n°31 - décembre 2015
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FOCUS
« S’ils sont colonisés mais pas infectés, on va s’employer à les
débarrasser du micro-organisme, sans garantie de résultat
vu les résistances. Parfois, on ne traitera pas. On appliquera
des mesures pour maîtriser le réservoir, évitant que le germe
gagne d’autres zones du corps du résident ou passe chez
le voisin. Mais la maîtrise du risque doit être raisonnée. Un
hôpital a parfois recours à l’isolement, c’est vrai. Mais en ins-
titution, il serait inhumain d’enfermer une personne ad vitam
dans sa chambre ! Quelqu’un qui a une BMR peut sortir sous
conditions - lavé, changé, vêtements propres, pansement
frais et clos, hygiène des mains appliquée, le cas échéant
avec un masque… Attention que des consignes trop contrai-
gnantes pour l’entourage seraient vite jugées invivables et
du coup, contournées. Et pour le résident, une ‘quarantaine’
aurait un coût psychologique majeur : culpabilité, repli sur
soi, régression… »
Du bon sens, svp
Pour Evelyne Kula, si la MRS applique déjà une hygiène élé-
mentaire (alimentaire, des mains, de la tenue des soignants
- « pour moi, c’est tolérance zéro pour ces derniers qui
doivent se comporter en professionnels et ne pas s’autoriser
de négligence »), les précautions générales et les précautions
additionnelles de contact eau/gouttelettes/air, « on est déjà
loin ». Le reste est question de responsabilisation du résident,
quand c’est envisageable, et surtout de bon sens des soi-
gnants au cas par cas. « Un porteur de MRSA qui n’arrête
pas de tousser, on ne va pas l’asseoir à table en vis-à-vis d’un
immunodéprimé. Ni laisser déambuler celui qui présente une
diarrhée à C. difficile, est confus et chipote dans son lange.
Sur le plan de l’infrastructure, on s’adapte : si le porteur
d’une entérobactérie résistante ne dispose pas d’un WC indi-
viduel, on lui dédicace l’un des WC communs… »
Monitorer, documenter,
se remettre en question
Si de surcroît la direction a une vue épidémiologique de
sa MRS, du statut microbiologique de ses occupants, c’est
encore mieux. « Et si elle pousse à la désescalade dans les
antibiotiques, c’est merveilleux ! » Dans les deux cas, les mé-
decins généralistes et le MCC ont un rôle à jouer, en deman-
dant à la direction qu’on monitore l’écologie microbienne
des résidents, qu’on enregistre les BMR acquises à l’intérieur,
à l’extérieur, qu’on documente les épidémies, qu’on décide
des prélèvements à effectuer à l’arrivée, qu’on inventorie les
antibiotiques en circulation dans l’institution et la pertinence
de leur prescription en prophylaxie ou en thérapie…. Les
médecins infectiologues des hôpitaux sont, ajoute-t-elle, à
l’écoute des questionnements qui pourraient surgir chez les
médecins coordinateurs et traitants. @
Les lignes vont bouger sous
l’impulsion de Maggie De Block
Le symposium PFRHHH intervient alors que l’ISP - et sa
spécialiste de l’antibiorésistance, Béatrice Jans - ont eu
connaissance de cas de refus, par des MRS, de (re)prendre
des résidents porteurs de germes multi-résistants, objec-
tant qu’ils n’étaient pas décolonisés et relevaient toujours
de l’hôpital et non du résidentiel. « Les problèmes soule-
vés par ces refus sont pluriels », commente Evelyne Kula.
« Le patient mobilise un lit d’hôpital alors que son état ne
le nécessite pas, ce qui est irrationnel et coûteux pour la
collectivité. En outre, plus longtemps il y séjourne et plus
il risque d’y laisser des capacités fonctionnelles, intellec-
tuelles, sociales… faute de stimulation et d’animations.
Enfin, un hôpital héberge par définition des gens malades,
une personne âgée y est donc exposée à une concentra-
tion d’agents pathogènes à nulle autre pareille dans la
société. Arrêtons la scission ‘c’est à eux/c’est à nous’ de
nous charger du patient, recentrons-nous sur celui-ci,
avec un maximum de synergies et de bon sens. »
Evelyne Kula fait observer que la politique de Maggie
De Block de comprimer les temps de séjours hospita-
liers et de susciter des modèles transmuraux innovants
de prise en charge va, qu’on le veuille ou non, modifier
le paysage des soins. « Expliquons largement pourquoi
l’hôpital prend de telles précautions face à ces patients,
et comment les transposer, en version allégée, dans les
MRS, que ces dernières ne ressentent pas comme une
catastrophe l’arrivée d’un porteur de BMR mais disent :
‘cet arrivant, je connais son statut - c’est déjà un atout -
et je vois comment gérer’. »
« LE PORTAGE DE BMR NE DOIT PAS ÊTRE
UN FREIN À L’ENTRÉE EN MAISON DE
REPOS. ET ENFERMER LES PORTEURS DANS
LEUR CHAMBRE EST UN NON-SENS, ÇA VA
LES FAIRE MOURIR. » - EVELYNE KULA
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