
infectieuses ne peuvent qu’être contrôlées. Pour certai-
nes, le vaccin confère une protection individuelle totale,
comme pour le tétanos. Au point que la rareté des cas
(chez des sujets non ou mal-vaccinés) fait oublier la
gravité bien connue de nos aïeux de cette maladie ni
immunisante ni contagieuse. C’est la médecine de guerre
qui permettra de tester à grande échelle l’efficacité du
sérum en 14-18, puis du vaccin en 39-45. Quant au tétanos
du nouveau-né (la mort du septième jour dans l’Ancien
Testament) que l’OMS pensait pouvoir éliminer dès 2015
il reste un fléau mondial.
La diphtérie quasiment disparue en France, était respon-
sable de plus de 3 000 morts par an en 1924 dans un
tableau d’asphyxie dramatique [5]. Elle est réapparue
dans les pays de l’ex-URSS dès que la couverture vaccinale
a baissé.
La coqueluche de l’adulte hautement contagieuse est de
retour avec sa « toux de 100 jours » pour les chinois,
rendant nécessaire la protection des bébés par le
cocooning en attendant l’espoir d’un vaccin bien toléré
et plus efficace [6].
La vaccination contre l’hépatite B présente entre autres
avantages de prévenir un cancer, et donc de réaliser enfin
un vieux rêve. Bien qu’inoffensive chez le nourrisson, la
suspicion demeure sur son innocuité en raison de son
histoire.
L’espoir d’éradiquer la rougeole dès 2015 au niveau
mondial a été déçu, et l’épidémie s’est traduite en France
entre 2008 et 2013 par plus de 23 000 cas déclarés, plus de
1 000 pneumopathies graves, 31 complications neurolo-
giques et 10 décès [7]. Vacciner l’ensemble des enfants
contre la rougeole vise non seulement à conférer une
protection individuelle mais aussi à faire disparaître la
maladie. Ce vaccin associé à celui contre les oreillons fait
disparaître l’orchite aiguë hyperalgique avec stérilité et
associé à celui contre la rubéole évite les malformations
tératogènes.
La raréfaction des épiglottites à Hæmophilus influenzae
(Hib) comme celle des méningites à Hib et à pneumoco-
ques sont liées à ces nouveaux vaccins (le vaccin Prevenar
1
étant maintenant également indiqué chez l’adulte).
La gravité fulminante des méningites à méningocoque,
bien que rare, justifie une vaccination généralisée.
Tant de vaccins disponibles utilisés chez le nourrisson
comme chez l’adulte coïncident nécessairement dans leurs
suites avec des épisodes de gravité diverses. Se trouve
posée la question inéluctable du lien de causalité, des
limites des connaissances comme de la responsabilité. Mais
aussi quels vaccins rendre obligatoires ? Si la confiance
dans « les vaccins » disparaît, c’est la crainte d’un retour en
arrière de la protection vaccinale qui est esquissée.
Le principe de précaution
appliqué à la médecine :
une précaution pire que le mal ?
L’histoire de la vaccination fut émaillée de méfiance et de
conflits. La prévention de la iatrogénie commence
seulement à trouver sa place dans le corps médical.
La pharmaco- et vaccinovigilance révèlent des risques
jusqu’alors ignorés au bénéfice d’une prévention pos-
sible. Il était plus facile avant cette transparence
nécessaire, pour le médecin comme pour le patient,
d’être croyant naïf ou soumis à l’argument d’autorité.
Le buzz sur Internet amplifie les retombées émotionnel-
les d’études scientifiques que les patients connaissent des
fois mieux que nos confrères mais de façon parcellaire.
Les associations de patients relayant ces études, il nous
revient d’ouvrir le débat avec toute la rigueur scienti-
fique, d’admettre qu’on ne sait pas tout, d’affirmer ce
que l’on sait, mais aussi d’écouter de façon empathique et
attentive les craintes. Il faut maintenant mesurer le
rapport bénéfice/risque et le degré d’incertitude pour
aboutir à une mesure partagée avec les consultants.
Depuis que le principe de précaution est appliqué aux
soins, cette évaluation indispensable se traduit pour
certains patients par une méconnaissance de ce rapport
et une mécompréhension des risques. Des phénomènes
de méfiance instinctifs font ainsi préférer prendre le
risque important d’une maladie connue mais frappant à
l’aveugle au risque hypothétique ou exceptionnel d’un
effet indésirable mais provoqué par une action inten-
tionnelle. Bergson identifie ce raisonnement dans Les
Deux Sources de la morale et de la religion :«Un officier
qui a pris part à la Grande Guerre nous disait qu’il avait
toujours vu les soldats redouter les balles plus que les
obus, quoique le tir de l’artillerie fût de beaucoup le plus
meurtrier. C’est que par la balle, on se sent visé... »[8].
La différence fondamentale est que le vaccin prévient la
maladie.
Par ailleurs, si certains vaccins viennent à manquer, ne
serait-ce pas à des fins financières ? Ces procès d’inten-
tion sont suscités par les conflits d’intérêts révélés dans le
domaine du médicament (Mediator
1
...). Les conclusions
de la concertation citoyenne et l’avis récent du Conseil
d’État sont-ils les signes de changements en matière
d’approvisionnement ?
Enfin, demain des vaccins visant à prévenir les infections
bactériennes liées aux soins, devraient réduire la pres-
cription d’antibiotiques et l’émergence des résistances,
précaution indispensable pour garder des antibiotiques
efficaces.
C
onclusion
Ce numéro spécial vaccin répond à une actualité riche.
Il est conçu pour aider les soignants à faire face aux
réticences parfois « irrationnelles » et pourtant fondées
sur des mécanismes de pensée identifiables, aux résis-
tances générées parfois par l’attitude des médecins ou
des décisions institutionnelles.
Soutenu par la DGS quant à sa diffusion, l’ensemble de ce
numéro est réalisé par la rédaction de la revue Médecine
en toute indépendance. L’exhaustivité étant impossible
en un seul numéro, il sera suivi de nombreux articles
complétant les connaissances sur ce sujet dans les
prochains numéros de la revue.
La place du médecin généraliste –et celle d’autres
professionnels de santé assurant un colloque singulier –
MÉDECINE Mars 2017 101
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 02/06/2017.