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Economie - Partie 4 - Investissement et
croissance
Chapitre 11 - La croissance économique
Vincent Drobinski
CPGE 2D1 - ENC Bessières
14 mars 2014
Table des matières
1 Quelques notions liminaires
1.1 Qu’est-ce que la croissance ? Croissance de quoi ?
1.1.1 PIB, PNB, valeur ajoutée et revenu . . .
1.1.2 PIB nominal et PIB reél . . . . . . . . . .
1.1.3 La composition du PIB . . . . . . . . . .
1.2 Croissance et bien-être . . . . . . . . . . . . . . .
1.3 Croissance, cycles, ‡uctuations . . . . . . . . . .
1.4 Rappels historiques et faits stylisés . . . . . . . .
2 Les premières théories de la croissance
2.1 La conception classique . . . . . . . . . . .
2.1.1 L’accumulation du capital . . . . . .
2.1.2 La fatalité de l’état stationnaire . . .
2.2 Schumpeter et l’importance de l’innovation
2.2.1 Le rôle des innovations et du progrès
2.2.2 La destruction créatrice . . . . . . .
2.3 Le modèle de Harrod-Domar . . . . . . . .
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7
7
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techniques
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8
8
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9
9
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9
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Massé
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10
10
10
13
15
15
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3 Le modèle de Solow
3.1 La possibilité d’une croissance équilibrée . . . . . .
3.1.1 Présentation du modèle . . . . . . . . . . .
3.1.2 La "règle d’or" . . . . . . . . . . . . . . . .
3.1.3 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 La croissance optimale : Ramsey, Cass, Koopmans,
1
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4 Les
4.1
4.2
4.3
4.4
4.5
4.6
4.7
nouvelles théories : la croissance endogène
Le rôle du progrès technique . . . . . . . . . . . . . . . .
Rendements croissants de l’investissement et externalités
Innovation technologique : le rôle de la R&D . . . . . .
Accumulation du capital humain et apprentissage . . . .
Destruction créatrice et croissance . . . . . . . . . . . .
Infrastructures et dépenses publiques . . . . . . . . . . .
Croissance en économie ouverte . . . . . . . . . . . . . .
4.7.1 Spécialisation sectorielle et croissance . . . . . .
4.7.2 Di¤usion du progrès technique par imitation . .
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19
19
5 Conclusions
20
5.1 L’hypothèse de convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
5.2 Portées et limites des nouvelles théories de la croissance . . . . . 22
6 Bibliographie indicative
24
7 Annexes
25
7.1 Classement des pays selon l’IDH . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2
Lorsque l’on commence à étudier les problèmes posés par la croissance économique, il devient di¢ cile de penser à autre chose...
Robert E.Lucas1
1
Quelques notions liminaires
1.1
Qu’est-ce que la croissance ? Croissance de quoi ?
1.1.1
PIB, PNB, valeur ajoutée et revenu
– La mesure de la production agrégée selon la comptabilité nationale est le
PIB (Produit Intérieur Brut). Il s’agit de l’ensemble de la production des
entreprises présentes sur le territoire national, sans critère de nationalité.
– On peut aussi mesurer la production agrégée par le PNB (Produit National
Brut), qui est alors l’ensemble de la production des entreprises nationales
quel que soit son emplacement géographique.
Notons que généralement ces deux grandeurs sont assez comparables, mais
qu’il existe des exceptions notables2 .
– La production agrégée sera alors mesurée par la somme des valeurs ajoutées par les entreprises, augmentées du montant de la TVA et des droits
de douanes.
– La valeur ajoutée sera considérée comme la di¤ érence entre la valeur de la
production d’une entreprise et celle de ses consommations intermédiaires.
Notons également que l’on peut envisager le PIB du côté de la production
comme ci-dessus, mais aussi du côté des revenus. Le PIB sera alors la somme
des revenus distribués dans l’économie au cours d’une période donnée, c’est à
dire la somme des impôts indirects sur les ventes, des revenus du travail et des
revenus du capital.
1.1.2
PIB nominal et PIB reél
– Le PIB français était de 8819 milliards de francs en 1999 et de 300 milliards en 19603 . Nous n’en déduirons pourtant pas que la production a été
multipliée par 29 dans cet intervalle de temps. En e¤et, si la production a
réellement augmenté, les prix ont aussi évolué.
– Pour éliminer l’e¤et de l’in‡ation, nous distinguerons PIB nominal et PIB
réel. Le PIB réel est ainsi la mesure de la production valorisée à prix
constants, contrairement au PIB nominal qui valorise la production à prix
courants.
1 On
the Mechanics of Economic Development, (1988)
2 Voir
3 En
ainsi le cas du Koweit
2002, il était de l’ordre de 1500 milliards d’euros.
3
– Dans tout ce qui suit, nous considèrerons le PIB réel, que nous noterons
Yt (PIB réel de la période t). Le taux de croissance sera alors mesuré par
gt = YtYtYt1 1 .
– Une période de croissance positive sera appelée expansion, et inversement,
une période de croissance négative sera appelée récession. On a coutume
de ne parler de récession que lorsque l’économie connaît deux trimestres
consécutifs de croissance négative.
1.1.3
La composition du PIB
La comptabilité nationale établit le PIB (Y ) comme étant égal à la somme
de la consommation des ménages (C), des investissements des entreprises et
des particuliers (I), des dépenses gouvernementales (G), et de la balance commerciale (B), elle-même mesurée par la di¤érence entre exportations (X) et
importations (M ).
– Ce qui est mesuré par l’investissement I est appelé investissement …xe,
pour le distinguer de l’investissement en stock Is . Le premier mesure toute
acquisition de capital (terrains ou machines pour les entreprises, maisons
ou appartements pour les particuliers, par exemple). La di¤érence entre
les biens produits et les biens achetés pour une période donnée est appelé
variation de stocks et est notée ici Is . Si la production est supérieure
aux ventes, les entreprises accumulent des stocks, et Is est positive. Cette
variation de stocks est généralement très faible et sera le plus souvent
négligée dans tout ce qui suit.
– Les dépenses gouvernementales (G) correspondent aux achats de biens
et services par le gouvernement. Les services sont ceux o¤erts par les
fonctionnaires : on considère que le gouvernement achète les services de
ses fonctionnaires et qu’il les o¤re ensuite au public.
On peut résumer cette décomposition par l’égalité fondamentale de la comptabilité nationale :
Y =C +I +G+X
1.2
M + Is
Croissance et bien-être
La croissance est donc la mesure de l’augmentation du PIB d’un pays donné.
On la dé…nit généralement (F. Perroux) comme "l’augmentation pendant une
ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, le produit global en
termes réels". Dans une vision positive de l’économie, il s’agit simplement d’un
fait économique. On le mesure et on constate son évolution.
Dans une vision plus normative, la croissance peut devenir un objectif et son
évolution est sujette à des jugements de valeur.
– Ainsi, dans une perspective utilitariste, la bonne politique économique est
celle qui répond au critère d’unanimité, c’est à dire qu’un individu ne s’y
opposera pas si elle ne détériore pas sa situation personnelle (critère de
Pareto).
4
– Ainsi, toute augmentation du bien-être agrégé de la population, entendu
comme somme des utilités individuelles, et plus largement de la "taille du
gâteau", engendrera une augmentation du bien-être de la société et sera
donc jugée acceptable.
– La croissance, mesurant cette augmentation de bien-être, est donc un objectif.
– L’assimilation peut paraître troublante : qu’en est-il de la distribution des
richesses pendant le processus de croissance ? Les situations individuelles
sont-elles toutes améliorées ? Y a-t-il un gain universel, ou pouvons nous
trouver des agents "perdant", voyant leur situation personnelle se détériorer ?
– L’objectif de croissance comme critère de bien être est tout entier issu de
la théorie néoclassique.
Rappelons-nous que cette théorie présuppose une situation concurrentielle,
dite pure et parfaite. Les agents sont supposés identiques, ayant les mêmes
préférences, les mêmes capacités de production, et résolvent leurs programmes d’optimisation de manière indépendante. Il n’y a donc aucune
interaction. Nous verrons par la suite que cette hypothèse d’homo oeconomicus a une conséquence : si tous les agents sont identiques, on peut donc
assimiler l’économie à un agent représentatif qui résout un programme
intertemporel.
Dans ces conditions, l’éventuelle hétérogénéité des agents individuels est
ignorée et l’économie aboutit fatalement à une situation dans laquelle ne
se pose aucun problème de redistribution. Tout le monde y gagne, puisqu’il
su¢ t de diviser le gain total par le nombre d’individus de la société pour
déterminer les gains individuels. Ainsi, la croissance est alors fatalement
bonne pour l’économie4 .
Si assimiler la croissance à un critère de bien-être est un jugement de valeur,
il doit bien exister d’autres critères. De fait nous trouverons d’autres dé…nitions
et problématiques liées à la croissance :
– La croissance potentielle est celle que peut supporter le système productif
sans surchau¤e : plus clairement elle correspond à la croissance possible
sans augmentation du niveau général des prix, i.e. sans in‡ation. Cette
notion précise la première dans la mesure où elle …xe un nouvel objectif à
atteindre. Il s’agit en quelque sorte d’une optimisation sous contrainte.
– La notion de croissance soutenable est di¤érente. Elle est à relier au
concept de développement durable. Le rapport Brundtland (conférence de
4 Il ne s’agit pas de nier les inégalités de l’économie. Simplement, le modèle n’est pas fait
pour cela.
L’étude explicite de la redistribution tout au long du processus de croissance nécessitera des
hypothèses plus …ne sur les comportements individuels. Il s’agira notamment des modèles à
générations imbriquées. Et dans de tels modèles, la croissance n’est plus fatalement optimale
au sens de Pareto puisque dans certaines situations, elle peut conduire à des détériorations
de situations individuelles. Dans le cas d’agents hétérogènes tels que représentés dans les
modèles de GI, la croissance peut devenir non optimale au sens de Pareto si la redistribution
des ressources qui en est issue détériore la situation de certains sur le long terme.
5
Rio) le dé…nit comme "un développement qui satisfait les besoins de
chaque génération, à commencer par ceux des plus démunis, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs".
Ces dé…nitions ont le mérite de mettre en avant plusieurs problèmes :
– Tout d’abord, la croissance économique mesurée en valeur ne signi…e pas
forcément que le pays est plus riche : si une nation produit autant que
l’année précédente mais avec des prix ayant augmenté, elle verra son PIB
croître en valeur. Pourtant elle ne permettra pas de consommer plus :
le pays n’est pas foncièrement plus riche, son PIB en volume est resté
constant. La croissance non in‡ationniste est donc un objectif important
à atteindre.
– Ensuite, elle est un mauvais indicateur du bien-être. Quand un pays connaît
une croissance économique importante, cela signi…e que le pays est plus
riche mais pas nécessairement que tous les agents le sont : le "gâteau"
économique a une taille qui augmente, mais les "parts" individuelles ne
croissent pas forcément.
– En…n, la croissance peut s’accompagner de nuisances. Construisez une entreprise très productive, vendant beaucoup, mais très polluante et vous
verrez croître le PIB. Pire, imaginez que les rejets de cette entreprise
rendent malades les habitants du voisinage, cette "nuisance" augmente
la consommation de médicaments, les ventes du secteur pharmaceutique
et in …ne le PIB. Croissance de la production et bien être ne sont pas
nécessairement compatibles, loin de là.
Si le bien-être est vu d’une manière plus égalitaire, ou encore dans une optique de développement humain et de réduction des inégalités, il faut donc trouver des indicateurs alternatifs. Parmi ceux qui sont le plus souvent employés
on trouve l’Indicateur de Développement Humain5 (IDH). L’IDH est un indice
synthétique prenant en compte une série de facteurs :
– l’espérance de vie à la naissance, pour prendre en compte les conditions
sanitaires de la nation ;
– le revenu moyen à partir du PIB par habitant, corrigé par la non prise en
compte des revenus les plus élevés, pour évaluer sa richesse en gommant
les e¤ets inégalitaires ;
– le taux d’alphabétisation ainsi que le nombre moyen d’années d’études,
pour évaluer le niveau d’éducation.
La Norvège était en 2001 la nation ayant l’IDH le plus élevé (Cf. tableau de la
…gure ??) et la Sierra Leone le plus faible. Comme on peut l’imaginer les critères
de croissance du PIB ou du PNB, et celui de l’IDH peuvent profondément
di¤érer : par exemple, comme le montre le tableau suivant si la France se situe
derrière l’Allemagne suivant le critère du PIB/habitant elle la dépasse lorsque
l’on considère l’IDH.
Voir annexe 7.1 : Le classement des pays selon l’IDH
5 Ce
critère a été construit à partir des travaux d’Amartya Sen en matière de justice sociale.
6
1.3
Croissance, cycles, ‡uctuations
1.4
Rappels historiques et faits stylisés
La croissance est une réalité relativement récente au vue de l’histoire économique de l’humanité. Malgré l’imprécision évidente des informations disponibles,
Maddison a pu proposer un tableau découpant en quatre grandes phases distinctes les performances économiques des principaux pays européens.
Taux de croissance annuel moyen
Période agraire, 500 - 1500
Période agraire progressive, 1500 -1700
Capitalisme commercial, 1700 - 1820
Capitalisme, 1820 - 1980
Popul.
0
0.2
0.4
0.9
PIB/tête
0
0.1
0.2
1.6
PIB
0
0.3
0.6
2.5
S o u r c e : A . M a d d i s o n , Les phases du D éveloppem ent C apitaliste, E c o n o m i c a 1 9 8 1 .
La …n de la période appelée "Capitalisme" est caractérisée par ce qu’on a appelé les "Trente Glorieuses". Cette expression est due à Fourastié6 et caractérise
une période de croissance exceptionnelle par sa durée mais aussi par sa vigueur.
Le taux de croissance moyen annuel est d’environ 5% pour l’ensemble des pays
de l’OCDE. Pour la France, le chi¤re est de 5.5%. Notons le cas particulier du
Japon qui culmine à 11%, et celui de l’Angleterre, proche de 3%.
D’autre part, on doit à Kaldor7 , un certain nombre de faits stylisés, dont les
théories de la croissance s’e¤orceront de rendre compte :
– une croissance continue et relativement régulière de la production, de l’emploi et la productivité du travail
– une croissance continue du capital par travailleur (ou de l’intensité capitalistique) : le stock de capital croît régulièrement à un taux supérieur à
celui de l’emploi
– un coe¢ cient de capital relativement stable au cours de la croissance
– un taux de pro…t relativement stable
– la stabilité de la répartition des revenus entre salaires et pro…t
– il existe de grandes di¤érences dans les taux de croissance des pays.
6 Fourastié, J., Les Trente Glorieuses, ou la Révolution Invisible de 1946 à 1975, L.G.F.
(Pluriel).
7 Kaldor, N., Capital Accumulation and Economic Growth, 1961
7
2
Les premières théories de la croissance
2.1
2.1.1
La conception classique
L’accumulation du capital
Les auteurs classiques sont contemporains de la première Révolution Industrielle et vont donc tout naturellement identi…er le moteur de la croissance à
l’accumulation du capital.
Smith8 (1776) & la division du travail :
Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du
travail, et la plus grande partie de l’habilité, de l’adresse, de l’intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce qu’il
semble, à la division du travail. (...) Prenons un exemple dans une
manufacture de la plus petite importance, mais où la division du
travail s’est fait souvent remarquer : une manufacture d’épingles.
(...)
Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d’ouvrage, (...)
quelque adroit qu’il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle
dans toute sa journée, et certainement il n’en ferait pas une vingtaine. Mais de la manière dont cette industrie est maintenant conduite,
non seulement l’ouvrage entier forme un métier particulier, mais
même cet ouvrage est divisé en un plus grand nombre de branches,
dont la plupart constituent autant de métiers particuliers. (...) Ainsi
ces dix ouvriers pouvaient se faire entre eux plus de quarante-huit
milliers d’épingles dans une journée ; donc chaque ouvrier faisant une
dixième partie de ce produit, peut être considéré comme faisant dans
sa journée quatre mille huit cents épingles.
Dans tout autre art et manufacture, les e¤ets de la division du
travail sont les mêmes que ceux que nous venons d’observer dans la
fabrique d’une épingle, quoique dans un grand nombre le travail ne
puisse pas être aussi subdivisé ni réduit à des opérations d’une aussi
grande simplicité. Toutefois, dans chaque art, la division du travail,
aussi loin qu’elle peut y être portée, amène un accroissement proportionnel dans la puissance productive du travail. C’est cet avantage
qui paraît avoir donné naissance à la séparation des divers emplois
et métiers. (...)
2.1.2
La fatalité de l’état stationnaire
Ricardo9 (1817) & l’état stationnaire.
8 Smith,
A., Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.
D., Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817.
9 Ricardo,
8
2.2
2.2.1
Schumpeter et l’importance de l’innovation
Le rôle des innovations et du progrès techniques
Schumpeter10
2.2.2
2.3
La destruction créatrice
Le modèle de Harrod-Domar
E.D. Domar, "Expansion and employment", American Economic Review,
March 1947 ;
R.F. Harrod, Towards a Dynamic Economics, MacMillan, 1948.
Harrod di¤érencie trois taux de croissance :
– le taux de croissance e¤ectif (ou constaté)
– le taux de croissance garanti (qui assure l’équilibre entre épargne et investissement). Ce taux dépend des anticipations des entrepreneurs et du
revenu des agents.
– le taux de croissance naturel (taux de croissance de plein emploi). Ce taux
dépend de données démographiques et techniques
La croissance idéale (équilibrée) est celle qui fait coïncider ces trois taux : or,
aucun mécanisme économique n’assure la concordance entre les anticipations,
le revenu, la démographie et la technique. La croissance équilibrée est donc un
hasard.
Le modèle originel de Domar11 (1947) se résume dans la formule g = ks , qui
est la condition d’une croissance équilibrée de plein emploi, avec
– g le taux de croissance de l’investissement
– s le taux d’épargne
– k le taux d’investissement en capital, dit aussi taux d’intensité capitalistique : capital /produit.
Le problème est que, dans un cadre keynésien, rien n’assure que la croissance de l’investissement (qui résulte des anticipations des entrepreneurs) soit
fonction de la hausse du taux d’épargne (qui résulte de la décision des ménages
de renoncer à une part de leur consommation) : l’équilibre est donc encore une
fois la fait du hasard
1 0 Schumpeter,
1 1 Domar,
J.A., Capitalism, socialism and Democracy, 1942.
E.D., Expansion and employment, American Economic Review, March 1947
9
3
Le modèle de Solow
3.1
La possibilité d’une croissance équilibrée
Solow12 (1956).
3.1.1
Présentation du modèle
L’économie considérée n’a qu’un seul bien Y qui sert à la fois de bien de
consommation et de production13 . Il est produit par du capital K et du travail L
à l’aide d’une fonction de production dite néoclassique Yt = F (Kt ; Lt ) répondant
aux conditions suivantes14 :
– La productivité marginale des facteurs de production est positive et décroissante :
@F
@K
> 0;
@2F
@2K
< 0; et,
@F
@L
> 0;
@2F
@2L
<0
– La fonction de production est à rendements constants :
8 2 R+ ; F ( K; L) = F (K; L)
Le bien sera consommé en proportion …xe c = 1 s ou epargné et investi en
proportion s. Le montant de l’épargne est donc donné par s:Y , et cette épargne
est entièrement investie. L’investissement à une période t donnée est égal à la
t
variation du capital @K
la dépréciation du capital. L’investissement
@t . On note
net sera donc égal à l’investissement moins la dépréciation du capital, c’est à
dire :
@Kt
@t
= Kt0 = sYt
Kt = sF (Kt ; Lt )
Kt
Cette première équation nous montre donc l’évolution du capital au cours du
temps dans l’économie considérée. Qu’en est-t-il de l’évolution de la deuxième
variable, le travail L ? La population est supposée croître à taux constant n. Son
évolution sera donc représentée par
L(t) = L0 ent
En situation de plein emploi, à chaque période toute la force de travail entre
dans la fonction de production et l’évolution de l’investissement sera simplement
donné par :
1 2 Solow, R.M., "A Contribution to the Theory of Economic Growth", Quarterly Journal of
Economics, 1956.
Ce modèle, qui a valu le prix nobel 1987 à son auteur, est parfois aussi appelé modèle de
Solow-Swan en hommage à T.W.Swan qui le "compléta" dans son article : "Economic Growth
and Capital Accumulation", Economic Record (1956).
1 3 Pour comprendre qu’un bien est à la fois un bien de consommation et d’investissement, on
peut prendre l’exemple de produits fermiers (blé, animaux) qui peuvent être soit consommés
(farine, viande) soit investis (replantés, reproducteurs).
1 4 Les variables sont des variables temporelles, indicées par t mais nous omettrons parfois
cet indice pour ne pas surcharger les notations.
10
Kt0 = sF (Kt ; L0 ent )
K
Il s’agit ici d’une équation di¤érentielle qui décrit le sentier d’expansion du
capital qui doit être suivi pour que l’économie se situe au plein emploi. Puisque
nous connaissons la façon dont évolue la main d’œuvre et celle dont doit évoluer
le capital, nous pouvons en déduire le chemin d’expansion de la production, en
supposant que le stock de capital soit totalement employé.
Le processus est alors le suivant : à chaque instant t, la main d’œuvre disponible et le stock de capital nous sont donnés par les deux équations ci-dessus.
Puisque le rendement des facteurs doit s’adapter en permanence pour obtenir
le plein emploi du travail et du capital, la fonction de production nous donnera
en permanence les quantités employées. La propension à épargner nous donnera
le montant de l’output qui devra être réinvesti et ainsi nous connaîtrons l’accumulation de capital d’une période donnée. Additionnée au capital de la période
précédente, nous obtenons le montant de capital disponible pour la production
de la période suivante, et ainsi de suite.
Pour résoudre les équations du modèle, il est nécessaire de raisonner en
capital par tête, de manière à faciliter les calculs15 . On transforme ainsi la
fonction de production et on l’écrit sous forme intensive, fonction uniquement
du capital par tête16 :
Y = F (K; L) ()
Y
L
=
F (K;L)
L
() y = F ( K
L ; 1) () y = f (k)
Après quelques modi…cations purement mathématiques17 , nous obtenons
l’équation d’évolution du capital suivante :
k 0 = s:f (k)
(n + ):k
L’équation précédente est l’équation essentielle de l’article de Solow. Elle
signi…e que l’évolution du capital par tête dépend de la di¤érence entre deux
termes : l’un représentatif de l’investissement, l’autre dépendant de l’évolution
de la main d’œuvre. Quand k 0 = 0, le ratio de capital par tête est par dé…nition
constant, ce qui implique que le stock de capital croît à un taux égal à celui de
la main d’œuvre. Solow appelle cet état, état régulier de croissance équilibrée.
1 5 Ceci
ne change absolument rien aux résultats.
Chaque variable par tête sera donnée par la minuscule de la variable en majuscule correspondante : par exemple le capital par tête sera noté k = K
, la production par tête sera notée
L
y = YL , etc...
1 6 Ces transformations sont possibles puisque la fonction de production est à rendements
d’échelle constants, et ici la quantité de travail L est positive.
1 7 On divise l’équation d’évolution du capital précédente par L, et on obtient :
K0
= s:f (k)
k:
L
0
d(K=L)
0
0
0
0
Comme k0 = K
=
= K LL2KL = K
nK
= K
n:
L
L
L
L
L
On utilise l’expression précédente dans l’équation d’évolution du capital et on obtient :
k0 = sf (k) (n + )k:
11
Fig. 1 –Modèle de Solow
Nous allons montrer qu’il s’agit du taux vers lequel converge l’économie. Nous
pouvons représenter l’évolution proposée par l’équation d’évolution du capital
par tête, en utilisant une fonction de production qui respecte les hypothèses
posées. C’est ce que nous obtenons sur la …gure 1.
Grâce à ce graphique, nous pouvons tout d’abord mettre en évidence la
consommation par tête : elle se dé…nit ici comme la partie du revenu qui n’est
pas épargnée et est donc représentée par l’écart existant entre la production
par tête f (k) et l’épargne par tête s:f (k). Par ailleurs l’épargne est entièrement
investie ; l’investissement est donc ici l’écart entre l’axe des abscisses et l’épargne
par tête s:f (k). En…n, l’évolution du capital par tête k 0 est représentée par l’écart
existant entre la fonction d’épargne par tête s:f (k) et la droite a¢ ne d’équation
(n + ):k; k 0 est positif tant que la droite représentative de l’épargne par tête est
située au-dessus de la droite, et négatif lorsqu’elle est en dessous, et en…n égal
à zéro à leur intersection (comme l’indique l’équation s:f (k) (n + ):k = 0).
La dynamique des variables nous amène donc naturellement à l’état régulier.
En e¤et, lorsque nous sommes dans le premier cas, où la fonction s:f (k) se
12
situe au-dessus de la droite, nous savons que k 0 est positif : cela implique donc
que le capital par tête k augmente. Inversement, lorsque la fonction s:f (k) se
situe en dessous de la droite (n + ):k, k 0 est négatif et donc k diminue. Il y a
donc évolution convergente du capital par tête tant que nous ne sommes pas à
l’intersection des deux fonctions.
Ce point est donc un point d’équilibre stable de long terme vers lequel
converge l’économie, comme l’indiquent les ‡èches de la …gure 1, quelles que
soient les valeurs initiales des données. Nous l’appelons état régulier de croissance équilibrée.
L’une des conclusions majeures du modèle de Solow est ainsi que les économies ont tendance à voir leur croissance économique converger vers un taux
particulier, que Solow appelle taux naturel, tel que le capital par tête et la production par tête sont constants de manière stable. Une autre façon de présenter
le résultat est de dire que le stock de capital et le volume de l’output vont croître
à un taux constant égal à n + . L’étude de la forme des fonctions nous montre
que l’économie se rapproche d’autant plus vite du taux naturel qu’elle en est
éloignée (écart important entre les deux fonctions) ; symétriquement, la vitesse
de convergence diminue lorsque l’on s’approche de l’équilibre.
A ce stade, la principale analyse de Solow est que les conclusions de Harrod
et Domar en matière de croissance déséquilibrée ne tiennent pas si les facteurs
de production sont substituables : le système économique peut s’ajuster en permanence, quel que soit le taux de croissance de la population active.
3.1.2
La "règle d’or"
La théorie économique néoclassique suppose que la satisfaction de l’agent
économique est obtenue par la consommation. En e¤et, la consommation procure du plaisir - de l’utilité - tant et si bien qu’une augmentation de cette dernière accroît le bien-être des agents. Prolongeant les travaux de Solow, Phelps18
(1966) va alors se demander s’il existe des valeurs des variables maximisant la
consommation des agents.
La consommation est la partie du revenu qui n’est pas épargnée. Le niveau
d’équilibre de l’économie dépend du montant du taux d’épargne s. Chaque montant de capital par tête à l’équilibre peut donc s’écrire k (s).
Après quelques modi…cations, nous obtenons l’équation déterminant l’évolution de la consommation à l’équilibre19 :
c = f (k (s))
(n + ):k (s)
1 8 Phelps,
E.S., Golden Rules of Economic Growth, New-York, Norton, 1966.
la somme des propensions marginales à consommer et à épargner est égale à
l’unité, nous avons :
1 9 Puisque
c = (1
s):f (k (s)) = f (k (s))
Comme à l’équilibre k0 = 0; s:f (k (s))
équations, nous obtenons :
c = f (k (s)) (n + ):k (s)
s:f (k (s)):
(n + ):k (s) = 0: En combinant ces deux
13
Fig. 2 –La règle d’or
Nous cherchons les valeurs de s qui maximisent la consommation par tête c;
c’est à dire qu’il nous faut maximiser l’expression de c par rapport à s. Après
calculs, la valeur maximale de c en question est obtenue pour une valeur de s
qui véri…e20 :
f 0 (k (s)) = n +
Cette équation est appelée "règle d’or de l’accumulation du capital" et est
illustrée sur la …gure 2. En remarquant que la maximisation du pro…t implique
que le capital soit rémunéré à sa productivité marginale, et que cette condition
implique que le taux d’intérêt r égalise f 0 (k), on peut avancer que la consommation sera maximale si les taux d’intérêt pratiqués sont égaux au taux de croissance de la population augmenté de la dépréciation du capital.
2 0 On
dérive l’expression de c par rapport à s et nous obtenons :
f 0 (k ): @k
(n + ): @k
= 0: Ce qui nous donne l’égalité souhaitée.
@s
@s
14
Notons en…n que cette règle d’or peut être plus ou moins accessible suivant
que l’économie est dans une situation initiale dynamiquement e¢ cace ou non.
– Premier cas : imaginons que nous nous trouvions à un niveau de capital
par tête k 0 situé à droite du taux optimal de règle d’or (i.e. tel que k 0 >
kor ). A ce taux, les générations futures ne maximiseront pas leur consommation, puisque le capital par tête n’est pas à son niveau optimal, comme
déterminé par l’équation. Il serait donc souhaitable que les générations
présentes baissent leur taux d’épargne (de s0 vers sor ) pour converger vers
le niveau de règle d’or : cette baisse améliorera la situation des générations en question (qui consommeront plus), ce qui in …ne améliorera donc
la situation de tout le monde. L’économie est alors dans une situation
dynamiquement ine¢ cace car il est possible d’améliorer la situation de
tout le monde par une simple réallocation des ressources entre épargne et
consommation par les générations supportant cette transition.
– Deuxième cas : imaginons maintenant que nous nous trouvions à un niveau de capital par tête k 00 situé à gauche du taux de règle d’or (i.e. tel
que k 00 < kor ). A ce taux, il se pose le même problème de maximisation de
consommation pour les générations futures. . . mais le problème est maintenant di¤érent pour les générations présentes. En e¤et, pour atteindre le
taux optimal, ces dernières devraient augmenter leur taux d’épargne (de
s00 vers sor ), ce qui se ferait au détriment de leur consommation. Dans ce
cas, l’utilité des uns serait acquise au détriment de celle des autres : nous
nous trouvons donc à un niveau optimal au sens de Pareto et l’économie
est dans une situation dynamiquement e¢ cace.
3.1.3
3.2
Conclusions
La croissance optimale : Ramsey, Cass, Koopmans,
Massé
Dans le modèle de Solow, la propension à consommer est …xe. Ce choix
est à la fois un souhait de simplicité mais également méthodologique : Solow
pensait préférable de prendre comme valeur la propension à consommer observée
statistiquement.
Ramsey21 (1928), Cass22 (1965) et Koopmans23 (1965) vont par contre endogénéiser ces variables, et plus précisément le taux d’épargne. Ils supposent
ainsi que les agents maximisent une fonction d’utilité intertemporelle :
M ax
1
X
t
U (ct )
t=0
2 1 Ramsey,
F.P., "A Mathematical Theory of Saving", Economic Journal, 1928.
D., "Optimum Growth in a Aggregative Model of Capital Accumulation", Review
of Economic Studies, 1965.
2 3 Koopmans, T.C., "On the Concept of Optimal Economic Growth", in The Economic
Approach to Development Planning, Amsterdam, North Holland, 1965.
2 2 Cass,
15
Le coe¢ cient
caractérise le degré d’impatience des consommateurs (ou
taux de préférence pour le présent). Plus il est proche de 0 et plus le consommateur pondère fortement les utilités des périodes les plus proches. Plutôt que
d’être exogène, la propension à consommer découle donc d’un comportement de
maximisation d’utilité à long-terme. On parle alors de croissance optimale.
Le modèle est une tentative de répondre à la question "quelle fraction de son
revenu une nation doit-elle épargner ?". L’analyse de la croissance optimale se
situe clairement dans une perspective normative : il s’agit de déterminer, pour
une collectivité donnée, les conditions et caractéristiques de la meilleure croissance possible. Nous en avons eu un avant goût avec la recherche de la règle
d’or. La perspective envisagée par Ramsey et ses successeurs sera de déterminer
la meilleure politique d’épargne possible : il s’agira donc d’un arbitrage consommation/épargne permettant de maximiser l’utilité retirée de la consommation
de toutes les périodes à venir.
Le modèle de Ramsey est une généralisation du modèle de Solow dans le cas
où le taux d’épargne est endogène et où on étudie son évolution, en fonction
du taux de préférence pour le présent des agents. Le résultat principal de ce
modèle est, qu’encore une fois, il existe un sentier de croissance nous permettant
d’atteindre une combinaison optimale de capital et de consommation par tête.
Toutefois la convergence n’est pas automatique et dépend de la situation initiale
de l’économie. Pour atteindre une croissance équilibrée il peut être nécessaire
de guider les agents, notamment via des transferts, en modi…ant les niveaux de
consommation et de capital.
Ce modèle est un archétype néoclassique qui nous dit donc que l’intervention
de l’état est une nécessité permanente24 . Si on s’écarte de la courbe d’évolution
optimale après un choc économique, il faudra intervenir pour rétablir la situation
de manière à éviter les comportements de "fourmi" ou de "cigale".
Pierre Massé a également travaillé sur ce type de modèle alors qu’il était commissaire général au plan en 1969. Il était auparavant Directeur Général d’EDF
et avait rencontré d’extrêmes di¢ cultés à …nancer les plans de développement
de cette entreprise. Etant donné le taux d’actualisation (taux de préférence pour
le présent dans le modèle de Ramsey) dé…ni par le Plan, EDF ne parvenait pas
à …nancer les projets supposés rentables à ce taux. L’objet du modèle de Massé
était alors de déterminer le taux d’actualisation de l’économie.
Il supposait, non pas que la situation française correspondit à la croissance
optimale, mais que la situation française se trouvait sur le sentier de croissance
optimale, de manière à déterminer le taux d’actualisation25 . Celui-ci est alors
très élevé au regard des chi¤res traditionnellement admis (10% environ contre
2 4 Etonnant,
non ?
a travaillé à l’aide d’une fonction d’utilité collective, agrégation des utilités individuelles, qui prend comme argument non pas la consommation par tête, mais la consommation
par unité d’e¢ cience, en intégrant explicitement le progrès technique. Il s’explique sur ce
choix en faisant remarquer que le progrès technique n’est pas neutre et est inséparable d’un
changement du mode de vie. L’utilité ne peut donc pas prendre comme argument la seul
consommation.
2 5 Massé
16
5% environ). Mais le modèle de Massé a permis d’ouvrir un champ d’études statistiques sur l’économie française qui a vu sa concrétisation dans "la croissance
française"26 .
2 6 Carré,
Dubois, Malinvaud.
17
4
Les nouvelles théories : la croissance endogène
Kaldor27 (1957)
Arrow28 (1962)
4.1
Le rôle du progrès technique
Hicks29 (1932)
Schumpeter30 (1912)
4.2
Rendements croissants de l’investissement et externalités
Paul Romer31 (1986)
4.3
Innovation technologique : le rôle de la R&D
Romer (1990)
4.4
Accumulation du capital humain et apprentissage
Lucas32 (1988)
Schultz33 (1961) et Becker34 (1962)
4.5
Destruction créatrice et croissance
Aghion & Howitt35 (1992)
Schumpeter & la destruction créatrice (1942), "Capitalism, socialism and
Democracy" :
2 7 Kaldor,
N. "A Model of Economic Growth", Economic Journal, 1957.
K.J., "The Economic Implications of Learning by Doing", Review of Economic
Studies, 1962.
2 9 Hick, J.R., The Theory of Wages, 1932.
3 0 Schumpeter, J.A., Théorie de l’évolution économique, 1912.
3 1 Romer, P., "Increasing Returns and Long Run Growth", Journal of Political Economy,
1986.
3 2 Lucas, R.E., "On the Mechanics of Economics Development", Journal of Monetary Economics, 1988.
3 3 Schultz, T.W., "Investment in Human Capital", The American Economic Review, 1961.
3 4 Becker, G.S., "Investment in Human Capital : a Theorical Analysis", Journal of Political
Economy, 1962.
3 5 Aghion P., Howitt P., "A Model of Growth Through Creative Destruction", Econometrica
1992.
2 8 Arrow,
18
"L’impulsion fondamentale qui est le moteur des économies capitalistes vient des nouveaux produits de consommation, des nouvelles méthodes de production ou de transport, des nouveaux marchés. . . (Ces procédés) révolutionnent incessamment et de l’intérieur
la structure de l’économie, en détruisant incessamment les anciens,
en en créant perpétuellement de nouveaux. Ce procédé de Destruction Créatrice est un élément essentiel du capitalisme".
4.6
Infrastructures et dépenses publiques
Barro36 (1990)
4.7
Croissance en économie ouverte
Grossman et Helpman37 (1991).
4.7.1
Spécialisation sectorielle et croissance
4.7.2
Di¤usion du progrès technique par imitation
Barro & Sala i Martin38
3 6 Barro, R., "Government Spending in a Simple Model of Endogenous Growth", Journal of
Political Economy, 1990.
3 7 Grossman, G.N & Helpman, E., Innovation and Growth in Global Economy, MIT Press,
Cambridge MA, 1991.
3 8 Barro, R.J. & Sala i Martin, X., La croissance économique, MacGraw-Hill, 1995.
19
5
5.1
Conclusions
L’hypothèse de convergence
Le modèle de Solow est assez pessimiste dans ses conclusions, montrant que
le taux de croissance de l’économie est décroissant tout au long du processus
de développement. La transmission internationale du savoir doit permettre aux
fonctions de production, dans un tel contexte, d’être identiques dans tous les
pays. Ainsi, on peut prédire à partir de ce modèle un rattrapage des pays du
Nord par ceux du Sud. Même si ce processus est lent, à long terme, on devrait
assister à une convergence de tous les pays vers le même niveau de PIB par tête,
les pays pauvres ayant tendance à croître plus vite que les pays riches.
A l’inverse, les modèles de croissance endogène envisagés ici montrent que le
taux de croissance du revenu est indépendant de son niveau, réfutant la convergence.
Il semble donc naturel d’essayer de confronter l’idée de convergence avec les
faits. Les deux …gures suivantes (3 & 4) illustrent cette confrontation dans le
cas du monde39 (…gure 3) et dans celui des pays de l’OCDE (…gure 4). Elles
comparent les taux de croissance moyens au cours de la période 1960-1985 à
leur niveau de produit par tête en 1960. L’hypothèse de convergence implique
une corrélation négative entre ces deux variables (c’est à dire que nous pouvons
approcher la relation entre les deux variables par une droite, dont la pente
indique la corrélation). La …gure 3 ne fait apparaître aucune corrélation et donc
semble in…rmer l’hypothèse de convergence. Par contre, si on se limite aux pays
de l’OCDE, on retrouve cette corrélation négative. Limitée aux pays de l’OCDE,
la convergence semble être con…rmée. En fait, on peut étendre le principe et
comparer les taux de croissance de certaines régions du monde dont les pays
sont "homogènes".
Cette convergence entre pays semblables a été résumée sous l’expression de
clubs de convergence. Il y aurait ainsi une convergence intra-clubs, mais pas de
convergence inter-clubs.
Le modèle de Solow semble donc être une bonne approximation si l’on veut
étudier et comparer des pays relativement semblables. Par contre, dès que l’on
veut s’attaquer à une étude comparative globale, le modèle perd de sa …abilité.
On peut montrer que l’introduction de la notion de capital humain permet
de réconcilier l’idée de convergence avec les faits. Ainsi, Robert Barro40 fait
apparaître à l’aide de tests économétriques une liaison négative entre le taux
de croissance moyen et le niveau du PIB, à partir des données précédentes.
On trouve en fait un graphique similaire à celui de la …gure 4 mais étendu
aux 98 pays. Mais l’interprétation est sensiblement di¤érente de la précédente.
Ces tests ne signi…ent pas qu’il y a convergence, mais que c’est l’insu¢ sance
3 9 Tout au moins, ceux pour lesquels on possède des informations …ables (98 pays en tout).
Ces …gures sont issues des travaux de Maddison (1992).
4 0 Barro, R., "Economic Growth in a Cross Section of Countries", Quarterly Journal of
Economics, 1991.
20
Fig. 3 –Test de la convergence - monde
Fig. 4 –Test de la convergence - OCDE
21
de l’accumulation du capital humain qui fait obstacle au rattrapage et donc à
la convergence. On retrouve donc ici l’idée de Lucas selon laquelle le capital
humain est au centre de la croissance.
5.2
Portées et limites des nouvelles théories de la croissance
Par rapport au modèle néoclassique, la croissance endogène présente plusieurs avancées signi…catives :
– les sources de la croissance : le progrès technique exogène constitue le seul
facteur de croissance dans les modèles néoclassiques et détermine donc
l’accumulation du capital. La source de la croissance est alors située hors
du cadre de l’analyse économique. Les nouvelles théories de la croissance
intègrent explicitement les sources identi…ées à leurs études. Ces sources
sont au nombre de quatre :
– des rendements d’échelle constants ou croissants dans l’investissement.
Ceux-ci proviennent d’externalités ou de complémentarités entre …rmes,
ou de learning by doing.
– le savoir technique ou scienti…que issu de la recherche et développement.
– les compétences des travailleurs (le capital humain), accumulées par des
investissements en éducation
– les infrastructures publiques qui ont pour propriété que chaque usager
béné…cie pleinement de leurs e¤ets tout en ne payant qu’une fraction
du coût.
– le rôle clé des externalités et des biens publics rend sous-optimal le mécanisme de marché. On va pouvoir alors justi…er un certain interventionnisme
d’institutions situées en dehors du marché (ne cherchant pas à maximiser leur pro…t), et mettre en lumière le rôle des institutions permettant
la coordination des agents. Les di¤érences entre pays de ce point de vue
peuvent contribuer à expliquer les di¤érences de performance économique.
Au japon, le rôle coordinateur du MITI en est un exemple : les entreprises
se coordonnent autour de projets technologiques de grande ampleur, vendeurs et acheteurs d’équipements dé…nissent ensemble les produits. En Allemagne, il existe une multitude d’institutions dont le rôle est de développer les échanges d’informations technologiques (associations d’ingénieurs,
instituts publics ou privés servant d’interfaces entre recherche fondamentale et appliquée...). En France, soulignons le rôle des CRITT (Centres Régionaux pour l’Innovation et le Transfert de Technologie) à cet égard, dont
la mission est de rapprocher PME et PMI des laboratoires de recherche
fondamentale, et de favoriser la création d’entreprises "innovantes".
– la dynamique de la croissance : les modèles de croissance endogène se
concentrent, comme les modèles néoclassiques, sur l’étude de la croissance
équilibrée (à taux constant). Mais contrairement à leurs "ancêtres", ils
peuvent très facilement faire apparaître des dynamiques beaucoup plus
compexes :
22
– des situations d’équilibres multiples 41 et donc des interprétations en
termes d’échec de développement ou de cercles vicieux de croissance
faible.
– des e¤ ets de seuil déterminant le sentier de croissance : Becker-TamuraMurphy (1990) et Azariadis-Drazen (1990) soulignent l’existence de
valeurs-seuils du capital humain. Selon que l’économie est au-dessous
ou au-dessus de ce seuil, le processus de croissance s’enclenchera ou
non.
– l’exploration de domaines traditionnellement exclus du champ théorique
de la croissance : démographie, commerce international, politiques publiques...
Mais ces nouvelles théories ne sont pas à l’abri de critiques :
– Ces théories rendent compte globalement de plusieurs sources de croissance, mais chacune isolément. Il n’existe encore aucune théorie capable
d’intégrer l’ensemble des sources de croissance dans un modèle global, et
l’étude des interactions en est donc restreinte, ce qui limite la portée des
conclusions obtenues.
– Ad-hocité42 de certaines hypothèses : les formes fonctionnelles choisies
pour les di¤érents aspects du progrès technique sont très spéci…ques, et
on peut s’interroger sur la robustesse des résultats.
– Les comportements des agents supposés par ces modèles sont assez discutables : La rationalité totale des individus, l’hypothèse d’anticipations
rationnelles peuvent être considérées comme des approximations acceptables quand les conditions de l’activité sont données, mais lorsqu’elles
deviennent endogènes, cela devient très douteux. Ainsi, une innovation
correspond à l’apparition de quelque chose qui n’existait pas avant et qui
peut di¢ cilement être probabilisé, et donc anticipé.
– Les modes de coordination introduits dans les modèles sont relativement
pauvres en comparaison avec la réalité économique, qui ne se résume pas
au marché parfait et à la circulation parfaite de l’information (technologique ou non). Il existe ainsi un grand nombre d’institutions (associations,
entreprises, gouvernements, syndicats, lobbies...) dont le rôle sur le progrès
technique mériterait d’être étudié, et les théoriciens économiques gagneraient à s’intéresser aux travaux des historiens dans ce domaine.
4 1 King
& Robson (1989), Weil (1989)...
terme "ad-hoc" présente plusieurs signi…cations distinctes en analyse économique. Nous
comprendrons ici qu’une hypothèse est considérée comme "ad-hoc" si elle est ajoutée au
modèle dans le but (avoué ou non) de faire apparaître la situation désirée.
4 2 Le
23
6
Bibliographie indicative
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Teulon, F., Croissance, crises et développement, Coll. Major, ed. PUF, 2004.
24
7
7.1
Annexes
Classement des pays selon l’IDH
Source : PNUD 1999.
25
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