RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 95 - DECEMBRE 2008
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qui n’œuvrent pas dans un milieu où l’approche de
caring est implantée, s’avèrent plus facilement érein-
tées et démontrent plus fréquemment de la rudesse,
des automatismes et de la distraction dans leur pra-
tique quotidienne. En outre, dans une étude menée
par Halldorsdottir (1999), il a été reconnu que des
personnes malades ayant vécu à l’hôpital des soins
qu’elles jugent non-caring peuvent ressentir de la rage,
de la frustration, de l’impuissance allant jusqu’au déses-
poir, ce qui leur produit un stress important pouvant
même affaiblir leur système immunitaire. Ceci fait
entrevoir l’impact que peut avoir le caring (ou du moins
le non-caring) sur la santé physique et psychologique
des patients.
À ce titre, une étude de Lucke (1999) utilisant la théo-
rie ancrée pour faire ressortir l’impact perçu par
22 blessés de la moelle épinière des soins de caring dis-
pensés par les infirmières et les thérapeutes en réadap-
tation a démontré que selon ces patients, l’approche
de caring avec laquelle ces professionnels leur ont pro-
digué les soins leur a permis d’atteindre des objectifs
substantiels en lien au rétablissement autant physique,
psychologique que spirituel de leur être. Il semble ainsi
que la philosophie de caring, comme approche de soins
des infirmières pourrait contribuer à offrir des soins de
qualité qui seraient particulièrement bénéfiques aux
patients en réadaptation.
Les soins de réadaptation
Lorsque des soins de réadaptation sont requis relati-
vement à un problème de santé chronique, l’équipe
multidisciplinaire, dont font partie les infirmières, doit
alors dispenser à la personne atteinte, des soins qui
lui permettent de limiter ses incapacités, de prévenir
les récidives, et cela, tout en la ramenant à un niveau
de fonctionnement optimal (Flannery, 2005). Cet
objectif du niveau de soins tertiaires exige, de la part
du professionnel, un accompagnement à long terme
du patient dans le recouvrement de sa santé. En effet,
la condition de santé de l’individu se modifiant sou-
vent radicalement (lésions ou dysfonctionnement d’un
système, déficits cognitifs, perte d’un membre, etc.),
elle peut affecter sa perception et son estime de lui-
même. De plus, la démarche de soins doit solliciter
une grande participation du patient qui peut être par-
fois très fastidieuse et sans gratification pour lui à
court terme. La qualité de l’accompagnement de l’in-
firmière auprès du patient prend alors tout son sens
(Leighton et Binstock, 2001). Un type d’accompagne-
ment relationnel valorisant l’engagement de l’infir-
mière face à une réelle « présence avec » le patient
peut alors devenir indispensable, selon la philosophie
du Human Caring de Watson (1979, 1988a, 1988b).
Pourtant, cet aspect crucial pouvant avoir des réper-
cussions notoires sur la qualité des soins et la sécu-
rité des patients en termes de résultats de soins a été
trés peu étudié en milieu de réadaptation, sauf dans
de rares recherches telles que le proposent
Vähäkangas, Noro et Björkgren (2006) et Bourret et
ses coll. (2002).
Dans un effort pour pallier le manque de données sur
les modalités d’intervention des infirmières oeuvrant
en soins de réadaptation, Vähäkangas, Noro et
Björkgren (2006) ont voulu mettre en lumière la façon
dont les infirmières accompagnent les patients dans ce
contexte clinique particulier. Cette étude quantitative
rétrospective, se déroulant auprès de 5312 sujets dans
deux centres de réadaptation finlandais, avait comme
objectif principal de vérifier le temps que les infirmières
consacraient à chaque patient dépendamment de ses
caractéristiques. Les résultats suggèrent que la per-
ception des infirmières quant au potentiel de réadap-
tation de chacun des patients détermine leur façon
d’intervenir dans leurs soins de réadaptation, c’est-à-
dire leur propension à leur consacrer plus ou moins de
temps. Ceci signifie, soulignent Vähäkangas, Noro et
Björkgren (2006),que la façon dont l’infirmière consi-
dère le patient en tant que personne a une influence
sur son approche de soins envers lui et pourrait éven-
tuellement avoir des conséquences sur son rétablis-
sement. Plus d’études demeurent toutefois nécessaires
pour connaître les liens qui existent entre la percep-
tion des infirmières concernant les soins de longue
durée, leur approche de soins et les résultats de soins
auprès des patients en terme de sécurité.
Les aspects reliés à la mobilité représentent souvent
un défi important pour les personnes bénéficiant de
soins de réadaptation. À cet effet, Bourret et al. (2002)
ont démontré, dans une étude qualitative qui explo-
rait la signification du phénomène de la mobilité chez
20 patients bénéficiant de soins de longue durée et
15 infirmières qui y œuvrent, que la mobilité était hau-
tement valorisée autant chez les patients que chez les
infirmières. Pour les patients, la mobilité signifiait la
liberté, le choix, l’indépendance et ils se disaient prêts
à faire les efforts nécessaires afin de la maintenir ou
de l’améliorer. Quant aux infirmières, celles-ci men-
tionnaient ne pas hésiter à s’engager dans des soins
préparatoires à la mobilité des patients, à modifier
leur environnement et à les encourager en ce sens
(Bourret et al., 2002). Ceci met en lumière que le phé-
nomène de la mobilité chez les patients en réadapta-
tion va plus loin qu’un simple déplacement d’un
endroit à un autre mais rejoint finalement le coeur de
la relation de soins soignant-soigné dans un objectif
ultime d’améliorer le bien-être et la qualité de vie des
patients en réadaptation.
En définitive, les liens qui unissent précisément la sécu-
rité des patients, l’approche de caring et les soins de
réadaptation n’étant pas encore élucidés dans les écrits
scientifiques actuels, la présente étude qualitative de