Le théâtre au XVIIIe siècle - Università degli studi di Bergamo

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Università di Bergamo
a.a. 2014/15
Le théâtre français
de la Renaissance
au XXe siècle
Table des matières
Le théâtre au XVIe siècle:
• théorisation: DU BELLAY, PELETIER, DE LA TAILLE
• GARNIER, Les Juives
Le théâtre au XVIIe siècle:
• CORNEILLE: Le Cid
• théorisation: la Querelle du Cid
Le théâtre au XVIIIe siècle:
• théorisation: BEAUMARCHAIS, D’ALEMBERT, ROUSSEAU
• le drame bourgeois
Le théâtre au XIXe siècle:
• théorisation: REMUSAT, CONSTANT, STENDHAL, HUGO
• le drame romantique
Le théâtre au XXe siècle:
• les précurseurs du Théâtre de l’absurde: le Cartel, JOUVET, VILLARD, BARRAULT, ARTAUD
• IONESCO: La Cantatrice Chauve, La leçon, Les Chaises
• BECKETT: En attendant Godot
• le théâtre contemporain: KOLTÈS, LAGARCE, SCHMITT
Moyen Age
1500
1550
mystère
1548
interdiction des
mystères
1600
tragi-
1650
1700
1750
-comédie
miracle
moralité
DONAT
( ̴1540)
PELETIER DU
MANS
DU BELLAY,
Défense et
illustration
(1549)
PELETIER DU
MANS,
Art poétique
(1555)
( ̴1540)
DE LA TAILLE,
Traité (1572)
GARNIER,
Les Juives
(1583)
CORNEILLE
CORNEILLE
(1633 - - 1674)
1637
Querelle du Cid
ROTROU
THOMAS CORNEILLE
QUINAULT
1677
retraite de
RACINE
MARIVAUX
drame bourgeois:
DIDEROT, SEDAINE, MERCIER
1800
1850
1900
1950
1975
20
00
STENDHAL,
Racine et Shakespeare (1823)
CONSTANT
HUGO,
Préface de Cromwell (1827)
JACQUES COPEAU
THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER
(1920-27)
LOUIS JOUVET
Le Cartel (1927)
JEAN VILAR
(1941-42)
1800
1850
IONESCO
La Cantatrice Chauve (1950)
La Leçon (‘51)
Les Chaises (‘52)
Victimes du devoir (‘53)
Amédée ou comment s’en débarasser (‘54)
BECKETT
En attendant Godot (1953)
BARRAULT
(1947 – Kafka, Le procès)
KOLTÈS
Combat de nègre
et de chien (1979)
ARTAUD, Le Théâtre et son double
(1937) (1944)
LAGARGE
Derniers remords
avant l'oubli
(1987), Juste à la
fin du monde
(1990
SCHMITT
1900
1950
1975
20
00
Le théâtre au XVIe siècle
Formes dramatiques héritées du Moyen-âge:
• mystères
• miracles
• moralités
1548: interdiction des mystères
mystères
miracles
moralités
• sujet:
Bible, Passion
• ton sérieux
ou comique
• sujet:
les saints, la
Vierge
• ton sérieux
• sujet
allégorique
• ton sérieux
Genres dramatiques au XVIe siècle
tragédie
tragicomédie
comédie
Sources de la tragédie
Bible
mytholo
gie
histoire
antique
•Pédagogie humaniste: MURET et BUCHANAN
MONTAIGNE:
« J’ai soutenu les premiers personnages ès tragédies
latines [...] en notre collège de Guyenne avec dignité
[...]
C’est un exercice que je ne mesloue [= blâme]
point aux jeunes enfants »
(Essais, I, 26 [De l’institution des enfants] )
La tragi-comédie
• Définition: une « tragédie qui finit bien »
• 1580 -1630
TEXTES :
• GARNIER, Bradamante (1582)
• [CORNEILLE, Le Cid (1637)]
La Comédie
Statut: genre mineur (XVIe siècle)
STRUCTURE:
• 5 actes (= la tragédie), mais parfois 3
• 3 moments (= la tragédie):
a) exposition
b) progrès de l’action
c)
catastrophe
• 4 principes :
a) des 3 unités aristotéliques (= la tragédie)
b) de la liaison des scènes (= la tragédie)
c) de l’ in medias res (= la tragédie)
tragédie
comédie
tragi-comédie
texte
vers (alexandrin)
vers (octosyllabe) vers
prose
(octosyllabe)
prose
temps
1 jour
1 jour
plusieurs jours,
mois, années
action
mythologie
Antiquité
histoire
contemporaine
héros
dieux
royauté
chevaliers
société
contemporaine
société
contemporaine
bourgeois
héros
royauté
amour
histoire
héroïsme
amour
argent
amour
argent
personnages
thèmes/
intrigue
événements
romanesques:
enlèvements,
assassinats,
retrouvailles
spectaculaires
La tragédie
succès de
la tragédie
classique
éclosion de
la tragédie
biblique
Circonstances
favorables à
sa
réapparition
( ̴ 1550)
déclin des
formes
dramatiques
héritées du
Moyen-âge
Tragédie d’inspiration biblique
TEXTES:
• THÉODORE DE BÈZE, Abraham sacrifiant (1550) (1ère trag. en fr.)
• LOUIS DE MASURES, David combattant (1563)
David triomphant (1563)
David fugitif (1563)
• RIVAUDEAU, Aman (1566)
• JEAN DE LA TAILLE, Saül le furieux (1572)
Tragédie d’inspiration profane
TEXTES
•
•
•
•
•
•
•
JODELLE, Cléopâtre captive (1553) (1ère trag. profane)
JEAN DE LA PÉRUSE, Médée (1553)
JACQUES GRÉVIN, César (1561)
NICOLAS FILLEUL, Achille (1563)
CHARLES TOUTAIN, Agamemnon (1557)
PIERRE MATTHIEU, Clytemnestre (1585)
ROBERT GARNIER, Hyppolite (1573 ) (1ère trag. à sujet mythol. )
Cornélie (1574),
Marc-Antoine (’78)
Bradamante, ’82, (1ère tragi-comédie )
Les Juives (1583) (son chef-d’œuvre)
• MONTCHRESTIEN, Sophonisbe (1595) (cycle de l’hist. romaine)
L’Écossaise (1601) (cycle hist. récente)
(1587 décapitation de Marie Stuart)
David (1601) (cycle biblique)
Aman (1601) (cycle biblique)
Hector (1604) (au cycle troyen)
• GARNIER, Hyppolite (1573)
Cornélie (1574)
Marc-Antoine (1578)
Bradamante, (1582)
Les Juives (1583)
ROBERT GARNIER (1544-90)
Les Juives (1583)
acte V, ll. 1-10 / 13-20
LE PROPHÈTE :
Quand il [Nabuchodonosor] eut tout dit ce qu’il avait vouloir [=il voulait],
Il commande aux bourreaux de faire leur devoir.
[...]
Au gosier s’attacha notre muette voix.
[...]
Que je taise le reste, hélas ! je n’en puis plus :
Quelque autre surviendra qui dira le surplus.
[…]
Se présente au bourreau sans épouvantement,
[...]
Cette parole à peine il avait achevée,
Que la tête lui est du col enlevée.
Exercices :
(1) Relevez les procédés qui permettent de ne pas représenter sur scène la tuerie.
(2) Relevez tous les mots qui concernent le silence réel et le silence imposé.
Un théâtre à
la recherche
de son public
Naissance
de la
tragédie
classique?
Le théâtre
au XVIe
siècle
Théorisation
• Défense et
illustration de la
langue française
• (1549)
• Traduction des
ouvrages
d’Horace
• ̴ 1540
DONAT
• Traité de la
tragédie
• (1572)
DU
PELETIER
DU MANS
BELLAY
DE LA
TAILLE
PELETIER
DU MANS
• L’Art poétique
• (1555)
Horace, L’Art poétique (13 avant J.C.)
emploi du vers
1500-2000 vers
découpage en 5 actes
intervention du Chœur pour
marquer des pauses lyriques
JEAN DE LA TAILLE, Traité de la tragédie (1572)
STRUCTURE:
• structures de l’âge classique
• 5 actes
• 3 moments:
a) exposition
b) progrès de l’action
c)
catastrophe
• 4 principes :
a) des 3 unités aristotéliques
b) de la liaison des scènes
c) de l’ in medias res
d) des bienséances
Le théâtre au XVIIe siècle
Théâtre
du
Marais
Rôle de
Richelieu
Promotion
du théâtre
Vue du Palais Royal
(aujourd’hui rue Saint-Honoré – 1er arrondissement)
Plan du Palais-Royal en 1679 et emplacement du
Théâtre du Palais.
Représentation de l’Armide de Lully au Théâtre du
Palais (1761)
L’incendie de 1763.
Le façade du Théâtre du Palais en 2005 (1er arr.)
Chefs-d’oeuvre du début du XVII siècle
• pastorale: Silvanire de JEAN MAIRET (1629)
Honoré d’Urfé, Sylvanire
• tragédie: pièces d’ALEXANDRE HARDY (…-1630)
• comédie: La Veuve, La Galerie du Palais, L’Illusion
comique de CORNEILLE (1630 - 40)
PIERRE CORNEILLE (1606-84)
Pièces de Corneille
période : 1633-1674
• comédies : Mélite, Le Menteur, La Place
Royale, L’Illusion Comique (1636)
• tragi-comédies : Clitandre, Le Cid (1636)
• tragédies (régulières) : Horace, Cinna,
Polyeucte.
• tragédies (politiques, spectaculaires,
romanesques) : Rodogune, Héraclius, La Mort
de Pompée, Andromède, Suréna.
éd. 1637
Le Cid (1636)
• le sujet
• les personnages: Rodrigue et Chimène, Dom Diègue (père de R.),
Dom Gomès (père de Ch.), l’Infante, Dom Sanche.
• la Querelle du Cid
• unité de temps ?
>>> apparemment, l’action ne dépasse pas les 24 heures
• unité de lieu ?
>>> 4 décors différents : une place, le palais royal (l’Infante), la maison de
Chimène, la maison de Rodrigue
• l’unité d’action ?
>>> intrigue secondaire (l’Infante et Rodrigue) n’est pas indispensable
Choix de Rodrigue: refus de se venger
exigeance de
vengeance
réfus de se
venger
perte de
l’honneur
mariage
impossible
perte de
l’estime de
Chimène
Choix de Rodrigue: se venger
exigeance de
vengeance
mariage
impossible
venger son père
= tuer le père de
Chimène
MAIS
perte de l’amour
de Chimène
défense de son
honneur
acquisition de
l’estime de
Chimène
mariage possible
Choix de Chimène: ne pas se venger
perte
de son
honneur
Rodrigue =
assassin /
futur mari
mariage
impossible
Chimène =
indigne de
Rodrigue
mariage
impossible
Choix de Chimène: se venger
exigeance de
vengeance
défense de
l’honneur
hypothèse n.2:
hypothèse n.1:
mort de Rodrigue >
mariage impossible
Rodrigue vainqueur
> mariage possible
Chimène =
digne de Rodrigue
duel
Rodrigue/Dom
Sanche
Le Cid (1636) - acte I, scène 6
RODRIGUE:
« Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour
s’intéresse [=prend parti]
Il faut venger un père et perdre une maîtresse.
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste [= funeste] choix ou de trahir
ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux cotés mon mal est infini.
O Dieu, l’étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ? »
Exercice : Relevez les mots qui concernent les
deux valeurs antagonistes entre lesquelles le
héros doit choisir.
Analyse
• hésitation
• option entre valeurs antinomiques (honneur / amour)
• obsession dramatique :
1) répartition des 2 pôles de l’alternative (vv. 13-14)
2) amplification (vv. 15-16, 19-20)
3) chiasme (v. 2: « honneur/amour »)
4) reprise en refrain (vv. 19-20)
• immobilisme douloureux de l’être
CORNEILLE
« [La] dignité [de la tragédie] demande quelque
grand intérêt d’État, ou quelque passion plus
noble et plus mâle que l’amour, telles que sont
l’ambition ou la vengeance, et veut donner à
craindre des malheurs plus grands que la perte
d’une maîtresse »
(Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique).
Émules de Corneille (1606-84)
THOMAS
CORNEILLE
(1625-1709)
Corneille
PHILIPPE
QUINAULT
(1635-88)
collaboration
avec Lulli
JEAN DE
ROTROU
(1609-50)
La Querelle du Cid (avril-déc. 1637)
• CORNEILLE, Excuse à Ariste
« Je sais ce que je vaux [...]
[...]
Je satisfais ensemble et peuple et courtisans,
Et mes vers en tous lieux sont mes seuls partisans,
Par leur seule beauté ma plume est estimée :
Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée ».
• MAIRET, L’auteur du vrai Cid espagnol à son
traducteur français sur une lettre en vers qu’il a fait
imprimer, intitulée « Excuse à Ariste », où, après cent
traits de vanité, il dit de lui-même : «Je ne dois qu’à
moi seul toute ma renommée».
> accuse de plagiat
> Guillén de Castro (1569-1631)
• CORNEILLE (> MAIRET), rondeau
• SCUDÉRY, Observations sur le « Cid »
(avril 1637):
« Que le sujet [du Cid] n’en vaut rien du tout,
Qu’il choque les principales règles du poème
[dramatique,
Qu’il a beaucoup de méchants vers,
Que presque tout ce qu’il a de beautés sont
[dérobées».
• CORNEILLE (à SCUDÉRY), Lettre apologétique
• SCUDÉRY, Lettre de M. de Scuderi [sic] à l’Académie
française (juin 1637)
•
•
•
•
SCUDÉRY > GUEZ DE BALZAC
RICHELIEU > MAIRET
CHAPELAIN, Sentiments de l’Académie sur « Le Cid »
CORNEILLE, correction du texte du Cid
Le théâtre au XVIIIe siècle
• 1677: retraite de RACINE
• déclin de la tragédie
• auteurs: CAMPISTRON
LONGEPIERRE
LA FOSSE
• D’ALEMBERT (valeur cathartique du théâtre > rôle éducatif)
vs. ROUSSEAU (aucun intérêt philosophique)
Premier grief (d’ordre dramatique)
•
MARIVAUX
– stigmatisation de l’invraisemblance («nobles coupables», «héros si tendres»,
«crimes si grands»)
– inadéquation entre le langage des personnages et leurs actes
– séparation entre valeurs ‘héroïques’ du théâtre et valeurs morales ordinaires
 représentation plus naturelle, plus conforme à la réalité.
ouvrages:
•
La double inconstance (1723)
•
Le prince travesti (1724)
•
L’île des esclaves (1725)
•
Le jeu de l’amour et du hasard (1730)
•
Les fausses confidences (1737)
•
BEAUMARCHAIS
– stigmatisation de l’éloignement historique et géographique des personnages.
ouvrages:
•
Le barbier de Séville (1775)
•
Le mariage de Figaro (1784)
•
DIDEROT
 favorable un théâtre du sentiment authentique
 naissance du drame bourgeois
>> les conditions sociales modèlent la psychologie des hommes.
ouvrages:
DIDEROT
• Le fils naturel (1757- joué en 1771)
• Le père de famille (1758 – joué en 1760)
SEDAINE
• Le philosophe sans le savoir (1765)
MERCIER
• La brouette du vinaigrier (1775)
Second grief (d’ordre philosophique)
ROUSSEAU
théâtre =
(a) art du mensonge
(b) sans valeur morale
(c) seule satisfaction de l’émotion
Le théâtre au XIXe siècle
Écrits théoriques
• SCHLEGEL, Cours de littérature dramatique (trad. fr. 1814)
• MANZONI, Lettre sur les unités (écrite en 1820) (publiée en
1823)
• REMUSAT, articles dans le journal libéral le Globe
• STENDHAL, Racine et Shakespeare (1823)
• HUGO, Préface de Cromwell (1827)
STENDHAL
« Le Romanticisme est l’art de présenter aux peuples les
œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes
et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le
plus grand plaisir.
Le Classicisme au contraire leur présente la littérature qui
donnait le plus grand plaisir à leurs arrière-grands-mères
[...]
Imiter aujourd’hui Sophocle et Euripide, et prétendre que
ces imitations ne feront que bâiller le Français du XIXe
siècle, c’est du Classicisme »
(Racine et Shakespeare)
Hugo
• Légitimation ‘esthétique’ du drame romantique :
« Les temps primitifs sont lyriques,
les temps antiques sont épiques,
les temps modernes sont dramatiques ».
Hugo: peinture totale de la réalité
• « L’homme [est] double, composé de deux êtres, l’un
périssable, l’autre immortel, l’un charnel, l’autre éthéré, l’un
enchaîné par les appétits, les besoins, les passions, l’autre
emporté sur les ailes de l’enthousiasme et de la rêverie,
celui-ci enfin toujours courbé vers la terre, sa mère, celui-là
sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie ».
• « La Muse moderne [...] sentira que [...] dans la création [...]
le laid y existe à côté du beau [...] Elle se mettra à faire
comme la nature, à mêler dans ses créations [...] l’ombre à
la lumière, le grotesque au sublime ».
BENJAMIN CONSTANT
« […] avec leur faiblesse, leurs inconséquences et cette
mobilité ondoyante qui appartient à la nature
humaine et qui forme des êtres réels ».
( préface de sa traduction du Wallenstein de Schiller)
Hugo:
aversion aux unités de temps et de lieu (1/2)
« On commence à comprendre de nos jours que la
localité exacte est un des premiers éléments de la
réalité. Les personnages parlants ou agissants ne
sont pas les seuls qui gravent dans l’esprit du
spectateur la fidèle empreinte des faits. Le lieu où
cette catastrophe s’est passée en devient un
témoin terrible et inséparable ; et l’absence de
cette sorte de personnage muet décompléterait
dans le drame les plus grandes scènes de
l’histoire».
« Le poète oserait-il assassiner
Rizzio ailleurs que dans la
chambre de Marie
Stuart ? »
William Allan, Le meurtre de David Rizzio (1833)
(Edinburgh, National Gallery of Scotland)
« [Le poète oserait-il]
poignarder Henri IV
ailleurs que dans cette
rue de la Ferronnerie,
tout obstruée de
haquets et de
voitures ? »
Le meurtre d’Henri IV par
Ravaillac (1610)
« [Le poète oserait-il]
brûler Jeanne d’Arc
autre part que dans le
Vieux Marché? »
Jeanne d’Arc brulée à Rouen sur la
place du Vieux-Marché (1431)
Hugo:
aversion aux unités de temps et de lieu (2/2)
“L’unité de temps n’est pas plus solide que l’unité de
lieu. L’action, encadrée de force dans 24 heures, est
aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. Toute
action a sa durée propre comme son lieu particulier.
[...] On rirait d’un cordonnier qui voudrait mettre le
même soulier à tous les pieds ! Croiser l’unité de temps
à l’unité de lieu comme les barreaux d’un cage et y faire
pédantesquement entrer, de par Aristote, tous ces faits,
tous ces peuples, toutes ces figures que la providence
déroule à si grandes masses dans la réalité... c’est
mutiler hommes et choses, c’est faire grimacer
l’histoire ».
Hugo: admissibilité de l’unité d’action
« Gardons-nous de confondre l’unité [d’action] avec la
simplicité d’action.
L’unité d’ensemble ne répudie en aucune façon les
actions secondaires, sur lesquelles doit s’appuyer
l’action principale.
Il faut seulement que ces parties, savamment
subordonnées au tout, gravitent sans cesse vers
l’action centrale et se groupent autour d’elle.
L’unité d’ensemble est la loi de perspective du théâtre ».
Les nouvelles règles du drame
romantique
• « comme la sève
qui monte de la
racine à la
dernière feuille de
l’arbre »
indépend
ance du
génie
imitation
de la
Nature
sélection
des
éléments
statut de
l’art
comme
miroir de
la Nature
• « sous la baguette magique de
l’art ».
• Cf. VIGNY
« L’art est la vérité choisie »
(Journal d’un poète).
Hugo: de la théorie à la pratique …
EN VERS
EMPLOI DU VERS
Cromwell (1827),
Hernani (1830),
Marion de Lormes (1831),
Le Roi s’amuse (1832)
Ruy Blas (1838),
Les Burgraves (1843)
ASPECTS POSITIFS
EN PROSE
Lucrèce Borgia (1833),
Marie Tudor (1833),
Angelo (1835)
ASPECTS NÉGATIFS
ACTION
•intrigue serrée,
•péripéties émouvantes
•dénouement frappant
•intrigue brillante, spectaculaire
•action parfois surchargée >
•manque de vraisemblance (Hernani)
•rôle excessif du hasard
PERSONNAGES
•emploi excessif des contrastes >
•invraisemblance
•passions émouvantes
•personnages historiques
•pas de profondeur d’analyse
•passions simplifiées
•faux historiques
(ex. Don Carlos ds. Hernani)
TEXTE
•poésie lyrique
•poésie épique
•intervention indiscrète de l’auteur
Le théâtre au XXe siècle
thème de l’angoisse
<<< Existentialisme
ARTAUD,
petits
théâtres
d’essai
JOUVET
> texte + mise
en scène
cohérence él.
textuels +
visuels
Le théâtre et
son double
(1937)
Origines du
Théâtre
del’absurde
précurseurs:
VILAR,
BARRAULT,
JOUVET
̴ 1950
VILAR
BARRAULT > Le
procès de Kafka
(1947)
t. ‘classique’ # t. ‘difficile’
adapt. Gide
(1941-42)
province # Paris >>
Le Théâtre de l’absurde français
• ADAMOV († 1970)
• BECKETT († 1989)
• IONESCO († 1994)
Hypothèse existentialiste
1) idée rejetée par quelques chercheurs
même si l’absurdité de la vie est bien un thème existentialiste,
SARTRE et CAMUS l’ont développé dans un ordre rationnel
et en utilisant une dramaturgie conventionnelle
2) idée complètement rejetée par DAVID BRADBY († 2011)
sources :
le théâtre de JEAN VILAR, LOUIS JOUVET, JEAN-LOUIS BARRAULT
- pièces ‘difficiles’ (SHAKESPEARE, KAFKA)
- théâtre complet (cf. ARTAUD)
- petites salles de théâtre
Hypothèse: ARTAUD
•
idée rejetée par David Bradby
connaissance d’Artaud et de son essai: IONESCO, BECKETT,
ADAMOV
+ BARRAULT , BLIN (metteurs en scène)
•
•
•
Le Théâtre et son double (1937) > 1 éd. (1944) passée presque inaperçue
> 2 éd. (1956) dans ses Œuvres Complètes
1958 - …. : réputation d’ARTAUD solidement établie
Hypothèse: précurseurs
JEAN VILARD:
• - 1941-42
• - 2 espèces d’activité théâtrale :
• en province
• théâtre ‘classique’
• (Molière, XVIIIe s., Musset)
à Paris: théâtre ‘ difficile’ (Shakespeare)
Les précurseurs du théâtre de
l’absurde
JEAN VILAR
(1912-71)
ANTONIN ARTAUD
(1896-1948
JEAN-LOUIS
BARRAULT
(1910-94)
Le Théâtre et son
Double (essai, 1938)
JEAN GENET (1910-86)
Les Bonnes (pièce tragique,
1947)
JEAN-LOUIS BARRAULT
• 1940-50
• mise en scène du Procès de KAFKA (1937)
effet de cauchemare, délire
vision torturée
• collaboration avec GIDE
KAFKA par BARRAULT (1947), adaptation par Gide
GIDE:
«Sans Jean-Louis Barrault n’existerait pas cette pièce inspirée par le célèbre roman de
Kafka. J’ai noté dans mon Journal notre rencontre à Marseille. C’était le 4 mai
1942. Je devais m’embarquer le lendemain pour Tunis où je fus retenu tout le
temps de la pénible occupation allemande.
Jean-Louis Barrault me parla ce jour-là de son projet de porter à la scène Le Procès
de Kafka et me demanda si j’acceptais de l’y aider.
J’avais pour ce livre étrange une admiration des plus vives mais lui dis qu’avant de me
décider j’avais besoin de la relire. Ce que je fis. Et je dois avouer que d’abord les
difficultés que présentait une telle adaptation me parurent insurmontables. Mais
c’était faire injure au génie de Jean-Louis Barrault.
À mon retour en France en 45, il revint à la charge. Il avait travaillé de son côté,
préparé une sorte de scénario déjà détaillé, qu’il me soumit. Il ne s’agissait plus que
de couvrir de chair le squelette qu’il m'apportait [...] »
LOUIS JOUVET
•
texte + mise en scène
parfaite coherence artistique des éléments textuels et des él. visuels
(< collaboration avec COPEAU , 1920-27, Théatre du Vieux-Colombier (Paris))
Expérience du Cartel:
•
co-fondateur du Cartel (1927 - association)
( + DULLIN, LES PITOËFF, BATY )
•
but: affirmer et propager les idées de COPEAU
•
Structure de l’association: 4 théâtres
(directeurs: JOUVET, DULLIN, LES PITOËFF, BATY )
Poétique théâtrale du Cartel:
1) respect et prééminence du texte
2) adoption d’un jeu plus naturel >> simplicité/authenticité de la mise en scène
3) appel à l’imagination (plutôt que recherche d’effets spectaculaires)
4) mise en scène d’auteurs contemporains
5) donner une visibilité au théâtre d’avant-garde
- participation intelligente du public (ex. conférences)
- respect des horaires
- publication du programme des 3 autres théâtres (>> augmenter leur auditoire
respectif)
JACQUES COPEAU
THÉÂTRE DU VIEUX-COLOMBIER (1913)
Poétique théâtrale:
1) développement total des facultés humaines (non des seules aptitudes techniques)
2) maîtrise du corps
3) travail de groupe plutôt que travail individuel
4) travail collectif >> auteur / acteurs / metteur en scène
5) créer un nouveau langage visuel
6) abandon du théâtre à l’italienne (loges / rampe / décors en trompe l’œil)
JOUVET:
« Le sens ne me vient qu’à la pratique même. Décor,
mouvement, temps ou rythme, diction. Tout est pour
moi dans une pièce la possibilité de voir, d’entendre,
d’éprouver la pièce; le travail du bureau m’est
improfitable et stérile ».
Théâtre du Vieux-Colombier (Paris – 6e arr.)
L’importance de l’espace théâtral
Façade du Théâtre de la
Huchette en 2006 (5e arr.)
Façade du Théâtre des
Noctambules (5e arr.),
aujourd’hui Reflet Médicis
Espace théâtral et naissance du
Théâtre de l’Absurde
• petits théâtres « d’art et d’essai » du Quartier Latin
• salles minuscules ( ̴ 50 spectateurs)
• 2 pièces par jour (à 18 h. et à 20 h.) pour accroître leur
rentabilité
• elles pouvaient prendre le risque de présenter des pièces qui
auraient conduit à la ruine de plus grands théâtres
Le Théâtre de l’Absurde
absence d’intrigue et de
caractérisation = sujet
principal des pièces
mouvements des
personnages
dépourvus de sens
personnages sans
personnalité
intrigues sans
intrigue
EUGÈNE IONESCO (1909-94)
Ionesco (1909-94)
Pièces :
• La Cantatrice chauve (1950)
• La Leçon (1951)
• Les Chaises (1952)
• Victimes du devoir (1953)
• Amédée ou Comment s’en débarrasser (1954)
• Jacques ou la soumission (1955)
• Rhinocéros (1960)
• Le Roi se meurt (1962)
thème de la
domination
La Leçon
incommunicabilité
entre les êtres
thème de
l’autorité
La Cantatrice Chauve
La Leçon
faillite du langage
(automatismes,
clichés, tautologie,
contradiction)
Théâtre
de
Ionesco
thème de
l’agression
La Leçon
La Cantatrice Chauve
mécanisme de
prolifération
“pièce
circulaire”
Les Chaises
Amédée ou Comment…
Victimes du devoir
Façade du Théâtre de la Huchette en 2006 (5e arr.)
Les Chaises (1951)
•
•
•
•
pièce en 1 acte [# tragédie/comédie > 5 actes]
3 personnages: le vieux, la vieille,l’orateur
l’une des pièces les plus connues de Ionesco
représentative en part. des trouvailles de Ionesco
> mécanisme de prolifération
(ici > les chaises que la vieille apporte pour faire s’asseoir tous les invités invisibles)
dénouement: l’orateur ne parle à personne
•
•
•
mécanisme de prolifération >> sensation d’étouffement, perte de contrôle,
angoisse
cf. Victimes du devoir (1953) > une femme remplit la scène
de tasses à café
cf. Amédée ou comment s’en débarasser (1954) > cadavre
grandissant
IONESCO, Les Chaises (repr. 2011)
IONESCO, Les Chaises (repr. 1975)
Amédée ou comment s’en débarasser
(1954)
• 3 actes
Personnages:
• une couple (Amédée et Madeleine) + personnages secondaires (parmi lesquels: 2 soldats,
2 policiers,1 homme et 1 femme)
Argument:
• l’obsession (depuis 15 ans) du secret que renferme la chambre d’à côté
• secret >>> une paire de jambes énorme surgit de la porte d’à côté
• un cadavre grandissant, qui aurait attrapé la maladie incurable des morts («la progression
géométrique »)
Explication du titre :
• poussé par Madeleine, Amédée prend la décision de se débarrasser du cadavre.
Dénouement:
Amédée, portant un cadavre dégonflé, rencontre un soldat américain, puis surgissent les policiers.
Amédée s'échappe en s’élevant dans l’air avec le cadavre.
Variations:
• l’échappée d'Amédée n’est pas montrée, mais seulement commentée par les autres personnages.
IONESCO, Amédée ou comment s’en débarasser (1954)
Poétique de Ionesco dans
La Cantatrice Chauve (1950)
• Derrière ce comique de l’absurde, il y a un pessimisme profond :
-
absurdité du monde
incommunicabilité entre les êtres
faillite du langage
solitude de l’homme
impossibilité d’atteindre les choses
absence de certitude sur le monde
Buts:
• tourner le théâtre en dérision
• le comique qui naît de cette suite de mots creux et de propos stéréotypés
est vite submergé par l’absurde et débouche sur un malaise
• stigmatiser la crise du langage, la mort des mots qui survivent sans plus
aucune référence à la réalité
IONESCO, La Cantatrice Chauve (repr. 2013)
La Cantatrice Chauve (1950)
• Résumé
• Genèse de la pièce: manuel d’anglais, méthode Assimil (1929)
• Analyse:
- Hésitation du langage entre tautologie et contradiction
- Rupture des formes dramatiques traditionnelles
- Double désintégration: (a) de la personnalité (b) du langage
- Personnages dépourvus de toute psychologie >>> interchangeables
IONESCO: « fantoches », « personnages sans caractère »
- Prénoms des personnages: très communs, anodins >>>
M. Martin, Mme Martin, M. Smith, Mme Smith, capitaine des pompiers
- Raisonnements dialectiques et logomachiques
- Casus belli: déterminer si « lorsqu’on sonne la porte, il y a quelqu’un ou non »
La querelle M./Mme Martin vs. M./Mme Smith
(ll. 47-55 ):
M. MARTIN :
« En somme, nous ne savons toujours pas si, lorsqu’on sonne à la porte il y a
quelqu’un ou non ! »,
MME SMITH : « Jamais personne »,
M. SMITH : « Toujours quelqu’un »
• raisonnements dialectiques et logomachiques pour
déterminer si « lorsqu’on sonne à la porte il y a quelqu’un ou
non »
Le pompier:
un personnage à la recherche de son identité
Personnage sans nom, défini uniquement par sa fonction >>>
• son insistance
[ll. 102-103]: « N’y manquez pas, vous me rendriez un service ! »
•
son affliction
[l. 94]:(désolé) « Rien du tout ? »
•
ses interrogations pressantes
[ll. 94-97]: « Vous n’auriez pas un petit feu de cheminé, quelque chose qui
brûle […] ? Un petit début d’incendie, au moins?»
•
importance de l’objet (le casque)
[l. 65] [MME SMITH :«[…]Enlevez votre casque et asseyez-vous un
instant»,
[ll.68-70]: [LE POMPIER] : « Je veux bien enlever mon casque, mais je
n’ai pas le temps de m’asseoir (Il s’assoit, sans enlever son casque) » .
•
•
•
•
casus belli >>> déterminer si « lorsqu’on sonne à la porte, il y a quelqu’un ou
non »
faux dialogue, faux problème
L’enchaînement de répliques fonctionne à vide : il y a un faux dialogue, un faux
problème (l. 1-57).
La logique est poussée jusqu’au non-sens, à l’absurdité de l’argumentation .
[ll. 47-55]
[M. MARTIN] :
« En somme, nous ne savons toujours pas si, lorsqu’on sonne à la porte il y a
quelqu’un ou non ! »
[MME SMITH] : « Jamais personne »
[M. SMITH] : « Toujours quelqu’un »,
[LE POMPIER] : « Je vais vous mettre d’accord. […] Lorsqu’on sonne à la porte, des
fois il y a quelqu’un, d’autres fois il n’y a personne »)
•
•
Language source d’ambigüité, incertitude, contradiction
>>> Ionesco: “La Cantatrice Chauve = tragédie du language”
Ambigüité du language
Automatismes du langage:
• Expressions faites du rituel social
[ll. 75-79]
[LE POMPIER]: « Je vais vous prier de vouloir bien excuser
mon indiscrétion ; euh .. puis-je … devant eux… »
[ll. 102-104]
[LE POMPIER ]: « N’y manquez pas, vous me rendriez un
service ! »
[MME SMITH]: «C’est promis ! »
• expressions qui sont des platitudes, des clichés
[l.56]
[M. MARTIN] :
« Ça me paraît logique ! »
• Le principal message de la Cantatrice Chauve:
la dénonciation des lieux communs
qui obstruent le langage et la pensée.
Automatismes du langage
• automatismes du langage jouent les uns contre les autres en rejet de tout
sens.
Aux lignes 44 et 45, le dérapage aussi bien que le comique sont entrainés
par le fait qu’une expression figée (telle que « pour rire ») est prise au pied
de la lettre.
[ll. 41-46]
[M. SMITH]: « Mais quand on a ouvert, on ne vous a pas vu ».
[LE POMPIER] : « C’est parce que je me suis caché ... pour rire ».
[MME SMITH] : « Ne riez pas ! [...] L’affaire est trop triste ».
Perversité du langage.
• parodie d’un interrogatoire policier
[ll.1-2]
[M. SMITH]: « Monsieur, [...] laissez-moi vous poser [...] quelques questions »
• ou judiciaire (formulation des questions, réponses; vocabulaire)
[l. 46 ]
[MME SMITH] : « Ne riez pas ! [...] ».
Un univers absurde
L’absurde naît :
1) de la contradiction permanente
Le pompier affirme qu’il n’a pas le temps de rester, alors qu’il a attendu ¾ d’heure à la porte à rêvasser
:
[ll. 35-37] :
M. SMITH: «Et qu’est-ce que vous faisiez à la porte ? »,
LE POMPIER: « Rien. Je restait là. Je pensais à des tas de choses ».
2) des procédés d’opposition du burlesque
>> décalage permanent entre un ton sérieux et l’aspect dérisoire ou creux du propos
[l.9]
LE POMPIER : « Je ne le nie pas » (litote)
[ l. 46]
MME SMITH : « Ne riez pas, Monsieur le Capitaine. L’affaire est trop triste » (grandiloquence et gravité )
3) de l’inversion des rapports normaux
Un pompier en quête de feu vient solliciter l’aide d’un couple! Alors que ce comportement est logique, la
situation est illogique : c’est donc la logique de l’illogique.
[ll. 75-79]
[LE POMPIER ]:
« Je vais vous prier de vouloir bien excuser mon indiscrétion ; euh .. puis-je … devant eux… »
[ll. 102-104]
[LE POMPIER ]:
« N’y manquez pas, vous me rendriez un service ! »
[MME SMITH]:
«C’est promis ! »
4) de la perversité du langage et du raisonnement
>> perte totale du sens, abolition de toute certitude
La Leçon (1951)
• Résumé
• Notion de pièce « circulaire » (Ionesco)
• Extrait
• Analyse:
- thème de la domination
- thème de l’autorité et de l’agression
IONESCO, La Leçon (1951)
Thème de la domination
• Les personnages dans l’espace
>> danse hypnotique.
• Dimension du dialogue et du silence
>> rapport dominant/dominée est explicité par le langage
>>> périodes vs. monosyllabes)
LE PROFESSEUR:
« Je vous prie d’écouter » [l. 1]
« Silence ! » [ll. 8 et 10]
« Écoutez, plutôt » [l. 52]
« Taisez-vous [...] N’interrompez pas ! » [l. 61]
Thème de l’autorité et de l’agression
[LE PROFESSEUR:]
« Je vais donc vous prier d’écouter avec la plus grande attention mon cours, tout est
préparé ... » [ll. 1-2]
« Vous pouvez prendre note, Mademoiselle » [ll. 22-23]
[LE PROFESSEUR :]
« [...] N’étalez donc pas votre savoir. Écoutez plutôt ! » [l. 52]
« [...] n’interrompez pas ! » [l. 61]
IONESCO
« J’ai intitulé mes comédies « anti-pièces », « drames comiques », et mes drames
« pseudo-drames » ou « farce tragiques », car, me semble-t-il, le comique est
tragique, et la tragédie de l’homme dérisoire. Pour l’esprit critique moderne, rien
ne peut être pris tout à fait au sérieux, rien tout à fait à la légère ».
SAMUEL BECKETT (1906-89)
action parfois
inexistante
Pièce circulaire l’œuvre est conçue
comme une
structure circulaire
où le début et la fin
coïncident
thème de
l’incommunicabilité
entre les êtres
faillite du langage, qui
qui ne débouche jamais
sur l’action
Théâtre
de
Beckett
thème de la
communication
comme lutte
contre le vide
thème de l’
ambigüité
sémantique
du langage
malentendus
Pièces de Beckett
•
•
•
•
En attendant Godot (1952)
Fin de partie (1957)
La dernière bande (1958)
Oh, les beaux jours (1963)
En attendant Godot (1953)
1) La parole et le silence
•
•
•
dialogue émaillé de silence et de trous
chaque motif lancé par un des protagonistes tourne court et s’enlise après
quelques échanges incertains
scène rythmée par des silences, pendant lesquels tout retourne au néant une
seconde fois :
[ll. 10, 13, 58, 64] INDICATION DE SCÈNE : Silence.
[l. 29] VLADIMIR: « Il [= Godot] nous punirait. (Silence. Il regarde l’arbre) . Seul
l’arbre vit».
[l. 36-37] ESTRAGON: « Viens voir. (Il entraîne Vladimir vers l’arbre. Ils s’immobilisent
devant. Silence) Et si on se pendait ? »
[ll. 85-86] ESTRAGON: « C’est vrai ». (Il relève son pantalon. Silence).
2)La parole et le mime
Alternance des dialogues et des jeux de scène clownesques qui concernent :
• les chaussures
[ll. 2-3] : « Estragon se réveille, se déchausse »,
[l. 5] : «[...] les chaussures à la main, [Estragon] les dépose devant la rampe »]
•l’arbre
[ll. 31-38]
ESTRAGON : Regardant l’arbre « Qu’est-ce que c’est ? »
VLADIMIR : « C’est l’arbre»
ESTRAGON : « Non, mais quel genre ? »
VLADIMIR : « Je ne sais pas. Un saule ».
ESTRAGON : « Viens voir. (Il entraîne Vladimir vers l’arbre. Ils s’immobilisent devant. Silence) Et si on se
pendait ? »
BECKETT, En attendant Godot (> les chaussures)
[ll. 2-3] : « Estragon se réveille, se déchausse »,
[l. 5] : «[...] les chaussures à la main, [Estragon] les dépose devant la
rampe »]
BECKETT, En attendant Godot (> l’arbre)
[l. 31-38]
ESTRAGON : Regardant l’arbre « Qu’est-ce que c’est ? »
VLADIMIR : « C’est l’arbre»
ESTRAGON : « Non, mais quel genre ? »
VLADIMIR : « Je ne sais pas. Un saule ».
ESTRAGON : « Viens voir. (Il entraîne Vladimir vers l’arbre. Ils
s’immobilisent devant. Silence)
Et si on se pendait ? »
• le pantalon et la corde
[ll. 40-62]
• le dialogue entre ESTRAGON et VLADIMIR concernant leur suicide, leur pendaison.
[ll. 80-85]
VLADIMIR : « Relève ton pantalon »
ESTRAGON : « Comment ? »
VLADIMIR : « Relève ton pantalon »
ESTRAGON : « Que j’enlève mon pantalon ? »
VLADIMIR : « RE-lève ton pantalon »
ESTRAGON : « C’est vrai ».
INDICATION DE SCÈNE : Il relève son pantalon.
• le chapeau
[l. 76-78].
INDICATION DE SCÈNE : Vladimir
secoue, le remet.
enlève son chapeau – celui de Lucky – regarde dedans, y passe la main, le
BECKETT, En attendant Godot (> le pantalon)
[ll. 40-62]
1)Fonction ludique
• Le langage apparaît comme une tentative désespérée pour maintenir la
communication et lutter contre le vide.
• La structure en questions/réponses est maintenue, mais s’annule d’ellemême devant l’insignifiance qu’elle véhicule.
On trouve :
• une question suspendue dans le vide et qui ne renvoie à rien
[l. 6]
ESTRAGON : «Qu’est-ce que tu as ? »
VLADIMIR : «Je n’ai rien ».
•des redites
[l. 19]
VLADIMIR : « Il faut revenir demain»
[ll. 59-60]
ESTRAGON : «Tu dis qu’il faut revenir demain ? »
VLADIMIR : «Oui »
[ll. 80-84]
VLADIMIR : « Relève ton pantalon »
ESTRAGON : « Comment ? »
VLADIMIR : « Relève ton pantalon »
ESTRAGON : « Que j’enlève mon pantalon ? »
VLADIMIR : « RE-lève ton pantalon »
ESTRAGON : « C’est vrai ».
•des redondances.
[l. 79]
ESTRAGON : «Alors, on y va ? »
[ll. 87-88 ]
VLADIMIR : « Alors, on y va ? »
• redoublements de questions
(« pourquoi/pourquoi faire/qu’est-ce que c’est/ quel genre »)
• répétitions (ll. 19, 59)
[ll. 19]
VLADIMIR : « Il faut revenir demain »
[l. 59]
ESTRAGON : « Tu dis qu’il faut revenir demain ? »
2) La parole
• pleine de trous et de silences
• pur jeu verbal délesté de sa charge sémantique, qui ne
débouche jamais sur l’action
• elle ne vise qu’à se dire et à confirmer l’existence de l’autre
(je/tu)
• c’est en définitive un miroir dérisoire de sa propre existence
• formules suggestives :
Geneviève Serraute >>> le langage de En attendant Godot est
une « machine à exister » (Geneviève Serraute, Les critiques de
notre temps et Beckett, 1972)
G. Dourozoi >>> formule ontologique « je parle donc je suis ».
• l’angoisse accentue la rapidité du dialogue
Ambigüité du langage
BECKETT :
« Nous ne pouvons écouter une conversation pendant 5 minutes
sans être intensément conscients de la confusion. Elle est là
partout, autour de nous et notre seule chance [...] est de la
laisser entrer. La seule chance de rénovation est d’ouvrir les
yeux et voir le désordre »
(cité par RAYMOND FEDERMAN, dans Cahier de l’Herne, d’après T.F.
DRIVER, Beckett by the Madeleine, Columbia Univ. Forum, IV,
1961).
- malentendus (ll. 31-34, 80-84).
[ll. 31-35]
ESTRAGON : Regardant l’arbre « Qu’est-ce que c’est ? »
VLADIMIR : « C’est l’arbre».
ESTRAGON : « Non, mais quel genre ? »
VLADIMIR : « Je ne sais pas. Un saule ».
[ll. 80-84]
VLADIMIR : « Relève ton pantalon »
ESTRAGON : « Comment ? »
VLADIMIR : « Relève ton pantalon »
ESTRAGON : « Que j’enlève mon pantalon ? »
VLADIMIR : « RE-lève ton pantalon »
ESTRAGON : « C’est vrai ».
L’incertitude des personnages se communique aux spectateurs, et cela en
dépit des « c’est vrai » d’Estragon qui ponctuent le texte [ll. 22,48, 85].
La scène se clôt comme elle a commencé :
[ll. 8-9 ]
ESTRAGON: « Moi, je m’en vais »
VLADIMIR: « Moi aussi »
[ll. 87-88 ]
VLADIMIR: « Alors, on y va ? »
ESTRAGON: « Allons-y »
Le théâtre contemporain
• BERNARD-MARIE
KOLTÈS
(1948-89)
• ERIC-EMMANUEL
SCHMITT
(1960- )
• JEAN-LUC
LAGARCE
(1957-95)
BERNARD-MARIE KOLTÈS
(1948-89)
• formation ‘classique’ (Marivaux, Shakespeare > tr. Le conte d’hiver)
• influencé par le théâtre de l’absurde (thème de l’étrangeté face à
son temps, à la société hétérosexuelle et au théâtre contemporain
• Dans ses pièces, les relations humaines sont envisagées sous une
perspective ethnologique (les êtres humains se rencontrent comme
des animaux sur des problèmes de ‘territoire’), voire économique
(rôle de l’argent).
Thèmes:
• solitude
• mort
• homosexualité
• domination (cf. Combat de nègre et de chien, 1979)
JEAN-LUC LAGARCE
(1957-95)
•
•
•
•
•
•
l’auteur pose la question de comment écrire après l’expérience du théâtre de
l’absurde.
il s’inspire de Ionesco
théâtre centré sur le discours >> intrigues relativement minces
écriture qui procède par incises
emploie de l’épanorthose (= figure de style qui consiste à corriger une affirmation
jugée trop faible en y ajoutant une expression plus frappante) >> les personnages
reprennent sans cesse ce qu’ils viennent de dire en le modifiant
en voulant préciser les choses au maximum, le texte devient paradoxalement de
plus en plus flou.
Thèmes:
• incommunicabilité (= la capacité de dire vraiment les choses)
• maladie (le SIDA) (Derniers remords avant l'oubli (1987), Juste à la fin du monde
(1990)) (=pièces autobiographiques)
ERIC-EMMANUEL SCHMITT
(1960- )
• Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran
(roman, pièce, film pour le cinéma [Omar
Sharif dans le rôle de M. Ibrahim])
Merci de votre
attention
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