
T W Toronto Working Papers in Linguistics 25: 30–38
P L Copyright © 2005 Adel Jebali
Les pronoms clitiques nominatifs du
perfectif en arabe standard: vers une
analyse lexicaliste*
Adel Jebali
Université du Québec à Montréal
Le statut des clitiques nominatifs attachés aux verbes perfectifs en arabe
standard est ambigu. Si certains auteurs considèrent ces clitiques comme
étant de vrais pronoms réalisés en position sujet, d’autres les considèrent
comme de pures flexions d’accord. Dans cet article, nous présenterons les
deux courants de pensée qui sont formés autour de cette question :
l’approche syntaxique par déplacement, exemplifiée par la théorie de
l’incorporation, et l’approche affixale. Nous montrerons l’inadéquation de
la solution syntaxique et nous défendons et appuyons la solution affixale.
Les clitiques nominatifs clitisés aux verbes perfectifs ont le statut
morphosyntaxique de marqueurs d’accord et ils sont générés à la base par
des règles morphologiques plutôt que par des règles syntaxiques.
L’approche qui en résulte est une approche lexicaliste forte.
1. Introduction
En arabe standard, les clitiques nominatifs8 attachés aux verbes perfectifs9 présentent des
propriétés syntaxiques et morphologiques compatibles avec deux statuts possibles: le statut
de pronom clitique (Lumsden & Haleform 2003; Fassi Fehri 1993, 1996) et le statut de
flexion d’accord (tradition grammaticale, Shlonsky 1997 et Eloussfourri 1998). Cette
indécision est explicable à la lumière de l’asymétrie qui caractérise le système de l’accord
verbe/sujet. C’est donc après avoir présenté cette asymétrie que nous allons présenter les
deux approches citées ci-dessus. Nous commencerons, dans un premier temps, par présenter
l’analyse de l’incorporation, qui est un exemple de la première approche. Nous présenterons,
par la suite, l’approche affixale, qui propose une solution aux problèmes qu’a connus la
théorie de l’incorporation. Nous finirons par exposer notre propre analyse qui appuie
l’approche affixale. Nous y apporterons de nouveaux arguments basés sur l’étude des
phénomènes de redoublement et nous la pousserons vers une approche complètement
lexicaliste.
* Je remercie Louisette Emirkanian pour son soutien tout au long de ce travail. Grand merci, également, à la
Faculté des Sciences Humaines de l’UQAM, qui a financé, en partie, notre contribution au colloque de la NLS.
8 Nous allons nous référer à ces clitiques par un terme plus ‘neutre’ dans ce travail : les morphèmes de l’accord
riche, pour éviter la confusion qui entoure l’utilisation du terme ‘clitique’ dans ce contexte.
9 L’arabe distingue le perfectif de l’imperfectif, une distinction aspectuelle et non temporelle. Le perfectif
exprime une action achevée et n’a pas de modes de conjugaison. L’imperfectif exprime le fait que l’action est
en train de se réaliser et comporte trois modes : l’indicatif, le subjonctif et le jussif (ou l’apocopé).