Università di Bergamo a.a. 2014/15 Le théâtre français de la Renaissance au XXe siècle Table des matières Le théâtre au XVIe siècle: • théorisation: DU BELLAY, PELETIER, DE LA TAILLE • GARNIER, Les Juives Le théâtre au XVIIe siècle: • CORNEILLE: Le Cid • théorisation: la Querelle du Cid Le théâtre au XVIIIe siècle: • théorisation: BEAUMARCHAIS, D’ALEMBERT, ROUSSEAU • le drame bourgeois Le théâtre au XIXe siècle: • théorisation: REMUSAT, CONSTANT, STENDHAL, HUGO • le drame romantique Le théâtre au XXe siècle: • les précurseurs du Théâtre de l’absurde: le Cartel, JOUVET, VILLARD, BARRAULT, ARTAUD • IONESCO: La Cantatrice Chauve, La leçon, Les Chaises • BECKETT: En attendant Godot • le théâtre contemporain: KOLTÈS, LAGARCE, SCHMITT Moyen Age 1500 1550 mystère 1548 interdiction des mystères 1600 tragi- 1650 1700 1750 -comédie miracle moralité DONAT ( ̴1540) PELETIER DU MANS DU BELLAY, Défense et illustration (1549) PELETIER DU MANS, Art poétique (1555) ( ̴1540) DE LA TAILLE, Traité (1572) GARNIER, Les Juives (1583) CORNEILLE CORNEILLE (1633 - - 1674) 1637 Querelle du Cid ROTROU THOMAS CORNEILLE QUINAULT 1677 retraite de RACINE MARIVAUX drame bourgeois: DIDEROT, SEDAINE, MERCIER 1800 1850 1900 1950 1975 20 00 STENDHAL, Racine et Shakespeare (1823) CONSTANT HUGO, Préface de Cromwell (1827) JACQUES COPEAU THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER (1920-27) LOUIS JOUVET Le Cartel (1927) JEAN VILAR (1941-42) 1800 1850 IONESCO La Cantatrice Chauve (1950) La Leçon (‘51) Les Chaises (‘52) Victimes du devoir (‘53) Amédée ou comment s’en débarasser (‘54) BECKETT En attendant Godot (1953) BARRAULT (1947 – Kafka, Le procès) KOLTÈS Combat de nègre et de chien (1979) ARTAUD, Le Théâtre et son double (1937) (1944) LAGARGE Derniers remords avant l'oubli (1987), Juste à la fin du monde (1990 SCHMITT 1900 1950 1975 20 00 Le théâtre au XVIe siècle Formes dramatiques héritées du Moyen-âge: • mystères • miracles • moralités 1548: interdiction des mystères mystères miracles moralités • sujet: Bible, Passion • ton sérieux ou comique • sujet: les saints, la Vierge • ton sérieux • sujet allégorique • ton sérieux Genres dramatiques au XVIe siècle tragédie tragicomédie comédie Sources de la tragédie Bible mytholo gie histoire antique •Pédagogie humaniste: MURET et BUCHANAN MONTAIGNE: « J’ai soutenu les premiers personnages ès tragédies latines [...] en notre collège de Guyenne avec dignité [...] C’est un exercice que je ne mesloue [= blâme] point aux jeunes enfants » (Essais, I, 26 [De l’institution des enfants] ) La tragi-comédie • Définition: une « tragédie qui finit bien » • 1580 -1630 TEXTES : • GARNIER, Bradamante (1582) • [CORNEILLE, Le Cid (1637)] La Comédie Statut: genre mineur (XVIe siècle) STRUCTURE: • 5 actes (= la tragédie), mais parfois 3 • 3 moments (= la tragédie): a) exposition b) progrès de l’action c) catastrophe • 4 principes : a) des 3 unités aristotéliques (= la tragédie) b) de la liaison des scènes (= la tragédie) c) de l’ in medias res (= la tragédie) tragédie comédie tragi-comédie texte vers (alexandrin) vers (octosyllabe) vers prose (octosyllabe) prose temps 1 jour 1 jour plusieurs jours, mois, années action mythologie Antiquité histoire contemporaine héros dieux royauté chevaliers société contemporaine société contemporaine bourgeois héros royauté amour histoire héroïsme amour argent amour argent personnages thèmes/ intrigue événements romanesques: enlèvements, assassinats, retrouvailles spectaculaires La tragédie succès de la tragédie classique éclosion de la tragédie biblique Circonstances favorables à sa réapparition ( ̴ 1550) déclin des formes dramatiques héritées du Moyen-âge Tragédie d’inspiration biblique TEXTES: • THÉODORE DE BÈZE, Abraham sacrifiant (1550) (1ère trag. en fr.) • LOUIS DE MASURES, David combattant (1563) David triomphant (1563) David fugitif (1563) • RIVAUDEAU, Aman (1566) • JEAN DE LA TAILLE, Saül le furieux (1572) Tragédie d’inspiration profane TEXTES • • • • • • • JODELLE, Cléopâtre captive (1553) (1ère trag. profane) JEAN DE LA PÉRUSE, Médée (1553) JACQUES GRÉVIN, César (1561) NICOLAS FILLEUL, Achille (1563) CHARLES TOUTAIN, Agamemnon (1557) PIERRE MATTHIEU, Clytemnestre (1585) ROBERT GARNIER, Hyppolite (1573 ) (1ère trag. à sujet mythol. ) Cornélie (1574), Marc-Antoine (’78) Bradamante, ’82, (1ère tragi-comédie ) Les Juives (1583) (son chef-d’œuvre) • MONTCHRESTIEN, Sophonisbe (1595) (cycle de l’hist. romaine) L’Écossaise (1601) (cycle hist. récente) (1587 décapitation de Marie Stuart) David (1601) (cycle biblique) Aman (1601) (cycle biblique) Hector (1604) (au cycle troyen) • GARNIER, Hyppolite (1573) Cornélie (1574) Marc-Antoine (1578) Bradamante, (1582) Les Juives (1583) ROBERT GARNIER (1544-90) Les Juives (1583) acte V, ll. 1-10 / 13-20 LE PROPHÈTE : Quand il [Nabuchodonosor] eut tout dit ce qu’il avait vouloir [=il voulait], Il commande aux bourreaux de faire leur devoir. [...] Au gosier s’attacha notre muette voix. [...] Que je taise le reste, hélas ! je n’en puis plus : Quelque autre surviendra qui dira le surplus. […] Se présente au bourreau sans épouvantement, [...] Cette parole à peine il avait achevée, Que la tête lui est du col enlevée. Exercices : (1) Relevez les procédés qui permettent de ne pas représenter sur scène la tuerie. (2) Relevez tous les mots qui concernent le silence réel et le silence imposé. Un théâtre à la recherche de son public Naissance de la tragédie classique? Le théâtre au XVIe siècle Théorisation • Défense et illustration de la langue française • (1549) • Traduction des ouvrages d’Horace • ̴ 1540 DONAT • Traité de la tragédie • (1572) DU PELETIER DU MANS BELLAY DE LA TAILLE PELETIER DU MANS • L’Art poétique • (1555) Horace, L’Art poétique (13 avant J.C.) emploi du vers 1500-2000 vers découpage en 5 actes intervention du Chœur pour marquer des pauses lyriques JEAN DE LA TAILLE, Traité de la tragédie (1572) STRUCTURE: • structures de l’âge classique • 5 actes • 3 moments: a) exposition b) progrès de l’action c) catastrophe • 4 principes : a) des 3 unités aristotéliques b) de la liaison des scènes c) de l’ in medias res d) des bienséances Le théâtre au XVIIe siècle Théâtre du Marais Rôle de Richelieu Promotion du théâtre Vue du Palais Royal (aujourd’hui rue Saint-Honoré – 1er arrondissement) Plan du Palais-Royal en 1679 et emplacement du Théâtre du Palais. Représentation de l’Armide de Lully au Théâtre du Palais (1761) L’incendie de 1763. Le façade du Théâtre du Palais en 2005 (1er arr.) Chefs-d’oeuvre du début du XVII siècle • pastorale: Silvanire de JEAN MAIRET (1629) Honoré d’Urfé, Sylvanire • tragédie: pièces d’ALEXANDRE HARDY (…-1630) • comédie: La Veuve, La Galerie du Palais, L’Illusion comique de CORNEILLE (1630 - 40) PIERRE CORNEILLE (1606-84) Pièces de Corneille période : 1633-1674 • comédies : Mélite, Le Menteur, La Place Royale, L’Illusion Comique (1636) • tragi-comédies : Clitandre, Le Cid (1636) • tragédies (régulières) : Horace, Cinna, Polyeucte. • tragédies (politiques, spectaculaires, romanesques) : Rodogune, Héraclius, La Mort de Pompée, Andromède, Suréna. éd. 1637 Le Cid (1636) • le sujet • les personnages: Rodrigue et Chimène, Dom Diègue (père de R.), Dom Gomès (père de Ch.), l’Infante, Dom Sanche. • la Querelle du Cid • unité de temps ? >>> apparemment, l’action ne dépasse pas les 24 heures • unité de lieu ? >>> 4 décors différents : une place, le palais royal (l’Infante), la maison de Chimène, la maison de Rodrigue • l’unité d’action ? >>> intrigue secondaire (l’Infante et Rodrigue) n’est pas indispensable Choix de Rodrigue: refus de se venger exigeance de vengeance réfus de se venger perte de l’honneur mariage impossible perte de l’estime de Chimène Choix de Rodrigue: se venger exigeance de vengeance mariage impossible venger son père = tuer le père de Chimène MAIS perte de l’amour de Chimène défense de son honneur acquisition de l’estime de Chimène mariage possible Choix de Chimène: ne pas se venger perte de son honneur Rodrigue = assassin / futur mari mariage impossible Chimène = indigne de Rodrigue mariage impossible Choix de Chimène: se venger exigeance de vengeance défense de l’honneur hypothèse n.2: hypothèse n.1: mort de Rodrigue > mariage impossible Rodrigue vainqueur > mariage possible Chimène = digne de Rodrigue duel Rodrigue/Dom Sanche Le Cid (1636) - acte I, scène 6 RODRIGUE: « Que je sens de rudes combats ! Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse [=prend parti] Il faut venger un père et perdre une maîtresse. L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras. Réduit au triste [= funeste] choix ou de trahir ma flamme, Ou de vivre en infâme, Des deux cotés mon mal est infini. O Dieu, l’étrange peine ! Faut-il laisser un affront impuni ? Faut-il punir le père de Chimène ? » Exercice : Relevez les mots qui concernent les deux valeurs antagonistes entre lesquelles le héros doit choisir. Analyse • hésitation • option entre valeurs antinomiques (honneur / amour) • obsession dramatique : 1) répartition des 2 pôles de l’alternative (vv. 13-14) 2) amplification (vv. 15-16, 19-20) 3) chiasme (v. 2: « honneur/amour ») 4) reprise en refrain (vv. 19-20) • immobilisme douloureux de l’être CORNEILLE « [La] dignité [de la tragédie] demande quelque grand intérêt d’État, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour, telles que sont l’ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d’une maîtresse » (Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique). Émules de Corneille (1606-84) THOMAS CORNEILLE (1625-1709) Corneille PHILIPPE QUINAULT (1635-88) collaboration avec Lulli JEAN DE ROTROU (1609-50) La Querelle du Cid (avril-déc. 1637) • CORNEILLE, Excuse à Ariste « Je sais ce que je vaux [...] [...] Je satisfais ensemble et peuple et courtisans, Et mes vers en tous lieux sont mes seuls partisans, Par leur seule beauté ma plume est estimée : Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée ». • MAIRET, L’auteur du vrai Cid espagnol à son traducteur français sur une lettre en vers qu’il a fait imprimer, intitulée « Excuse à Ariste », où, après cent traits de vanité, il dit de lui-même : «Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée». > accuse de plagiat > Guillén de Castro (1569-1631) • CORNEILLE (> MAIRET), rondeau • SCUDÉRY, Observations sur le « Cid » (avril 1637): « Que le sujet [du Cid] n’en vaut rien du tout, Qu’il choque les principales règles du poème [dramatique, Qu’il a beaucoup de méchants vers, Que presque tout ce qu’il a de beautés sont [dérobées». • CORNEILLE (à SCUDÉRY), Lettre apologétique • SCUDÉRY, Lettre de M. de Scuderi [sic] à l’Académie française (juin 1637) • • • • SCUDÉRY > GUEZ DE BALZAC RICHELIEU > MAIRET CHAPELAIN, Sentiments de l’Académie sur « Le Cid » CORNEILLE, correction du texte du Cid Le théâtre au XVIIIe siècle • 1677: retraite de RACINE • déclin de la tragédie • auteurs: CAMPISTRON LONGEPIERRE LA FOSSE • D’ALEMBERT (valeur cathartique du théâtre > rôle éducatif) vs. ROUSSEAU (aucun intérêt philosophique) Premier grief (d’ordre dramatique) • MARIVAUX – stigmatisation de l’invraisemblance («nobles coupables», «héros si tendres», «crimes si grands») – inadéquation entre le langage des personnages et leurs actes – séparation entre valeurs ‘héroïques’ du théâtre et valeurs morales ordinaires représentation plus naturelle, plus conforme à la réalité. ouvrages: • La double inconstance (1723) • Le prince travesti (1724) • L’île des esclaves (1725) • Le jeu de l’amour et du hasard (1730) • Les fausses confidences (1737) • BEAUMARCHAIS – stigmatisation de l’éloignement historique et géographique des personnages. ouvrages: • Le barbier de Séville (1775) • Le mariage de Figaro (1784) • DIDEROT favorable un théâtre du sentiment authentique naissance du drame bourgeois >> les conditions sociales modèlent la psychologie des hommes. ouvrages: DIDEROT • Le fils naturel (1757- joué en 1771) • Le père de famille (1758 – joué en 1760) SEDAINE • Le philosophe sans le savoir (1765) MERCIER • La brouette du vinaigrier (1775) Second grief (d’ordre philosophique) ROUSSEAU théâtre = (a) art du mensonge (b) sans valeur morale (c) seule satisfaction de l’émotion Le théâtre au XIXe siècle Écrits théoriques • SCHLEGEL, Cours de littérature dramatique (trad. fr. 1814) • MANZONI, Lettre sur les unités (écrite en 1820) (publiée en 1823) • REMUSAT, articles dans le journal libéral le Globe • STENDHAL, Racine et Shakespeare (1823) • HUGO, Préface de Cromwell (1827) STENDHAL « Le Romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus grand plaisir. Le Classicisme au contraire leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir à leurs arrière-grands-mères [...] Imiter aujourd’hui Sophocle et Euripide, et prétendre que ces imitations ne feront que bâiller le Français du XIXe siècle, c’est du Classicisme » (Racine et Shakespeare) Hugo • Légitimation ‘esthétique’ du drame romantique : « Les temps primitifs sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques ». Hugo: peinture totale de la réalité • « L’homme [est] double, composé de deux êtres, l’un périssable, l’autre immortel, l’un charnel, l’autre éthéré, l’un enchaîné par les appétits, les besoins, les passions, l’autre emporté sur les ailes de l’enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie ». • « La Muse moderne [...] sentira que [...] dans la création [...] le laid y existe à côté du beau [...] Elle se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations [...] l’ombre à la lumière, le grotesque au sublime ». BENJAMIN CONSTANT « […] avec leur faiblesse, leurs inconséquences et cette mobilité ondoyante qui appartient à la nature humaine et qui forme des êtres réels ». ( préface de sa traduction du Wallenstein de Schiller) Hugo: aversion aux unités de temps et de lieu (1/2) « On commence à comprendre de nos jours que la localité exacte est un des premiers éléments de la réalité. Les personnages parlants ou agissants ne sont pas les seuls qui gravent dans l’esprit du spectateur la fidèle empreinte des faits. Le lieu où cette catastrophe s’est passée en devient un témoin terrible et inséparable ; et l’absence de cette sorte de personnage muet décompléterait dans le drame les plus grandes scènes de l’histoire». « Le poète oserait-il assassiner Rizzio ailleurs que dans la chambre de Marie Stuart ? » William Allan, Le meurtre de David Rizzio (1833) (Edinburgh, National Gallery of Scotland) « [Le poète oserait-il] poignarder Henri IV ailleurs que dans cette rue de la Ferronnerie, tout obstruée de haquets et de voitures ? » Le meurtre d’Henri IV par Ravaillac (1610) « [Le poète oserait-il] brûler Jeanne d’Arc autre part que dans le Vieux Marché? » Jeanne d’Arc brulée à Rouen sur la place du Vieux-Marché (1431) Hugo: aversion aux unités de temps et de lieu (2/2) “L’unité de temps n’est pas plus solide que l’unité de lieu. L’action, encadrée de force dans 24 heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. [...] On rirait d’un cordonnier qui voudrait mettre le même soulier à tous les pieds ! Croiser l’unité de temps à l’unité de lieu comme les barreaux d’un cage et y faire pédantesquement entrer, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la providence déroule à si grandes masses dans la réalité... c’est mutiler hommes et choses, c’est faire grimacer l’histoire ». Hugo: admissibilité de l’unité d’action « Gardons-nous de confondre l’unité [d’action] avec la simplicité d’action. L’unité d’ensemble ne répudie en aucune façon les actions secondaires, sur lesquelles doit s’appuyer l’action principale. Il faut seulement que ces parties, savamment subordonnées au tout, gravitent sans cesse vers l’action centrale et se groupent autour d’elle. L’unité d’ensemble est la loi de perspective du théâtre ». Les nouvelles règles du drame romantique • « comme la sève qui monte de la racine à la dernière feuille de l’arbre » indépend ance du génie imitation de la Nature sélection des éléments statut de l’art comme miroir de la Nature • « sous la baguette magique de l’art ». • Cf. VIGNY « L’art est la vérité choisie » (Journal d’un poète). Hugo: de la théorie à la pratique … EN VERS EMPLOI DU VERS Cromwell (1827), Hernani (1830), Marion de Lormes (1831), Le Roi s’amuse (1832) Ruy Blas (1838), Les Burgraves (1843) ASPECTS POSITIFS EN PROSE Lucrèce Borgia (1833), Marie Tudor (1833), Angelo (1835) ASPECTS NÉGATIFS ACTION •intrigue serrée, •péripéties émouvantes •dénouement frappant •intrigue brillante, spectaculaire •action parfois surchargée > •manque de vraisemblance (Hernani) •rôle excessif du hasard PERSONNAGES •emploi excessif des contrastes > •invraisemblance •passions émouvantes •personnages historiques •pas de profondeur d’analyse •passions simplifiées •faux historiques (ex. Don Carlos ds. Hernani) TEXTE •poésie lyrique •poésie épique •intervention indiscrète de l’auteur Le théâtre au XXe siècle thème de l’angoisse <<< Existentialisme ARTAUD, petits théâtres d’essai JOUVET > texte + mise en scène cohérence él. textuels + visuels Le théâtre et son double (1937) Origines du Théâtre del’absurde précurseurs: VILAR, BARRAULT, JOUVET ̴ 1950 VILAR BARRAULT > Le procès de Kafka (1947) t. ‘classique’ # t. ‘difficile’ adapt. Gide (1941-42) province # Paris >> Le Théâtre de l’absurde français • ADAMOV († 1970) • BECKETT († 1989) • IONESCO († 1994) Hypothèse existentialiste 1) idée rejetée par quelques chercheurs même si l’absurdité de la vie est bien un thème existentialiste, SARTRE et CAMUS l’ont développé dans un ordre rationnel et en utilisant une dramaturgie conventionnelle 2) idée complètement rejetée par DAVID BRADBY († 2011) sources : le théâtre de JEAN VILAR, LOUIS JOUVET, JEAN-LOUIS BARRAULT - pièces ‘difficiles’ (SHAKESPEARE, KAFKA) - théâtre complet (cf. ARTAUD) - petites salles de théâtre Hypothèse: ARTAUD • idée rejetée par David Bradby connaissance d’Artaud et de son essai: IONESCO, BECKETT, ADAMOV + BARRAULT , BLIN (metteurs en scène) • • • Le Théâtre et son double (1937) > 1 éd. (1944) passée presque inaperçue > 2 éd. (1956) dans ses Œuvres Complètes 1958 - …. : réputation d’ARTAUD solidement établie Hypothèse: précurseurs JEAN VILARD: • - 1941-42 • - 2 espèces d’activité théâtrale : • en province • théâtre ‘classique’ • (Molière, XVIIIe s., Musset) à Paris: théâtre ‘ difficile’ (Shakespeare) Les précurseurs du théâtre de l’absurde JEAN VILAR (1912-71) ANTONIN ARTAUD (1896-1948 JEAN-LOUIS BARRAULT (1910-94) Le Théâtre et son Double (essai, 1938) JEAN GENET (1910-86) Les Bonnes (pièce tragique, 1947) JEAN-LOUIS BARRAULT • 1940-50 • mise en scène du Procès de KAFKA (1937) effet de cauchemare, délire vision torturée • collaboration avec GIDE KAFKA par BARRAULT (1947), adaptation par Gide GIDE: «Sans Jean-Louis Barrault n’existerait pas cette pièce inspirée par le célèbre roman de Kafka. J’ai noté dans mon Journal notre rencontre à Marseille. C’était le 4 mai 1942. Je devais m’embarquer le lendemain pour Tunis où je fus retenu tout le temps de la pénible occupation allemande. Jean-Louis Barrault me parla ce jour-là de son projet de porter à la scène Le Procès de Kafka et me demanda si j’acceptais de l’y aider. J’avais pour ce livre étrange une admiration des plus vives mais lui dis qu’avant de me décider j’avais besoin de la relire. Ce que je fis. Et je dois avouer que d’abord les difficultés que présentait une telle adaptation me parurent insurmontables. Mais c’était faire injure au génie de Jean-Louis Barrault. À mon retour en France en 45, il revint à la charge. Il avait travaillé de son côté, préparé une sorte de scénario déjà détaillé, qu’il me soumit. Il ne s’agissait plus que de couvrir de chair le squelette qu’il m'apportait [...] » LOUIS JOUVET • texte + mise en scène parfaite coherence artistique des éléments textuels et des él. visuels (< collaboration avec COPEAU , 1920-27, Théatre du Vieux-Colombier (Paris)) Expérience du Cartel: • co-fondateur du Cartel (1927 - association) ( + DULLIN, LES PITOËFF, BATY ) • but: affirmer et propager les idées de COPEAU • Structure de l’association: 4 théâtres (directeurs: JOUVET, DULLIN, LES PITOËFF, BATY ) Poétique théâtrale du Cartel: 1) respect et prééminence du texte 2) adoption d’un jeu plus naturel >> simplicité/authenticité de la mise en scène 3) appel à l’imagination (plutôt que recherche d’effets spectaculaires) 4) mise en scène d’auteurs contemporains 5) donner une visibilité au théâtre d’avant-garde - participation intelligente du public (ex. conférences) - respect des horaires - publication du programme des 3 autres théâtres (>> augmenter leur auditoire respectif) JACQUES COPEAU THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER (1913) Poétique théâtrale: 1) développement total des facultés humaines (non des seules aptitudes techniques) 2) maîtrise du corps 3) travail de groupe plutôt que travail individuel 4) travail collectif >> auteur / acteurs / metteur en scène 5) créer un nouveau langage visuel 6) abandon du théâtre à l’italienne (loges / rampe / décors en trompe l’œil) JOUVET: « Le sens ne me vient qu’à la pratique même. Décor, mouvement, temps ou rythme, diction. Tout est pour moi dans une pièce la possibilité de voir, d’entendre, d’éprouver la pièce; le travail du bureau m’est improfitable et stérile ». Théâtre du Vieux-Colombier (Paris – 6e arr.) L’importance de l’espace théâtral Façade du Théâtre de la Huchette en 2006 (5e arr.) Façade du Théâtre des Noctambules (5e arr.), aujourd’hui Reflet Médicis Espace théâtral et naissance du Théâtre de l’Absurde • petits théâtres « d’art et d’essai » du Quartier Latin • salles minuscules ( ̴ 50 spectateurs) • 2 pièces par jour (à 18 h. et à 20 h.) pour accroître leur rentabilité • elles pouvaient prendre le risque de présenter des pièces qui auraient conduit à la ruine de plus grands théâtres Le Théâtre de l’Absurde absence d’intrigue et de caractérisation = sujet principal des pièces mouvements des personnages dépourvus de sens personnages sans personnalité intrigues sans intrigue EUGÈNE IONESCO (1909-94) Ionesco (1909-94) Pièces : • La Cantatrice chauve (1950) • La Leçon (1951) • Les Chaises (1952) • Victimes du devoir (1953) • Amédée ou Comment s’en débarrasser (1954) • Jacques ou la soumission (1955) • Rhinocéros (1960) • Le Roi se meurt (1962) thème de la domination La Leçon incommunicabilité entre les êtres thème de l’autorité La Cantatrice Chauve La Leçon faillite du langage (automatismes, clichés, tautologie, contradiction) Théâtre de Ionesco thème de l’agression La Leçon La Cantatrice Chauve mécanisme de prolifération “pièce circulaire” Les Chaises Amédée ou Comment… Victimes du devoir Façade du Théâtre de la Huchette en 2006 (5e arr.) Les Chaises (1951) • • • • pièce en 1 acte [# tragédie/comédie > 5 actes] 3 personnages: le vieux, la vieille,l’orateur l’une des pièces les plus connues de Ionesco représentative en part. des trouvailles de Ionesco > mécanisme de prolifération (ici > les chaises que la vieille apporte pour faire s’asseoir tous les invités invisibles) dénouement: l’orateur ne parle à personne • • • mécanisme de prolifération >> sensation d’étouffement, perte de contrôle, angoisse cf. Victimes du devoir (1953) > une femme remplit la scène de tasses à café cf. Amédée ou comment s’en débarasser (1954) > cadavre grandissant IONESCO, Les Chaises (repr. 2011) IONESCO, Les Chaises (repr. 1975) Amédée ou comment s’en débarasser (1954) • 3 actes Personnages: • une couple (Amédée et Madeleine) + personnages secondaires (parmi lesquels: 2 soldats, 2 policiers,1 homme et 1 femme) Argument: • l’obsession (depuis 15 ans) du secret que renferme la chambre d’à côté • secret >>> une paire de jambes énorme surgit de la porte d’à côté • un cadavre grandissant, qui aurait attrapé la maladie incurable des morts («la progression géométrique ») Explication du titre : • poussé par Madeleine, Amédée prend la décision de se débarrasser du cadavre. Dénouement: Amédée, portant un cadavre dégonflé, rencontre un soldat américain, puis surgissent les policiers. Amédée s'échappe en s’élevant dans l’air avec le cadavre. Variations: • l’échappée d'Amédée n’est pas montrée, mais seulement commentée par les autres personnages. IONESCO, Amédée ou comment s’en débarasser (1954) Poétique de Ionesco dans La Cantatrice Chauve (1950) • Derrière ce comique de l’absurde, il y a un pessimisme profond : - absurdité du monde incommunicabilité entre les êtres faillite du langage solitude de l’homme impossibilité d’atteindre les choses absence de certitude sur le monde Buts: • tourner le théâtre en dérision • le comique qui naît de cette suite de mots creux et de propos stéréotypés est vite submergé par l’absurde et débouche sur un malaise • stigmatiser la crise du langage, la mort des mots qui survivent sans plus aucune référence à la réalité IONESCO, La Cantatrice Chauve (repr. 2013) La Cantatrice Chauve (1950) • Résumé • Genèse de la pièce: manuel d’anglais, méthode Assimil (1929) • Analyse: - Hésitation du langage entre tautologie et contradiction - Rupture des formes dramatiques traditionnelles - Double désintégration: (a) de la personnalité (b) du langage - Personnages dépourvus de toute psychologie >>> interchangeables IONESCO: « fantoches », « personnages sans caractère » - Prénoms des personnages: très communs, anodins >>> M. Martin, Mme Martin, M. Smith, Mme Smith, capitaine des pompiers - Raisonnements dialectiques et logomachiques - Casus belli: déterminer si « lorsqu’on sonne la porte, il y a quelqu’un ou non » La querelle M./Mme Martin vs. M./Mme Smith (ll. 47-55 ): M. MARTIN : « En somme, nous ne savons toujours pas si, lorsqu’on sonne à la porte il y a quelqu’un ou non ! », MME SMITH : « Jamais personne », M. SMITH : « Toujours quelqu’un » • raisonnements dialectiques et logomachiques pour déterminer si « lorsqu’on sonne à la porte il y a quelqu’un ou non » Le pompier: un personnage à la recherche de son identité Personnage sans nom, défini uniquement par sa fonction >>> • son insistance [ll. 102-103]: « N’y manquez pas, vous me rendriez un service ! » • son affliction [l. 94]:(désolé) « Rien du tout ? » • ses interrogations pressantes [ll. 94-97]: « Vous n’auriez pas un petit feu de cheminé, quelque chose qui brûle […] ? Un petit début d’incendie, au moins?» • importance de l’objet (le casque) [l. 65] [MME SMITH :«[…]Enlevez votre casque et asseyez-vous un instant», [ll.68-70]: [LE POMPIER] : « Je veux bien enlever mon casque, mais je n’ai pas le temps de m’asseoir (Il s’assoit, sans enlever son casque) » . • • • • casus belli >>> déterminer si « lorsqu’on sonne à la porte, il y a quelqu’un ou non » faux dialogue, faux problème L’enchaînement de répliques fonctionne à vide : il y a un faux dialogue, un faux problème (l. 1-57). La logique est poussée jusqu’au non-sens, à l’absurdité de l’argumentation . [ll. 47-55] [M. MARTIN] : « En somme, nous ne savons toujours pas si, lorsqu’on sonne à la porte il y a quelqu’un ou non ! » [MME SMITH] : « Jamais personne » [M. SMITH] : « Toujours quelqu’un », [LE POMPIER] : « Je vais vous mettre d’accord. […] Lorsqu’on sonne à la porte, des fois il y a quelqu’un, d’autres fois il n’y a personne ») • • Language source d’ambigüité, incertitude, contradiction >>> Ionesco: “La Cantatrice Chauve = tragédie du language” Ambigüité du language Automatismes du langage: • Expressions faites du rituel social [ll. 75-79] [LE POMPIER]: « Je vais vous prier de vouloir bien excuser mon indiscrétion ; euh .. puis-je … devant eux… » [ll. 102-104] [LE POMPIER ]: « N’y manquez pas, vous me rendriez un service ! » [MME SMITH]: «C’est promis ! » • expressions qui sont des platitudes, des clichés [l.56] [M. MARTIN] : « Ça me paraît logique ! » • Le principal message de la Cantatrice Chauve: la dénonciation des lieux communs qui obstruent le langage et la pensée. Automatismes du langage • automatismes du langage jouent les uns contre les autres en rejet de tout sens. Aux lignes 44 et 45, le dérapage aussi bien que le comique sont entrainés par le fait qu’une expression figée (telle que « pour rire ») est prise au pied de la lettre. [ll. 41-46] [M. SMITH]: « Mais quand on a ouvert, on ne vous a pas vu ». [LE POMPIER] : « C’est parce que je me suis caché ... pour rire ». [MME SMITH] : « Ne riez pas ! [...] L’affaire est trop triste ». Perversité du langage. • parodie d’un interrogatoire policier [ll.1-2] [M. SMITH]: « Monsieur, [...] laissez-moi vous poser [...] quelques questions » • ou judiciaire (formulation des questions, réponses; vocabulaire) [l. 46 ] [MME SMITH] : « Ne riez pas ! [...] ». Un univers absurde L’absurde naît : 1) de la contradiction permanente Le pompier affirme qu’il n’a pas le temps de rester, alors qu’il a attendu ¾ d’heure à la porte à rêvasser : [ll. 35-37] : M. SMITH: «Et qu’est-ce que vous faisiez à la porte ? », LE POMPIER: « Rien. Je restait là. Je pensais à des tas de choses ». 2) des procédés d’opposition du burlesque >> décalage permanent entre un ton sérieux et l’aspect dérisoire ou creux du propos [l.9] LE POMPIER : « Je ne le nie pas » (litote) [ l. 46] MME SMITH : « Ne riez pas, Monsieur le Capitaine. L’affaire est trop triste » (grandiloquence et gravité ) 3) de l’inversion des rapports normaux Un pompier en quête de feu vient solliciter l’aide d’un couple! Alors que ce comportement est logique, la situation est illogique : c’est donc la logique de l’illogique. [ll. 75-79] [LE POMPIER ]: « Je vais vous prier de vouloir bien excuser mon indiscrétion ; euh .. puis-je … devant eux… » [ll. 102-104] [LE POMPIER ]: « N’y manquez pas, vous me rendriez un service ! » [MME SMITH]: «C’est promis ! » 4) de la perversité du langage et du raisonnement >> perte totale du sens, abolition de toute certitude La Leçon (1951) • Résumé • Notion de pièce « circulaire » (Ionesco) • Extrait • Analyse: - thème de la domination - thème de l’autorité et de l’agression IONESCO, La Leçon (1951) Thème de la domination • Les personnages dans l’espace >> danse hypnotique. • Dimension du dialogue et du silence >> rapport dominant/dominée est explicité par le langage >>> périodes vs. monosyllabes) LE PROFESSEUR: « Je vous prie d’écouter » [l. 1] « Silence ! » [ll. 8 et 10] « Écoutez, plutôt » [l. 52] « Taisez-vous [...] N’interrompez pas ! » [l. 61] Thème de l’autorité et de l’agression [LE PROFESSEUR:] « Je vais donc vous prier d’écouter avec la plus grande attention mon cours, tout est préparé ... » [ll. 1-2] « Vous pouvez prendre note, Mademoiselle » [ll. 22-23] [LE PROFESSEUR :] « [...] N’étalez donc pas votre savoir. Écoutez plutôt ! » [l. 52] « [...] n’interrompez pas ! » [l. 61] IONESCO « J’ai intitulé mes comédies « anti-pièces », « drames comiques », et mes drames « pseudo-drames » ou « farce tragiques », car, me semble-t-il, le comique est tragique, et la tragédie de l’homme dérisoire. Pour l’esprit critique moderne, rien ne peut être pris tout à fait au sérieux, rien tout à fait à la légère ». SAMUEL BECKETT (1906-89) action parfois inexistante Pièce circulaire l’œuvre est conçue comme une structure circulaire où le début et la fin coïncident thème de l’incommunicabilité entre les êtres faillite du langage, qui qui ne débouche jamais sur l’action Théâtre de Beckett thème de la communication comme lutte contre le vide thème de l’ ambigüité sémantique du langage malentendus Pièces de Beckett • • • • En attendant Godot (1952) Fin de partie (1957) La dernière bande (1958) Oh, les beaux jours (1963) En attendant Godot (1953) 1) La parole et le silence • • • dialogue émaillé de silence et de trous chaque motif lancé par un des protagonistes tourne court et s’enlise après quelques échanges incertains scène rythmée par des silences, pendant lesquels tout retourne au néant une seconde fois : [ll. 10, 13, 58, 64] INDICATION DE SCÈNE : Silence. [l. 29] VLADIMIR: « Il [= Godot] nous punirait. (Silence. Il regarde l’arbre) . Seul l’arbre vit». [l. 36-37] ESTRAGON: « Viens voir. (Il entraîne Vladimir vers l’arbre. Ils s’immobilisent devant. Silence) Et si on se pendait ? » [ll. 85-86] ESTRAGON: « C’est vrai ». (Il relève son pantalon. Silence). 2)La parole et le mime Alternance des dialogues et des jeux de scène clownesques qui concernent : • les chaussures [ll. 2-3] : « Estragon se réveille, se déchausse », [l. 5] : «[...] les chaussures à la main, [Estragon] les dépose devant la rampe »] •l’arbre [ll. 31-38] ESTRAGON : Regardant l’arbre « Qu’est-ce que c’est ? » VLADIMIR : « C’est l’arbre» ESTRAGON : « Non, mais quel genre ? » VLADIMIR : « Je ne sais pas. Un saule ». ESTRAGON : « Viens voir. (Il entraîne Vladimir vers l’arbre. Ils s’immobilisent devant. Silence) Et si on se pendait ? » BECKETT, En attendant Godot (> les chaussures) [ll. 2-3] : « Estragon se réveille, se déchausse », [l. 5] : «[...] les chaussures à la main, [Estragon] les dépose devant la rampe »] BECKETT, En attendant Godot (> l’arbre) [l. 31-38] ESTRAGON : Regardant l’arbre « Qu’est-ce que c’est ? » VLADIMIR : « C’est l’arbre» ESTRAGON : « Non, mais quel genre ? » VLADIMIR : « Je ne sais pas. Un saule ». ESTRAGON : « Viens voir. (Il entraîne Vladimir vers l’arbre. Ils s’immobilisent devant. Silence) Et si on se pendait ? » • le pantalon et la corde [ll. 40-62] • le dialogue entre ESTRAGON et VLADIMIR concernant leur suicide, leur pendaison. [ll. 80-85] VLADIMIR : « Relève ton pantalon » ESTRAGON : « Comment ? » VLADIMIR : « Relève ton pantalon » ESTRAGON : « Que j’enlève mon pantalon ? » VLADIMIR : « RE-lève ton pantalon » ESTRAGON : « C’est vrai ». INDICATION DE SCÈNE : Il relève son pantalon. • le chapeau [l. 76-78]. INDICATION DE SCÈNE : Vladimir secoue, le remet. enlève son chapeau – celui de Lucky – regarde dedans, y passe la main, le BECKETT, En attendant Godot (> le pantalon) [ll. 40-62] 1)Fonction ludique • Le langage apparaît comme une tentative désespérée pour maintenir la communication et lutter contre le vide. • La structure en questions/réponses est maintenue, mais s’annule d’ellemême devant l’insignifiance qu’elle véhicule. On trouve : • une question suspendue dans le vide et qui ne renvoie à rien [l. 6] ESTRAGON : «Qu’est-ce que tu as ? » VLADIMIR : «Je n’ai rien ». •des redites [l. 19] VLADIMIR : « Il faut revenir demain» [ll. 59-60] ESTRAGON : «Tu dis qu’il faut revenir demain ? » VLADIMIR : «Oui » [ll. 80-84] VLADIMIR : « Relève ton pantalon » ESTRAGON : « Comment ? » VLADIMIR : « Relève ton pantalon » ESTRAGON : « Que j’enlève mon pantalon ? » VLADIMIR : « RE-lève ton pantalon » ESTRAGON : « C’est vrai ». •des redondances. [l. 79] ESTRAGON : «Alors, on y va ? » [ll. 87-88 ] VLADIMIR : « Alors, on y va ? » • redoublements de questions (« pourquoi/pourquoi faire/qu’est-ce que c’est/ quel genre ») • répétitions (ll. 19, 59) [ll. 19] VLADIMIR : « Il faut revenir demain » [l. 59] ESTRAGON : « Tu dis qu’il faut revenir demain ? » 2) La parole • pleine de trous et de silences • pur jeu verbal délesté de sa charge sémantique, qui ne débouche jamais sur l’action • elle ne vise qu’à se dire et à confirmer l’existence de l’autre (je/tu) • c’est en définitive un miroir dérisoire de sa propre existence • formules suggestives : Geneviève Serraute >>> le langage de En attendant Godot est une « machine à exister » (Geneviève Serraute, Les critiques de notre temps et Beckett, 1972) G. Dourozoi >>> formule ontologique « je parle donc je suis ». • l’angoisse accentue la rapidité du dialogue Ambigüité du langage BECKETT : « Nous ne pouvons écouter une conversation pendant 5 minutes sans être intensément conscients de la confusion. Elle est là partout, autour de nous et notre seule chance [...] est de la laisser entrer. La seule chance de rénovation est d’ouvrir les yeux et voir le désordre » (cité par RAYMOND FEDERMAN, dans Cahier de l’Herne, d’après T.F. DRIVER, Beckett by the Madeleine, Columbia Univ. Forum, IV, 1961). - malentendus (ll. 31-34, 80-84). [ll. 31-35] ESTRAGON : Regardant l’arbre « Qu’est-ce que c’est ? » VLADIMIR : « C’est l’arbre». ESTRAGON : « Non, mais quel genre ? » VLADIMIR : « Je ne sais pas. Un saule ». [ll. 80-84] VLADIMIR : « Relève ton pantalon » ESTRAGON : « Comment ? » VLADIMIR : « Relève ton pantalon » ESTRAGON : « Que j’enlève mon pantalon ? » VLADIMIR : « RE-lève ton pantalon » ESTRAGON : « C’est vrai ». L’incertitude des personnages se communique aux spectateurs, et cela en dépit des « c’est vrai » d’Estragon qui ponctuent le texte [ll. 22,48, 85]. La scène se clôt comme elle a commencé : [ll. 8-9 ] ESTRAGON: « Moi, je m’en vais » VLADIMIR: « Moi aussi » [ll. 87-88 ] VLADIMIR: « Alors, on y va ? » ESTRAGON: « Allons-y » Le théâtre contemporain • BERNARD-MARIE KOLTÈS (1948-89) • ERIC-EMMANUEL SCHMITT (1960- ) • JEAN-LUC LAGARCE (1957-95) BERNARD-MARIE KOLTÈS (1948-89) • formation ‘classique’ (Marivaux, Shakespeare > tr. Le conte d’hiver) • influencé par le théâtre de l’absurde (thème de l’étrangeté face à son temps, à la société hétérosexuelle et au théâtre contemporain • Dans ses pièces, les relations humaines sont envisagées sous une perspective ethnologique (les êtres humains se rencontrent comme des animaux sur des problèmes de ‘territoire’), voire économique (rôle de l’argent). Thèmes: • solitude • mort • homosexualité • domination (cf. Combat de nègre et de chien, 1979) JEAN-LUC LAGARCE (1957-95) • • • • • • l’auteur pose la question de comment écrire après l’expérience du théâtre de l’absurde. il s’inspire de Ionesco théâtre centré sur le discours >> intrigues relativement minces écriture qui procède par incises emploie de l’épanorthose (= figure de style qui consiste à corriger une affirmation jugée trop faible en y ajoutant une expression plus frappante) >> les personnages reprennent sans cesse ce qu’ils viennent de dire en le modifiant en voulant préciser les choses au maximum, le texte devient paradoxalement de plus en plus flou. Thèmes: • incommunicabilité (= la capacité de dire vraiment les choses) • maladie (le SIDA) (Derniers remords avant l'oubli (1987), Juste à la fin du monde (1990)) (=pièces autobiographiques) ERIC-EMMANUEL SCHMITT (1960- ) • Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran (roman, pièce, film pour le cinéma [Omar Sharif dans le rôle de M. Ibrahim]) Merci de votre attention