La Lettre du Cardiologue - n° 372 - février 2004
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●faute simple s’il s’agissait d’un acte paramédical ;
●mais nécessité d’une faute lourde pour un acte médical rele-
vant de la responsabilité d’un médecin.
Par un arrêt du 10 avril 1992, dit arrêt VERGOZ, la jurispru-
dence ainsi créée abandonne cette nécessité de “faute lourde” au
profit de la notion de “faute”, a priori dans le but d’améliorer les
chances pour les plaignants d’obtenir une indemnisation, en éta-
blissant que les faits incriminés “constituent une faute médicale
de nature à engager la responsabilité de l’hôpital”, et permet-
tant ainsi d’élargir le champ d’application de la mise en jeu de la
responsabilité hospitalière. Toutefois, toute erreur ne constitue
pas une “faute médicale”, ce qui tend finalement à l’absence de
majoration de la pression sur le corps médical.
Cet arrêt bouleverse en apparence le paysage de la responsabilité
médicale au plan administratif, mais rétablit de fait une vérité
puisque, dans la pratique, la “lourdeur” de la faute était au fil des
années dépossédée de son importance. Il a toutefois l’avantage
de ne plus infliger au médecin le qualificatif de “lourde” dans la
définition de la faute pour laquelle il était poursuivi, et de ne plus
permettre au public de s’indigner qu’un médecin ne puisse être
poursuivi dès lors que la faute n’était que “simple”.
La teneur de cet arrêt VERGOZ a encore été confirmée par un
nouvel arrêt du Conseil d’État du 27 juin 1997.
La responsabilité sans faute et l’aléa thérapeutique
Initiée en 1990 par l’arrêt GOMEZ, de la cour administrative
d’appel (CAA) de Lyon, la notion de responsabilité sans faute
sera reprise trois ans plus tard par l’arrêt BIANCHI. Dans ce pre-
mier arrêt, la CAA expose que “l’utilisation d’une thérapeutique
nouvelle crée, lorsque ses conséquences ne sont pas encore entiè-
rement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont
l’objet lorsque le recours à une telle thérapeutique ne s’impose
pas pour des raisons vitales, et les complications exceptionnelles
et anormalement graves qui en sont la conséquence directe enga-
gent, même en l’absence de faute, la responsabilité du service
public hospitalier”. L’arrêt BIANCHI, le 9 avril 1993, se pro-
nonce sur les conséquences dramatiques (tétraplégie) d’une
“simple” artériographie cérébrale, complication apparue en l’ab-
sence de toute faute dans l’indication, la réalisation ou la sur-
veillance de l’exploration. “Considérant que, lorsque l’acte médi-
cal nécessaire au diagnostic ou au traitement présente un risque,
dont l’existence est connue, mais dont la réalisation est excep-
tionnelle, et dont aucune raison ne permet de penser que le patient
y soit exposé, la responsabilité du service public est engagée.”
Ce nouvel arrêt constitue donc un pas de plus vers la notion de
responsabilité sans faute, si controversée par ailleurs. Il est dans
le même esprit que l’arrêt du 21 mai 1996 sur la présomption de
responsabilité en matière d’infection nosocomiale.
Il faut rappeler toutefois également les critères imposés par l’ar-
rêt GOMEZ, nécessaires pour pouvoir engager la responsabilité
de l’hôpital en l’absence de faute :
✓que les suites possibles n’aient pas été entièrement connues ;
✓que le recours à cette méthode n’ait pas été imposé par des rai-
sons vitales ;
✓que les conséquences dommageables directes de cette méthode
aient eu un caractère exceptionnel et anormalement grave.
Dans la pratique, il est bien rare que ces trois éléments soient
réunis, ce qui permet de ne pas craindre que le juge administra-
tif soit entré dans la logique de réparation systématique de
l’aléa au profit du patient et/ou aux dépens du médecin.
Car il faut rappeler que la juridiction administrative, tout comme la
juridiction judiciaire, exclut du contrat passé entre médecin et patient
la notion d’aléa thérapeutique (Cour de Cassation, 8 novembre 2000).
En l’absence de ces éléments, la responsabilité de l’hôpital ne
pourra être recherchée que sur la base d’une faute.
Les infections nosocomiales hospitalières
C’est l’un des terrains de choix de la notion de présomption de
faute : survenue chez un patient d’un événement dommageable
sans aucun lien avec la raison pour laquelle il était venu à l’hô-
pital. La présomption de faute pèse alors sur l’hôpital, ce qui est
bien sûr sévère, puisqu’il est en pratique quasi impossible de maî-
triser toutes les sources possibles de contamination. Dans ce
même cas, le juge judiciaire a fait le même choix, par son arrêt
de la Cour de cassation du 21 mai 1996 : “(...) Une clinique est
présumée responsable d’une infection contractée par un patient
lors d’une intervention pratiquée dans une salle d’opération, à
moins de prouver l’absence de faute de sa part”. Ce chapitre
concerne en fait tant les infections bactériennes que les infections
virales et, de fait, la question du dossier du sang contaminé par
le VIH. La cour administrative d’appel de Paris a, par un arrêt du
12 février 1998, renforcé la nécessité du lien de causalité.
Le devoir d’information
L’obligation d’information vient, outre une simple question de
bon sens et d’honnêteté vis-à-vis du patient, du Code de déonto-
logie, qui rappelle que le médecin doit à son patient une infor-
mation loyale, adaptée et aussi complète que possible.
L’information s’exerce à trois niveaux : état de santé du patient,
nature exacte des traitements, risques inhérents aux explorations
complémentaires ou aux traitements.
Le médecin doit informer son patient de tout risque grave, quelle
que soit sa fréquence, comme l’ont clairement précisé deux
arrêts du Conseil d’État du 5 janvier 2000 : “Lorsque l’acte médi-
cal envisagé, même accompli dans les règles de l’art, comporte
des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être
informé dans des conditions qui permettent de recueillir son
consentement éclairé, (que) si cette information n’est pas requise
en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être
informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent
qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obli-
gation (d’information)”. Cette obligation d’information se calque
en fait depuis ces arrêts du 5 janvier 2000 en matière de respon-
sabilité hospitalière sur les exigences de la responsabilité en
matière de droit civil, comme l’avait établi la Cour de cassation
dans son arrêt du 7 octobre 1998.
C’est à l’hôpital d’établir que le médecin a procédé à cette infor-
mation, cette position du Conseil d’État (9 juin 1998) se calquant
là aussi sur la position de la Cour de cassation (25 février 1997).
La définition de la gravité du risque se pose pour définir la limite au-
delà de laquelle ce risque “grave”, même s’il n’est qu’“exception-
VIE PROFESSIONNELLE