Je l’ai méconnu et négligé, j’ai trahi ses besoins les plus
légitimes,
Je l’ai malmené et surmené,
Je l’ai intoxiqué d’aliments et de boissons, d’air impur, de
fatigue et de drogues,
Je l’ai enfermé dans les taudis des villes,
Je l’ai asservi à mes voluptés et à mes ambitions. Celles-ci
m’ont guidé plus souvent que la raison et la notion de ses
possibilités.
J’ai recherché les plaisirs de la vie plus que la joie de vivre,
J’ai gaspillé sa jeunesse. Quant à sa vieillesse, j’en ai
méconnu la dignité et la valeur spirituelle.
Je n’ai pas prêté attention aux premiers signes de sa
souffrance. J’ai continué à user, à abuser jusqu’à ce qu’il
soit hors d’état de servir.
Alors je l’ai couvert de reproches et je l’ai accusé avec mes
mots de tous mes maux.
Je l’ai traité en esclave et non en compagnon fidèle.
J’ai établi une barrière entre ma vie intérieure et lui, ne lui
accordant qu’une physiologie animale.
En définitive, j’ai été un maître tyrannique et injuste !
Telle est la réponse que, souvent, à l’heure de l’ultime
examen de conscience, l’homme aurait à faire à cette
question :
"Qu’as-tu fait de ton corps ?"
Ce que j’en ai fait ?
(D’APRÈS LE LIVRE"NOTRE FRÈRE DE CORPS"DU DOCTEUR PIERRE DELORE
LIBRAIRIE DE MÉDICIS - PARIS – 1938.)