Revue de presse Mise en scène Isabelle Starkier • Paris, Théâtre Silvia Monfort (26 mai – 21 juin 2009) • Festival d’Avignon le Off 2009, La Fabrik Théâtre STAR Théâtre / Cie Isabelle Starkier 63 place du Docteur Félix Lobligeois, 75017 Paris Résidence : L’Avant-Seine - Théâtre de Colombes 01 56 05 32 04 / [email protected] découvrez le spectacle sur : www.startheatre.caspevi.com par Laure Adler le samedi de 18h10 à 19h Les coups de coeur de Mr Guy "Quand on veut noyer son chien on dit qu'il a la rage" Dans sa mise en scène de Monsieur de Pourceaugnac de Molière, Isabelle Starkier prend le parti de confier le rôle du limousin à un noir. Par ce subterfuge, elle accentue l'universalité et la modernité du texte de Molière. Oronte veut marier sa fille Julie à Mr de Pourceaugnac, le limousin. Mais celle-ci et son galant, Eraste, ne l'entendent pas de cette oreille. Alors pour déjouer le plan d'Oronte, aidés de leurs domestiques, Nérine et Scribani, les deux amoureux vont user de tous les moyens pour discréditer Mr de Pourceaugnac aux yeux d'Oronte. Et c'est là que toute la magie du théâtre de Molière opère. Autour de la comédie, de la farce, la tragédie rôde. Tout comme le rêve l'est à l'inconscient pour Freud, le rire de la farce de Molière est la voix royale pour accéder à la compréhension des mécanismes du pouvoir et de la possession. Le psychanalyste et l'auteur dramatique, chacun à leur manière, et Isabelle Starkier en a pris la mesure, interrogent la figure et la place de l'Autre. "Quand on veut noyer son chien on dit qu''il a la rage" dit le proverbe. Alors notre Mr de Pourceaugnac sera affublé de tous les maux: malade récalcitrant à se soigner, escroc endetté, abandonneur de femmes et d'enfants, et qui plus est, polygame. Face à cette "intelligence" mise au service de la perfidie et de la ruse, Mr de Pourceaugnac prend la figure du naïf. Quand on veut écarter l'autre, ne dit-on pas qu'il est bête. Doublement bête. Bête en son incapacité à appréhender les enjeux d'un discours, qui se veut rationnel sous couvert du bon sens, du progrès et de la science (ici, la médecine) pour mieux exclure ce qui va à l'encontre de son intérêt. Bête aussi, car de l'exclusion au déni voire à l'élimination, la déshumanisation lève l'inhibition et atténue la culpabilité. Des "bienfaits" de la colonisation aux centres de rétention, en passant par Dakar, les résonances sont nombreuses. Par son adaptation et sa mise en scène de Monsieur de Pourceaugnac, Isabelle Starkier révèle toute l'acuité de la pensée de Molière en nous en restituant toute l'actualité. Autour de Daniel Jean : Mr de Pourceaugnac, quatre comédiens : Eva Castro, Sarah Sandre, Stéphane Miquel et Pierre Yves Le Louarn dans un rythme endiablé multiplient les changements de rôles avec précisions et communiquent au public leur plaisir de jouer. M onsieur de Pourceaugnac sera à Avignon cet été, ainsi que le précédent spectacle d'Isabelle Starkier, Le Bal de Kafka dont j'avais dit le plus grand bien ici-même. Monsieur GUY Monsieur de Pourceaugnac au Théâtre Silvia Monfort 26 mai - 21 juin 2009 Théâtre du 26 mai au 21 juin 2009 La critique de la rédaction Monsieur de Pourceaugnac Pourceaugnac est un provincial à la crédulité sans bornes, monté à Paris pour épouser sa promise. Bien sûr, Molière le voue à être le dindon de la farce que jouent tous les autres personnages pour faire échouer ce projet de mariage. Mais si ces derniers croient manipuler les ficelles du destin de ce grand naïf, en coulisses, c'est la metteur en scène qui reste maîtresse du jeu. Isabelle Starkier a su adroitement utiliser les codes du burlesque, à grands recours de masques et de travestissements poussés aux limites du grotesque, quitte à parfois flirter avec le trivial. Le rire n'empêche pas pour autant la réflexion. Le processus de renversement du ridicule qu'elle a mis en place séduit. Sous leurs déguisements de pacotille, Julie et Eraste ne sont plus qu'un couple d'amoureux renvoyant au public leur bêtise, leur méchanceté et leur mièvrerie. Sbrigani, un traître aux allures de mafieux. Au milieu de ces gredins, Pourceaugnac est le seul à jouer franc-jeu et à ne pas porter de masque. Et au final, on se dit que le voir repartir chez lui, sans la vilaine Julie, est vraiment ce qui pouvait lui arriver de mieux. En décidant de marquer la différence de Monsieur de Pourceaugnac en lui donnant pour interprète un comédien noir (impeccable Daniel Jean), Isabelle Starkier teinte de racisme la crainte du provincial. Le bruit d'un charter le reconduisant dans son pays finit de faire écho à une triste actualité. Côté jeu, rien à redire sur la distribution. Les comédiens sont tous énergiques et inspirés, Stéphane Miquel en tête. Eva Castro, Sarah Sandre et Pierre-Yves Lelouarn tiennent avec un bel entrain ce spectacle aussi drôle qu'intelligent. Dimitri Denorme 9 juin 2009 Monsieur de Pourceaugnac Précis et efficace Invité par le père (ici, mère) qui cherche à faire un beau mariage pour sa fille, Monsieur de Pourceaugnac débarque dans la capitale. Mais fifille a du caractère, d'autant qu'elle est amoureuse d'un autre. Tout sera donc prétexte pour dégoûter le prétendant de sa proie. Critique Régis Santon, qui quitte la direction du Silvia Monfort – et devra laisser les clefs à une troupe de théâtre de rue (qu'en aurait pensé la belle Silvia ?)–, ouvre son théâtre à une troupe indépendante de qualité. Isabelle Starkier a beaucoup de talent. Elle nous offre ici une mise en scène précise et efficace, qui ne dérangera que ceux qui ont une approche plus psychologique du théâtre de Molière. Jean-Luc Jeener Monsieur de Pourceaugnac Théâtre Silvia Monfort – Théâtre de la Ville de Paris du 26 mai au 21 juin CULTURES - Article paru le 26 juillet 2008 FESTIVAL D’AVIGNON Off. Envoyé spécial. Pourceaugnac de couleur Isabelle Starkier (Cie Star Théâtre, implantée en région parisienne) a mis en scène Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, de façon originale. À partir de la comédie farcesque où l’on voit un natif du Limousin, monté à Paris pour épouser Julie, par elle être roulé dans la farine avec la complicité de son amant de coeur éraste, ainsi que de Sbrigani et Nérine, valets sans scrupule, Isabelle Starkier a en effet imaginé que Pourceaugnac peut être un Noir. Du coup, l’espèce de bizutage cruel qu’on lui inflige devient, à l’échelle de nos jours, proprement raciste. Cela se tient, dans la mesure justement où Christian Julien, qui joue Pourceaugnac, est un comédien de talent, qui a de l’allure, tandis qu’autour de lui s’agitent de grimaçantes figures carnavalesques, le plus souvent masquées, quatre interprètes (Jean-Marie Lecoq, Eva Castro, Stéphane Miquel et Sarah Sandre) ayant charge de rendre de la sorte une vingtaine de personnages. Jean-Pierre Léonardini Monsieur de Pourceaugnac La note : 4/5 C'est une attrayante pièce de Molière à la fois modernisée et fidèle au texte initial, que nous présente la compagnie Star Théâtre. À la fois burlesque et déjantée, cette tragi-comédie s'anime à un rythme effréné entre gémissements et éclats de voix. L'histoire paraît pourtant classique : un homme et une femme s'aiment mais un obstacle se dresse entre eux, la mère de la jeune femme a arrangé un mariage pour cette dernière, que vont faire les deux amants ? Nos deux Roméo et Juliette ne sont pas décidés à finir en héros tragiques pour autant, ils vont devenir férocement machiavéliques. Et comme dans chaque pièce de Molière, la victime ne pourra lutter bien longtemps. Monsieur de Pourceaugnac, ce provincial un peu naïf, va en payer le prix fort. Au fil des machinations que l'on montera pour le perdre et le salir, on s'attache et, au final, on ne sait s'il faut véritablement se réjouir de sa déchéance, c'est là, la grande finesse de cette pièce, tout n'y est pas noir ou blanc. On est épaté par la mise en scène et par les acteurs que l'on serait tenté de qualifier de "protéiformes" tant ils changent véritablement de tête comme de chemise. À seulement quatre sur scène autour de Monsieur de Pourceaugnac, ils réussissent à incarner à merveille une vingtaine de personnages aussi surprenants les uns que les autres. Cette pièce présentée comme une dénonciation du racisme n'en est pas moins empreinte de légèreté. Un magnifique divertissement. Audrey Moullintraffort Avignon Off 2008 – 10 juillet-2 août N° 169 - Juin 2009 Monsieur de Pourceaugnac Isabelle Starkier met en scène cette œuvre de maturité de Molière, sur le fil entre comédie débridée et tragédie cruelle. Dans cette comédie-ballet écrite en 1669, l'année du triomphe de Tartuffe enfin autorisé, le rire se déclenche aux dépens de Pourceaugnac, avocat limousin à l’esprit « épais » venu à Paris épouser Julie, selon les vœux du père de la demoiselle, Oronte. Cependant, Julie aime Eraste, et les deux amants, afin de renvoyer le prétendant à Limoges, sont aidés par deux intrigants d’expérience, Nérine et Sbrigani, aussi fourbes que sans scrupules. Dès le début Molière croque un portrait sans appel de leur méchanceté. Isabelle Starkier ne s’y trompe pas en qualifiant Pourceaugnac de « pauvre type », sous le feu d’une intolérance féroce envers l’étranger, « victime ahuri et impuissante » de la multitude de stratagèmes mis en place par ses ennemis. Ainsi une redoutable machine comique s’emballe, propice à la mise en œuvre d’une « théâtralité débridée où tout n’est que spectacle et faux-semblants ». Sous le rire, et par-delà la charge burlesque contre les médecins et autres corps de métier, perce la cruauté tragique du rejet de la différence et de l’altérité. Un comédien noir (Daniel Jean) interprète Pourceaugnac, entouré de quatre comédiens endossant tous les rôles. Travestissements, musique originale composée par Amnon Beham, danses et chœurs grinçants et trépidants, autant d’instruments qui théâtralisent la farce délirante et sadique, sur le fil entre comédie et tragédie. Agnès Santi MONSIEUR DE POURCEAUGNAC Théâtre Silvia Monfort (Paris) - mai 2009 Comédie de Molière, mise en scène de Isabelle Starkier Avec Eva Castro, Daniel Jean, Pierre Yves Le Louarn (ou Jean-Marie Lecoq), Stéphane Miquel et Sarah Sandre. Isabelle Starkier a choisi de monter "Monsieur de Pourceaugnac", comédie-ballet peu connue de Molière, sur le mode de la commedia dell'arte en misant sur le grotesque et de la bouffonnerie qui conviennent bien à cette tragi-comédie débridée qui entraîne sa victime dans une descente aux enfers cauchemardesque. Monsieur de Pourceaugnac, gentilhomme de province mal averti des mœurs parisiennes, monte à la capitale pour épouser une jeune fille de bonne famille chèrement monnayée. Hélas, la pécore a déjà un galant et le couple, aidé d'un un valet doublé d'un voyou napolitaine et d'une servante entremetteuse, va manigancer maints stratagèmes et fourberies pour l'en dégoûter et lui faire passer l'envie de les empêcher de danser en rond. Mais le bonhomme candide et sans malice a la comprenette difficile et s'acharne à vouloir intégrer une société qui ne se prive pourtant pas de lui signifier que sa présence n'est pas souhaitée. Il boira donc la coupe jusqu'à la lie : accusé de folie, purgé et saigné de force par des médecins charlatans, mis en cause par de vraies fausses épouses et condamné pour polygamie par des juges sans scrupules, il ne parviendra à s'échapper qu'au prix d'un travestissement infamant qui le laissera dépouillé de tout, de son identité et de son amour propre, et délesté de son argent et même de ses vêtements. Toutefois, il ne s'en sort pas si mal par comparaison à George Dandin. Pour cette farce terrible sur la différence, à la résonance toujours d'actualité et qui fait pencher la balance du côté du tragique – d'autant qu'elle est ici expurgée de ses intermèdes, malgré la satire comique de la gente médicale et judiciaire ainsi que des élites de la capitale –, Isabelle Starkier signe un travail remarquable et une mise en scène débridée et étourdissante d’inventions, servie par une distribution adéquate, capable de soutenir non seulement un rythme endiablé mais également un jeu convaincant. Autour de Daniel Jean, emperruqué en costume blanc et chemise à jabot, qui campe avec naturel le pauvre saisi par cette déferlante de xénophobie et de violence, quatre comédiens, Eva Castro, Pierre Yves Le Louarn, Stéphane Miquel et Sarah Sandre, assurent avec talent le jeu masqué, avec des costumes bigarrés et des masques particulièrement réussis créés par Anne Bothuon, en campant avec maestria plusieurs rôles tous hauts en couleurs avec changement à vue. MM www.froggydelight.com Le Quotidien du théâtre européen et en Europe, depuis 2003. Lundi 4 août 2008 Monsieur de Pourceaugnac (Avignon OFF) Mise en scène d’Isabelle Starkier MOLIERE A CENT A L’HEURE Drôle, divertissante et ingénieuse adaptation d’un texte de Molière. Les comédiens sont, sans exception, excellents, mais la folie qui règne dans cette pièce étourdit parfois un peu trop. Monsieur de Pourceaugnac est riche, cultivé mais naïf, bien mis, mais, horreur, il vient de Limoges. Quand ce noble provincial vient à Paris épouser cette Julie qu’on lui a promis, Eraste, l’amant, aidé de Sbrigani et Nérine, deux domestiques fourbes, décide de plumer le pigeon et de le renvoyer à son beau pays sans argent ni épouse… ni honneur. Cette pièce de Molière est une comédie, certes, mais d’une telle férocité qu’on ne sait jamais s’il faut en rire ou en pleurer. Les deux sans doute car le texte nous indique que les uns sont bêtes et les autres méchants et qu’aucun ne mérite l’absolution ni la condamnation, du moins sans circonstances atténuantes. Cette variation tragi-comique sur le thème du provincial qui « monte » à Paris est ici créée sur un mode résolument moderne par le metteur en scène, Isabelle Starkier. Le personnage de Monsieur de Pourceaugnac est interprété par un comédien noir, Christian Julien, très appliqué. Ainsi la crainte du provincial se teinte-t-elle de racisme aggravé. Il y a aussi ces costumes, qui reprennent les modes contemporaines, ces gestuelles un peu fourre-tout, qui mêlent la farce au burlesque et le burlesque au trivial, cette hyperactivité continue et ces bruitages discordants. Isabelle Starkier réussit en partie son pari de faire du neuf avec du vieux, lors de morceaux de bravoure comme le monologue du médecin déjanté ou dans sa création d’une galerie de personnages toujours plus fous. Elle est aidée en cela par le dynamisme des comédiens, Stéphane Miquel en tête, qui passent d’un personnage grotesque à un autre aussi naturellement que les caméléons changent d’apparence. Morgan LE MOULLAC THÉÂTRE DU BLOG Monsieur de Pourceaugnac de Molière mise en scène Isabelle Starkier Théâtre Silvia Monfort du 26 mai aux 21 juin 2009 Que de misères arrivent au Limousin! Monsieur de Pourceaugnac débarqué à Paris pour y épouser Julie qui lui est promise. Éraste, amant de Julie, aidé par Sbrigani, voyou napolitain et Nérine, une fieffée servante, va multiplier les stratagèmes pour défaire le mariage, dégoûter le marié et le faire repartir dans sa province. Monsieur de Pourceaugnac, dupé sans cesse, ira de catastrophe en catastrophe : sa tenue, ses allures feront la risée de tout le monde ; soigné de force par deux médecins il est déclaré fou ; tandis qu'on annonce à la mère de Julie que de Pourceaugnac est criblé de dettes on fait croire à celui-ci que sa fiancé est une coquette, de sorte qu'il reçoit froidement les avances de Julie qui feint d'être follement amoureuse de lui. Et ce n'est pas fini, le voilà bigame. Arrivent deux femmes qui se prétendent ses épouses. Monsieur de Pourceaugnac se fait arrêter, puis sur le conseil de Sbrigani il s'évade déguisé en femme. Accusé d'avoir enlevé Julie il s'enfuit. Éraste ramène Julie à sa mère qui en reconnaissance la lui donne en mariage en augmentant la dot. Isabelle Starkier condense dans son spectacle, d'une heure vingt, cette farce d'une cruauté peu commune, avec une absolue fidélité au déroulement de l'intrigue, en transposant les divertissements musicaux de Lulli dans trois brèves séquences chantées avec une musique originale de Amnon Beham. Seul changement : Oronte, père de Julie, devient ici Mme Oronte, tout aussi autoritaire, décidée à marier bien sa fille. Une farce sulfureuse, perverse, où le comique a pour ressort la violence. Pas de bons ici, tous s'acharnent, ourdissent des complots contre le provincial Monsieur de Pourceaugnac, victime désignée, naïf, d'une crédulité sans bornes, qui ne comprend même pas ce qui lui arrive. Monsieur de Pourceaugnac, joué par un comédien noir, Daniel Jean, fait certes figure d'un étranger dans ce petit monde de prédateurs, mais l'idée de voir dans le personnage l'Autre opprimé et d'inscrire le conflit dans la problématique de l'altérité me semble excessive. Mis à part un bref texte sur l'esclavage dit par de Pourceaugnac, arrivant dans la pièce comme un cheveu sur la soupe, (il vaudrait mieux le retirer) et quelques allusions à la différence, dans les séquences du chœur, rien n'étaye particulièrement cette interprétation du conflit dans ce spectacle fort réussi. Le parti pris des costumes en revanche, contemporains pour Julie et Éraste, robe stricte évoquant le XIXe siècle pour Mme Oronte, costume blanc et perruque pour de Pourceaugnac, pantalon rouge à bretelles, veste jaune pour l'Italien Sbrigani, robes noires pour les médecins, ouvre à des lectures plus contemporaines de la pièce. Isabelle Starkier s'empare avec un remarquable savoir-faire de cette machine à jouer, actionne avec adresse les faux-semblants, le jeu de masques, de travestissement, les coups de théâtre étourdissants qui nous tiennent en haleine. Un décor léger et très efficace de Jean-Pierre Benzekri : trois fauteuils blancs et deux panneaux mobiles, comme des cadres transparents d'un côté avec parfois un effet de miroir, à travers lesquels les personnages, tels les spectateurs d'un théâtre, observent l'action et de l'autre côté des panneaux un escalier qui sert pour le jeu. Un dispositif simple qui permet les apparitions soudaines et module l'espace dans lequel le jeu d'éclairages très soigné focalise les aires du jeu. Cinq acteurs formidables jouent tous les personnages, mis à part Daniel Jean qui ne fait que de Pourceaugnac, endossant des personnages « réels » de l'intrigue, et se transformant, comme par un tour de magie, en personnages inventés pour duper le provincial. Ainsi, Eva Castro, Julie, fait l'apothicaire, l'exempt, Lucette, Pierre Yves Le Louarn, Sbrigani et le Flamand, un médecin, Stéphane Miquel, Éraste et une paysanne, un médecin, un garde, Sara Sandre, Nérine, Mme Oronte et une infirmière, un garde. Pour créer instantanément cet effet du théâtre dans le théâtre on recourt aux masques grotesques pour les personnages des duperies jouées à Monsieur de Pourceaugnac, qu'on enlève aussitôt la scène finie. Le ton de la farce poussée à l'extrême, donné dès le départ, est tenu avec une belle cohérence à la fois dans la construction des scènes s'enchaînant sur un rythme endiablé et dans le jeu d'une absolue maîtrise, outré, délirant, avec quelques clins d'œil à la préciosité parodiée dans la gestuelle. Beau travail sur le registre vocal dans le jeu jubilant dans la truculence du langage et les injections de divers accents : flamand, espagnol, provençal, passant de l'extrême artifice à la sincérité profonde, parfois bouleversante. Le rire et la grimace de douleur se côtoient. À mesure que l'apparente mécanique farcesque s'emballe dans un jeu cruel, destructeur, la farce prend l'allure d'un cauchemar. Un spectacle intelligent, extrêmement drôle et bouleversant. À voir absolument. Irène Sadowska Guillon théâtrorama 10 juin 2009 Le panorama du spectacle bien vivant Monsieur de Pourceaugnac Un Molière des temps modernes e Réactualiser Molière au 21 siècle, voilà une bien jolie idée, si le spectacle bien entendu, est bon. C’est Isabelle Starkier, metteur en scène chevronné, qui relève ce défi et adapte Monsieur de Pourceaugnac au théâtre Silvia Monfort. Et le spectacle est bon… Ce n’est pas une des pièces les plus connues de Molière, mais ce qui surprend, d’autant qu’elle fût écrite en 1669, c’est son thème, fort d’actualité. Rien n’a changé : la cruauté et l’intolérance des hommes envers leur prochain.Il ne fait pas bon d’être étranger. Noir ou provincial, c’est la même idée, seule l’époque change. Monsieur de Pourceaugnac, avocat, Limousin, débarque à Paris pour y épouser Julie, sa jolie promise. Il est beau, parle bien, est un gentilhomme sans histoire. Mais voilà, Julie aime Eraste, et n’a aucune intention d’épouser par contrainte, ce Monsieur de Pourceaugnac, venu de sa campagne lointaine. C’est donc un véritable stratagème que vont mener Julie et Eraste, aidés par deux intrigants voyous, Nérine la servante, et Sbrigani le valet. Fourbes, cruels et sans scrupules, ils vont le mettre à terre, l’humilier, le ruiner, le rendre fou, pour mieux le faire repartir dans son pays d’origine. Par calèche ou par charter ? Rien n’a vraiment changé. Nous l’aurons compris, un Molière à la plume bien écrite, ou les histoires des valets, amants, médecins pervers, et pauvre type protagoniste, se confondent en situations humiliantes et à la morale des plus dérangeantes. La peur de l’autre… Là ou tout le travail d’Isabelle Starkier est à saluer, c’est sa capacité à moderniser l’époque en dépoussiérant un texte pas toujours compréhensible. Une scénographie fluide et intelligente, ou les acteurs se déplacent avec magie dans un décor épuré, et où le surplus n’envahit pas l’espace. Son idée originale et gonflée, est d’avoir transformé le limousin étrange, en un noir étranger. C’est bien donc « la différence » qui dérange. Elle va même jusqu’à le mettre à nu… pour de vrai, ce Monsieur de Pourceaugnac ! Il y a de la commedia dell’arte dans ce spectacle. On y chante, on y danse, on s’y amuse comme des fous, on s’enfouit dans des labyrinthes de lumières bien placées, on se laisse prendre au jeu de la manipulation. Et on reconnaît aussi la « patte »du metteur en scène. La prestation des acteurs est remarquable d’adaptabilité et se fondent tour à tour dans des masques (Anne Bothuon en est la créatrice) mystérieux et dérangeants. Quatre acteurs qui remplissent une scène ou des dizaines de personnages apparaissent un à un. C’est aussi la magie du théâtre et le talent des artistes. Ne s’apercevoir de rien et laisser glisser les images devant les yeux médusés des spectateurs. Sarah Sandre est une Madame Oronte qui joue sur les genoux, (mais comment fait-elle ?) et sa prestation n’en est que plus remarquable. Ses partenaires sont comme elle : talentueux. Qui gagne dans cette comédie ? Les imbéciles et les précieux ridicules. Hélas ! Monsieur de Pourceaugnac abattu par la désopilante variation des hommes, s’en retournera d’une bien étrange façon. Il est doux de se replonger dans des grands classiques français, ou les frontières d’hier frôlent avec celles d’aujourd’hui. Un vrai bon moment à passer avec la Compagnie STAR Théâtre et Molière. Margaux Palluet Monsieur de Pourceaugnac, de Molière Cette pièce créée en 1669 n’est pas souvent jouée, car elle est d’un genre particulier, associant le ballet et la musique à une comédie plus grinçante que les autres œuvres du grand Molière. Un provincial, issu du Limousin, vient à Paris épouser Julie une jeune femme de bonne famille, mais toute la maisonnée se ligue contre ce ruffian qui ne serait pas digne de Julie, simplement parce qu’un tel homme manque nécessairement de manières. Serviteurs et maîtres se déguisent en médecins pour faire croire au pauvre homme qu’il est fou, deux femmes se prétendent ses épouses, un faux marchand flamand assure qu’il est couvert de dettes : non seulement de Pourceaugnac trompé n’épousera pas Julie, mais il se retrouve en prison, à la grande joie de ses bourreaux. Isabelle Starkier a modernisé à sa façon la pièce : Daniel Jean est un acteur noir, ce qui fait mieux comprendre l’ostracisme qu’il subit que s’il n’était qu’un provincial, de plus quelques répliques et les fantaisies d’accent correspondent à son origine raciale, enfin, avec beaucoup de finesse, il donne à son personnage une grande dignité en évitant le ridicule. Les quatre autres jouent tous les rôles, avec des masques très bien réalisés (bravo Anne Bothuon) : ils sont médecins verbeux et suffisants à souhait ; ils sont avocats et juges avec méthode ; et les deux femmes (Eva Castro et Sarah Sandre) sont tout à fait remarquables dans leurs rôles d’épouses bafouées, qui s’expliquent dans un sabir incompréhensible ; Stéphane Miquel et Pierre-Yves Le Louarn sont aussi excellents en fiancé plein de tics ou en Italien manipulateur. Isabelle Starkier a donné beaucoup de rythme à cette comédie-ballet, la laissant dans son jus original pimenté de quelques clins d’œil modernes. Le décor simple de JeanPierre Benzekri joue sur les portes vitrées, qui sont aussi des miroirs déformants, la musique d’Amnon Beham ponctue avec vigueur les principaux épisodes de l’intrigue. Il faut redécouvrir cet excellent Monsieur de Pourceaugnac. Jacques Portes Théâtre Sylvia-Montfort : 26 mai – 21 juin 2009 • Festival d’Avignon le Off 2009 La Fabrik Théâtre • Festival d’Avignon le Off 2008 Espace Alya Édition du 12 juillet 2009 Au coeur du off, la course en six étapes d'Isabelle Starkier Le premier jour au Festival d'Avignon offre toujours son lot de frayeurs. Mais quand, comme Isabelle Starkier, on a choisi de présenter six spectacles d'un coup dans le off, le moment devient "un peu vertigineux". Mercredi 8 juillet, la metteuse en scène a donc couru, ou plutôt pédalé, d'une salle à l'autre. Un exercice qu'elle poursuivra jusqu'au 31 juillet. Normalienne et universitaire côté pile, comédienne côté face, Isabelle Starkier s'est tout naturellement retrouvée metteuse en scène, après avoir assisté son "maître", Daniel Mesguich. Et c'est tout aussi naturellement que, en 1993, elle est venue pour la première fois à Avignon avec sa compagnie. Depuis, elle fait le voyage vers la Cité des papes chaque année. Par goût, bien sûr. "Toute l'année on se sent un peu seul à essayer de convaincre les autres que le théâtre est important. Ici, tout à coup, on se bagarre ensemble." Plaisir de fraternité partagée, donc. Mais aussi intense nécessité. Certes, la compagnie Star Théâtre, qu'elle dirige, ne manque pas de travail en région parisienne. En mai et juin, elle présentait Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, au Carré Sylvia-Montfort, à Paris. Cet automne, la pièce ira à Aulnay-sous-Bois, Orly et Fontenay-sous-Bois. Toute l'année, la directrice et ses comédiens multiplient les interventions dans les quartiers et les écoles d'Ile-de-France. "Mais il n'y a qu'ici que l'on peut toucher la France entière, poursuit Isabelle Starkier. Sauf que chaque fois c'est un pari. Je ne joue pas au casino, mais je joue à Avignon." Ce n’est pas trop ? Et, cette année, la mise est lourde. Location des salles et des logements, salaires des dix comédiens, mais aussi affiches, tracts, transports : pas loin de 50 000 euros ont été investis. Car, soucieuse d'emmener toute la troupe, Isabelle Starkier présente quatre productions maison. Par ordre d'entrée en scène, deux spectacles jeune public, en alternance à 11 h 30, à la Salle Roquille : Quichotte, d'après Cervantès (création), et Scrooge, d'après Dickens, déjà joué en 2008 ; puis Le Bal de Kafka, une émouvante comédie de l'Australien Timothy Daly, à 14 heures, au Théâtre des Halles ; et Monsieur de Pourceaugnac, donc, cette farce cruelle signée Molière dans la force de l'âge, à La Fabrik, à 16 h 30. Comme si cela ne suffisait pas, Isabelle Starkier s'est aussi vue passer deux commandes de comédiens. Elle a donc mis en scène L'Oiseau bleu, de Maeterlinck (La Fabrik, 11 heures), et Résister c'est exister, d'Alain Guyard, d'après des témoignages de résistants (Collège de la Salle, à 13 heures). Ce n'est pas trop ? Elle sourit. "Sûrement." Mais l'heure tourne. Son vélo l'attend. Le prochain spectacle commence dans vingt minutes. Nathaniel Herzberg fluctuat.net Art, culture, société, poil à gratter Rubrique Scènes le 17.07.09 Avignon Off Un Pourceaugnac haut en couleur(s) Isabelle Starkier, reine du Off ? C’est en tout cas la question que se posait dernièrement N. Herzberg dans un article du Monde (édition du 12 juillet 2009). En effet, la metteuse en scène a rien moins que six spectacles à l'affiche cette année, dont deux destinés au jeune public. Parmi les quatre autres, Monsieur de Pourceaugnac, qui revient à Avignon après un franc succès l'an dernier et une programmation au long cours au Théâtre Silvia Monfort, à Paris. Ce Pourceaugnac-là vaut largement le détour... D'abord parce que le texte de Molière, pas si souvent monté, est d'une acuité et d'une actualité féroces. Ensuite, parce que pour dénoncer l'intolérance criante et la mesquinerie, elle confie le rôle de la victime du Limousin, de « l'étranger » à un acteur noir, ici tout de blanc vêtu et perruqué. Enfin, parce qu'elle mène cette comédie-ballet tambour battant et que ses cinq acteurs font merveille. Julie et Eraste, tourtereaux contrariés dans leur amour par la volonté de la mère qui entend marier sa fille à un môssieu de Limoges, multiplient les stratagèmes pour bouter l'indésirable hors de chez eux en l'accusant de tous les maux. Ils sont aidés en cela par un valet napolitain. A grand renfort de costumes et de masques, voilà les trois odieux tour à tour médecins et infirmiers, avocats et soldats, créancier belge, épouses tombées du ciel et nourrissons. Là, seul Pourceaugnac avance à découvert avant de repartir chez lui, nu, menotté dans un bruit de charter ! Rien de tel que l'humour débridé et les trouvailles originales et cocasses qui jalonnent cette pièce pour dire la cruauté sans bornes de l'humain. Monsieur de Pourceaugnac, jusqu'au 31 juillet, Fabrik Théâtre. festivalier.net Tadorne le blog des nouvelles articulations créatives... Dimanche 2 août 2009 L’impossible bilan du Festival Off d’Avignon 2009 Au total, le Tadorne a vu vingt spectacles dans le festival Off d’Avignon, trente dans le In. Dans le Off, chercher une œuvre parmi les 1000 proposées demande du temps pour tisser les liens entre les structures dignes de confiance (Théâtre des Halles, La Manufacture, le Théâtre des Doms, les Hivernales, la Fabrik’Théâtre) et les metteurs en scène déjà chroniqués sur le Tadorne ou ailleurs. Petit bilan impossible. Quand le Off 2009 jubile avec Isabelle Starkier La metteuse en scène Isabelle Starkier a illuminé le off avec pas moins de six créations ! Nous n’avons vu que Le Bal de Kafka et Monsieur de Pourceaugnac et découvert un théâtre que l’on croyait disparu : des acteurs engagés, un décor qui joue toujours entre réalité et coulisses pour y cacher nos démons, l’utilisation du masque pour accentuer la comédietragédie. Isabelle Starkier est une grande: elle comprend qu’en chacun de nous, il y a une part de lumière qui éclaire son théâtre aux multiples visages. Le Palmarès Off 2009 du Tadorne - Naître à jamais d’Andras Visky – Théâtre des Halles. - Le bal de Kafka de Timothy Daly, mise en scène d’Isabelle Starkier – Théâtre des Halles. - Une voix sous la cendre, d’Alain Timar – Théâtre des Halles. - Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust de Renaud Cojo – La Manufacture. - Monsieur de Pourceaugnac, mise en scène d’Isabelle Starkier – La Fabrik Théâtre. - Oups + Opus de la Compagnie La Vouivre – Studio des Hivernales. - Chatroom, mise en scène de Sylvie de Braekeleer – Théâtre des Doms. - Pas de deux, Rita Cioffi – Théâtre des Hivernales. - Occident, mise en scène de François Bergoin – La Manufacture. - Hamelin, mise en scène par Christophe Sermet – Théâtre des Doms. Festival Par Marie-Laure Atinault Le jeudi 24 juillet 2008 Monsieur de Pourceaugnac Réjouissant ! Monsieur de Pourceaugnac est un gentilhomme limousin qui monte à Paris pour épouser Julie, la fille de Madame Oronte. Mais la promise aime Eraste et ne veut point d’un provincial pour époux. Question de standing ! Un complot s’organise contre le fiancé limousin : Nérine et Sbrigani, deux domestiques habiles en stratagèmes et Eraste vont tout mettre en oeuvre pour débouter, détrousser, ridiculiser le pauvre Pourceaugnac. Monsieur de Pourceaugnac est une comédie-ballet écrite en 1669. Souvent dédaignée, elle est ici montée allègrement par Isabelle Starkier. Le thème du provincial lourdaud, démodé qui monte à Paris est un thème récurrent. L’idée de génie d’Isabelle Starkier est de prendre à contrepied le ridicule du limousin. Ainsi, Pourceaugnac est un agréable trentenaire, beau garçon (Christian Julien), tout vêtu de blanc et très "classe". Les parisiens sont habillés de voyante façon. Des couleurs flashy, des habits grotesques où la vulgarité n’est pas loin. Christian Julien est noir comme Mr de Pouceaugnac est limousin. Le fait d’être limousin attire quolibets, dépréciation et un racisme de bas étage. La pièce est une comédie et, comme dans toutes les comédies, il suffirait d’une réplique tournée différemment pour que l’on bascule dans la tragédie. Pourceaugnac vit une véritable tragédie, un enfer où il échappe de peu à la mort. Il échappe aussi au mariage avec une belle peste. Isabelle Starkier entraîne sa troupe dans une mise en scène virevoltante, chantante, ébouriffante. Christian Julien, habillé en femme, sait donner à son personnage une naïveté tourmentée bien réjouissante. Si vos enfants sont allergiques au classique, ce spectacle est la potion qu’il vous faut ! Monsieur de Pourceaugnac de Molière - mise en scène de Isabelle du 10 juillet au 2 août à 16h15 à l’Espace Alya spectacle tout public dès 10 ans fluctuat.net Art, culture, société, poil à gratter Rubrique Scènes le 17.07.08 Monsieur de Pourceaugnac a la peau noire Isabelle Starkier et son Star Théâtre présentent à Avignon l'un des treize Molière programmés et dont je vous parlais dans mon analyse statistique : Monsieur de Pourceaugnac. Tout l'intérêt de la proposition réside dans le renversement du ridicule. La pièce de Molière met en scène un Limousin fraîchement débarqué à Paris. Les habitants du Limousin étant de nos jours plutôt bien acceptés à Paris, Isabelle Starkier a décidé de marquer la différence du personnage en lui donnant pour interprète un comédien noir. Monsieur de Pourceaugnac a la peau noire... mais un beau costume blanc. De plus, il s'exprime bien, calmement, poliment. Et ce sont les autres, tous les autres, qui sont ridicules. Les deux amoureux sont d'une mièvrerie sans fond, le valet est un vieux mafieux italien qui porte d'horribles costumes bigarrés, la mère est obligée de cacher sa monstruosité derrière une voilette... Et comme tout ce petit monde va jouer la comédie à l'étranger pour l'obliger à retourner "dans son pays", et surtout à renoncer à la jeune fille qu'il est censé venir épouser, ils vont chausser d'extraordinaires masques qui auront pour effet d'accentuer encore le grotesque de leurs caractères. Les costumes et les masques sont signés Anne Bothuon, artiste qui avait déjà collaboré avec le STAR Théâtre lors de précédentes créations, comme Têtes Rondes, Têtes Pointues ou encore le Bal de Kafka, et dont on avait pu apprécier la superbe exposition de statues molles à l'occasion des Scènes Ouvertes à l'Insolites en juin dernier au Théâtre de la Cité Internationale. Un spectacle énergique et visuellement impressionnant. Monsieur de Pourceaugnac, de Molière, mise en scène Isabelle Starkier A 16h15 à l'Espace Alya Avignon Festival Off theatre Monsieur de Pourceaugnac de Molière Mise en scène : Isabelle Starkier Sylvie Chalaye publié le 06/08/2008 Un cochon, c'est de quelle couleur ? En son temps, Molière mettait scène avec Monsieur de Pourceaugnac les aventures d’un gentihomme de province débarqué à Paris de son Limousin natal pour épouser une jeune femme de la cour. Mais le voilà pris dans une pièce qu’on lui joue pour l’empêcher de faire ce mariage, car la jeune et galante Julie et son soupirant, aidés de Sbrigani et Nérine en ont décidé autrement. Il n’est pas l’étranger, mais le provincial, le dindon. Un thème que l’on retrouve chez Molière dans Georges Dandin comme dans le Bourgeois Gentilhomme. La fable a tout d’une trame de commedia dell’arte et la comédie-ballet, selon l’invention même de Molière qui livra la pièce pour les fêtes de Chambord en 1669, intègre les moments chorégraphiés et musicaux à l’action dramatique. Aussi la comédie se déploie en multiple travestissements, ceux de la farce que jouent finalement les jeunes premiers avec la complicité des valets aux parents et au promis de province, bien peu au fait des modes de la capitale. Monsieur de Pourceaugnac est la caricature du gentilhomme mal léché au regard des raffinements de la cour de Louis XIV où sévissent précieux et précieuses qui se moquent de ce genre de petite noblesse. Le comique de la farce repose sur la connivence avec le public qui rit des manières décalées du dindon que l’on roule dans la farine et de son côté provincial tout entier contenu dans la référence au cochon contrastant avec la particule aristocratique et le suffixe du nom qui évoque le centre de la France. Quant aux farces qu’on lui joue elles se métamorphosent en ballets cauchemardesques, celui des médecins aux clystères, celui des femmes éconduites, celui des hommes de loi, celui des soldats gaillards et libidineux… Le parti–pris de la mise en scène d’Isabelle Starkier qui s’est joué à l’espace Alya durant le Off d’Avignon, s’appuie sur la fabrication de l’autre. Pourceaugnac est le seul a ne pas porter de masque et a jouer franc jeu. Elle n’a pas choisi de travailler les effets comiques sur la complicité des valets avec le public. Pourceaugnac est un personnage digne et séduisant, belle prestance, beau costume blanc avec jabots, dentelles et perruque XVIIe siècle, toute blanche elle aussi. Il y a du Chevalier de Saint-Georges dans ce personnage altier, puisque c’est Christian Julien qui le joue et lui prête toute sa prestance et sa séduction. On ne rit pas de ce Pourceaugnac-là. Les manipulateurs qui dans les mises en scènes habituelles de la pièce apparaissent comme les héros sympathiques qui sauvent les jeunes amants des exigences autoritaires des parents ont quelque chose de mafieux et leur manque de scrupule nous les rend plutôt odieux. La mise en scène dénonce la cruauté de la manipulation, cruauté d’une société fondée sur des faux-semblants et des artifices. Pourceaugnac se retrouve vidé de lui-même, accusé de polygamie, mis aux fers et dépouillé de ses biens, et contraint même de cacher son identité jusqu’à se travestir en femme et à jouer les dames du monde au risque de se faire violer. Molière ne manque pas d’exploiter toutes les situations comiques et en radicalisant cette idée du dépouillement Isabelle Starkier va jusqu’à la mise à nu, avec un strip-tease où Pourceaugnac se retrouve dans le plus simple appareil. Mais en définitive, même si les nobles de la cour comptant d’eux rient des déboires du pauvre Provincial, Molière est du côté de Pourceaugnac et au final la pièce qu’on lui a jouée et qui le renvoie chez lui dépouillé et vidé de lui-même lui a aussi évité d’épouser la bien peu recommandable Julie. La farce n’est pas une simple pantalonnade, et celui aux dépens de qui l’on a voulu rire est celui qui reste dans le vrai, victime peut-être mais jamais grotesque. La nudité de Pourceaugnac le ramène à son humanité. Face au extravagance des costumes de tous les personnages qui gravitent autour de lui et qui font bien sûr le spectacle, Pourceaugnac est le seul a avoir de la sincérité et une identité vraie, le seul capable d’estime et de fidèlité, notamment avec Sbrigani qu’il prend pour un honnête homme jusqu’à la fin. La farce qu’on lui a jouée est celle de la cour qui se perd à force de superficialité et de mise en scène. Bien sûr l’aventure de Pourceaugnac est avant tout un divertissement et la comédie ballet convoque toutes sortes de travestissements et de caricatures régionales : le valet napolitain, le commerçant flamand, la soubrette espagnole et la paysanne de Saint-Quentin, Isabelle Starkier rajoute l’apothicaire chinois, et donne aux médecins une allure de vieux sages juifs, espèces de savants fous au crâne dégarni le cheveux en bataille, les gardes suisses deviennnent des soldats américains avec casque et plastron d’uniforme!. Le spectacle s’appuie clairement sur l’énergie de la commedia dell’ arte avec des masques désopilants et des comédiens d’une maestria incroyable campant tour à tour des figures irrésistibles de drôlerie qui relèvent de l’univers de la bande dessinée – comme ce napolitain mafieux de Sbrigani que Jean-Marie Lecoq rend dangereux à souhait, ce pou de Madame Oronte qu’invente Sarah Sandre, ou encore le couple d’amoureux électriques que jouent Eva Castro et Stéphane Miquel ; et d’ailleurs le choix d’une simple toile de fond noir et blanc pour décor représentant les rues de Paris sous la forme d’un dessin au fusain comme dans le ballet d’un Américain à Paris, le film de Minnelli, laisse se détacher les figures hautes en couleur dont les contours grotesques n’en sont que mieux dessinés. C’est ainsi que Pourceaugnac, joué par un acteur noir, n’apparaît pas comme un étranger dans son allure, il est même plutôt le seul à être dans le ton de Molière. En revanche, sa couleur semble justement être la maladie que lui découvre les médecins , cette mélancolie dont il faudra le purger prend un sens tout à fait étonnant. Le cauchemar du lavement et tout le vocabulaire qui l’accompagne avec ses connotations péjoratives qui s’attachent au noir construisent une parodie drôle et décapante. Mais, la comédie finit tragiquement dans la mise en scène d’Isabelle Starkier, avec les menottes que l’on passe aux mains de Pourceaugnac et le son d’un charter qui décolle, et c’est dans ces moments-là que l’apparaître de Christian Julien convoque autre chose. Mais la lecture de la pièce n’est pas pour autant inscrite dans une actualisation ou une transplantation des rapports de force dans le Paris des sans-papiers, ce sont plutôt des allusions mesguichiennes au contemporain comme si le théâtre se faisait miroir brisé du réel et au lieu d’en donner le reflet il ne fait que faire surgir les bégaiements de l’histoire, impressions subreptice qui peuvent pourtant réveiller nos consciences, comme si une porosité entre les époques sous-tendait les choix esthétiques. Le théâtre d’Isabelle Starkier ouvre les failles du temps pour que suinte sur le plateau le magma des violences qui ne cessent d’habiter notre monde. Sylvie Chalaye Avignon Off 2008 / Espace Alya Monsieur de Pourceaugnac de Molière Mise en scène : Isabelle Starkier