Cette estimation de l’alphabétisme est en lien direct avec la scolarisation pour deux raisons. D’une
part, on peut penser que les estimations statistiques présentées ont été établies en référence aux
données de scolarisation dans le primaire. D’autre part, cette tendance à la baisse de l’alphabétisme
résulte directement du phénomène de déscolarisation dans le primaire observé depuis le milieu des
années 1980. Car, s’il est possible d’être alphabétisé en dehors du passage par l’école, cette situation
demeure marginale, l’école primaire étant le lieu principal de l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture dans l’île. De ce fait, plus le taux de scolarisation baisse ou reste faible et moins on a de
chance de voir l’analphabétisme reculer à Madagascar. Dans l’optique d’une réduction de la pauvreté
en général, et de la pauvreté en terme de capital humain plus précisément, il apparaît alors nécessaire
de se pencher sur la scolarisation et l’Ecole à Madagascar, au niveau primaire en particulier.
II – Les caractéristiques de la scolarisation à Madagascar
Depuis le milieu des années 1980, la scolarisation dans le premier cycle, et particulièrement dans le
secteur public, apparaît "en perte de vitesse", tant au niveau de l’offre que de la demande.
L’offre scolaire, et plus particulièrement au niveau primaire, a connu une baisse sans précédent tant en
quantité (fermetures d’écoles, réduction du nombre de postes d’instituteurs…) qu’en qualité et
efficacité interne (taux de redoublements et de déperdition élevés…). Du fait des conditions de
l’ajustement structurel et des restrictions budgétaires allouées à l'enseignement par l'Etat (2,3 % du
PIB en 1991 contre 1,4 % en 1997), et plus spécifiquement à l’enseignement primaire, l'offre scolaire
publique demeure insuffisante. Pour l’année scolaire 1997-1998, 15 % des EPP étaient encore non
fonctionnelles, de nombreuses infrastructures restent délabrées, et le matériel didactique et les
fournitures scolaires font encore défaut. Du point de vue du personnel enseignant, on constate une
pénurie d’instituteurs, une formation insuffisante de ces derniers (faible compétence en français et en
méthodes pédagogiques entre autre) et une faiblesse de leur encadrement (peu de contrôle et de suivi
des enseignants, surtout en milieu rural).
Quant à la demande scolaire, si on tente de la mesurer par le taux de scolarisation, celle-ci apparaît en
régression depuis le milieu des années 80. Le taux de scolarisation n’a cessé de décroître jusqu’en
1994-95, date à laquelle une légère reprise a semblé s’amorcer. Selon une estimation du MINESEB, le
taux net de scolarisation (TNS) au niveau primaire3, tous secteurs confondus est passé de 73 % pour
l’année scolaire 1987-1988 à 60 % en 1994-1995. Depuis 1995-1996 on assiste à une légère remontée
du TNS. Cet indicateur, estimé à 64 % en 1997-1998, demeure toutefois inférieur à celui observé dix
ans auparavant [MINESEB, 1999]. Cette baisse de la scolarisation s’explique en partie par la chute
vertigineuse du niveau de vie de la population malgache depuis le milieu des années 1980. Mais elle
est aussi le signe d’un rejet de l’enseignement public, la part du secteur privé au niveau primaire ne
cessant d’augmenter : de 15 % des effectifs scolaires en 1987-1988, elle atteint 22 % en 1997-1998
[MINESEB, 1999]. Si la chute du TNS au niveau du cycle primaire semble “ enrayée ” depuis 1995-
1996, la baisse de la scolarisation dans le secteur public à Madagascar est sans conteste.
La scolarisation dans toute l'île est caractérisée par une apparente égalité d'accès à l'école dans le cycle
primaire. En outre, d’après les dernières estimations du MINESEB, les filles sont davantage
scolarisées que leurs homologues masculins, et ce dans toutes les provinces de l’île.
Les différences de scolarisation selon le milieu de résidence sont très marquées : selon les données du
recensement de 1993, 69 % des enfants de 6-14 ans fréquentent l’école en milieu urbain contre 42 %
en milieu rural. De même, le taux net de scolarisation au niveau primaire est caractérisé par de très
fortes disparités régionales. Les provinces extrêmes sont celle d’Antananarivo (78%) et celle du
sud/sud-ouest de l'île, Toliary, où moins de la moitié des enfants sont scolarisés (45%) (cf carte 5) en
1997/98 d’après une estimation du MINESEB(Bilan à l’an 2000, 1999).
Par ailleurs, le bilan en l’an 2000 [MINESEB, 1999] révélait la constance d’une forte déperdition
scolaire dans le primaire et la persistance de nombreux redoublements (taux de survie en fin de cycle
de 40 % et taux moyen de redoublement égal à 36 % en 1996-1997).
3 Nombre d’élèves âgés de 6-10 ans inscrits au niveau primaire exprimé en pourcentage du nombre d’individus de cette même tranche d’âge
(cette dernière étant estimée à partir des projections de la population recensée en 1975 et 1993).