L`île Maurice poursuit

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PAYS & MARCHÉS
Dossier
Ile maurice
L’île Maurice poursuit
la diversification de son économie
OT mauricien
De terre d’agriculture et d’industrie sucrière, Maurice est devenue une place financière
qui compte dans la région et un pôle de développement des technologies de l’information et la communication (TIC). La petite île doit, néanmoins, encore se battre pour mettre
l’ensemble de ses infrastructures à niveau, notamment les routes et les réseaux d’électricité et d’eau.
À l’image du Fond Monétaire International
(FMI), de nombreuses institutions s’accordent à dire que la diversification de
l’économie mauricienne est un succès.
Un simple exemple : en mai dernier, le
Forum économique mondial (FEM) a
classé le groupe mauricien GML dans le
club des 16 sociétés africaines figurant
dans sa liste des entreprises mondiales
en croissance. GML ou encore Terra
Omnicane illustrent la nouvelle vision de
la petite île de l’océan Indien. En
quelques années, ces groupes sucriers
ont investi la plupart des activités existantes, de l’immobilier à la biotechnologie en passant par l’énergie et les services financiers.
Sans ressources naturelles, comme le
souligne Patrice Falzon, secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie France Maurice (CCIFM), et
Michel Rosenberg, chef du Service économique (SE) de l’ambassade de France,
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l’île Maurice a su être très réactive en
s’adaptant à la mondialisation et en développant des savoir-faire spécifiques. Les
services financiers illustrent parfaitement
cette diversification : pas moins de 21
banques sont aujourd’hui présentes dans
ce petit État de 1,2 million d’habitants.
Depuis le début des années 2000, les
technologies de l’information et de la
communication (TIC) connaissent un
essor remarquable, constate le secrétaire
de la CCIFM. Au point que le ministre
des TIC, Tassarajen Pillay Chedumbrum,
n’hésite pas à déclarer que ce secteur
devrait devenir le premier pilier de l’économie nationale.
Les différents gouvernements de l’île ont
toujours eu à cœur d’attirer des investissements directs étrangers (IDE). C’est
pourquoi le pays a développé un système
fiscal avantageux. Tous les contribuables,
que ce soit les personnes morales ou
physiques, sont imposés à hauteur de
Port Louis est la capitale économique de l’Ile
Maurice.
15 % de leurs revenus, à l’exception des
habitants à faible revenu. Il n’y a aucune
imposition sur les plus-values, aucune
imposition à la source sur les intérêts et
les dividendes. Les équipements sont
exonérés des droits de douane. Les
bénéfices, les dividendes ainsi que les
capitaux sont rapatriables librement. Toujours dans le but d’attirer les investisseurs
étrangers, l’île Maurice offre aux ressortissants étrangers un permis de résidence valable dix ans s’ils investissent au
minimum 500 000 dollars américains
dans l’un des secteurs porteurs. Un
étranger qui crée une entreprise dont le
chiffre d’affaires annuel dépasse 15 millions de roupies mauriciennes, soit environ 375 000 euros, pendant au moins
trois ans, peut également prétendre à un
permis de résidence de dix ans.
L’île Maurice dispose avec le « Board of
Investment » (BoI) d’une agence dont la
mission est d’encourager les investisseurs étrangers « à poser leurs valises » à
l’île Maurice. Le BoI a pris l’habitude
d’énumérer les avantages de Maurice :
stabilité politique, solidité du secteur
financier, état de droit, libéralisation de
l’économie et bilinguisme français-anglais
des Mauriciens. L’agence fait aussi valoir
que Maurice a signé de nombreux traités
de non double imposition et de libreéchange, notamment en Afrique et en
Asie.
De plus, Maurice est membre de la Communauté de développement d’Afrique
australe (ou SADC pour Southern African Development Community), du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (ou COMESA pour Common
Market for Eastern and Southern Africa),
de la Commission de l’océan Indien
(COI) et de l’Indian Ocean Rim Association (IORA). Une présence qui permet
aux opérateurs à Maurice de bénéficier
d’avantages commerciaux vers les autres
États membres, comme des tarifs douaniers préférentiels. Comme le martèle le
gouvernement, l’île Maurice veut se positionner comme une plateforme pour les
investissements et le commerce entre
l’Asie et l’Europe d’un côté et l’Afrique de
l’autre.
Le succès économique de Maurice est
lié largement à sa capacité d’échanger
au grand large, notamment vers l’Europe.
Les flux d’échange le démontrent abondamment dans les secteurs clés de l’économie : sucre, textile, tourisme ou TIC.
C’est pourquoi « quand l’Europe éternue,
l’île Maurice s’enrhume ». Bien que l’économie de l’île ait démontré une certaine
résilience, la croissance du produit intérieur brut (PIB) est retombée à 3,1 % en
2009 suite à la crise financière, après
Un projet de métro aérien entre la capitale et
les villes résidentielles est en cours.
être montée à 5,7 % en 2007 et 5,5 %
en 2008.
Autre lacune, les infrastructures. Il y a à
peine un mois, le 27 juin, le Premier
ministre et ministre des Finances, Navin
Ramgoolam, a annoncé la mise en place
à venir d’un fond dédié. Le réseau routier bénéficie déjà de diverses initiatives,
comme l’inauguration de la nouvelle autoroute de contournement de la capitale
Port Louis. Un projet qui aurait, d’après la
CCIFM, permis de réduire de 30 % à
35 % le trafic à Port Louis.
Reste que les routes secondaires ne sont
pas toujours en bon état, que l’éclairage,
le marquage au sol ou le revêtement sont
insuffisants. Sophie Adam, la directrice
de la CCIFM, estime que les autorités ne
prennent pas assez en compte les autres
moyens de transport comme le vélo. Il
serait ainsi possible de prévoir des pistes
cyclables sur les nouvelles routes. À
noter, toutefois, qu’un projet de métro
aérien entre la capitale et les villes résidentielles est en cours. D’autres projets
sont en chantier ou à l’étude, comme l’extension du port qui tend à devenir un pôle
régional et la création d’une zone franche
à l’aéroport qui vient d’être agrandi.
Selon Patrice Falzon et Michel Rosenberg, le Coût de l’électricité à Maurice
est aussi trop élevé. Sans compter que la
fourniture d’eau n’est pas régulière. Les
coupures à Maurice sont les conséquences des épisodes récurrents de faible pluviométrie. Des projets de réhabilitation du réseau vétuste de fourniture
d’eau sont en cours, afin de diminuer les
fuites. C’est pourquoi des projets de barrage sont en chantier pour récupérer
d’avantage d’eau de pluie.
Malgré sa stabilité, le taux de la Roupie est
au cœur d’un dilemme entre importateurs
et consommateurs d’un côté et exportateurs de l’autre. Ces derniers se disent
pénalisés par un taux qu’il juge trop haut,
alors que la Banque de Maurice prône la
lutte contre l’inflation. Mais selon la
CCIFM, la monnaie est bien gérée par la
banque centrale. L’île Maurice, qui exporte
en euro et importe en dollar, est sensible
aux fluctuations des taux de change. Par
ailleurs, le système éducatif et la formation
professionnelle n’évoluent pas aussi
vite que l’économie. D’où un décalage
constaté aussi bien par la CCIFM que par
les opérateurs économiques.
Autre difficulté : alors que le pays souhaite s’appuyer davantage sur des secteurs porteurs comme les TIC, selon
Patrice Falzon et l’association des professionnels mauriciens des TIC (OTAM),
la qualité de la bande passante doit être
améliorée et son coût baissé. D’après
Mauritius Telecom, l’opérateur de télécommunication leader à Maurice, la
connexion s’améliore et son tarif diminue.
Avec la multiplication des pôles informatiques en Afrique comme à Djibouti et à
Mombassa, la distance avec Maurice
baisse, ce qui contribue à réduire le coût.
Par ailleurs, l’île Maurice voit ses réseaux
de fibre optique et 4G progressivement
se développer depuis 2012.
Patrice Donzelot,
à Maurice
CHIFFRE-CLÉS
Superficie : 1 865 km2
Population : 1 259 838 habitants en 2013
Croissance économique : 3,2 % en 2013 et 3,5 % en 2014 (estimation)
Produit intérieur brut (PIB) : 8,08 milliards d’euros en 2013 et
8,61 milliards en 2014 (estimation)
PIB par habitant : 7 272 euros en 2013 et 7 725 en 2014 (estimation)
Exportations de biens et services : 4,97 milliards d’euros en 2013 et
5,26 milliards en 2014 (estimation)
Importations de biens et services : 6,09 milliards d’euros en 2013 et
6,4 milliards en 2014 (estimation)
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Ile maurice
Secteurs porteurs
TIC, éducation, services financiers…
Maurice est une petite île qui offre de nombreuses opportunités d’investissements.
Les secteurs sont variés allant des TIC aux énergies renouvelables en passant par la
biotechnologie. Tour d’horizon.
TIC Penser marché local et développements régionaux
La Cybercité est le pôle national des TIC à
Maurice.
P. Donzelot
Microsoft utilise l’île Maurice comme base
avancée pour ses activités dans l’océan
Indien et le Pacifique francophone.
Orange a installé l’un de ses centres
« Orange Business Services » au cœur
de l’île. En France, l’un des services de
renseignement téléphonique ainsi que
l’un des opérateurs de téléphonie mobile
font confiance à des centres d’appel
mauriciens. Dans les technologies de l’information et de la communication (TIC)
à Maurice, ce sont notamment les opérations à forte valeur ajoutée et les marchés de niches qui sont porteurs, car les
métiers fondamentaux comme l’externalisation y sont déjà bien représentés.
Selon l’agence pour la promotion des
investissements (connue comme BoI
pour Board of Investment), il y a un fort
potentiel dans des secteurs spécifiques
comme le développement de logiciels et
d’applications en profitant de la tendance
vers les smartphones, les tablettes tactiles et les objets connectés. D’autres
activités sont porteuses, comme les ordinateurs de bord pour les véhicules, le
télédiagnostic, la télémaintenance et l’animation 3D. Pour encourager les développeurs, des entreprises ainsi que le
gouvernement organisent de plus en plus
de concours.
Pour Charles Cartier, directeur de TNT
Business Solutions et président de l’association mauricienne des opérateurs
des TIC (connue comme OTAM pour
Outsourcing and Telecommunication
Association of Mauritius), le premier atout
de l’île Maurice est la proximité culturelle
avec l’Europe, en particulier la France. En
effet, l’organisation des entreprises a été
importée d’Europe, ce qui facilite les
affaires et la compréhension mutuelle.
Le décalage culturel est moindre qu’avec
des pays concurrents en Asie et en
Afrique, selon Charles Cartier. Les Mauriciens sont bilingues français-anglais et il
est de plus en plus facile de trouver des
employés parlant d’autres langues européennes et asiatiques. Grâce aux
horaires flexibles que les Mauriciens
adoptent de plus en plus facilement et à
son fuseau horaire GMT+4, il est possible de travailler pour des clients en Australie comme aux États-Unis. En ce qui
concerne l’immobilier, de nombreux
bureaux sont libres, notamment à la
Cybercité d’Ebène, village d’affaire
récent, consacré au secteur des TIC au
cœur de l’île.
Selon Charles Cartier, parmi les handicaps, figure le coût que représente l’utilisation de la bande passante. Toutefois,
comme le précisent régulièrement le
ministre des TIC, Tassarajen Pillay Chedumbrum, et le premier fournisseur d’accès à internet, Mauritius Telecom, la tendance est à la baisse et des efforts sont
faits pour encore diminuer les tarifs. Par
exemple, jusqu’à récemment, Mauritius
Telecom était le seul opérateur à distribuer de la bande passante en gros. Le
gouvernement a ouvert ce marché à la
concurrence. Ainsi, à Maurice, les
employeurs affirment que les activités
liées aux TIC évoluent plus vite que les
formations professionnelles disponibles.
Education : un besoin de formations tertiaires
À l’instar des technologies de l’information et de la communication (TIC), il y a dans divers secteurs d’activité une demande
pour des formations professionnelles. Le groupe mauricien
Médine propose depuis peu sur son campus des cours en
partenariat avec les écoles françaises Supinfo, Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP) et Ecole supérieure des
sciences économiques et commerciales (Essec). Il s’agira de
formations tertiaires, notamment dans l’ingénierie et les TIC.
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Même si depuis quelques années la qualité de l’éducation est
montée d’un cran à l’île Maurice, avec notamment la création de
centres de formations publics et privés et l’implantation de
branches d’universités étrangères, il y a un écart entre l’offre et
la demande en termes de qualification. De plus il y a encore de
nombreux jeunes Mauriciens qui partent étudier à l’étranger
alors que Maurice veut devenir un pôle éducatif pour la région
de l’océan Indien et de l’Afrique de l’Est.
P. D.
PAYS & MARCHÉS
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Ile maurice
Services financiers Devenir le Singapour de l’Afrique
Le gouvernement mauricien souhaite
promouvoir les services financiers et faciliter
les investissements internationaux.
P. Donzelot
Selon l’association regroupant les opérateurs mauriciens des services financiers
(connue comme GFM pour Global
Finance Mauritius), l’île Maurice est considérée comme une juridiction financière
bien établie, réglementée et stable. Dans
les services financiers, le pays veut devenir
pour l’Afrique l’équivalent de Singapour
pour l’Asie. Maurice veut jouer aujourd’hui
le rôle de plateforme pour les investissements vers l’Afrique, ce qui a amené le
gouvernement à adopter des mesures incitatives et créer au sein du Board of Investment (BoI) une unité spécialisée dans les
investissements vers l’Afrique.
Le pays dispose déjà d’un important secteur « offshore » pour les investissements
transfrontaliers. Le gouvernement mauricien a toujours eu à cœur de promouvoir
les services financiers et de faciliter les
investissements internationaux. C’est
grâce à ces efforts que le pays est dans
la liste blanche de l’Organisation de coo-
pération et de développement économiques (OCDE) et est le premier État africain dans le classement de la Banque
mondiale des pays où il est facile de faire
des affaires (Doing Business Survey).
Aujourd’hui, le secteur des services financiers attend la fin des renégociations entre
l’Inde et Maurice sur le traité de non double imposition. Ces discussions sont d’autant plus importantes que 39,6 % des
investissements directs étrangers (IDE)
en Inde transitent par Maurice. Reste que
l’île de l’océan Indien vient de se voir ravir
la première place par Singapour.
La gestion de fortune et de patrimoine,
ainsi que l’implantation d’entreprises offshore sont également des domaines porteurs à l’île Maurice. De plus en plus de
ressortissants français viennent s’y installer pour des raisons professionnelles
ou pour leurs retraites. Ils ont besoin de
conseils et d’assistance. Certains cabinets se sont ainsi spécialisés, parfois en
s’associant sur place avec des partenaires locaux.
Industrie : cap au grand large et vers le haut de gamme
Pour éviter la concurrence avec les pays asiatiques dans le bas
et le moyen de gamme, les industriels à Maurice s’orientent vers
le haut de gamme et les marchés de niche, comme le textile
technique, l’horlogerie, les pièces automobiles, les dispositifs
médicaux et la joaillerie. L’île Maurice dispose d’un port franc où
les opérateurs bénéficient d’avantages fiscaux et des tarifs douaniers préférentiels vers les pays membres, dont Maurice, de la
Communauté de développement d’Afrique australe (ou SADC
pour Southern African Development Community) et du Marché
commun de l’Afrique orientale et australe (ou Comesa pour
Common Market for Eastern and Southern Africa). Le gouvernement subventionne également les entreprises basées à Maurice qui exportent vers l’Afrique et celles qui participent à des
foires internationales en Afrique subsaharienne.
P. D.
Santé Cibler les biotechnologies et les dispositifs médicaux
Un pôle biomédical vient de voir le jour
dans le village de Rivière du Rempart. On
y trouve pour le moment sept entreprises,
lesquelles peuvent partager leurs infrastructures et créer des partenariats. Ainsi,
Cephyr pour « Centre for Phytotherapy
Research » et CIDP pour « Centre international de développement pharmaceutique » sont deux entreprises sœurs
créées à Maurice. Dans le domaine des
essais cliniques, le directeur de Cephyr
et de CIDP, le Français Jean-Louis Roule,
explique que les atouts de Maurice sont
multiples. Il cite avant tout la multiethnicité du pays, ce qui est très utile pour tes66
LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014
ter différents types de peaux. Le positionnement géographique de Maurice,
proche de l’Afrique et de l’Asie, est également un avantage comme sa stabilité
économique et politique. « Je ne cache
pas que ce qui nous a aussi attiré, c’est la
fiscalité qui permet aux jeunes entreprises
de se développer ». Autres raisons de sa
localisation à Maurice, le bilinguisme et
le faible décalage horaire avec l’Europe
« 60 % de nos clients sont Européens »,
précise Jean-Louis Roule. Pour sa part,
Michel Rosenberg, chef du Service économique (SE) de l’Ambassade de France,
estime qu’il faut établir des partenariats
avec les professionnels de La Réunion
qui ont déjà une forte expertise sur place.
D’après le Board of Investment (BoI) et
la Chambre de commerce et d’industrie
France Maurice (CCIFM), le potentiel est
suffisant pour doter Maurice d’un pôle de
santé. L’île compte déjà des cliniques privées et des centres spécialisés dans la
greffe de cheveux ou la dentisterie, qui
offrent leurs services aux étrangers dans
le tourisme médical. Le tourisme médical
progresse régulièrement. Le nombre de
patients est ainsi passé de 10 600 en
2010 à 21 346 en 2012, contre 1 000 et
5 000 seulement en 2006 et 2008.
Economie bleue : différents secteurs à explorer
L’île Maurice dispose d’une zone économique exclusive de
2,3 millions de km 2 . La pêche, l’aquaculture, la culture
d’algues, l’ostréiculture et même la climatisation générée avec
de l’eau de mer offrent notamment des possibilités d’affaires.
Des entrepreneurs ont investi dans l’économie bleue, à l’instar de Sapmer, un partenariat entre opérateurs réunionnais et
mauriciens dans la pêche industrielle et la transformation, ou
la Ferme Marine de Mahébourg (FMM), spécialiste de l’aquaculture.
Par ailleurs, le Premier ministre et ministre des Finances, Navin
Ramgoolam, a annoncé le vendredi 27 juin dernier que le gouvernement compte inviter des entreprises étrangères à la
recherche de ressources naturelles à venir prospecter dans la
zone économique exclusive de Maurice.
Energie renouvelable Un potentiel, mais un manque de vision
L’énergie renouvelable est l’un des secteurs qui intéressent les industries
sucrières, car son développement permet de revaloriser leurs terres. La culture
de cannes à sucre diminue et le distributeur d’électricité CEB (Central Electricity
Board) achète à des producteurs
externes 60 % de l’électricité qu’il revend.
Les résidus de la canne après l’extraction du sucre sont donc utilisés comme
combustibles pour le fonctionnement de
centrales thermiques. La canne sert également à la production d’éthanol. Une
ferme photovoltaïque de 30 hectares
produisant 15 Mégawatts a vu le jour en
février 2014.
Comme l’ensoleillement est important, le
gouvernement souhaite progressivement
augmenter la part des énergies renouvelables par rapport à celles issues de combustibles fossiles. Des projets de fermes
éoliennes sont à l’étude. « Malgré le
concept Maurice Île Durable (MID) lancé
par le gouvernement, il y a un manque de
vision et de volonté politique. La bureaucratie dans ce secteur est lourde. Il y a
même un projet de centrale thermique à
charbonce qui fait qu’on n’est pas dans la
bonne direction », tempère Patrice Falzon, secrétaire général de la Chambre
de commerce et d’industrie France-Maurice (CCIFM).
Patrice Donzelot
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Ile maurice
Présence française L’Hexagone
en lutte pour rester le second partenaire
Les nombreux habitants de Maurice qui
après le travail quittent la capitale Port
Louis sur la côte ouest de l’île pour rentrer chez eux dans le centre du pays ont
de grandes chances de faire un arrêt au
supermarché Jumbo de Phœnix qui est
sur leur chemin. Ils feront également certainement le plein d’essence dans une
des nombreuses stations services de
Total dans le pays. Arrivés à la maison,
ils se connecteront peut-être à internet,
profitant de leurs abonnements à
Orange, et regarderont la télévision sur
les chaînes du bouquet de Canal Plus.
Malgré les 9 945 kilomètres séparant l’île
Maurice de Paris, l’Hexagone figure dans
le top 3 des partenaires commerciaux de
Maurice. En matière d’exportation, la
France se classe en troisième position,
derrière l’Inde et la Chine, avec près de
800 millions d’euros de transactions en
2013. L’Inde est de loin en tête, car ce
pays approvisionne l’île Maurice en produits pétroliers. Comme le précise Michel
Rosenberg, chef du Service économique
(SE) de l’Ambassade de France, contrairement à la Chine et l’Inde, en plus d’exporter vers Maurice, la France importe
également. En l’occurrence, en 2013, l’île
Maurice a exporté pour 535 millions d’euros de marchandises vers la France, ce
qui classe l’Hexagone en seconde place
derrière le Royaume-Uni.
La France est aussi le premier contributeur en matière d’investissements directs
étrangers (IDE), avec un total de 68 millions d’euros en 2013. « Les Français
croient en Maurice. Plus de 100
enseignes françaises sont implantées sur
l’île, dont Total, Lafarge, Colas, Jumbo,
Super U, Canal Plus et Orange », détaille
Michel Rosenberg. L’Agence française de
développement (AFD) est encore un
important bailleur de fond, ayant
déboursé environ 700 millions d’euros en
7 ans dans des projets mauriciens. Enfin,
39 % des touristes à Maurice sont des
Français de métropole ou de La Réunion.
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LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014
P. Donzelot
Troisième exportateur et premier investisseur étranger, la France occupe une place de
choix. Ses entreprises gagnent des grands contrats. Mais elle peut encore faire mieux,
notamment dans les technologies de l’information et la communication.
Dans les infrastructures, Colas a participé au chantier de la nouvelle autoroute
qui contourne la capitale alors qu’Aéroports de Paris Management est actionnaire à hauteur de 10 % d’ATOL (Airport
Terminal Operations Limited) qui gère le
nouveau terminal de l’aéroport. Un
contrat a été signé il y a un an par Quadran pour un parc éolien de 10 mégawatts.
« Les Français y
font des affaires s’ils
sont rigoureux »
La concurrence est rude. L’Inde est le
fournisseur exclusif de Maurice en produit pétrolier et armement. La Chine est
très présente dans les chantiers d’infrastructure ainsi que dans les importations
de biens. On trouve ensuite l’Afrique du
Sud et le Royaume-Uni comme partenaires commerciaux majeurs. De manière
générale, à l’île Maurice, 56 % des exportations vont vers l’Europe et 24 % importations sont issues du Vieux Continent.
La France peut accroître sa présence
dans plusieurs domaines, selon Michel
Rosenberg, qui cite les technologies de
l’information et de la communication (TIC)
et le développement du port. Le gouvernement mauricien souhaite faire de ce
dernier un pôle régional et ainsi concurrencer d’autres ports comme celui du
Cap en Afrique du Sud sur le marché du
transbordement et du ravitaillement en
carburant. « La France est présente à l’île
Maurice dans le cadre d’accords
gagnants-gagnants. Le pays était une
colonie française avant d’être britannique,
il partage donc une longue histoire avec
la France », précise Michel Rosenberg,
qui fait valoir que Maurice est également
un pays « solvable » avec une « vision
cohérente ». Les Français, assure-t-il, « y
font des affaires s’ils sont rigoureux » et
donc « il faut aborder l’île Maurice comme
un grand pays de manière sérieuse et en
réfléchissant bien aux partenaires
locaux ». Il faut « étudier les marchés, car
la concurrence y est rude », insiste le chef
du SE. « Attention à ce que l’aspect de la
bonne qualité de vie ne fasse pas oublier
la prudence et l’approche professionnelle », met-il encore en garde. Un dernier conseil : il est important de travailler
avec un partenaire local avec lequel « le
rôle de chacun est bien défini ».
P. D.
PAYS & MARCHÉS
Dossier
Ile maurice
Entretien avec Catherine Gris
« Maurice est un petit pays
avec un grand culot »
LE MOCI. Y a-t-il des points que les
deux gouvernements doivent
revoir pour améliorer leurs relations bilatérales ?
Catherine Gris. J’ai un prisme qui est
très île de La Réunion. En matière de
coopération avec la France et l’Europe,
la Réunion est un poste avancé dans
l’océan Indien. Il y eu la visite historique
du Premier ministre mauricien, Navin
Ramgoolam, à La Réunion en 2011. L’Association pour le développement industriel de La Réunion (ADIR) que je représente ici contribue à faire avancer la
72
LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014
Catherine Gris, présidente de la section
Maurice des CCEF, est également Executive
Development Officer de l’AMM (Association
of Mauritian Manufacturers).
P. Donzelot
LE MOCI. La France et l’île Maurice
ont une longue histoire commune.
Est-ce que cela se ressent aujourd’hui au niveau des relations économiques entre les deux pays ?
Catherine Gris. Oui, la France est le
premier investisseur direct et le troisième
partenaire commercial de l’île Maurice
notamment dans des secteurs clés
comme le tourisme. Quand on dit investissements directs, on parle de l’industrie, mais aussi de l’immobilier. Dans le
tourisme, quand la France éternue Maurice s’enrhume. C’est encore plus vrai
avec les touristes en provenance de l’île
de la Réunion toute proche. Même s’il y a
une diversification des marchés, la
France restera un partenaire privilégié
pour Maurice que ce soit en matière
d’échanges de biens et services qu’en
matière de coopération. Dans ce
domaine, l’Agence française de développement (AFD) est une pompe à opportunités et à expertise française notamment dans les énergies renouvelables.
La Réunion a, par exemple, une grande
expertise et des enjeux communs avec
Maurice dans le développement durable.
Les Français, en général, ont une force
dans les technologies et l’innovation. La
France assure la sécurité maritime dans
l’océan Indien, ce qui est un point clé. Il
n’y aurait pas d’échanges dans la zone
sans ce rôle clé de la France.
coopération dans le cadre de l’efficacité
énergétique. Il y a de nombreux sujets
pour lesquels on pourrait multiplier ce
type d’apport technique. Cela ne se fait
pas naturellement. Il faut une volonté politique, de la méthodologie, des fonds et
des hommes, ce qui a été le cas sur le
dossier de l’efficacité énergétique.
On peut réitérer cela dans le secteur des
déchets ou de l’économie océanique.
Cette dernière est devenue une priorité
pour le gouvernement mauricien et la
France est une puissance maritime. Maurice a de grandes ambitions dans l’économie océanique. En règle générale,
Maurice est un petit pays au grand culot.
Il y a donc une opportunité de collaboration dans ce secteur et également vers
l’Afrique. Il y par exemple un projet mauricien de centrale thermique en Afrique
avec l’expertise de la France.
On peut multiplier ce genre de partenariat.
Maurice a le savoir-faire et la volonté, on
peut donc mieux associer les intérêts mauriciens et français. La vraie question est
comment faire plus et mieux ensemble.
LE MOCI. Quelle est l’importance de
la France et des investisseurs français dans l’économie mauricienne
par rapport à d’autres pays ?
Catherine Gris. Maurice a un commerce déficitaire avec la France. L’Hexagone est le troisième fournisseur de Maurice, mais si la commande d’Air Mauritius
auprès d’Airbus se concrétise, la balance
commerciale sera modifiée. Une entreprise française a décroché le contrat de
l’impression de billets de banque mauriciens. En agroalimentaire, nombre de
produits sont importés de France. C’est
aussi le cas dans le domaine pharmaceutique, pour les produits électroniques,
les machines ainsi que les produits de
luxe, tel que les parfums et la bijouterie,
également peu de textile. Ce sont les
principales forces de la France à l’étranger. La France est le second client pour
les biens de Maurice, derrière le
Royaume-Uni.
LE MOCI. Est-ce que cette position
est menacée par d’autres pays ?
Catherine Gris. Oui, par les pays
émergents comme l’Inde, la Chine ou
l’Afrique du Sud. La France ne peut pas
se reposer sur ses lauriers. Maurice est
un petit pays qui possède de nombreux
partenaires commerciaux et donc les
...
La France restera un partenaire privilégié
pour Maurice, en matière d’échanges de biens
et services ou en matière de coopération
PAYS & MARCHÉS
Dossier
Ile maurice
L’implantation pour les Français est plus
complexe qu’on ne le croit parce que la
conduite des entreprises est anglo-saxonne
places sont chères. Les produits pétroliers en provenance exclusivement d’Inde
comptent beaucoup dans les importations mauriciennes. La France a dû perdre des parts de marchés dans l’agroalimentaire, les textiles et les produits
électroniques, c’est certain. Les produits
à bas coût d’autres pays sont des
concurrents rudes pour l’offre française.
La grande distribution à Maurice est bien
représentée par la France à travers des
enseignes comme Super U, Jumbo ou
Intermart, qui possèdent des centrales
d’achat françaises. Elles importent des
produits de l’Hexagone et utilisent des
marques distributeurs.
LE M OCI. Est-ce que Maurice est
un pays où il fait bon investir ? Où
il fait bon exporter ?
Catherine Gris. Il paraît facile pour
des Français de s’implanter à Maurice,
car on y parle la même langue et le code
civil est celui de Napoléon, mais c’est
beaucoup plus complexe qu’on ne le
croit parce que la conduite des entre-
prises est anglo-saxonne, tout comme la
jurisprudence. Le traitement des conflits
juridiques est ici différent. Les Français
ici doivent être encadrés par de bons
avocats. On est séduit par la facilité d’accès et donc on ne se prépare pas assez.
D’où les déconvenues. Maurice a des
atouts : sa fiscalité, sa stabilité, son système judiciaire et la langue française.
Certes, il y fait bon vivre et la communauté française y est forte, mais il faut
tout de même se préparer et s’adapter à
la pluriethnicité et à la culture des affaires
très anglo-saxonne et très libérale qui
demande des efforts en matière de
bonne gouvernance. Il ne faut pas non
plus cacher les problèmes de corruption.
Il faut faire appel aux réseaux comme
celui des CCEF.
Propos recueillis par
Patrice Donzelot
Pratique
Contacts utiles
• Chambre de Commerce et
d’Industrie France Maurice (CCIFM)
Tél. : +230 403 43 10/403 43 11
[email protected]
http://www.ccifm.mu/
• Board of Investment (BoI)
- Service Conseil
Tél. : +230 203 3800
[email protected]
www.investmauritius.com
- Occupation Permit Unit
Tél. : + 230 203 3813
[email protected]
www.investmauritius.com
- Bureau des passeports
et de l’immigration
Tél. : + 230 211 5830
[email protected]
http://passport.gov.mu
Site du gouvernement :
http://www.gov.mu/French/Pages/default.aspx
74
LE MOCI - N° 1969 - 24 juillet 2014
OT mauricien
• Service économique
Tél. : + (230) 208 79 81
[email protected]
www.tresor.economie.gouv.fr/se/maurice
Les pratiques de paiement
Moyens de paiement
Monnaie locale
La roupie mauricienne (MUR).
Convertible, en principe.
Bon à savoir
Il convient de préciser qu’il est difficile de changer des roupies mauriciennes en France. Les établissements les plus
susceptibles de le faire sont ceux du groupe Oceor et du
réseau Caisse d’Épargne (actionnaire de la Banque des
Mascareignes).
Conditions de paiement
Délais de paiement habituels
30 à 60 jours maximum.
Risques de retards de paiement
Peu de retards de paiement sont signalés sur Maurice.
Extrait de la fiche de l’Ile Maurice de « l’Atlas 2014 des
risques pays à l’usage des exportateurs » du Moci, paru le
12 juin 2014.
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