découverte du théâtre-forum dans le cadre de son travail, lors d’une représentation durant laquelle elle a participé. Lorsque les comédiens de la compagnie N**** sont arrivés pour travailler avec les « usagers »111 du secteur de Cécile, ils ont proposé aux travailleurs sociaux de faire d’abord l’expérience avec eux. Ainsi, ils pourront plus facilement expliquer le principe du Théâtre de l’Opprimé au public concerné et mobiliser un nombre suffisant de participants. Cécile sort enthousiaste de l’expérience, notamment portée par l’aspect militant de cette pratique112. Lorsque La Présidente de Tourvel, une comédienne de N****, lui propose de venir voir113 ce qu’il se passe au niveau du projet national de la compagnie, Cécile, sans engagement, décide d’aller y jeter un œil et puis de participer au projet jusqu’au bout. Qu’est-ce qui a fait que Cécile – amatrice pratiquante de théâtre, mariée, trois enfants et travailleuse sociale à plein temps – décide de consacrer du temps – dix-neuf jours de répétitions sans compter la phase préparatoire à cinquante kilomètres de chez elle – à la réalisation d’un spectacle de théâtre-forum ? Elle n’est pas seule dans ce cas. Selon Mme de Merteuil, bon nombre de participants au projet national sont venus par le biais d’ateliers qu’ils avaient pu suivre auparavant. Il me semble que nous assistons là à une forme de « pied-dans-laporte ».114 Cécile est déjà dans un processus d’engagement vis-à-vis du théâtre. Elle est très impliquée dans cette pratique. Je ne reviendrai pas ici sur le 110 Cf. ibid., p. 53 Cf. ibid., p. 61 112 Cf. ibid., p. 64 113 Cf. ibid., p. 65 114 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 97 48 111 processus d’engagement. Le fait de participer une première fois en tant que spectatrice à du théâtre-forum a agi comme une phase préparatoire. Ce choix s’est fait en toute liberté et n’a sans doute pas engagé Cécile plus de trois heures : cela n’a donc pas sensiblement bouleversé son planning habituel. Lorsqu’elle a de nouveau abordé le théâtre-forum, c’est en le pratiquant de l’intérieur, comme actrice. C’était dans le cadre de son travail, dura une journée et l’on peut imaginer que cela ne perturba donc pas non plus son emploi du temps quotidien. Nous semblons être dans une phase de « comportement préparatoire » – dont nous parlent Beauvais et Joule dans Le Petit Traité115 – qui va conduire Cécile à « émettre de nouvelles conduites essentiellement caractérisées par leur coût »116, notamment ici en matière de temps. Les deux premières approches n’ont pas engagé, question temps, énormément Cécile. Par contre, en ce qui concerne le projet national, le coût en temps passé pour le projet a sans aucun doute perturbé le planning de référence de Cécile, tant du point de vue personnel que professionnel. C’est peut-être l’effet du « pied-dans-la-porte » qui a fait que Cécile s’est engagée, au même titre que « Madame O. »117 a fait du militantisme dans le livre de Beauvois & Joule118. On peut ajouter à l’effet de persévération dans la pratique du théâtre chez Cécile – « j’y suis, j’y reste »119 –, le sentiment de liberté qu’offre l’invitation à participer au projet de La Présidente de Tourvel – « viens voir »120 – et l’affinité politique entre Cécile et N****– « Bon comment on pourrait faire autrement »121. L’exercice du poisson dans le bocal, où chacun a la liberté de s’exprimer sur son expérience, est le théâtre de l’explosion des émotions fortes vécues pendant les représentations et la vie du groupe. Il permet de consolider l’adhérence de chacun au groupe. C’est d’ailleurs à ce moment-là que Mop s’est engagé sur le prochain projet national. Faire appel à l’émotionnel est une bonne technique d’engagement. Il fait fi de la réflexion et ouvre directement l’accès au subconscient et par « l’effet de gel » de la décision prise, il y a fort à parier que Mop sera présent sur le futur projet. 115 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 105 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 104 117 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 99 118 Robert-Vincent JOULE et Jean-Léon BEAUVOIS, op. cit., p. 97 119 Cf. ibid., p. 61 120 Cf. ibid., p. 65 121 Cf. ibid., p. 64 49 116 La communication engageante manipule l’opinion. Celle-ci nous influence et peut nous amener jusqu’à l’auto-manipulation. Pour réaliser un projet militant d’envergure dans le cadre d’un mouvement d’éducation populaire, une structure associative met en place, consciemment ou non, des processus et des moyens pour obtenir le consentement de bénévoles à donner du temps à une démarche artistique militante. Du conditionnement au « pied-dans-la-porte », en passant par l’utilisation de l’émotion, il semble que les « institutions externes »122 utilisent des techniques manipulatoires pour pouvoir fonctionner et mettre des systèmes en place. 122 LAPASSADE & LOUREAU, module « Analyse Institutionnelle » du 30 novembre 2012 du Collège Coopératif de P****, animé par le Responsable Pédagogique. 50 123 « Céci-ile »124 omme nous l’avons vu au chapitre précédent, Mop a décidé de C faire deux entretiens concernant le spectacle national de la Cie N*** qui lui sert de terrain d’étude. Mme de Rosemonde ayant pris la décision de ne pas autoriser notre comédien-formateur d’utiliser cette entrevue dans son mémoire, il ne restait plus à Mop que celui fait auprès de Cécile Volanges. C’est le 4 juillet 2013, en début d’après-midi – cinq semaines après les représentations du spectacle auquel Cécile et Mop ont participé – que ce dernier arrive à C****, commune de résidence de la famille Volanges à une cinquantaine de kilomètres de P****. Après avoir pris des nouvelles de son tendon d’Achille – il faut spécifier au lecteur que Cécile Volanges s’est faite cette ténotomie au cours d’une des dernière répétitions – c’est autour d’un café que Mop explique à son interlocutrice boitillante le thème de son mémoire : les manipulations en formation d’adultes par le pratiques théâtrales. Surprise par cette thématique, Cécile n’hésite pas à donner son accord pour être enregistrée. Il sort alors son smart phone HTC 123 Jérôme PLAUD, « Mme de Merteuil », M**** (F), 2013, © Jérôme PLAUD Claude NOUGARO, « Cécile, ma fille », C. NOUGARO – J. DANTIN, (3:54) 45 tours/ 17 cm éponyme, Philips, 1963 51 124 « sensation »125 et commence l’entretien qui durera en tout quarante minutes et onze secondes. Mais pourquoi avoir choisi Cécile Volanges pour cet entretien. Mop connaît bien le milieu des services sociaux pour y avoir travaillé en tant que formateur dans un IRTS126 et pour avoir participé à un projet d’insertion à l’UAS de L****. De plus, le fait que Cécile soit mariée et mère de trois enfants semblait apporter à Mop des arguments en faveur de son enquête, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent. J’ai retranscrit les 31 mai et 1er juin cette entrevue grâce au logiciel gratuit Sonal 127 mis au point par l’Université de Grenoble. Etant sur un format AMR 128, il m’a fallu le convertir en format MP3129130 puis en format WAV131132 afin qu’il puisse être exploitable facilement sur Sonal. Le fait que Mop n’ait pas utilisé de micro externe à son téléphone n’a pas facilité la retranscription de l’entretien. Certains mots et expressions utilisés par les protagonistes n’ont pu être retranscrits dans leur intégralité : la mention [Inaudible] apparaît à ces moments-là. Une deuxième prise a été faite suite à un appel reçu par Cécile. Entretien avec Cécile Volanges 1re prise133 [Bruits d’installation] 125 Smart phone HTC « sensation », URL : http://www.01net.com/fiche-produit/fichetechnique-9881/smartphones-htc-sensation/ 126 IRTS : Institut Régional du Travail Social (ou IRTS) a pour mission d'assurer les formations professionnelles initiales, continues et supérieures des travailleurs sociaux 127 Sonal V1.7, URL: http://www.sonal-info.com/fr/news/sonal-17-est-en-ligne 128 AMR : format numérique de fichier audio 129 MP3 : format numérique de fichier audio 130 AMR to MP3 converter, URL: http://www.commentcamarche.net/download/telecharger34076386-amr-to-mp3-converter 131 WAV : Format numérique de fichier audio 132 Free Mp3 Wav converter V2.1. URL : http://www.01net.com/telecharger/windows/Multimedia/encodeurs_et_decodeurs/fiches/3 2608.html 133 Entretien exporté depuis Sonal (v.1.7) le 17/07/2013 à 03 :51 :03 52 Cécile Volanges : Je suis [Cécile]. Je suis maman de 3 enfants, mariée, 42 ans, assistante sociale au Conseil Général. Mop : D'accord. Comment est-ce que tu as, et à quel moment tu as croisé le théâtre dans ta vie ? Cécile Volanges : Alors le théâtre dans ma vie, euh, c'est quelque chose qui est... que j'ai envie de faire depuis très, très, très longtemps et en fait j'en ai jamais fait parce que j'étais trop timide. J'avais peur de faire…, euh, de me retrouver à parler devant tout le monde, à me mettre en scène et tout ça. Donc du coup, j'l'ai refoulé j'l'ai laissé loin dans ma tête et puis à la place j'ai fait de la danse. Et puis j'aime bien quand j'faisais d'la danse, c'est que justement le spectacle qu'on avait en fin d'année qu'on se mettait sur scène et tout ça. Et puis un jour, euh, comment c'est venu ? Euh, en fait j'ai fait du théâtre... Mop : C'était de la dance classique ? Cécile Volanges : Non, modern jazz. Mop : Modern jazz. Cécile Volanges : [Rires] Mop : Ah ben c'est pour savoir hein ! [Rires] Cécile Volanges : Non, modern jazz. [Silence] J'aimais bien faire les spectacles de fin d'année. J'adorais. J'avais peur avant, peur pendant et une heure après, c'était très rigolo. Et le théâtre comment il est venu dans ma vie, le théâtre ? Attends... parce qu'il faut que je réfléchisse... Ah oui ! J'pensais qu'il est venu par le biais que, avec un ami on a commencé à écrire une pièce de théâtre. Puis on connaissait quelqu'un, un metteur en scène qu'avait une troupe, donc par chez nous. On lui a proposé le…, le théâtre, enfin notre pièce de théâtre et on a joué dedans. Donc du coup c'est comme ça que j'ai commencé à faire du théâtre et maintenant je suis dans cette troupe et tous les ans j'y vais et j'fais, euh, pas toujours c'qu’on a écrit mais, euh, voilà ! C'est comme ça que le théâtre est arrivé dans ma vie. Et puis après je te dis comment j'ai rencontré N**** peut-être ? 53 Mop : Euh... Explique moi un petit peu, euh, par rapport au théâtre, qu'est-ce qui…, où se situent selon toi les manipulations ? Même par rapport à la danse. Parce que manipuler c'est aussi faire cela, là je manipule une tasse. Tu vois ? Cécile Volanges : Ouais alors la danse la manipulation, c'est plus par rapport au corps alors. Mop : Ouais, alors ? Cécile Volanges : Comment faire que ton corps arrive à faire c’que tu veux lui faire faire ? Donc, euh, y’a tout un…, ouais, y’a toute une manipulation d’la prof, qui…, euh, qui petit à petit t'amène à faire une chorégraphie sur une chanson, que tu aimes pas toujours, mais que tu sais que c'qu'elle te propose, c'est quand même vachement sympa d'arriver à faire, justement, d'arriver à faire sur une chanson que t'aimes pas quelque chose que t'aimes bien, avec ton corps. Ça…, euh, voilà quand tu parles de manipulation, pour moi la danse ce serait plus à ce niveau-là et puis par rapport au théâtre, la manipulation... Mop : Comment est-ce qu'elle te fait accepter de..., comment elle t'amenait te faire accepter de danser, même si c'est des chorégraphies que tu trouvais bien ? Cécile Volanges : Sur cette chanson-là ? Pourquoi ? Mop : Sur cette chanson-là. Qu'est-ce qu'elle mettait en... Cécile Volanges : C'était de la démocratie parce qu’on choisissait en groupe une chanson. Et puis en fait dans un groupe, il y a toujours des gens qui vont plus s'avancer, enfin, plus dire les choses que d'autres et donc du coup, si ça venait des plus forts on va dire, si y avait plus de choses à dire et ben on choisissait plus ce qu'ils avaient proposé que toi qui avait timidement dis : « Ben tiens [Inaudible]134 ! » Mop : [Rires] Oui. Cécile Volanges : [Rires] Et donc du coup quand tu dis rien, parce que moi c'est plus ça, je disais plutôt rien, donc du coup quand tu dis rien… Et là quand on te dit : « Tiens, tu feras cette chanson-là » dans ta tête tu fais : « Au merde ! 134 [Cécile Volanges] a l’air de parler ici d’un titre de chanson - Note du transcripteur. 54 J'aime pas trop ! » Et puis après tu te dis : « Ouais, en même temps t'as rien proposé, donc euh... ! » Mop : Hum ! Cécile Volanges : Donc de toi même, en fait, tu... Mop : Donc la manipulation elle venait du groupe en fait ? Cécile Volanges : Plus, ouais ! Plus au niveau du choix de la chanson. Après par rapport au…, par rapport au..., au..., au..., à la chorégraphie, là en fait t'as une espèce de hiérarchie qui s'installe qui part du prof et puis le groupe et puis ben là vraiment t'es dans un apprentissage, donc tu remets pas en question le..., ce qu'on te propose, parce que..., enfin, tu remets pas en question. Euh..., ouais..., non..., si, on peut le dire comme ça. C'est elle, la chorégraphe, qui grâce à une..., grâce à une..., grâce à sa formation de prof et en entendant la musique, a des idées pour faire. Du coup, tu suis, tu vois ? Mop : D'accord, c'est par sa position de prof qu’en fait tu…, tu consens, de façon toute à fait naturelle, comme par exemple, tu acceptes, euh, à l'école que le prof soit à cette place là et te dispense son savoir, hein ? Cécile Volanges : Ben ouais, pis moi j'ai été élevé dans ce truc-là. Le prof a toujours raison. Mop : Oui, d'accord. Cécile Volanges : Donc, du coup j'ai été élevée toujours dans ce truc là et quand j'ai commencé la danse j'étais en seconde, ouais, donc j'étais au lycée ou au collège je sais plus. Mais donc du coup…, ouais, j'étais déjà formatée comme ça aussi. Mop : Hum. Cécile Volanges : Et ça continuait en fait. Mop : D'accord. Cécile Volanges : Et puis en plus, ils proposaient qu'on me guide, moi ça me plaisait, tu vois ? Mop : Ouais. 55 Cécile Volanges : Ya peut-être des mouvements que j'aimais pas, mais dans un ensemble en fait, ça me…, ça me convenais. Je trouvais ça beau, joli et c'était qu'une saison à faire donc du coup j'adhérais d'autant plus. Et puis la prof elle était super sympa, plein d'humour, en bref, ça aussi ça compte je trouve. Mop : D'accord. Cécile Volanges : Parce qu'après y'a le côté aussi affectif qui compte. Je trouve. Quand t'aimes pas un prof, euh, tu bosses pas. Mop : Ouais. Cécile Volanges : [inaudible] Mop : Ça marche pour tout ! Cécile Volanges : Pour la... pour revenir sur le théâtre en fait, c'est pas comme ça que le théâtre est venu à moi, non ! Le théâtre est venu à moi, je viens de m’en rappeler, tu vois comme quoi des fois, par la chanson ! Parce que j'adore chanter. Et je fredonne tout le temps au boulot et tout ça je chante souvent. Beaucoup moins maintenant mais des fois beaucoup, et j'ai une collègue qui me dit : « Ah ben tiens tu devrais venir, y'a une association qui vient de se monter à tel endroit, euh, on fait, euh, on fait de la mus... enfin on chante des chansons, machin et tout », j'fais : « Oh pourquoi pas ! » Donc j'y suis allé comme ça. J'vais donc me faire effectivement une idée des chansons qui se faisaient. Donc, la première année voilà j'y suis allé comme ça. Alors c'était comme si je chantais devant tout le monde pour voir quelle voix j'allais avoir, c'était l'horreur [inspiration] mais bon je l'ai fait ! Et, euh, [Inaudible], des fois t'as un spectacle de fin d'année donc cette année-là je l'ai pas faite parce qu'ils avaient des dates en avril et moi j'étais pas là. En même temps je pense que ça m'a..., ça m'a..., ça m'arrangeait bien. Et j'ai fait les autres spectacles derrière. Les autres spectacles derrière qu'étaient proposés, c'était plus un mélange. Donc y'avait des chansons de la danse, et, y’a eu du théâtre. Donc c'est comme ça en fait que c'est venu. Moi la première année j'ai pas fait, j'étais pas dans les [Inaudible], c'était un grand-père avec sa p'tite fille. Donc, euh, voilà c'était juste des personnages et puis c'était une façon de présenter…, de 56 présenter les chansons qu'allaient arriver etc. Et donc le…, ce spectacle-là, je l'ai fait en tant que chanteuse mais le spectacle d'après j'lai plus fait en chanteuse mais là en tant que comédienne. J'avais un rôle, machin, qui faisait…, c'était des petites saynètes en fait entre deux chansons, machin et tout. Voilà, c'est comme ça que le théâtre... Mop : D'accord. Cécile Volanges : Et après il y a eu l'écriture et, euh, l’écriture de la pièce de théâtre. Mop : Justement, par rapport à l'écriture, comment tu..., tu..., t'es auteur, donc, en fait !? Ou co-auteur de..., de pièces ? Cécile Volanges : Ou co-auteuse. Mop : Ou co-auteuse ! [Rire] co-auteureuh ! Cécile Volanges : Ou co-autrice. [Rires] Mop : C'est co-auteure je crois. [Rires] Et comment tu... Déjà, première question, est-ce que tu as joué des textes qui n'étaient pas de toi, avant de... Cécile Volanges : Avant d'écrire ? Mop : Oui, avant d'écrire. Cécile Volanges : Oui, dans ces petites saynètes là, c'était pas de moi ça, oui. Mop : D'accord. Comment tu sentais le travail par rapport au texte, des mots qui ne sont pas de toi, euh, comment tu te les appropries, comment t'as consenti à les apprendre, à le redire, tu vois ? Cécile Volanges : Ouais. Mop : Tu vois ce que je veux dire ? Cécile Volanges : Ouais ? Mop : C'est pas forcément très clair, mais, euh... Cécile Volanges : Alors attend, j'essaie de me rappeler. En fait, euh, moi ce que j'aime dans le théâtre c'est de..., d'être quelqu'un d'autre que moi, d’accord ?! A partir du moment où j'ai un personnage, à la limite tu peux me 57 donner tous les mots que tu veux, tu vois, j'vais, euh, pour entrer dans mon personnage, tant que je trouve que c'est cohérent dans le personnage que je dois jouer, euh, voilà j'vais, euh [inaudible] et j'vais mettre le plus possible dans le personnage que j'dois interpréter, et voilà des mots vont sortir pour le personnage que je dois faire, voilà. Mop : D'accord. Et donc après en tant qu'auteure, euh, est-ce que tu as eu un moment le sentiment qu'en écrivant t'allais manipuler un petit peu les gens ? Cécile Volanges : Alors pas du tout ! [Rires] Mop : Pas du tout ? Mais... Cécile Volanges : Non ! La première fois que j'ai écrit un texte, c'était, euh, c'était le personnage que j'ai joué l'année d'avant, et en fait on refaisait le même spectacle. Mais du coup j'ai commencé un peu à écrire ce personnage que déjà j'connaissais. Je savais qui j'étais, j'connaissais le personnage d’à côté etc. Donc, euh, j'avais envie, euh, de mettre des trucs à moi dedans, euh, pas de le sens de manipuler, mais... J'avais pas cette impression-là tu vois. Mais en même temps, euh, j'avais envie de dire quelque chose, j'avais envie de faire dire quelque chose à ce personnage que je connaissais. Je savais très bien qui c'était, j'la connaissais bien et j'avais envie de la faire évoluer comme moi je la voyais. Donc là, on peut dire que ça c'est une forme de manipulation. Parce qu'en fait, euh, j’ai un peu imposé au groupe, parce que là on était plus un groupe, on était plusieurs, et on s'est dit chacun fait ce qu'il veut de son côté. Donc, euh, j'ai imposé au groupe une p'tite chose que j'avais envie de donner et, euh, et du coup ça a fait beaucoup de jalousies et d'envies et donc ça…, ça a été un moment très difficile à vivre parce que, euh, j'étais confrontée en fait à la jalousie et l'envie que je ne connaissais pas. Bah oui, quand t'es gamin bien sûr. Moi c'est quelque chose de super fort, c'est, j'en ai chialé hein ! Parque…, parce qu'on…, on…, enfin c'était méchant quoi voilà c’était l'air de dire : « Ben oui, non mais, là, elle a commencé à écrire, elle se prend pas pour d'la merde, machin, etc. » Enfin voilà, c'était, euh, affreux. Donc voilà. Ma mauvaise expérience mais en même temps j'ai été jusqu'au bout, j'ai joué le personnage et tout, euh. Voilà et puis là j'ai commencé coopérer avec un ami qui a un côté plus humoristique, que c'était du théâtre un peu plus…, enfin, côté 58 humoristique, plus boulevard tu vois, ces p'tites saynètes là, et du coup j'ai commencé à collaborer avec lui, parce que lui il apportait le côté un peu marrant que j'arrivais pas forcément à trouver dans l'écriture. Voilà. Parce que moi c'était très, euh, enfin, tu vois quoi. Mop : Ouais. Cécile Volanges : Le personnage avait envie d'é..., de l'faire évoluer mais y'avait pas le côté, euh, y'avait ce que j'avais écrit, il trouvait des trucs marrants et j'étais là : « Oh ouais, oh nan, c'est génial quoi ! », enfin tu vois quoi ! Voilà, la coopération elle a commencé là. Je me suis séparée de ce groupe, euh, qui était très, euh, ouais on peut dire méchant, ça..., c'est pas... « Bébé » quand on dit... Mop : [Rires] Ça ne fait pas du tout « bébé ». Cécile Volanges : Ils ont été très méchants [Rires] Mop : Ouh les méchants ! [Rires] Cécile Volanges : Voilà, ça a été vraiment une confrontation, euh, violente avec les autres qui fait quand tu vis dans la créativité tu…, enfin, j'ai remarqué moi, tu crées des..., tu crées des envies, des jalousies de la part des autres qui font pas forcément ou qui pensent qu'ils sont meilleurs que toi et finalement tu leur en bouche un trou [inaudible]. Voilà ! [Rires] Donc voilà, ça c'est aussi une forme de manipulation. En apportant un écrit, là tu fais…, enfin moi j'ai fait passer des messages en disant : « Ben tiens regarde mémère, j'y arrive ! » [Rires]. J'leur ai pas dit que j'étais en colère, mais bon après [inaudible], mais ça a été une sorte de vengeance aussi quelque part de cette méchanceté que j'ai reçu en disant : « Ben attends merde ! Regarde ce que j'ai écrit moi quand même ! ». Tu vois ? Mop : Ouais. Cécile Volanges : Donc oui, un peu manipulatrice, face, en fait, à la méchanceté, la jalousie et les envieuses, les personnes envieuses. C'était vraiment une révolution ! Mop : C'était, d'un seul coup, c'était un challenge ? 59 Cécile Volanges : Ah ouais, c'était même il fallait que j'y arrive quoi attend, euh, c'est con de me dire ça ! Quoi ! Mop : Ouais, ouais. Cécile Volanges : Non ça m'a fait super mal. Du coup il fallait que je réagisse pour, euh, pour moi. Mop : Après tu as quitté, euh. Cécile Volanges : J'ai quitté cette compagnie, euh. Dans cette compagnie j'avais aussi, euh, commencé à faire des chorégraphies, parce que comme j'avais fait beaucoup de danse et pis qu'ils avaient commencé à mettre de la dance, euh, et que ils s'étaient disputés avec l'autre personne d’avant. Donc du coup j'avais commencé…, donc j'avais repris derrière. J'avais à cœur…, bon c'est pareil c'était le même système, euh, j'avais à cœur…, en fait ce qui était important pour moi, c'était de..., dans toutes les chorégraphies que je reprenais, je reprenais toujours un geste de l'ancienne chorégraphie. C'était une façon de leur dire : « Vous vous êtes débarrassé d'elle, » manipulation là aussi, « Vous vous êtes débarrassé d'elle de façon très, euh, violente » tu vois, « Ben moi j'vais faire un p'tit rappel. » En hommage aussi pour elle et puis aussi pour dire : « Ben y’a pas de raison ! Parce que c'qu'elle a fait c'était pas que de la merde contrairement à ce que vous dîtes. » Ben voilà ! C'est de la manipulation ça aussi, hein ? Ya des choses comme ça qui pour moi passent pas et donc j'ai…, j'ai à mon sens fait un meilleur spectacle mais sans aucune prétention quand j’dis ça, parce que c'que j'faisais dans l'autre spectacle chorégraphique c'était trop mou, c'était trop de temps morts, tu vois et c'qu'est beau dans la danse c'est justement qu'ça coule tout le temps, ça bouge dans tous les sens, que... Moi c'est comme ça que j'le vois du coup, euh, j'avais à cœur de créer quelque chose : « Mais je..., j'suis folle de faire ça, c'est trop dur ». Et donc après ça je suis partie, euh, parce que bon, y'avait beaucoup de jalousie, c'était très compliqué et, euh, notamment avec une personne qui, euh, tu marqueras pas tout c'que j'te dis hein ?! [Rires] [...] Bref, pour me protéger j'suis donc partie. Pour m'occuper aussi de mes enfants qui avaient des soucis, je suis partie. Enfin voilà, plusieurs raisons. J'suis partie et puis…, et puis j'suis partie dans autre chose dans, euh, donc, avec cette personne qu'j'avais commencé à 60 collaborer, ben on a commencé à se dire : « Ben pourquoi on n’écrirait pas ? » Et on s'est retrouvé à trois à écrire notre première pièce de théâtre. De boulevard hein ! Ça, euh, voilà, sans, ça me dérange pas de l'dire quoi ! Mop : Oui, ben non, c'est pas [inaudible]… Oui, c'est un exercice très difficile ! Cécile Volanges : Ouais, et là on en est à notre troisième, donc c'est qu'j'me dis qu'ça marche... Mop : Ouais. Cécile Volanges : ... Plutôt pas mal, et y'a un truc que j'ai vraiment aimé quand, euh, c'était la première pièce qu'on avait faite, un personne que je connaissais pas qui vient me voir en m'disant : « Merci, vous m'avez fait rire et ça m'a fait oublier mes soucis pour quelques temps. » Voilà, moi j'me dis faire du théâtre de boulevard, faire rire les gens, ben c'est ça aussi quoi ! D'avoir touché une personne qui…, qui va pas forcément au théâtre et... [Inaudible] Mop : Bon super ! Alors comment tu as rencontré N**** ? Cécile Volanges : Alors N****, je l'ai rencontré par le biais de mon travail. Euh, j'ai discuté avec l’animatrice. Elle avait envie de..., de mettre en place une action, tout ça, on voulait faire des actions collectives machin etc. Mais enfin on n’est pas toujours formé à ça hein, maintenant plus avec les nouveaux diplômes mais à l'époque pas du tout. Mais en même temps moi j'aime beaucoup justement ces actions collectives. J'trouve que c'est une autre façon de s'rencontrer c'qu'on appelle entre guillemets, tu connais ce mot : « usagers ». J'le dis juste mais moi je dis plutôt les personnes que j'rencontre. Voilà. Mop : Ouais. Cécile Volanges : Et je trouve que c'est intéressant de faire des actions collectives avec toutes ces personnes qui viennent te voir pour des problèmes perso, la plupart du temps, euh, de faire quelque chose de collectif pour, euh, les rencontrer autrement. Donc voilà, je…, j'ai toujours une écoute sur les actions collectives que propose l'animatrice, euh, j'adhère ou j'adhère pas. Et pis on a parlé d'théâtre, tout d'suite ça a été : « Ouais, fais c'que tu veux, j'viendrai ! » Voilà, parce que voilà, dès que c'est le théâtre, maintenant, en fait 61 c'est vraiment devenue une chose que je…, enfin, une passion. J'adore ça. J'ai toujours aimé en fait. Ça y est maintenant que j'y suis j'y reste ! Mop : Ouais. [Rire] Cécile Volanges : Elle a dit que c'était par le biais du théâtre, euh : « Ok, pas de soucis, si…, théâtre-forum j'sais pas c'que c'est, euh, allons-y ! » Tu vois je connaissais pas du tout le théâtre-forum, mais du tout ! Mais en fait je me suis rendue compte que j'avais déjà part..., enfin déjà vu du théâtre-forum à un autre moment, et que…, avec une autre compagnie, en fait. Quand elle m'a dit théâtre-forum : « Ben oui, j'connais, j'ai déjà été voir une autre compagnie qui faisait du théâtre-forum pour, euh, pour les partenaires, euh, par rapport à la maltraitance des personnes âgées en institution. » Donc ils font leur..., ils font leur théâtre et tout, et pis après ben ils font leur forum machin. Pis bon ben comme moi, euh, qui hésite pas à parler devant tout le monde et qu'il faut toujours que j'la ramène, parce que quand j'ai quelque chose à dire faut qu'j'le dise c'est plus fort que moi ! Même si je savais qu'la conséquence c'était de montrer sur scène et..., t'as beau l'savoir que la conséquence c'est ça, mais voilà moi j'ai un truc à dire j'le dis, donc j'me..., c'est à dire, un truc, je sais plus quoi : « Ben vous venez jouer » Aaaah ! Et là, euh, j'suis devenue rouge et une collègue qui dit : « Allez vas-y et tout, c'est une bonne idée ! » Et puis ben voilà j'y suis allé et, euh, voilà j'me suis retrouvée à remonter sur scène et en fait j'me rends compte que j'adore ça malgré ma timidité. Donc voilà, j'ai fait mon machin. Quand elle m'a expliqué ce qu'était le théâtre-forum, j'ai dit : « Ouais, j'connais, j'trouve ça sympa, allons-y ! » Donc l'idée c'était, euh, l'idée du théâtre-forum c'était, euh, attend, euh, les personnes qui sont seules avec des enfants, comment faire pour trouver un emploi ? C'était un truc de ce style-là. Donc y avait cette idée-là. Et donc c'était forcément pour les femmes du RSA135 ! Et ce que je ne supporte pas, c'est…, et ça c'est aussi une forme de 135 RSA : « […] [R]evenu de [S]olidarité [A]ctive […], qui a remplacé le RMI (Revenu Minimum d’Insertion), est une prestation destinée à assurer à des personnes sans ressource ou disposant de faibles ressources un niveau minimum de revenu variable selon la composition de leur foyer. Le RSA est ouvert, sous certaines conditions, aux personnes âgées d’au moins 25 ans et aux personnes âgées de 18 à 25 ans si elles sont parents isolés ou si elles justifient d’une certaine durée d’activité professionnelle. » Source : http://vosdroits.service-public.fr/N19775.xhtml 62 manipulation, c'est qu'on nous demande de faire des listes. « Qui vous verriez dans ce théâtre-forum ? » J'dis : « Mais non ! Pourquoi on déciderait nous de qui va le faire ? J'veux dire, de quel droit on va décider de faire une liste. » J'dis : « Tout bénéficière du RSA, toutes les personnes qui ont des enfants et…, toutes les personnes qui ont des enfants et sont ressources faibles ou pas. » Et hop, ma liste je l'ai faite comme ça en fait. Et on en a beaucoup discuté avec les collègues pour justement essayer de faire tout ce travail. Parce qu'on voulait justement pas entrer dans leur manipulation à eux. [Rire] On parle de manipulation, de faire une liste de ce que nous on sentait en disant : « Ben oui, celle -là elle peut, celle-là elle peut pas, celle-là j'la vois, celle-là j'la vois pas. » Enfin voilà ça, c'était pas…, c'était pas possible pour…, pour moi et pour mes autres collègues on..., on était deux à penser ça et on a réussi à bien faire comprendre aux autres que c'était mieux de c’qu'on dit. [Rire] Manipulation là aussi ! En tout cas ça a marché et puis aussi ce qui était intéressant c'est que, c'qu'on disait aux gens c'est…, parce que le mieux c'est que tu parles de théâtre aux gens, tout de suite : « Ben non euh, j'fais pas ! » C'est comment on l'a amené, justement, euh, pour amener ces gens à..., à adhérer à ce projet, euh, on a fait nous une journée justement de..., d'être, enfin on nous a demandé comme formateur, en tant que formateur, enfin j'sais pas comment on dit, en tant que travailleurs sociaux, on nous a demandé de faire une journée avec N****. Donc ils venaient pour nous faire découvrir le théâtre-forum. Donc nous expliquer comment une journée…, et puis pratiquer. Voilà ! Donc le fait de le faire c'est beaucoup plus…, j'me suis rendue compte que c'est beaucoup plus facile d'expliquer à..., aux personnes, quand toi-même tu l'as fait. Mop : Hum. Cécile Volanges : Déjà ! Et ce qui est vraiment intéressant c'est qu'on disait qu'il n'y avait aucune obligation parce qu'on avait l'impression là-haut qu'ils voulaient qu'on mette une obligation, tu sais dans le cadre du RSA, t'es obligé de... machin. Donc nous…, j'étais pas pour que ce soit obligatoire. Ça a été très compliqué, tout le monde n'a pas réussi, nous on a réussi alors tant mieux. Euh, c'était pas obligatoire mais ce qu'on leur demandait c'est d'venir faire un essai. En disant : « Ben nous on a fait l'essai, faîtes et voyez si ça vous plait. Si ça vous plait, vous continuez, si ça vous..., si vous le sentez pas, ça vous plait 63 pas, vous le faites pas. » Et ça, c'est un truc qu'on a été obligé de défendre auprès de nos supérieurs pour imposer ça. Parce qu'ils voulaient pas. Et que nous ça nous semblait important qu'ils choisissent. Que ce soit pas parce que tu es obligé, parce que t'es dans le système du RSA, de le faire. Ça veut dire que toutes les personnes qui ont fait ça ont choisi. Je sais pas si on peut dire choisir, parce que..., si ils ont choisi... si ils ont choisi de continuer l'aventure. Voilà ! Mop : D'accord. Cécile Volanges : C'était quoi ta question ? Mop : Et comment tu as rencontré N**** [Inaudible] Qu'est-ce qui a fait que tu as adhérer, d'après toi, à cette forme de théâtre particulière ? Cécile Volanges : Ah ouais, je sais. Mon côté revendicateur. Mon côté de pouvoir dire, euh : « Ouais j'y crois encore ! » On peut faire autrement, la vie c'est pas comme-ci comme ça, euh, oui ça s'passe mal des fois mais alors le fait de dire : « Bon comment on pourrait faire autrement ? Ah ouais, c'est une super idée, euh, réfléchissons ensemble de comment on va pouvoir faire autrement. » Ça, ça c'est le truc qui m'attire. Mop : D'accord. Donc pour résumer, euh, ça représente quoi le théâtre-forum pour toi ? Si tu devais faire un résumé de c'est quoi le théâtre-forum pour toi ? Juste pour toi. Cécile Volanges : Alors pour moi c’est le côté, euh, ouais c'est mon côté…, c'est mon côté rebelle, euh, pas d'accord sur ce qui se passe dans la société, et pouvoir le dire avec, euh, sans agressivité. Pouvoir le dire en démontrant pourquoi, euh, pourquoi c'est pas une bonne chose, enfin, je sais pas si j'suis claire là. Mop : Si, très claire. Cécile Volanges : Ça va ? Mop : T'inquiète pas, très claire. Cécile Volanges : C'est pas évident hein ? Mop : Oui, c'est pas évident. 64 Cécile Volanges : Ouais mais y'en a marre ! [Rire] Mop : Marre ? Cécile Volanges : Ouais mais j'aime bien réfléchir dans ce sens-là. Mop : Mais c'est parce que c'est pas [inaudible], donc pour toi en fait c'est un espace de liberté revendicative où tu peux dire ce que tu as envie de dire sans te sentir agressive vis-à-vis des gens à qui tu as besoin de le dire ? Cécile Volanges : Voilà, et sans l'imposer aux autres. Et en passant en, plus par l'humour. Parce que j'adore dans le théâtre-forum et j'm'en suis rendue compte en faisant le projet national, beaucoup plus que ce qu'on avait fait, euh, avec N**** au niveau du boulot, c'est qu'il y'a vachement d'humour, et moi, euh, l'humour pour moi c'est quelque chose de primordial de la communication. Voilà. Mop : D'accord. Donc voilà ma prochaine question : comment en es-tu venu à faire le projet « [Les démolisseurs] » ? Cécile Volanges : Euh Mop : Est-ce que tu avais déjà fait un projet avec eux avant ? Cécile Volanges : Jamais ! Mop : C'est le premier projet national auquel tu participes ? Cécile Volanges : Oui, je savais même pas que ça existait en fait, ben c'est [La Présidente de Tourvel] qui m'a proposée, elle m'a dit : « Ben tu sais, on fait du projet national qu'on fait sur [P****], euh, viens voir ! » Euh, j'me suis dit : « Ben ouais, j'vais aller voir » et puis moi j'aime bien les nouvelles rencontres, j'aime bien rencontrer plein d'autres personnes et, euh, et elle m'a dit « Voilà, les gens viennent de partout, euh, c'est de diff..., enfin..., tous de milieux différents. On est tous autour d'un projet » et j'aimais bien c’t’idée ? En fait de venir de partout, d'être tous différent et de travailler dans un projet en commun. Et j'me suis dit : « J'vais aller voir ! » Sans m'dire si je..., j'ai dit à [La présidente de Tourvel] : « Ben ouais, pourquoi pas, j'vais venir voir. » Mais je savais pas encore si j'allais suivre ou pas. Et puis en fait, euh, voilà, j'l’ai fait. Mop : Tu l'as fait. 65 Cécile Volanges : Et j'ai adoré ! Mop : T'as adoré. Cécile Volanges : Ah ouais mais c'est un peu ce que j'ai un peu dit dans le, dans la conclus... tu sais quand on a fait le bilan ? Mop : Ouais Cécile Volanges : Moi ce qui m'a vraiment touché c'est cette solidarité. J'ai été touchée par ça. Euh, même quand j'en parle, j'ai encore de l'émotion. Tu vois parce que vraiment, euh, travailler dans le social et parler tout le temps de solidarité et voir que ça n'existe pas et plus tu en parles moins c'est là. Euh, là j'ai vu, on en parle pas, mais j'l’ai vu, tu vois, j'l’ai vue physiquement cette solidarité, j'l'ai vue. Ah ! Ben c'est ça la solidarité ! Tu vois quoi, et ouais, ça m'a vraiment touché et au plus profond de mon cœur et ouais c'est ça qui me..., euh, qui m'a dit : « Faut continuer parce que c'est intéressant c'qui se passe. » C’est un truc qui, qui t'a porté, qui..., qui... que..., tu peux aussi apporter des choses aux autres et puis en plus tu peux t'occuper de choses. Mop : Alors quelle influence a sur toi le fait d'avoir pratiqué comme ça pendant plusieurs mois sur une longue période du théâtre-forum ? Tu étais là au début du projet ? Sur les 10 conférences, tout ça, tous les..., tout le... Quelle influence ça a eu sur ta vie ? Sur toi, sur ta vie, sur ton quotidien, sur ton travail peut-être, tu vois ? Enfin euh... Cécile Volanges : Ouais alors, euh, déjà sur moi ça m'a appris beaucoup de choses. Toutes les conférences, hein, j'découvrais [inaudible] et j'avais beau connaître tout ça dans mes études, euh, là, euh : « Ah ouais, ah d'accord ça marche comme ça ! » Et puis voilà, j'ai appris plein de trucs, c'est génial au niveau de..., j'connaissais pas, enfin la SCOP136 et tout ça, y’a plein de truc que je connaissais pas, euh, et donc j'ai appris plein de choses. Et ça j'adore. J'ai 136 SCOP : « Les Scop, Sociétés coopératives et participatives, désignent les entreprises à statut Scop (Société coopérative [ouvrière] de production) et à statut Scic (Société coopérative d’intérêt collectif). Soumises à l’impératif de profitabilité comme toute entreprise, elles bénéficient d’une gouvernance démocratique et d’une répartition des résultats prioritairement affectée à la pérennité des emplois et du projet d’entreprise. » Source : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html 66 adoré les conférences pour ça. J'ai adoré aussi les conférences parce que en fait c'était pas, euh, on apprend… [Le téléphone sonne] attend excuses moi... Mop : Vassy, on va faire une pause. Fin de la 1re prise 2e prise137 Mop : C'était les influences. En quoi le... Cécile Volanges : On est sur les apprentissages, c'est ça ? Mop : Là tu as parlé d'apprentissages, on est sur les influ... En quoi ça a influencé ta vie, ton quotidien, tes relations professionnelles, [inaudible] ? Voilà. Cécile Volanges : Je vais essayer de répondre à ça. Ce que j'étais en train de dire avant de couper, c'est que ce que j'avais bien aimé aussi dans ces conférences c'est qu'il y avait, y avait pas le prof et les élèves. Tu vois, parce moi, c'que j'te disais tout à l'heure, j'étais un peu dans cette configuration et j'me rends compte le fait qu'ils sont super accessibles et qu'on soit tous au même niveau, avec chacun ses compétences, voilà, ça moi j'ai aimé. C'est une façon de..., de..., d'apprendre... [Mop rapproche le téléphone de [Cécile Volanges] T'as peur que ce soit pas assez fort ? Mop : Oui, oui [inaudible] [Rires] Non, non, c'est bon. [Inaudible] Cécile Volanges : Après, euh, en fait c'est un peu compliqué ta question. Euh. Donc ça m'a permis d'ouvrir, euh, d'ouvrir, euh, mon regard sur le monde. Voilà. De me rendre compte en fait il y avait pleins d'injustices dans le monde, bon je le savais, mais, euh, là avec ces conférences, et d'autant plus c'qu'on a fait sur la manipula..., sur, euh, la propagande. Du coup ça, ça m’a permis de me rendre compte que, euh, ben oui, euh, c'est tous les jours comme ça quoi, donc, euh. Voilà. Euh, j'sais plus trop comment expliquer parce que c'est un 137 Entretien exporté depuis Sonal (v.1.7) le 18/07/2013 à 23 :17 :43 67 peu compliqué. Mais du coup, euh, j'me suis retrouvée à être plus dans, euh, dans la pratique. Tu vois pour le thé, ben voilà j'commence à en parler à tou..., autour de moi alors que avant, euh, j'm’en occupais pas d'tout ça. Donc, du fait d'avoir, euh, vu des gens qui s'battaient pour telle et telle chose, euh, [LeurMonsieur-des-Maquis] etc., etc., du coup ça t'permet, euh, de voir les choses autrement et puis d'dire qu'y’a des combats qui valent la peine de se battre et du coup c'est bien d'en parler autour de soi. Donc voilà. Ça a changé ma vie dans le sens où j'ai commencé à m'intéresser à ces combats là et ces deux-là, parce que..., y’en a tr..., y’en a plein d'autres, mais ces deux-là que j'connaissais, qu'j'avais touché un peu du doigt. Si j'peux en discuter un peu autour de moi et dire : « Voilà, euh, vous vous rendez compte ? L'Etat, machin, et tout » le côté un peu revendic... [Inaudible, rires] qui revient et qui veut dire : « Ben, euh, moi j'aime pas les injustices ». Y’en a plein dans l'monde, je sais. Du coup ça m'touche moi, du coup si j'peux faire quelque chose pour qu'ça soit moins injuste, voilà, j'le fais. Mop : D'accord. Cécile Volanges : Voilà, ça répond ? Mop : Ouais, c'est, euh..., je..., c'est toi qui a la réponse, c'est pas moi hein ! Cécile Volanges : Ouais mais ça répond assez, enfin, euh... Mop : Ça, ça répond assez, oui. Oui, oui, c'est clair, on est dans comment ça t'influence dans ta vie, voilà. Cécile Volanges : Alors ça... Mop : En fait c'est l'art de..., d'un seul coup tu t'es sentie beaucoup plus impliquée sur des actions... Cécile Volanges : voilà ! Mop : ... que tu n'aurais pas forcément eu cette implication si t'avais pas participé à du théâtre-forum. Cécile Volanges : C'est ça. Un autre regard en fait sur la vie. Mop : D'accord. 68 Cécile Volanges : Et dans l'monde, dans l'monde du travail, dans..., là où je travaille, euh, ça m'a permis aussi de, euh, de dire…, j'étais déjà un peu comme ça, mais j'dirai un peu plus : « Non mais vous laissez pas faire quoi. Non mais on n’est pas obligé de dire oui à tout ! » En fait, les travailleurs sociaux, on a tendance à dire : « Oui, oui, oui, oui, bon d'accord » [Inspiration] C'qui nous fait dire : « Mais attendez ! Mais attend ! Y’en a d'autres là, on leur a imposé des trucs, ils s'battent et tout. » Donc du fait de rencontrer d'autres personnes, de d'autres départements et c'est d'dire aussi aux collègues : « Mais attendez on n’est pas tout seuls, euh, ça s’est passé comme ça mais faut quand même se battre un minimum. » « Non ça marche pas. » Ça a pas du tout marché ! [Rires] J'ai pas du bien les manipulés. Mop : [Rires] Cécile Volanges : Ça a pas du tout marché parce que c'était : « Non, non, mais arrêtes de t'battre, de toute façon on peut pas s'battre contre eux, euh, on s'tait, pis on fait comme ils disent et pis on fait comme on veut. » Oui, bien sûr ! Mop : [Rire] D'accord. Cécile Volanges : Parce que c'était aussi de m'dire que j'étais pas toute seule dans le département, y’a eu déjà ce problème, euh, là, de restructuration comme ils appellent. De m'dire : « Ben voilà ailleurs ça..., c'est..., ça s’est passé aussi, c'était compliqué, on peut essayer de se servir un peu de c'qui s'est passé ailleurs pour dire : « voilà, on peut essayer d' faire autrement. » » C'est compliqué. Mop : Ouais. Cécile Volanges : C'est plus facile dans sa vie perso que dans sa vie professionnelle. Voilà Mop : Bon, euh, moi j'pense qu'on…, on a fait un peu le tour. Maintenant j'aimerai que tu me donnes une définition de la manipulation. Cécile Volanges : Ben moi c'est plus une..., enfin avant de parler avec toi, c'était plus une définition négative tu vois. C'est, euh, euh, emmener l'autre à faire c'que toi t'as envie. Alors j'sais pas pourquoi c'est négatif pour moi mais 69 c'est la connotation de manipulation qui est négative pour moi. Si tu m'dis : « influence », j'vais t'dire la même chose, c'est du négatif. Mop : Donc voilà, l'influence alors ? Cécile Volanges : C'est pareil ! Emmener l'autre à faire que c'que t'as envie. Mop : Mais, ça a un côté plus positif ? Cécile Volanges : Ben je trouve, ouais, au niveau du mot. Mop : Que, euh... Cécile Volanges : Manipulation pour moi, ça a une connotation super négative. Mop : Et t'as l'impression qu'c'est un méchant qui euh... Cécile Volanges : OUI, qui va essayer d'te manipuler comme une marionnette pour faire c'que toi t'as pas envie. Soit t'influence, mais dans l'bon sens, parce que c'est toi qui veux et hop, tu vas influencer la personne pour lui démontrer que ben si c'que tu veux c'est une bonne idée. Tu vois. Alors que manipuler moi j'ai l'impression qu'c'est plus, moi, euh, on va m'manipuler, euh, comme une marionnette pour arriver à m'faire faire c'qu'ils veulent, voilà. Mop : Alors si je te dis qu'on ne manipule pas les gens qui ne sont pas consentant. Cécile Volanges : Alors là, je dis merde ! [Rires] Mop : [Rires] Cécile Volanges : Ah non là, ça va pas. Parce que du coup ça veut dire que si on arrive à me manipuler c'est qu'j'suis d'accord ! Ah oui, là ça me pose, euh, [Rire,] un..., un problème [Rire].Ah ouais, euh, ben là je sais…, je sais plus quoi dire parce que [inspiration], euh. [Souffle] Alors je vais réfléchir à ce que tu viens de dire là. Parce que, pour moi si, euh, si j'me fais manipuler, euh, c'est malgré moi. Tu vois ? J'ai toujours eu le sentiment, mais c'est mon sentiment à moi, hein, que j'te donne, hein ? Mop : Ouais, ouais. 70 Cécile Volanges : Toujours eu le sentiment que j'ai toujours réussi à pas trop me faire manipuler. A, euh, à arriver tout de même à force que j'veux faire mais en conciliant en fait c'que l'autre veut. Tu vois ? Mop : Ouais, ouais, je vois. Cécile Volanges : Donc du coup, euh, on…, on ne manipule pas la personne qui veut pas. Maintenant en m'disant ça j'me dis c'est pas faux parce que du coup, euh, on a…, enfin, [Inaudible, « l'influence »?138] c'est plus une, euh, un échange et des concessions de part et d'autre qui font qu'on arrive à faire, euh, plus ou moins c'qu'on a envie et tout en [Inaudible] civilisé. Ça va ? Des fois j'dis genre des trucs ! Mop : Ça va, c'est très..., c'est claire, t'inquiète pas. C'est bien. Cécile Volanges : Voilà. Mop : Bon, et bien merci. Cécile Volanges : C'est fini ? Mop : C'est fini, T'en veux d'autre ? [Rires] Cécile Volanges : Oh ! [Rires] Fin de l’entretien Nous pouvons constater deux choses dans l’exemple qu’apporte ce chapitre. La première est qu’il m’a fallu m’adapter aux outils dont j’avais besoin pour le rédiger. J’ai un niveau moyen d’utilisation de l’ordinateur. Je sais me servir des outils simples comme le traitement de texte ou les tableurs comme d’outils plus complexes comme le traitement d’image, de son et de vidéo. C’est connaissances sommaires, je les ai acquises en utilisant l’outil informatique et en observant et écoutant des personnes de mon entourage plus « qualifiés » dans ce domaine. Je me suis auto-formé. B****, sachant que je devais transcrire un entretien audio, m’avertit que des logiciels gratuit de transcription existe. Le fonce 138 Note du transcripteur. 71 alors sur Internet à la quête d’un de ces programmes gratuits et simples d’utilisation. Mon choix, influencé par les commentaires d’internautes utilisateurs se porta donc sur Sonal. Après, quelques manœuvres, je sus le « manipuler » aisément. Malheureusement l’enregistrement en format AMR que Mop m’a donné n’est pas reconnu par le lecteur du logiciel. Je repars donc à la quête d’un logiciel qui me permet de convertir en format audible le fichier. Et ainsi de suite jusqu’à l’obtenir au format adéquat. Il m’a donc fallu, pour pouvoir écrire ce mémoire, apprendre à manipuler de nouveaux outils. Mais manipule-t-on le virtuel ? La deuxième chose que nous pouvons constater est l’influence flagrante avec laquelle Mop interroge Cécile. En commençant par des questions générales, parlant de passions, faisant appel à des émotions vécues – par la danse, le théâtre, l’écriture – il emmène Cécile sur le thème qui l’intéresse et sur lequel il lui demande son avis. Il utilise, comme pour un jeu, la technique du détournement. L’objectif principal de Mop n’était pas de connaître l’opinion de Cécile sur la manipulation, mais bien de comprendre le mécanisme manipulatoire qui l’a faite participé au projet de N****. De plus, le fait de reformuler les idées de Cécile participe à la manipulation : cela la met en confiance et lui donne le sentiment d’être comprise. La reformulation réconforte, nombre de coaches utilisant la PNL vous le diront. Ainsi Mop peut l’emmener sur le terrain de la manipulation sans qu’elle ait de crainte – de par l’aspect négatif que revêt le terme manipulation dans le langage courant – et joue avec l’engagement de Cécile pendant l’entrevue pour arriver au bout des questions qu’il a préparées. Sans cela, aurait-il obtenu ce qu’il voulait ? La question reste ouverte. 72 139 « Y en a qui »140 M anipuler est une pratique du quotidien en formation. D’abord, nous avons vu comment Mop, en tant que comédien-formateur utilise des procédés manipulatoires pour obtenir l’engagement des participants – en utilisant notamment « l’effet de gel » – et pour décrocher des contrats – grâce à « l’effet de halo » et à la technique de la « porte-au-nez ». En envisageant l’aspect pragmatique du métier de formateur, nous avons abordé la manipulation de nouveaux outils à laquelle doit se confronter le formateur. Ensuite, nous l’avons observé lors de sa formation et nous avons analysé comment – grâce aux principes du conditionnement, des associations d’idées et de l’opposition simpliste – il a réussi à se faire élire délégué, à ne pas participer à un exercice de théâtre au vu de tous et à imposer un sujet au groupe. En faisant un tour du côté des institutions, nous avons découvert comment elles utilisent l’information, la persuasion et l’engagement et pour notamment amener Mop, tout comme 139 Jérôme PLAUD, Jérôme, T**** (F), 2012 © Jérôme PLAUD Yves JAMAIT, Y en a qui, Yves Jamait, (4 :24) Album : De verre en vers, auto production, 2001 73 140 Cécile141, à suivre une ligne de conduite. Puis, nous avons étudié comment la technique du « pied-dans-la-porte » et l’utilisation des émotions permettent à une compagnie de théâtre de réaliser des projets d’envergure. Enfin, je vous ai fait part de mes tribulations d’écriture et nous avons ainsi pu voir quelles manœuvres automanipulatoires une personne peut mettre en œuvre. Lors de l’entrevue entre Mop et Cécile Volanges, nous nous sommes rendu compte de l’influence des échanges entre personnes. Il semblerait dès lors que l’acte manipulatoire se conjugue à tous les temps, à tous les modes – sous sa forme pronominale ou pas – et fasse bon ménage avec tous les genres, singuliers comme pluriels. Tout au long de l’expérience qui m’a amené à aborder ce sujet, je me suis rendu compte de l’ambiguïté que ce terme possède. La manipulation renvoie implicitement à l’image d’une personne faisant montre d’intelligence qui abuse d’une personne moins éclairée. Je pense ne pas trop m’avancer en disant que les auteurs de manipulations fructueuses éprouvent un sentiment de supériorité alors que les manipulés, lorsqu’ils se rendent compte du tour joué, se sentent souvent rabaissés à l’état de marionnette. « Cécile Volanges : Manipulation pour moi, ça a une connotation super négative. Mop : Et t'as l'impression qu'c'est un méchant qui euh... Cécile Volanges : OUI, qui va essayer d'te manipuler comme une marionnette pour faire c'que toi t'as pas envie. Soit t'influence, mais dans l'bon sens, parce que c'est toi qui veux et hop, tu vas influencer la personne pour lui démontrer que ben si c'que tu veux c'est une bonne idée. Tu vois. Alors que manipuler moi j'ai l'impression qu'c'est plus, moi, euh, on va m'manipuler, euh, comme une marionnette pour arriver à m'faire faire c'qu'ils veulent, voilà. Mop : Alors si je te dis qu'on ne manipule pas les gens qui ne sont pas consentant. Cécile Volanges : Alors là, je dis merde ! [Rires] » 141 142 Cf. op. cit., p. 53 Cf. op. cit., p. 70 74 142 C’est peut-être ce concept d’intelligence lié à la manipulation qui la rend si équivoque. Pour Cécile, se faire manipuler est vécu comme une agression de l’extérieur – c’est l’intérêt de l’autre contre le mien. Par contre, quand elle parle de manipuler les autres dans son intérêt, elle nuance son propos en utilisant le mot « influence » – mon intérêt doit devenir l’intérêt de l’autre. Et au moment où elle apprend que la manipulation ne peut pas avoir lieu sans le consentement de l’autre, sa réaction m’éclaire : la manipulation ne consiste pas dans un acte positif ou négatif, mais bien dans un processus préparatoire à l’acte lui-même. La manipulation est donc un outil du quotidien, qui nous permet d’appréhender le monde des autres tout en essayant de l’influencer. Elle est un des processus fondamentaux de la communication humaine et permet la cohabitation des « je » dans la société. Lorsqu’Orson Welles diffusa à la radio CBS son adaptation de La Guerre des mondes de Wells143, il n’avait pas l’intention de créer le mouvement de panique légendaire de ce 30 octobre 1938. Cet exemple résonne comme une mise en garde. Certes, la manipulation est affaire de tous les jours, mais quand on se retrouve formateur – poste chargé d’une symbolique forte de domination et d’autorité tout comme l’est la radio – il faut savoir être prudent. « Tout dépend de l’usage que l’on en fait. »144 Cette citation, résonnant comme un adage, nous pose une question d’éthique. Qu’est-ce qu’un bon usage ? Welles croyait faire « bon usage » du média radio pour faire connaître une œuvre au grand public, dans un but de distraction et – je l’espère – de partage culturel. Pourtant, il s’en est suivi une suite d’accidents, de coupures d’électricité et de mouvements de panique sur la côte Est des Etats-Unis. Comment évaluer les conséquences des manipulations voulues vertueuses ? Je laisse le lecteur faire son libre choix entre les valeurs de bien et de mal auprès de philosophes aussi émérites que reconnus. Je pense qu’il est important pour un formateur d’adultes de prendre en compte la complexité du monde. La manipulation fait partie intégrante de cette complexité. Etre au courant des processus de communication complexes qui sont 143 Orson Welles, WIKIPEDIA, mis à jour le 10 août 2013, consulté le 18 août 2013, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Orson_Welles#Radiophonie 144 Fabrice D’ALMEIDA, op. cit., p. 8 75 en jeux dans la manipulation permet de les apprivoiser et contribue ainsi à modeler le monde à notre image. De façon consciente ou non, le formateur – tout comme le formé ou l’institution – a dans son escarcelle tout un tas de manœuvres et de ruses pour parvenir à ses fins, pour transformer le monde comme il l’entend. Ecrire ce mémoire m’a fait prendre conscience de toutes ces interactions complexes qui font de nous des êtres humains. L’outil est quelque fois simple, mais son utilisation peut s’avérer aventureuse. Lorsque la supercherie est dévoilée par le manipulateur, le but apparaît plus noble. C’est pour cela qu’il est important de ne rien cacher. Montrer et analyser quels sont les processus qui se mettent en place au cours d’une formation d’adultes me parait crucial pour le développement, l’émancipation et la liberté de chacun. Le théâtre est un des moyens d’y parvenir. S’il est un art qui joue de la manipulation, alors on peut s’aider des clés et des outils qu’il propose pour analyser nos habitus et permettre ainsi un accompagnement coopératif des individus dans leur accomplissement. 76 « J’me souviens plus très bien »145 *Solution du rébus de la couverture « À Rome, Caton finissait tous ses discours, même ceux qui parlaient du nettoyage des égouts de Rome, par Carthage doit être détruite : « Cartago delenda est ». Et ils ont fini par détruire Carthage. C’est simple, efficace…»146 Paris, le 20 août 2013** 145 Jeanne MOREAU, J’ai la mémoire qui flanche, Serge REZVANI, (2 :19) 45 tours/17 cm éponyme, Jacques Canetti, 1963 146 NAJE, op. cit., p. 23 77 ** « Des raisons particulières et des considérations que nous nous ferons toujours un devoir de respecter nous forcent de nous arrêter ici. Nous ne pouvons pas, dans ce moment, […] donner au lecteur la suite des aventures de [Mop], […]. Peut-être quelque jour nous sera-t-il permis de compléter cet ouvrage ; mais nous ne pourrons prendre aucun engagement à ce sujet : et quand nous le pourrions, nous croirions encore devoir auparavant consulter le goût du public, qui n’a pas les mêmes raisons que nous de s’intéresser à cette lecture. Note de l’éditeur. » 147 Pierre CHODERLOS de LACLOS, Les liaisons dangereuses. Note de l’Editeur, Paris (F), Flammarion, 1981 (1re éd. 1782), p. 379 147 78 Bibliographie Ouvrages cités D’ALMEIDA Fabrice, La Manipulation, Paris (F), Editions Presses Universitaires de France, coll. Que sais-je ? n° 3665, 2003, 125 p. BERNAYS Edward, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie (trad. BONIS Oristelle), Paris (F), Éditions La Découverte, coll. Zones, 2007, pour la version française ; Propaganda, New-York (USA), Ig publishing, 2004 (1re éd. H. Liveright, 1928), 220 p. BOAL Augusto, Théâtre de l’opprimé (trad. LEMANN Dominique), Paris (F), Editions La Découverte & Syros, coll. Poche n° 4, 2007 5ème éd. (1re éd. Libraire François Maspero, 1977) pour la version française ; Teatro do oprimido e outras poeticas politicas, Paris (F), Libraire François Maspero, 1975, pour l’original ; 207 p. BOAL Augusto, Jeux pour acteur et non-acteurs. Pratique du Théâtre de l’opprimé (trad. RIGOT-MÜLLER Virginia), Paris (F), Editions La Découverte, 2004, 4ème éd. 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Jérôme, C’est Moi, ALBERTINI Jean et GARCIA Sylvain, (2:52) 45 tours/17 cm éponyme, AZ /Discodis, 1974 CHATEL Philippe, Chanson de l’extra-terrestre, CHATEL Philippe, (3:11) Album : Emilie Jolie, RCA Victor, 1979 90 FERRE Léo, Avec le temps, FERRE Léo, (4:28) 45 tours/17 cm éponyme, Barclay éditions, 1970 FUGAIN Michel, Attention Mesdames et Messieurs, FUGAIN Michel & Le BIG BAZAR, (3:04) Album : Fugain et le Big Bazar, Columbia, 1970 GALL France, Sacré Charlemagne, LIFERMAN G. et GALL R., (2:50) 45 tours/17 cm France Gall et ses petits amis – 5ème édition, Philips, 1964 GRECO Juliette, Si tu t’imagines, KOSMA Joseph et QUENEAU Raymond, (3:11) Album : Juliette Gréco à l’Olympia, Fontana, 1956 GUILBERT Yvette, Quand on vous aime comme ça, DE KOCK Paul et GUILBERT Yvette, (2:35), Heugel, 1927 HIGELIN Jacques, Champagne, HIGELIN Jacques, (4:31) Champagne pour tout le monde, Pathé-Marconi/EMI, 1979 HK et les Saltimbanks, On lâche rien, HADDADI Kaddour, (3:44) Album : Citoyens du monde, Coopérative Music, 2011 JAMAIT Yves, Y en a qui, JAMAIT Yves, (4:24) Album : De verre en vers, autoproduction, 2001 MOREAU Jeanne, J’ai la mémoire qui flanche, Serge REZVANI, (2:19) 45 tours/17 cm éponyme, Jacques Canetti, 1963 91 NOUGARO Claude, « Cécile, ma fille », NOUGARO et DANTIN, (3:54) 45 tours/ 17 cm éponyme, Philips, 1963 Oups ! La télé est cassée !, d’après DUBILLARD Roland, Les Nouveaux diablogues, Paris (F), Gallimard, 1998, 232 p. ; adaptation Mop et K**** C****, par La Cie des P****, mis en scène par PLAUD Jérôme, avec K**** C**** (Un) et Mop (Deux), le 30 août 2001 à 20h30, Salle multimédia de J**** Passe ton bac d’abord, PIALAT Maurice, avec HAUDEPIN Sabine et MARLAUD Philippe, 1978, France, drame, 86 min. PLAUD Jérôme, « Jérôme », photo, T**** (F), 2012 © PLAUD Jérôme PLAUD Jérôme, « Mme de Merteuil », M**** (F), 2013, © PLAUD Jérôme PLAUD Jérôme, « Mémoire de bureau », P**** (F), 2012 © PLAUD Jérôme V**** AC, « Jérôme », photo, P****, 2001, © Peu Importe V**** AC, « Mop », photo, J**** (F), 2001 © Peu Importe The A-team (L’agence tous risques), HOLCOMBS Rod, LUPO Frank et CANNELL Stephen J., avec PEPPARD George, BENEDICT Dirk, Mr. T, USA, série télévisée, 1983, 48 min T**** B., Jérôme à W****, photo, W****, 2013, © Jérôme PLAUD 92 TRUST, Antisocial, BONVOISIN Bernie et KRIEF N., (5:10) 45 tours/17 cm éponyme, CBS, 1980 VIVALDI Antonio, Allegro, (4 :54) Concerto I pour violon opus 8 Les quatre saisons, La primavera. Il Cimento dell’ Armenia e dell’ Invention, 1er mvt, 4 premières mesures du 1er violon, Amsterdam (LN), Michel-Charles Le Cène, 1725 Film et autres œuvres consultées « Chomsky et Cie », in Là-bas si j’y suis, réal AKOUN Lucie et SANCHEZ Chloé, reportage de MERMET Daniel et de ANQUETIL Giv, France Inter, diffusée le mardi 15 mai 2007 à 15h, URL :http://www.la- bas.org/article.php3?id_article=1186 Compliance (Compliance), réal. ZOBEL Craig, avec DOWD Ann, SERVITTO Matt, WALKER Dreama, 2012, USA, drame/thriller, 90 min. Dangerous liaisons (Les liaisons dangereuses), FREARS Stephen, avec CLOSE Glenn, MALKOVICH John, PFEIFFER Michelle, 1988, USA/UK, adaptation/drame/historique, 120 min. De Welle (La Vague), GANSEL Dennis, avec VOGEL Jürgen, LAU Frederick, RIEMELT Max, 2009, D, adaptation/drame, 108 min. DUTRONC Thomas, « Demain », DUTRONC Thomas, (3:15) Album : Silence on tourne on tourne en rond, Universal Music division Mercury, 2011 93 GUEM & ZAKA Percussions, « piste 01 », Guem & Zaka Percussions, (5:45) Album éponyme, Le chant du monde, 1997 "Les nouvelles figures de l'imposture", in Les Nouveaux Chemins de la Connaissance, entretien avec GORI Roland, réal. PORTIS-GUERIN Mydia, animée par VAN REETH Adèle et PETIT Philippe, France Culture, diffusée le 18 janvier 2013 à 10h, consulté le 18 janvier 2013, URL : http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-laconnaissance-les-nouvelles-figures-de-l%E2%80%99imposture-2013-01-18 Suspicion (Soupçons), Hitchcock Alfred, avec GRANT Cary, FONTAINE Joan, HARDWICKE Cedric, 1941, USA, drame/romance/policier, 99 min. 94 Table des Annexes Annexe A F**** M., « L'approche existentielle dans la formation universitaire de formateur d'adultes » p. 97 Annexe B Plaquette d’information du DUFA de formateur du Collège Coopératif de P*** p. 99 Annexe C « Faut qu’on en parle…Demain. La procrastination » p. 103 95 Annexe A L'APPROCHE EXISTENTIELLE DANS LA FORMATION UNIVERSITAIRE DE FORMATEUR D'ADULTES Par Mehdi F [****] Depuis sa création il y a trente ans à l’Université […], la formation DUFA (Diplôme Universitaire de Formateur d’Adultes), n’a pas cessé d’accentuer son projet pédagogique dans le sens d'une prise en considération de l'inachèvement de l'homme148, de l'importance des interrelations et de l’affectivité dans la formation, sans nier pour autant le rapport au savoir formel et constitué. D’une durée de 900 heures (580 heures d’enseignements en salle et 320 de stage pratique), ce DUFA débouche sur un diplôme de niveau Bac+3 permettant ensuite une inscription en troisième étape de DHEPS (Diplôme des Hautes Etudes en Pratiques Sociales) ou en Master 1 de Sciences de l’éducation à l’Université […]. Depuis plusieurs années, ce DUFA est conjointement géré en partenariat par le Collège Coopératif […], organisme de formation supérieure pour adultes créé en 1959 par Henri […], l’une des figures importantes de la pédagogie pour adultes, et par […]. Plusieurs raisons ont motivé la mise en place de ce partenariat : 148 Plusieurs membres de l’équipe pédagogique de ce DUFA étaient déjà intervenants aussi bien à Paris VIII qu’au Collège Coopératif […] ; La consolidation des principes fondateurs du DUFA par une démarche partenariale ; Depuis plus de 50 ans, en effet, toutes les activités de formations et de recherches du Collège Coopératif […] sont animées par des principes tels que : la reconnaissance, la validation et la valorisation des acquis de l’expérience, l’approche dynamique et existentielle de la formation, la nécessité du changement et du développement des individus, des pratiques et des pays par la démarche de recherche-action, la place privilégiée accordée à chaque adulte en formation considéré alors comme le sujet principal de la formation ; L’enrichissement de l’équipe pédagogique par celle de l’équipe collégiale ; Cf. LAPASSADE (G.), L’entrée dans la vie. Essai sur l’inachèvement de l’homme, Paris, 1963 96 La possibilité d’offrir la formation DUFA à un plus grand nombre d’adultes en proposant deux promotions par an ; La possibilité de faire une connexion entre le DUFA et d’autres formations, notamment le DHEPS (Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales, niveau Bac+4). Chaque année nous recevons environ une centaine de candidatures parmi lesquelles nous n’en retenons qu’une vingtaine par promotion, après un examen sur dossier et un entretien approfondi des motivations de chaque candidat (e). Parmi les critères les plus significatifs d’admission, nous privilégions l'expérience professionnelle et/ou bénévole, la richesse existentielle, le niveau de diplômes (bac + 2), la diversité ethnique et culturelle, l'éventail des âges, l'équilibre hommes/femmes, le degré des motivations, l'intérêt pour l'implication existentielle dans la formation et la remise en question de soi, l'ouverture intellectuelle et artistique, sans oublier le financement de la formation. La formation s'étale sur huit mois (cinq mois de cours à temps plein, deux mois de stage pratique et enfin la rédaction du mémoire). Plus de 50 intervenants enseignent dans ce DUFA. Ils viennent de l'Université [ …], du Collège Coopératif […], d'autres Universités françaises et étrangères, ainsi que du milieu professionnel de la formation des adultes. Parallèlement, un groupe restreint d’intervenants travaille ensemble de façon plus étroite et soutenue depuis plus de 15 ans constituant une « équipe » ayant produit une philosophie particulière de la formation d’adultes et un projet éducatif fort, qui charpente les axes principaux de ce DUFA. 97 Annexe B 98 99 100 101 Annexe C Faut qu’on en parle… Demain - La procrastination 15h-16h30 56, rue du R**** – P*** Déroulé Temps -1:00:00 Arrivée de G**** H. : 14h environ 14h00 – 14h30 - Accueil de G**** - Briefing U****, G**** & Mop (bureau) Temps -0:30:00 14h30 à 15h - Mise ne place des chaises de bar, des clés USB et vidéoproj - Briefing U****, Mop, G****, W****, A****, S**** et la technique - Mise au point de la technique avec G**** pour les slydes Début supposé de l’intervention : 15h Fermeture des portes. Extinction des cigarettes, serrage de ceinture. Personne sur le plateau Ça décolle !! Temps 0:00:00 A**** B. - Mesdames et messieurs, bonjour. - Maintenant la suite de notre programme avec notre émission « Faut qu’on en parle… », co-aminée par U**** Thomas et Mop Delarue. - Une émission spéciale aujourd’hui car une personne du public pourra, si elle le désire, participer à une démonstration en direct d’un accompagnement par notre invité. - Voici donc « Faut qu’on en parle… » - Demain – La procrastination - Je vous souhaite une bonne fin d’après-midi (Pour s’inspirer, aller voir : http://youtu.be/GXJr0vWFg88) Noir Vidéo : 1 - Générique début – 0:00:54 Lumière - Les deux présentateurs entrent. U**** & Mop - Mesdames, Messieurs, bonjour ! - Bonjour U****, Bonjour Mop Mop - Bienvenus en direct à notre émission « Faut qu’on en parle… ». 102 - A l’occasion de la journée internationale de la procrastination, le thème qui sera abordé en cette fin d’après-midi sera donc : demain - la procrastination. U**** - La procrastination, est en effet la tendance à tout remettre au lendemain, à ajourner, à temporiser les choses que l’on doit faire. - Nature humaine ? Mauvaise habitude ? Vice ? Paresse ou fainéantise ? - Où plus sérieusement symptôme d’une névrose ? Pour répondre à ces quelques questions, et à bien d’autres, nous allons, au cours ce séminaire faire appel à notre expert : Monsieur G**** H. ! (applaudissements, G**** H. entre) Mop - G****, Bonjour, vous êtes Consultant, formateur, coach certifié et conférencier, codirigeant associé du Cabinet C**** basée à P**** et à L**** et délégué régional de l'European M**** & Coaching C**** en charge des dispositifs solidaires. - Nous avons fait appel à vous comme expert en relation d’aide afin de nous éclairer sur les causes, les manifestations, les conséquences et l’accompagnement, plus précisément sur la posture de que devrait adopter l’accompagnant pour sortir de la procrastination. - Vous pourrez bien sûr intervenir à tout moment, et vous avez accepté de nous faire une démonstration en direct d’un accompagnement avec un(e) volontaire du public. U**** - Avant de vous diffuser un reportage réalisé dans les rues de P****, nous allons vous présenter nos invités : - Mme W**** C. ! (applaudissements, W**** entre) - W**** bonjour ! - Vous avez 38 ans, êtes mariée, mère de famille de 4 enfants, formatrice dans le commerce et actuellement en formation au Collège Coopératif de P**** pour préparer un DUFA de formateur. - Vous nous avez confié que vous procrastiniez et accepté de témoigner en direct sur le malaise que cela provoque chez vous et dans votre entourage. Mop - Nous accueillons également M. S**** N. ! (applaudissements, S**** entre) - S**** bonjour ! - Vous avez 35 ans, êtes marié, sans enfants, êtes responsable de magasin d’une chaîne de Pizzas bien connu et vous êtes également en formation au Collège Coopératif de P**** pour préparer ce même DUFA. - Vous avez voulu vous exprimer sur votre procrastination et les avantages que vous en tirez dans votre vie de tous les jours, aussi bien professionnelle que personnelle. U**** Enfin, nous avons le plaisir d’accueillir Mme A**** D. ! (applaudissements, A**** entre) - A**** bonjour ! - Vous avez 35 ans, êtes célibataire, mère d’un petit garçon, conseillère à l’emploi et la formation et vous aussi, suivez la formation du Collège Coopératif avec vos collègues. - Contrairement à vos collègues, vous ne procrastinez pas et êtes venue témoigner de la difficulté de vivre et de travailler avec des procrastinateurs, ou trices. Mop - Les présentations étant faîtes, nous allons maintenant diffuser notre reportage d’une dizaine de minutes. - Nous sommes allés dans le **e arrondissement de P****, autour de la place de la R****, pour collecter quelques témoignages sur la procrastination. U**** - A tout de suite ! Temps 0:15:00 103 ATTENTION !! Top vidéo après noir Vidéo : 2 - Reportage - 0:12:48 Lumière Temps 0:30:00 Mop U**** G**** U**** G**** U**** W**** Mop W**** Mop S**** U**** S**** U**** A**** Mop - G****, je me tourne vers vous. Avez-vous des commentaires à faire sur ces témoignages ? Quelles sont les remarques que vous pouvez faire sur ces personnes ? Sur leurs visions de la procrastination ? … Quels sont les signes de la procrastination ? … Merci G****. Maintenant, passons à nos invités. W**** rebonjour – Rappel biographique – 1ère question : Comment procrastinez vous ? Que faîtes-vous pour repousser au lendemain ce que vous avez à faire ? ... 2ème question : Pourquoi, selon vous, procrastinez-vous ? (voir les « peurs » et autres causes) … Merci W**** pour votre témoignage. Passons maintenant à vous S**** ! – Rappel biographique1ére question : Comment procrastinez-vous ? … 2ème question : Quels bénéfices vous apporte la procrastination, dans votre vie privée, dans votre vie professionnelle ? … Merci **** ! Nous allons terminer par A****. – Rappel biographique1ère question : Connaissez-vous beaucoup de procrastinateur ? Dans votre vie privée, d’un point de vue professionnel ? … 2ème question : En quoi leurs comportements vous handicapent, vous énervent ? 104 - Sont-ils des « boulets » pour vous ? A**** - … Temps 0:45:00 Mop G**** U**** Merci A****. Je me retourne maintenant vers G****. Quelles sont vos réactions face à ces témoignages ? … Quelles sont les causes de la procrastination ? (c’est la question qui fait transition sur ce que G**** - va présenter) G**** - … Présentation de G**** SLYDES PowerPoint (à voir avec G****) Exercice avec volontaire du public (à voir s’il y a volontaire ou pas) Lancer et/ou relancer le débat si besoin Questions éventuelles pour le débat La procrastination est-elle due à une psychopathologie ? Est-ce culturel ? A-t-elle un rapport avec l’époque, est-ce générationnel ? Peut-elle être considérée comme une protection face au productivisme et la vie effrénée de nos sociétés ? Le retour en force de ce mot a-t-il un lien avec la crise ? La multiplication, notamment sur internet, de « spécialistes, coach et psychothérapeutes en tout genre » en est-elle un signe ? Ne culpabilise-ton pas les gens avec la procrastination ? La procrastination n’est-elle pas un élément de la construction de l’individu ? Quelle posture d’accompagnement pour sortir de la procrastination ? Temps : 1:30:00 U**** - Voilà que se termine notre émission d’aujourd’hui. - Il ne nous reste plus qu’à applaudir et remercier : o G**** o W**** , A**** , S**** , o (si il y a eu) le (la) volontaire pour son aimable participation partagé entre U**** et Mop o la technique o et bien évidemment notre cher et fidèle public ! Mop Nous nous retrouvons la semaine prochaine pour un nouveau plateau et un nouveau thème qui sera ... à inventer sur place U**** & Mop - Au revoir U****, au revoir Mop - Et à la semaine prochaine ! Noir Vidéo : 3 - générique fin - 0:02:43 Lumière 105 Table des matières Remerciements p. 3 « Avertissement de l’Editeur » p. 4 Sommaire p. 5 « Si tu t’imagines » p. 6 « Oui, Jérôme c’est moi » p. 8 « Attention Mesdames et Messieurs » « Comment tu t’appelles ? » « Viens voir les comédiens » p. 18 p. 20 p. 23 « Rosarum, rosis, rosis » « Le Bon-Dieu sans confession » « Quand on vous aime comme ça » p. 25 p. 27 p. 31 Interlude « Une opératrice va vous répondre » p. 34 p. 35 « Sacré Charlemagne ! » « Antisocial tu perds ton sang froid ! » « On lâche rien ! » p. 38 p. 40 p. 44 « Céci-ile » Entretien avec Cécile Volanges p. 51 p. 52 « Y en a qui » p. 74 « J’me souviens plus très bien » p. 78 Bibliographie p. 80 Table des annexes p. 96 Annexes p. 97 Table des matières p. 106 106