Ce cahier jette sur l’hiver comme sur nos spectacles un
peu plus de lumière. Joëlle Bond, comédienne, auteure
et commissaire de ces pages, nous propose une façon
réjouissante d’aborder ces œuvres qui souvent, grâce
à leur humour, flirtent avec la légèreté. Mais en réalité,
quand on s’y abandonne, ces spectacles affichent tous
sous le rire ambiant le courage infléchissant qui naît du
tragique. Il y a donc dans cette récréation littéraire plein
de détours pour y faire son chemin.
Mais qu’y a-t-il sur nos scènes et dans ces pages en cet
hiver 2017 ?
L’eau. Murdoch et Norvège ont figé au fond de l’eau une
histoire d’amour intemporelle que rend plausible deux
choses, d’abord l’adolescence, ce tremblement éphémère
et puissant, puis la fiction, ce projecteur sur nous-même
qui intensifie si bien le réel. Dans nos pages, le metteur
en scène Benoît Vermeulen et le comédien Benoît Landry
tracent le parcours d’ASSOIFFÉS tandis que le journaliste
Philippe Couture nous dessine un portrait de son auteur
Wajdi Mouawad. Pour l’occasion, Marc-Antoine Cyr
imagine Michel Tremblay, qui comme Murdoch, vivrait
dans la fiction de ses personnages.
Le ciel. Ti-gars, à la conquête de lui-même, rencontre les
éléments qui sont là au bout de ses doigts. En mettant
les pieds dans LE LAC AUX DEUX FALAISES de Gabriel
Robichaud, nous posons notre regard vers le haut.
Maxime Robin évoque pour nous un peu de ce réalisme
magique.
L’esprit. Celui du mot, celui de Marc Favreau, celui de
L’ENFANCE DE L’ART qui redonne à l’auguste Sol un peu
de ce qu’il nous a légué, l’intelligence du discours et
sa candide poésie. Yves Dagenais nous parle de Sol le
clown. Kim Yaroshevskaya de Favreau, l’homme. « Si tous
les poètes voulaient se donner la main, ils toucheraient
enfin des doigts d’auteur ! »
Le sang. À chaque fois qu’Antigone reparaît sur nos
scènes, il y a toujours une cause. Puis une déchirure. Avec
ANTIGONE AU PRINTEMPS, Nathalie Boisvert clame-t-elle
l’espoir ? Défie-t-elle les mythes en choisissant le sang de
nos érables pour écrire le printemps 2012 ? Qu’en pense
le chef d’Option Nationale et professeur de philosophie
Sol Zanetti ? Et qui peut résumer Antigone ?
L’argent. Oui oui oui L’AVARE de Molière. Je l’ai lu à 14 ans et
je l’aime encore autant. Son péché capital est contagieux.
Et comme le plus laid de tous nos défauts illumine bien
tous les autres, chez Molière, les disciples de la bonté et
de la bienveillance ne payent pas de mine et ont bien
peu d’intérêt. Louis-Karl Tremblay nous révèle, avec
son abécédaire, beaucoup de son créateur. Et alors que
cet Harpagon a 360 ans, la sociologue Julia Posca nous
présente l’avare du nouveau millénaire. Puis trois acteurs
« modernes » répondent à une question classique.
Moi. Philippe Gold propose une version améliorée de
Philippe Boutin. Et Philippe Boutin est déjà si attentionné
et positif qu’on peut se demander what is exactly BEING
PHILIPPE GOLD ? Mélange explosif, gonflage d’égo ou désir
d’un don absolu de soi-même ? Ses amis Emmanuel
Schwartz et Christophe Payeur nous parlent de Boutin-
Gold et l’auteur-acteur Jean-Philippe Durand s’amuse des
icônes pop qui ont un nom d’emprunt.
Fin de conte. Un vingtième et dernier opus des
ZURBAINS est une bonne raison pour publier un de ces
contes notoires, Allah Maak. Rébecca Déraspe fait un
portrait du Théâtre Le Clou, coupable inventeur de ces
Zurbains, d’Assoiffés et de plus de vingt-cinq ans d’art et
d’adolescence.
Et Maxime Beauregard-Martin invite à la même table
les jeunes metteurs en scène Philippe Boutin, Nicolas
Gendron et Frédéric Sasseville. Tandis que le dessinateur
en résidence de la saison Patrice Charbonneau-Brunelle
se confie à notre commissaire.
Bonne lecture, fol hiver !
Claude Poissant, directeur artistique
© Jean-François Brière
FOL HIVER
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