PAYS & MARCHÉS Dossier Ile maurice L’île Maurice poursuit la diversification de son économie OT mauricien De terre d’agriculture et d’industrie sucrière, Maurice est devenue une place financière qui compte dans la région et un pôle de développement des technologies de l’information et la communication (TIC). La petite île doit, néanmoins, encore se battre pour mettre l’ensemble de ses infrastructures à niveau, notamment les routes et les réseaux d’électricité et d’eau. À l’image du Fond Monétaire International (FMI), de nombreuses institutions s’accordent à dire que la diversification de l’économie mauricienne est un succès. Un simple exemple : en mai dernier, le Forum économique mondial (FEM) a classé le groupe mauricien GML dans le club des 16 sociétés africaines figurant dans sa liste des entreprises mondiales en croissance. GML ou encore Terra Omnicane illustrent la nouvelle vision de la petite île de l’océan Indien. En quelques années, ces groupes sucriers ont investi la plupart des activités existantes, de l’immobilier à la biotechnologie en passant par l’énergie et les services financiers. Sans ressources naturelles, comme le souligne Patrice Falzon, secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie France Maurice (CCIFM), et Michel Rosenberg, chef du Service économique (SE) de l’ambassade de France, 62 LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014 l’île Maurice a su être très réactive en s’adaptant à la mondialisation et en développant des savoir-faire spécifiques. Les services financiers illustrent parfaitement cette diversification : pas moins de 21 banques sont aujourd’hui présentes dans ce petit État de 1,2 million d’habitants. Depuis le début des années 2000, les technologies de l’information et de la communication (TIC) connaissent un essor remarquable, constate le secrétaire de la CCIFM. Au point que le ministre des TIC, Tassarajen Pillay Chedumbrum, n’hésite pas à déclarer que ce secteur devrait devenir le premier pilier de l’économie nationale. Les différents gouvernements de l’île ont toujours eu à cœur d’attirer des investissements directs étrangers (IDE). C’est pourquoi le pays a développé un système fiscal avantageux. Tous les contribuables, que ce soit les personnes morales ou physiques, sont imposés à hauteur de Port Louis est la capitale économique de l’Ile Maurice. 15 % de leurs revenus, à l’exception des habitants à faible revenu. Il n’y a aucune imposition sur les plus-values, aucune imposition à la source sur les intérêts et les dividendes. Les équipements sont exonérés des droits de douane. Les bénéfices, les dividendes ainsi que les capitaux sont rapatriables librement. Toujours dans le but d’attirer les investisseurs étrangers, l’île Maurice offre aux ressortissants étrangers un permis de résidence valable dix ans s’ils investissent au minimum 500 000 dollars américains dans l’un des secteurs porteurs. Un étranger qui crée une entreprise dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 15 millions de roupies mauriciennes, soit environ 375 000 euros, pendant au moins trois ans, peut également prétendre à un permis de résidence de dix ans. L’île Maurice dispose avec le « Board of Investment » (BoI) d’une agence dont la mission est d’encourager les investisseurs étrangers « à poser leurs valises » à l’île Maurice. Le BoI a pris l’habitude d’énumérer les avantages de Maurice : stabilité politique, solidité du secteur financier, état de droit, libéralisation de l’économie et bilinguisme français-anglais des Mauriciens. L’agence fait aussi valoir que Maurice a signé de nombreux traités de non double imposition et de libreéchange, notamment en Afrique et en Asie. De plus, Maurice est membre de la Communauté de développement d’Afrique australe (ou SADC pour Southern African Development Community), du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (ou COMESA pour Common Market for Eastern and Southern Africa), de la Commission de l’océan Indien (COI) et de l’Indian Ocean Rim Association (IORA). Une présence qui permet aux opérateurs à Maurice de bénéficier d’avantages commerciaux vers les autres États membres, comme des tarifs douaniers préférentiels. Comme le martèle le gouvernement, l’île Maurice veut se positionner comme une plateforme pour les investissements et le commerce entre l’Asie et l’Europe d’un côté et l’Afrique de l’autre. Le succès économique de Maurice est lié largement à sa capacité d’échanger au grand large, notamment vers l’Europe. Les flux d’échange le démontrent abondamment dans les secteurs clés de l’économie : sucre, textile, tourisme ou TIC. C’est pourquoi « quand l’Europe éternue, l’île Maurice s’enrhume ». Bien que l’économie de l’île ait démontré une certaine résilience, la croissance du produit intérieur brut (PIB) est retombée à 3,1 % en 2009 suite à la crise financière, après Un projet de métro aérien entre la capitale et les villes résidentielles est en cours. être montée à 5,7 % en 2007 et 5,5 % en 2008. Autre lacune, les infrastructures. Il y a à peine un mois, le 27 juin, le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, a annoncé la mise en place à venir d’un fond dédié. Le réseau routier bénéficie déjà de diverses initiatives, comme l’inauguration de la nouvelle autoroute de contournement de la capitale Port Louis. Un projet qui aurait, d’après la CCIFM, permis de réduire de 30 % à 35 % le trafic à Port Louis. Reste que les routes secondaires ne sont pas toujours en bon état, que l’éclairage, le marquage au sol ou le revêtement sont insuffisants. Sophie Adam, la directrice de la CCIFM, estime que les autorités ne prennent pas assez en compte les autres moyens de transport comme le vélo. Il serait ainsi possible de prévoir des pistes cyclables sur les nouvelles routes. À noter, toutefois, qu’un projet de métro aérien entre la capitale et les villes résidentielles est en cours. D’autres projets sont en chantier ou à l’étude, comme l’extension du port qui tend à devenir un pôle régional et la création d’une zone franche à l’aéroport qui vient d’être agrandi. Selon Patrice Falzon et Michel Rosenberg, le Coût de l’électricité à Maurice est aussi trop élevé. Sans compter que la fourniture d’eau n’est pas régulière. Les coupures à Maurice sont les conséquences des épisodes récurrents de faible pluviométrie. Des projets de réhabilitation du réseau vétuste de fourniture d’eau sont en cours, afin de diminuer les fuites. C’est pourquoi des projets de barrage sont en chantier pour récupérer d’avantage d’eau de pluie. Malgré sa stabilité, le taux de la Roupie est au cœur d’un dilemme entre importateurs et consommateurs d’un côté et exportateurs de l’autre. Ces derniers se disent pénalisés par un taux qu’il juge trop haut, alors que la Banque de Maurice prône la lutte contre l’inflation. Mais selon la CCIFM, la monnaie est bien gérée par la banque centrale. L’île Maurice, qui exporte en euro et importe en dollar, est sensible aux fluctuations des taux de change. Par ailleurs, le système éducatif et la formation professionnelle n’évoluent pas aussi vite que l’économie. D’où un décalage constaté aussi bien par la CCIFM que par les opérateurs économiques. Autre difficulté : alors que le pays souhaite s’appuyer davantage sur des secteurs porteurs comme les TIC, selon Patrice Falzon et l’association des professionnels mauriciens des TIC (OTAM), la qualité de la bande passante doit être améliorée et son coût baissé. D’après Mauritius Telecom, l’opérateur de télécommunication leader à Maurice, la connexion s’améliore et son tarif diminue. Avec la multiplication des pôles informatiques en Afrique comme à Djibouti et à Mombassa, la distance avec Maurice baisse, ce qui contribue à réduire le coût. Par ailleurs, l’île Maurice voit ses réseaux de fibre optique et 4G progressivement se développer depuis 2012. Patrice Donzelot, à Maurice CHIFFRE-CLÉS Superficie : 1 865 km2 Population : 1 259 838 habitants en 2013 Croissance économique : 3,2 % en 2013 et 3,5 % en 2014 (estimation) Produit intérieur brut (PIB) : 8,08 milliards d’euros en 2013 et 8,61 milliards en 2014 (estimation) PIB par habitant : 7 272 euros en 2013 et 7 725 en 2014 (estimation) Exportations de biens et services : 4,97 milliards d’euros en 2013 et 5,26 milliards en 2014 (estimation) Importations de biens et services : 6,09 milliards d’euros en 2013 et 6,4 milliards en 2014 (estimation) LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014 63 PAYS & MARCHÉS Dossier Ile maurice Secteurs porteurs TIC, éducation, services financiers… Maurice est une petite île qui offre de nombreuses opportunités d’investissements. Les secteurs sont variés allant des TIC aux énergies renouvelables en passant par la biotechnologie. Tour d’horizon. TIC Penser marché local et développements régionaux La Cybercité est le pôle national des TIC à Maurice. P. Donzelot Microsoft utilise l’île Maurice comme base avancée pour ses activités dans l’océan Indien et le Pacifique francophone. Orange a installé l’un de ses centres « Orange Business Services » au cœur de l’île. En France, l’un des services de renseignement téléphonique ainsi que l’un des opérateurs de téléphonie mobile font confiance à des centres d’appel mauriciens. Dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) à Maurice, ce sont notamment les opérations à forte valeur ajoutée et les marchés de niches qui sont porteurs, car les métiers fondamentaux comme l’externalisation y sont déjà bien représentés. Selon l’agence pour la promotion des investissements (connue comme BoI pour Board of Investment), il y a un fort potentiel dans des secteurs spécifiques comme le développement de logiciels et d’applications en profitant de la tendance vers les smartphones, les tablettes tactiles et les objets connectés. D’autres activités sont porteuses, comme les ordinateurs de bord pour les véhicules, le télédiagnostic, la télémaintenance et l’animation 3D. Pour encourager les développeurs, des entreprises ainsi que le gouvernement organisent de plus en plus de concours. Pour Charles Cartier, directeur de TNT Business Solutions et président de l’association mauricienne des opérateurs des TIC (connue comme OTAM pour Outsourcing and Telecommunication Association of Mauritius), le premier atout de l’île Maurice est la proximité culturelle avec l’Europe, en particulier la France. En effet, l’organisation des entreprises a été importée d’Europe, ce qui facilite les affaires et la compréhension mutuelle. Le décalage culturel est moindre qu’avec des pays concurrents en Asie et en Afrique, selon Charles Cartier. Les Mauriciens sont bilingues français-anglais et il est de plus en plus facile de trouver des employés parlant d’autres langues européennes et asiatiques. Grâce aux horaires flexibles que les Mauriciens adoptent de plus en plus facilement et à son fuseau horaire GMT+4, il est possible de travailler pour des clients en Australie comme aux États-Unis. En ce qui concerne l’immobilier, de nombreux bureaux sont libres, notamment à la Cybercité d’Ebène, village d’affaire récent, consacré au secteur des TIC au cœur de l’île. Selon Charles Cartier, parmi les handicaps, figure le coût que représente l’utilisation de la bande passante. Toutefois, comme le précisent régulièrement le ministre des TIC, Tassarajen Pillay Chedumbrum, et le premier fournisseur d’accès à internet, Mauritius Telecom, la tendance est à la baisse et des efforts sont faits pour encore diminuer les tarifs. Par exemple, jusqu’à récemment, Mauritius Telecom était le seul opérateur à distribuer de la bande passante en gros. Le gouvernement a ouvert ce marché à la concurrence. Ainsi, à Maurice, les employeurs affirment que les activités liées aux TIC évoluent plus vite que les formations professionnelles disponibles. Education : un besoin de formations tertiaires À l’instar des technologies de l’information et de la communication (TIC), il y a dans divers secteurs d’activité une demande pour des formations professionnelles. Le groupe mauricien Médine propose depuis peu sur son campus des cours en partenariat avec les écoles françaises Supinfo, Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP) et Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec). Il s’agira de formations tertiaires, notamment dans l’ingénierie et les TIC. 64 LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014 Même si depuis quelques années la qualité de l’éducation est montée d’un cran à l’île Maurice, avec notamment la création de centres de formations publics et privés et l’implantation de branches d’universités étrangères, il y a un écart entre l’offre et la demande en termes de qualification. De plus il y a encore de nombreux jeunes Mauriciens qui partent étudier à l’étranger alors que Maurice veut devenir un pôle éducatif pour la région de l’océan Indien et de l’Afrique de l’Est. P. D. PAYS & MARCHÉS Dossier Ile maurice Services financiers Devenir le Singapour de l’Afrique Le gouvernement mauricien souhaite promouvoir les services financiers et faciliter les investissements internationaux. P. Donzelot Selon l’association regroupant les opérateurs mauriciens des services financiers (connue comme GFM pour Global Finance Mauritius), l’île Maurice est considérée comme une juridiction financière bien établie, réglementée et stable. Dans les services financiers, le pays veut devenir pour l’Afrique l’équivalent de Singapour pour l’Asie. Maurice veut jouer aujourd’hui le rôle de plateforme pour les investissements vers l’Afrique, ce qui a amené le gouvernement à adopter des mesures incitatives et créer au sein du Board of Investment (BoI) une unité spécialisée dans les investissements vers l’Afrique. Le pays dispose déjà d’un important secteur « offshore » pour les investissements transfrontaliers. Le gouvernement mauricien a toujours eu à cœur de promouvoir les services financiers et de faciliter les investissements internationaux. C’est grâce à ces efforts que le pays est dans la liste blanche de l’Organisation de coo- pération et de développement économiques (OCDE) et est le premier État africain dans le classement de la Banque mondiale des pays où il est facile de faire des affaires (Doing Business Survey). Aujourd’hui, le secteur des services financiers attend la fin des renégociations entre l’Inde et Maurice sur le traité de non double imposition. Ces discussions sont d’autant plus importantes que 39,6 % des investissements directs étrangers (IDE) en Inde transitent par Maurice. Reste que l’île de l’océan Indien vient de se voir ravir la première place par Singapour. La gestion de fortune et de patrimoine, ainsi que l’implantation d’entreprises offshore sont également des domaines porteurs à l’île Maurice. De plus en plus de ressortissants français viennent s’y installer pour des raisons professionnelles ou pour leurs retraites. Ils ont besoin de conseils et d’assistance. Certains cabinets se sont ainsi spécialisés, parfois en s’associant sur place avec des partenaires locaux. Industrie : cap au grand large et vers le haut de gamme Pour éviter la concurrence avec les pays asiatiques dans le bas et le moyen de gamme, les industriels à Maurice s’orientent vers le haut de gamme et les marchés de niche, comme le textile technique, l’horlogerie, les pièces automobiles, les dispositifs médicaux et la joaillerie. L’île Maurice dispose d’un port franc où les opérateurs bénéficient d’avantages fiscaux et des tarifs douaniers préférentiels vers les pays membres, dont Maurice, de la Communauté de développement d’Afrique australe (ou SADC pour Southern African Development Community) et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (ou Comesa pour Common Market for Eastern and Southern Africa). Le gouvernement subventionne également les entreprises basées à Maurice qui exportent vers l’Afrique et celles qui participent à des foires internationales en Afrique subsaharienne. P. D. Santé Cibler les biotechnologies et les dispositifs médicaux Un pôle biomédical vient de voir le jour dans le village de Rivière du Rempart. On y trouve pour le moment sept entreprises, lesquelles peuvent partager leurs infrastructures et créer des partenariats. Ainsi, Cephyr pour « Centre for Phytotherapy Research » et CIDP pour « Centre international de développement pharmaceutique » sont deux entreprises sœurs créées à Maurice. Dans le domaine des essais cliniques, le directeur de Cephyr et de CIDP, le Français Jean-Louis Roule, explique que les atouts de Maurice sont multiples. Il cite avant tout la multiethnicité du pays, ce qui est très utile pour tes66 LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014 ter différents types de peaux. Le positionnement géographique de Maurice, proche de l’Afrique et de l’Asie, est également un avantage comme sa stabilité économique et politique. « Je ne cache pas que ce qui nous a aussi attiré, c’est la fiscalité qui permet aux jeunes entreprises de se développer ». Autres raisons de sa localisation à Maurice, le bilinguisme et le faible décalage horaire avec l’Europe « 60 % de nos clients sont Européens », précise Jean-Louis Roule. Pour sa part, Michel Rosenberg, chef du Service économique (SE) de l’Ambassade de France, estime qu’il faut établir des partenariats avec les professionnels de La Réunion qui ont déjà une forte expertise sur place. D’après le Board of Investment (BoI) et la Chambre de commerce et d’industrie France Maurice (CCIFM), le potentiel est suffisant pour doter Maurice d’un pôle de santé. L’île compte déjà des cliniques privées et des centres spécialisés dans la greffe de cheveux ou la dentisterie, qui offrent leurs services aux étrangers dans le tourisme médical. Le tourisme médical progresse régulièrement. Le nombre de patients est ainsi passé de 10 600 en 2010 à 21 346 en 2012, contre 1 000 et 5 000 seulement en 2006 et 2008. Economie bleue : différents secteurs à explorer L’île Maurice dispose d’une zone économique exclusive de 2,3 millions de km 2 . La pêche, l’aquaculture, la culture d’algues, l’ostréiculture et même la climatisation générée avec de l’eau de mer offrent notamment des possibilités d’affaires. Des entrepreneurs ont investi dans l’économie bleue, à l’instar de Sapmer, un partenariat entre opérateurs réunionnais et mauriciens dans la pêche industrielle et la transformation, ou la Ferme Marine de Mahébourg (FMM), spécialiste de l’aquaculture. Par ailleurs, le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, a annoncé le vendredi 27 juin dernier que le gouvernement compte inviter des entreprises étrangères à la recherche de ressources naturelles à venir prospecter dans la zone économique exclusive de Maurice. Energie renouvelable Un potentiel, mais un manque de vision L’énergie renouvelable est l’un des secteurs qui intéressent les industries sucrières, car son développement permet de revaloriser leurs terres. La culture de cannes à sucre diminue et le distributeur d’électricité CEB (Central Electricity Board) achète à des producteurs externes 60 % de l’électricité qu’il revend. Les résidus de la canne après l’extraction du sucre sont donc utilisés comme combustibles pour le fonctionnement de centrales thermiques. La canne sert également à la production d’éthanol. Une ferme photovoltaïque de 30 hectares produisant 15 Mégawatts a vu le jour en février 2014. Comme l’ensoleillement est important, le gouvernement souhaite progressivement augmenter la part des énergies renouvelables par rapport à celles issues de combustibles fossiles. Des projets de fermes éoliennes sont à l’étude. « Malgré le concept Maurice Île Durable (MID) lancé par le gouvernement, il y a un manque de vision et de volonté politique. La bureaucratie dans ce secteur est lourde. Il y a même un projet de centrale thermique à charbonce qui fait qu’on n’est pas dans la bonne direction », tempère Patrice Falzon, secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie France-Maurice (CCIFM). Patrice Donzelot PAYS & MARCHÉS Dossier Ile maurice Présence française L’Hexagone en lutte pour rester le second partenaire Les nombreux habitants de Maurice qui après le travail quittent la capitale Port Louis sur la côte ouest de l’île pour rentrer chez eux dans le centre du pays ont de grandes chances de faire un arrêt au supermarché Jumbo de Phœnix qui est sur leur chemin. Ils feront également certainement le plein d’essence dans une des nombreuses stations services de Total dans le pays. Arrivés à la maison, ils se connecteront peut-être à internet, profitant de leurs abonnements à Orange, et regarderont la télévision sur les chaînes du bouquet de Canal Plus. Malgré les 9 945 kilomètres séparant l’île Maurice de Paris, l’Hexagone figure dans le top 3 des partenaires commerciaux de Maurice. En matière d’exportation, la France se classe en troisième position, derrière l’Inde et la Chine, avec près de 800 millions d’euros de transactions en 2013. L’Inde est de loin en tête, car ce pays approvisionne l’île Maurice en produits pétroliers. Comme le précise Michel Rosenberg, chef du Service économique (SE) de l’Ambassade de France, contrairement à la Chine et l’Inde, en plus d’exporter vers Maurice, la France importe également. En l’occurrence, en 2013, l’île Maurice a exporté pour 535 millions d’euros de marchandises vers la France, ce qui classe l’Hexagone en seconde place derrière le Royaume-Uni. La France est aussi le premier contributeur en matière d’investissements directs étrangers (IDE), avec un total de 68 millions d’euros en 2013. « Les Français croient en Maurice. Plus de 100 enseignes françaises sont implantées sur l’île, dont Total, Lafarge, Colas, Jumbo, Super U, Canal Plus et Orange », détaille Michel Rosenberg. L’Agence française de développement (AFD) est encore un important bailleur de fond, ayant déboursé environ 700 millions d’euros en 7 ans dans des projets mauriciens. Enfin, 39 % des touristes à Maurice sont des Français de métropole ou de La Réunion. 70 LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014 P. Donzelot Troisième exportateur et premier investisseur étranger, la France occupe une place de choix. Ses entreprises gagnent des grands contrats. Mais elle peut encore faire mieux, notamment dans les technologies de l’information et la communication. Dans les infrastructures, Colas a participé au chantier de la nouvelle autoroute qui contourne la capitale alors qu’Aéroports de Paris Management est actionnaire à hauteur de 10 % d’ATOL (Airport Terminal Operations Limited) qui gère le nouveau terminal de l’aéroport. Un contrat a été signé il y a un an par Quadran pour un parc éolien de 10 mégawatts. « Les Français y font des affaires s’ils sont rigoureux » La concurrence est rude. L’Inde est le fournisseur exclusif de Maurice en produit pétrolier et armement. La Chine est très présente dans les chantiers d’infrastructure ainsi que dans les importations de biens. On trouve ensuite l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni comme partenaires commerciaux majeurs. De manière générale, à l’île Maurice, 56 % des exportations vont vers l’Europe et 24 % importations sont issues du Vieux Continent. La France peut accroître sa présence dans plusieurs domaines, selon Michel Rosenberg, qui cite les technologies de l’information et de la communication (TIC) et le développement du port. Le gouvernement mauricien souhaite faire de ce dernier un pôle régional et ainsi concurrencer d’autres ports comme celui du Cap en Afrique du Sud sur le marché du transbordement et du ravitaillement en carburant. « La France est présente à l’île Maurice dans le cadre d’accords gagnants-gagnants. Le pays était une colonie française avant d’être britannique, il partage donc une longue histoire avec la France », précise Michel Rosenberg, qui fait valoir que Maurice est également un pays « solvable » avec une « vision cohérente ». Les Français, assure-t-il, « y font des affaires s’ils sont rigoureux » et donc « il faut aborder l’île Maurice comme un grand pays de manière sérieuse et en réfléchissant bien aux partenaires locaux ». Il faut « étudier les marchés, car la concurrence y est rude », insiste le chef du SE. « Attention à ce que l’aspect de la bonne qualité de vie ne fasse pas oublier la prudence et l’approche professionnelle », met-il encore en garde. Un dernier conseil : il est important de travailler avec un partenaire local avec lequel « le rôle de chacun est bien défini ». P. D. PAYS & MARCHÉS Dossier Ile maurice Entretien avec Catherine Gris « Maurice est un petit pays avec un grand culot » LE MOCI. Y a-t-il des points que les deux gouvernements doivent revoir pour améliorer leurs relations bilatérales ? Catherine Gris. J’ai un prisme qui est très île de La Réunion. En matière de coopération avec la France et l’Europe, la Réunion est un poste avancé dans l’océan Indien. Il y eu la visite historique du Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam, à La Réunion en 2011. L’Association pour le développement industriel de La Réunion (ADIR) que je représente ici contribue à faire avancer la 72 LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014 Catherine Gris, présidente de la section Maurice des CCEF, est également Executive Development Officer de l’AMM (Association of Mauritian Manufacturers). P. Donzelot LE MOCI. La France et l’île Maurice ont une longue histoire commune. Est-ce que cela se ressent aujourd’hui au niveau des relations économiques entre les deux pays ? Catherine Gris. Oui, la France est le premier investisseur direct et le troisième partenaire commercial de l’île Maurice notamment dans des secteurs clés comme le tourisme. Quand on dit investissements directs, on parle de l’industrie, mais aussi de l’immobilier. Dans le tourisme, quand la France éternue Maurice s’enrhume. C’est encore plus vrai avec les touristes en provenance de l’île de la Réunion toute proche. Même s’il y a une diversification des marchés, la France restera un partenaire privilégié pour Maurice que ce soit en matière d’échanges de biens et services qu’en matière de coopération. Dans ce domaine, l’Agence française de développement (AFD) est une pompe à opportunités et à expertise française notamment dans les énergies renouvelables. La Réunion a, par exemple, une grande expertise et des enjeux communs avec Maurice dans le développement durable. Les Français, en général, ont une force dans les technologies et l’innovation. La France assure la sécurité maritime dans l’océan Indien, ce qui est un point clé. Il n’y aurait pas d’échanges dans la zone sans ce rôle clé de la France. coopération dans le cadre de l’efficacité énergétique. Il y a de nombreux sujets pour lesquels on pourrait multiplier ce type d’apport technique. Cela ne se fait pas naturellement. Il faut une volonté politique, de la méthodologie, des fonds et des hommes, ce qui a été le cas sur le dossier de l’efficacité énergétique. On peut réitérer cela dans le secteur des déchets ou de l’économie océanique. Cette dernière est devenue une priorité pour le gouvernement mauricien et la France est une puissance maritime. Maurice a de grandes ambitions dans l’économie océanique. En règle générale, Maurice est un petit pays au grand culot. Il y a donc une opportunité de collaboration dans ce secteur et également vers l’Afrique. Il y par exemple un projet mauricien de centrale thermique en Afrique avec l’expertise de la France. On peut multiplier ce genre de partenariat. Maurice a le savoir-faire et la volonté, on peut donc mieux associer les intérêts mauriciens et français. La vraie question est comment faire plus et mieux ensemble. LE MOCI. Quelle est l’importance de la France et des investisseurs français dans l’économie mauricienne par rapport à d’autres pays ? Catherine Gris. Maurice a un commerce déficitaire avec la France. L’Hexagone est le troisième fournisseur de Maurice, mais si la commande d’Air Mauritius auprès d’Airbus se concrétise, la balance commerciale sera modifiée. Une entreprise française a décroché le contrat de l’impression de billets de banque mauriciens. En agroalimentaire, nombre de produits sont importés de France. C’est aussi le cas dans le domaine pharmaceutique, pour les produits électroniques, les machines ainsi que les produits de luxe, tel que les parfums et la bijouterie, également peu de textile. Ce sont les principales forces de la France à l’étranger. La France est le second client pour les biens de Maurice, derrière le Royaume-Uni. LE MOCI. Est-ce que cette position est menacée par d’autres pays ? Catherine Gris. Oui, par les pays émergents comme l’Inde, la Chine ou l’Afrique du Sud. La France ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Maurice est un petit pays qui possède de nombreux partenaires commerciaux et donc les ... La France restera un partenaire privilégié pour Maurice, en matière d’échanges de biens et services ou en matière de coopération PAYS & MARCHÉS Dossier Ile maurice L’implantation pour les Français est plus complexe qu’on ne le croit parce que la conduite des entreprises est anglo-saxonne places sont chères. Les produits pétroliers en provenance exclusivement d’Inde comptent beaucoup dans les importations mauriciennes. La France a dû perdre des parts de marchés dans l’agroalimentaire, les textiles et les produits électroniques, c’est certain. Les produits à bas coût d’autres pays sont des concurrents rudes pour l’offre française. La grande distribution à Maurice est bien représentée par la France à travers des enseignes comme Super U, Jumbo ou Intermart, qui possèdent des centrales d’achat françaises. Elles importent des produits de l’Hexagone et utilisent des marques distributeurs. LE M OCI. Est-ce que Maurice est un pays où il fait bon investir ? Où il fait bon exporter ? Catherine Gris. Il paraît facile pour des Français de s’implanter à Maurice, car on y parle la même langue et le code civil est celui de Napoléon, mais c’est beaucoup plus complexe qu’on ne le croit parce que la conduite des entre- prises est anglo-saxonne, tout comme la jurisprudence. Le traitement des conflits juridiques est ici différent. Les Français ici doivent être encadrés par de bons avocats. On est séduit par la facilité d’accès et donc on ne se prépare pas assez. D’où les déconvenues. Maurice a des atouts : sa fiscalité, sa stabilité, son système judiciaire et la langue française. Certes, il y fait bon vivre et la communauté française y est forte, mais il faut tout de même se préparer et s’adapter à la pluriethnicité et à la culture des affaires très anglo-saxonne et très libérale qui demande des efforts en matière de bonne gouvernance. Il ne faut pas non plus cacher les problèmes de corruption. Il faut faire appel aux réseaux comme celui des CCEF. Propos recueillis par Patrice Donzelot Pratique Contacts utiles • Chambre de Commerce et d’Industrie France Maurice (CCIFM) Tél. : +230 403 43 10/403 43 11 [email protected] http://www.ccifm.mu/ • Board of Investment (BoI) - Service Conseil Tél. : +230 203 3800 [email protected] www.investmauritius.com - Occupation Permit Unit Tél. : + 230 203 3813 [email protected] www.investmauritius.com - Bureau des passeports et de l’immigration Tél. : + 230 211 5830 [email protected] http://passport.gov.mu Site du gouvernement : http://www.gov.mu/French/Pages/default.aspx 74 LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014 OT mauricien • Service économique Tél. : + (230) 208 79 81 [email protected] www.tresor.economie.gouv.fr/se/maurice Les pratiques de paiement Moyens de paiement Monnaie locale La roupie mauricienne (MUR). Convertible, en principe. Bon à savoir Il convient de préciser qu’il est difficile de changer des roupies mauriciennes en France. Les établissements les plus susceptibles de le faire sont ceux du groupe Oceor et du réseau Caisse d’Épargne (actionnaire de la Banque des Mascareignes). Conditions de paiement Délais de paiement habituels 30 à 60 jours maximum. Risques de retards de paiement Peu de retards de paiement sont signalés sur Maurice. Extrait de la fiche de l’Ile Maurice de « l’Atlas 2014 des risques pays à l’usage des exportateurs » du Moci, paru le 12 juin 2014.