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SAVOIR ACCOMPAGNER
HÉLÈNE ROULOTGANZMANN
MALADIE GRAVE :
COMMENT GÉRER
LE STRESS FINANCIER ?
DEUX CANADIENS SUR CINQ
DÉVELOPPENT UN CANCER
AU COURS DE LEUR VIE, CE
QUI AFFECTE FORCÉMENT
LEUR SITUATION
FINANCIÈRE. QUE FAIRE
LORSQU’UN DE VOS CLIENTS
TOMBE MALADE ? SURTOUT,
NE PAS AGIR DANS LA
PRÉCIPITATION, RÉPONDENT
VOS CONFRÈRES.
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« Si l’on veut que le client nous écoute, il faut bien
entendu être empathique, conseille Jean Dupriez, planificateur
financier à Valimax. Mais il faut être capable de revenir très vite
aux possibilités. Voilà ce que je recommande. Réussir à dire :
maintenant, c’est ça qu’il faut faire. Ça vous fera peut-être mal,
mais c’est ça qu’il faut faire. »
Et ça, c’est de ne surtout pas agir dans la précipitation, affirment
les professionnels avec lesquels Conseiller s’est entretenu.
« Quand un client nous apprend qu’il est malade, au départ, on
fait preuve d’écoute. On envoie une carte de prompt rétablissement
et on lui propose un rendez-vous assez rapidement, explique
Dominic Paquette, président fondateur de Partenaire-Conseils
Groupe Financier. Ensuite, on va faire attention à ne pas chambarder tout ce qu’on avait mis en place. S’il veut tout défaire, on
essaye d’être de bon conseil. On lui demande d’attendre trois
mois avant de prendre des décisions. »
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SAVOIR ACCOMPAGNER
«
Si le client a des
placements bâtis pour
prendre une retraite dans cinq,
dix, quinze ans, ce n’est pas
parce qu’il développe un cancer que ceux-ci ne
demeurent pas pertinents. »
– Jean Dupriez
L’objectif premier lorsqu’un client tombe malade, c’est d’éliminer le stress financier. De le rassurer. On va refaire les hypothèses,
revoir la situation, toujours avec une approche globale à la fois
légale, fiscale et financière.
PERTE DE REVENUS ET
FRAIS SUPPLÉMENTAIRES
Pour y parvenir, il est nécessaire de partir à la cueillette du maximum d’informations possible. À commencer par savoir qui sera
l’intervenant décisionnel : le malade lui-même, un mandataire
en vertu d’une procuration générale ou restreinte, le conjoint,
un enfant ?
Il faut ensuite vérifier les droits aux prestations d’invalidité
des régimes d’État – assurance emploi, CSST, SAAQ, Retraite
Québec – et ceux des régimes privés, tant du côté des assurances
collectives qu’individuelles. Établir les ressources financières
disponibles du malade, vérifier le plan d’interventions médicales
à venir, établir les coûts, évaluer les droits du malade à se faire
rembourser ses frais médicaux – RAMQ, police d’assurance
collective ou assurance individuelle – et, le cas échéant, les autres
façons de financer les soins. Le malade a-t-il droit au crédit d’impôt
pour personnes handicapées tant au fédéral qu’au Québec ? À
des services externes de la part d’un CLSC ou d’organismes à
but non lucratif ?
« On va aussi mettre à jour tous les documents juridiques,
indique Gaétan Veillette, planificateur financier au Groupe
Investors. Vérifier la procuration générale et le mandat en cas
d’inaptitude, le ou les testaments établis tant au Canada qu’à
l’étranger, les conventions d’union de fait. Existe-t-il une procuration relative à l’acharnement diagnostique ou thérapeutique,
aux transplantations, aux prélèvements ou au don d’organes ? »
Mais ce qui inquiète finalement le plus le client lorsque le
diagnostic n’est pas fatal, ce sont les risques financiers encourus :
perte d’emploi, perte de clients, notamment dans le cas des travailleurs autonomes, faillite, saisie, perte de fonctions publiques
pour le personnel politique ou encore les administrateurs d’un
conseil d’administration, modifications à l’habitat, changement de
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résidence, acquisition d’un véhicule adapté, d’une chaise roulante
électrique, d’un triporteur ou d’un lit adapté, services de soins
personnels, etc. Il y a d’un côté bien souvent une perte de revenus
et, de l’autre, des frais supplémentaires.
« Selon la situation, le conseiller peut proposer plusieurs
concepts et stratégies, explique M. Veillette. Défiscaliser progressivement le patrimoine – retraits du REER, disposition d’actif,
gains en capital –, prendre une marge de crédit hypothécaire,
identifier des aidants naturels qui peuvent être admissibles au
crédit d’impôt pour aidant naturel, enclencher les prestations
du Régime de pension agréé (RPA) et demander les rentes des
régimes d’État comme le Régime de rentes du Québec (RRQ),
le programme de Sécurité de la vieillesse (PSV), le Supplément
de revenu garanti (SRG), etc. »
DES CRAINTES IRRAISONNÉES
« Bien sûr qu’il faut vérifier que le dossier du client est en adéquation avec sa nouvelle situation mais, dans ma pratique à moi,
une fois les demandes d’indemnités faites, dans neuf cas sur dix,
ma conclusion a été de ne rien changer, nuance Jean Dupriez.
C’est compliqué parce qu’on voit des craintes irraisonnées surgir
chez le client. Il se dit : je suis malade, je dois faire quelque chose.
Or, il faut à tout prix éviter qu’il ne fasse des changements à un
portefeuille d’investissement simplement parce qu’il est malade.
S’il a des placements bâtis pour prendre une retraite dans cinq,
dix, quinze ans, ce n’est pas parce qu’il développe un cancer que
ceux-ci ne demeurent pas pertinents. »
«
On va aussi mettre
à jour tous les documents
légaux. Vérifier la procuration
générale et le mandat en cas
d’inaptitude, le ou les testaments établis tant au
Canada qu’à l’étranger, les conventions d’union
de fait. »
– Gaétan Veillette
M. Dupriez précise que, dans la plupart des cas, les clients
arrivent avec des maladies qui certes font peur, mais qui sont tout
à fait susceptibles d’être soignées aujourd’hui au Canada.
« Chez les femmes, c’est le cancer du sein, chez les hommes,
c’est la prostate, résume-t-il. Ce sont les cancers les plus courants
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Un Canadien sur
quatre mourra du
cancer, et autres
statistiques
Près de 900 000 Canadiens vivent
avec un cancer diagnostiqué au cours
des 10 dernières années.
202 400 Canadiens développeront
un cancer cette année, 78 800 en
mourront.
En 2030, 67 000 Québécois recevront
un diagnostic de cancer. Ils ont été
51 900 l’an dernier.
Depuis 2000, le cancer est la première
cause de mortalité au Québec.
Au Québec, toutes les 10 minutes en
moyenne, quelqu’un apprend qu’il
est atteint d’un cancer et toutes les
25 minutes, quelqu’un en meurt.
«
et, dans la grande majorité des cas, les clients vont suivre leurs
traitements et reprendront ensuite une vie normale. Ils sont souvent en couple, le conjoint travaille et peut subvenir aux besoins,
en plus des indemnités que le malade va toucher. C’est sûr que la
situation n’est pas du tout la même lorsqu’un client m’annonce un
cancer avec des métastases de l’intestin, une maladie dégénérative,
ou qu’il vient de subir un grave accident de voiture et qu’il ne
pourra plus jamais retravailler. Mais ce sont des cas très rares. »
« Nous ne sommes pas médecins, complète Dominic Paquette.
On se fie aux propos de la famille et du client, et aux statistiques
relatives aux chances de survie et de longévité. On détermine ainsi
s’il est urgent d’agir ou plutôt s’il ne faut rien changer. Cela dit, on
y va aussi avec les envies des clients. J’en ai qui, face à un diagnostic
fatal, ont voulu réaliser un projet, leur rêve. Qui ont emmené leur
famille en voyage. D’autres vont vouloir faire des retraits majeurs
pour aller chercher des soins spécialisés à l’étranger. C’est sûr que
lorsque l’espérance de vie est de six, douze, dix-huit mois, ce n’est
pas la peine de continuer à épargner. »
J’ai des clients qui, face à un diagnostic
fatal, ont voulu réaliser un projet,
leur rêve. Qui ont emmené leur
famille en voyage. »
89 % des Canadiens qui développent
un cancer ont plus de 50 ans.
– Dominic Paquette
Le taux de guérison est de 60 %, mais
celui-ci varie grandement selon le
type de cancer.
564 000 Canadiens sont
actuellement atteints d’une maladie
dégénérative (Alzheimer, Parkinson,
etc.).
937 000 en seront atteints dans
15 ans.
25 000 nouveaux cas de maladies
dégénératives sont diagnostiqués
chaque année.
Au moment du diagnostic,
l’espérance de vie d’une personne
atteinte de la maladie d’Alzheimer est
de 5 à 7 ans.
Sources : Statistiques canadiennes sur le cancer 2016,
Statistique Canada, Agence de la santé publique du
Canada.
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GARDER LES CHOSES SIMPLES
Car aussi rares soient-ils, ces cas existent. M. Paquette a notamment une cliente qui vient d’apprendre qu’elle n’en a plus que pour
douze mois à vivre. Elle est infirmière, son conjoint est médecin
spécialiste.
« On a tout revu et on a mis à jour les documents légaux,
raconte-t-il. J’ai rencontré sa fille, qui est son héritière. On a fait
le ménage dans les documents financiers, les comptes de banque,
les dispositions testamentaires. On a commencé à transférer
les biens, les propriétés. On va vite, parce qu’on voit bien que,
malheureusement, cette dame n’en a plus pour longtemps. »
Autre cas dramatique : une femme qui a accompagné pendant
quatre ans son conjoint atteint d’un cancer. Quelques mois plus
tard, elle a elle-même reçu un diagnostic sans appel, et est décédée
en décembre, seulement deux mois après.
« C’est une amie à elle qui a débarqué ici, raconte-t-il. Il nous
fallait une procuration pendant que la cliente était encore apte
à signer. On a fait un bilan de la situation, rapatrié tous les
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SAVOIR ACCOMPAGNER
Empathique,
mais toujours
professionnel
Nicolas Chevrier est psychologue
dans le quartier des affaires à
Montréal et il a plusieurs conseillers
dans sa clientèle. Jamais aucun d’eux
ne lui a parlé de problèmes émotifs
qu’il pourrait rencontrer face à la
maladie d’un client.
documents légaux, fiscaux et financiers pour que ce soit simple à
traiter. Mais là, je vous parle d’exemples fatals. Dans la plupart des
cas, les gens s’en sortent et il faut gérer une situation provisoire.
J’ai beaucoup d’épuisements professionnels, notamment. Dans ce
cas-là, il faut surtout faire les réclamations d’assurance invalidité
et convaincre le client de ne pas tout détricoter. »
Jean Dupriez se définit plutôt comme un ennemi de l’assurance,
qui est, selon lui, un mal nécessaire aussi longtemps que le client
n’est pas assez riche pour faire face à un événement.
« Étant donné en plus que j’ai toujours eu une clientèle de
gens moyennement riches, rares sont ceux qui ont une assurance
maladie grave ou invalidité, raconte-t-il. Et puis, il y a certainement
des critiques à faire à notre RAMQ, mais nous avons quand
même un système moins mauvais que dans beaucoup d’endroits
sur la planète. »
« Lorsqu’un client tombe malade, j’ai tendance à vouloir garder
les choses simples, ajoute-t-il. S’il y a des enfants mineurs, le
mieux, c’est que le conjoint mourant lègue tout au survivant qui
va s’occuper d’eux. Mais parfois, les choses sont plus complexes,
quand il y a eu remariage par exemple. L’important est alors de
protéger l’argent des enfants jusqu’à leur majorité. C’est pour
cela qu’il faut être très à l’écoute. Bien connaître le passé de la
personne permet de comprendre ce qui est acceptable pour elle,
et ce qui ne l’est pas. »
Tous les trois s’accordent ainsi sur une chose : parce qu’ils
ont un jour poussé la porte d’un conseiller ou d’un planificateur
financier qui a régulièrement fait avec eux l’inventaire de leurs
besoins et mis en place une stratégie pour y subvenir, leurs clients
sont forcément mieux préparés financièrement que les autres à
combattre la maladie.
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« Ils ont plutôt à
gérer la colère de
leurs clients,
notamment
lorsque le marché
est volatil et que
les rendements ne
sont pas à la
hauteur des
Nicolas Chevrier
attentes, expliquet-il. Ce qui ne
signifie pas qu’il ne
faille pas être préparé à ce qu’un client
vous annonce une maladie grave.
Pour se comporter adéquatement. »
Selon lui, il faut rester
professionnel, sans s’empêcher
d’avoir des émotions, une connexion.
« On peut échanger pendant
quelques minutes sur la situation
médicale et émotive du client, notet-il, tout en gardant bien en tête que
l’on est ni l’ami ni le confident, et que
ce n’est pas cela qu’il est venu
chercher en prenant rendez-vous.
Lorsque les émotions sont trop vives,
il est important de toujours se
demander si on a fait tout ce qui était
en notre pouvoir pour le client. Pour
le reste, il faut accepter que ce n’est
pas entre nos mains. »
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