Trésor d’affiches
Exposition temporaire du 18 avril au 30 août 2015
Pistes pédagogiques
Introduction destinée aux enseignants
Cette introduction reprend les textes qui se trouvent dans les salles de l’exposition, correspondant
aux thématiques abordées.
Quelque 80 affiches ont quitté les dures conditions de la rue (le vent, la pluie, la glue) pour les
confortables cimaises du Musée de l’Hôtel-Dieu. Mais comment choisir 80 affiches sur les quelque
4’000 que conserve le musée ?
Grâce au thème ? Selon l’époque ? A cause de l’origine de l’imprimeur ou de l’affichiste ? Non ! Le
MHDP s’est proposé de regarder ces affiches pour leurs qualités intrinsèques, car l’affiche est un
médium spécifique qui répond à des contraintes spécifiques. Et certaines le font avec plus d’éloquence
et plus de talent que d’autres.
Aux quatre salles correspondent quatre thèmes pour apprendre à lire (et à savourer) une affiche.
La première salle se concentre sur la lisibilité, mise en évidence par la composition, la couleur et la
typographie.
La deuxième salle étudie l’efficacité, relayée par la répétition, les figures de style, la narration ou
l’épurement du langage utilisé.
La troisième salle s’inscrit dans l’actualité du moment suite à l’attentat de Charlie Hebdo et ce, sans le
vouloir, puisqu’elle regroupe une série d’affiches qui ont utilisé l’humour et la caricature pour se
distinguer. Or, on l’a vu, l’humour rassemble quand il est compris, mais s’il ne l’est pas, il divise.
La dernière salle s’intéresse aux affiches « tous publics », celles qui s’adressent aux enfants, mais aussi
celles qui ont utilisé l’enfance comme argument commercial.
L’exposition présente cinq grands noms de l’affiche suisse : Emil Cardinaux, Hans Erni, Herbert Leupin,
Jules Courvoisier et Werner Jeker. Mais elle montre également comment de très nombreux peintres
régionaux ont contribué par leur talent à l’essor de l’affiche de la première moitié du XXe siècle : Louis
Poupon, Willi Nicolet, Gaston Salomon (Porrentruy), Armand Schwarz (Delémont), Henri Aragon,
Charles-Edouard Gogler (Saint-Imier), Ernest Geiger (La Neuveville), René Bleuer, Adolf Funk (Bienne),
Maurice Gerber, Jules Blancpain (Villeret), Charles Robert (Moutier). Un talent relayé par le désir
d’excellence des imprimeries de l’époque, dont celle d’Albert Frossard à Porrentruy ou de Max Robert
à Moutier. Quant à la jeune génération (Guznag, Lovy, Noyau, …), elle est prometteuse et a déjà toute
sa place au Musée.
Grâce à des tablettes numériques mises à disposition, le visiteur est invité à parcourir l’exposition, non
seulement en suivant la thématique proposée, mais aussi en découvrant différentes lectures croisées
(le drapeau suisse, l’ours bernois, l’image de la Sentinelle des Rangiers, le cirque, …). La tablette permet
également d’avoir accès à une centaine d’affiches qui n’ont pu être exposées, faute de place, alors
qu’elles mériteraient, elles aussi, le qualificatif de « trésor ».
Dossier pédagogique Trésor d’affiches 2
1. De l’art d’être lisible – La composition
C’est une évidence : une bonne affiche doit être lisible. De loin, en vitesse, par le plus grand nombre.
Pour atteindre cet objectif, l’artiste dispose de nombreux outils, dont la composition de l’image, la
couleur et la typographie.
La composition
Une image doit être construite. Il s’agit de placer des éléments (points, lignes, surfaces) dans un certain
ordre afin que l’ensemble dégage une impression ou une idée. La construction de l’image (lois de la
perspective, respect des proportions, utilisation de la grille) et la disposition des couleurs forment la
composition.
La particularité de l’affiche est qu’elle cumule deux compositions, celle de l’image utilisée (dessin,
photographie) et celle de l’ensemble (l’image associée au slogan, au nom du produit, aux informations
indispensables).
Une composition qui s’appuie sur un axe unique (horizontal, vertical ou oblique) apparaît
fréquemment : une image construite simplement génère une lecture sans difficulté.
La composition est aussi capable de suggérer des états d’âme : sommes-nous dans un espace ouvert ou
fermé, en équilibre ou sur le point d’éclater ? Autrement dit, l’ensemble paraît-il fixe ou dynamique,
ordonné ou déconcertant ?
C’est aussi la composition qui dicte le sens de la lecture, « la circulation du regard ». Soit de façon
conventionnelle : de haut en bas et de gauche à droite ; soit de façon plus innovante : du centre vers
l’extérieur ou en zigzag.
2. De l’art d’être lisible – La couleur
A la fin du XIXe siècle, les affiches passent du noir et blanc à la couleur grâce à la technique de la
lithographie (littéralement « gravure sur pierre »). La couleur va servir à attirer l’attention des passants
et à séduire le public.
Sur le plan de la perception individuelle, la couleur est capable de créer des émotions et des
associations d’idées. Ainsi, le rouge est la couleur archétypale, symbole de la vie, à cause du sang et du
feu. Mais la couleur est d’abord un fait de société car sa portée symbolique dépend du lieu et de
l’époque. Ainsi, en Chine, le rouge est la couleur du mariage et, au XIXe siècle, il devient la couleur du
socialisme. En Suisse, le rouge est forcément associé à la couleur du drapeau national.
À partir de la fin de la Première Guerre mondiale, des enquêtes ont été menées en Europe occidentale
afin de connaître la couleur préférée des adultes. Plus de la moitié des gens citaient le bleu. Il semble
que cette couleur séduise, apaise et fasse rêver, car elle évoque le ciel, la mer, le voyage et donc
l’infini.
Sur le plan phénoménologique, le jaune est une couleur particulièrement visible, que l’on distingue de
loin. Sur le plan symbolique, elle désigne le soleil et les qualités qui lui sont associées : lumière, chaleur,
source de vie et rayonnement. Elle est aussi associée à la richesse (or et blé) et au dynamisme, ainsi
qu’à la tonicité.
L'association de couleurs complémentaires est régulièrement utilisée par les peintres et les graphistes
pour jouer sur leur combinaison forte et leur rendu esthétique. Une couleur est exaltée par la
proximité optique de sa complémentaire. La couleur complémentaire d’une couleur chaude est une
couleur froide et vice versa. Aussi, les trois couleurs fondamentales du spectre solaire qui sont le bleu
(cyan), le rouge (magenta) et le jaune trouvent leur complémentaire dans l’orange, le vert et le violet.
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3. De l’art d’être lisible – La typographie
Une fois imprimé, le mot (en tant que discours) perd les inflexions que permet la voix. Le typographe
essaie de donner une voix à l’expression typographique par la taille, l’épaisseur et la position des
lettres. Les premières affiches imprimées offraient un texte en caractères de tailles variées afin de
conférer au message un impact unique.
L’affiche telle que nous la connaissons, c’est-à-dire se présentant sous la forme d’un placard imprimé
en couleurs mélangeant le texte et l’illustration, apparaît vers 1870 dans un contexte de révolution
industrielle.
Au cours du XXe siècle, la typographie va connaître différentes fonctions. Soit elle évince l’image pour
devenir un motif en soi, soit elle s’anime : les choses deviennent des lettres et les lettres deviennent des
choses. Dans l’exposition, suivez la lettre T de Moutier qui assomme l’ours bernois, le clown d’Herbert
Leupin qui jongle avec les lettres Knie, la lettre P de Porrentruy qui devient un gigantesque circuit tandis
que les lettres des mots Festival Folk forment des rayons de soleil.
4. De l’art d’être efficace – La répétition
Une affiche doit être efficace. Elle doit faire la différence pour être remarquée. Elle doit séduire ou
convaincre. Donner envie ou faire réfléchir. Elle doit aussi rester dans les mémoires.
La répétition
Dans l’art de l’affiche, la répétition d’un motif apparaît comme une stratégie efficace pour marquer les
esprits. Certains thèmes se prêtent mieux que d’autres au jeu de la répétition formelle. Les sports, par
exemple, exaltent la discipline et l’art de l’harmonisation. De nombreuses affiches pour les fêtes de
gymnastique vont reproduire la même silhouette dans le but d’accentuer non seulement l’effet de
groupe mais aussi l’idée de synchronisation des gestes. Dans le domaine de la culture, les activités
d’ensemble – comme par exemple l’art choral ou la danse – trouvent elles aussi dans la répétition d’un
même sujet cette évocation de l’unisson et du groupe plus fort que l’individu.
Au rayon des affiches politiques, la répétition d’un même motif engendre deux interprétations
contradictoires. L’une est positive, elle souligne l’égalité des êtres, comme dans l’affiche d’Erni pour le
droit de vote des femmes ; l’autre est négative, car elle sous-entend l’idée de troupeau et donc
l’impossibilité de penser par soi-même (Pas de poulets jurassiens à Davos).
5. De l’art d’être efficace – La figure de style
En littérature, le changement d’échelle est courant, en particulier dans les contes. Les êtres
magiquement minuscules (Le Petit Poucet) côtoient les très improbables ogres et les géants. Dans les
arts plastiques, le changement d’échelle est assez rare. On le trouve par exemple dans le coquillage
gigantesque qui révèle La naissance de Vénus peinte par Botticelli.
Jouer librement sur les proportions et l’échelle d’un objet est une caractéristique de l’art de la seconde
moitié du XXe siècle. Picasso, les Surréalistes et les artistes du Pop Art ont représenté les objets en
s’affranchissant des contraintes de réalité et de justesse.
Dans les affiches, le changement d’échelle s’impose plus aisément. Il s’agit d’un outil efficace pour
mettre un produit ou une idée en évidence. Le changement d’échelle crée une surprise visuelle, un
étonnement accrocheur.
Le motif de la main ouverte se prête aussi bien au jeu de la démesure qu’à celui de la métaphore.
Paume tournée vers le ciel, elle présente le produit telle une offrande ; paume tournée vers le sol, elle
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incarne la prédation et le danger. Aujourd’hui encore, le motif de la main est partout dans la
communication visuelle, en témoigne le célèbre pouce levé faisant référence à l’Antiquité (Like).
6. De l’art d’être efficace – La narration
L’un des pouvoirs de l’image est de raconter une histoire. Il suffit de deux éléments placés côte à côte
et le cerveau humain crée un lien et donc une possible histoire.
Parfois, l’affiche a besoin d’être didactique. Elle évite les ellipses, les non-dits et les allusions, préférant
montrer chaque séquence de l’histoire. C’est le cas de l’affiche réalisée par Henri Lebasque afin
d’encourager la reconstruction de la France après les ravages de la Première Guerre mondiale. Il s’agit
d’une affiche de propagande : le gouvernement français ne peut pas se contenter de suggérer comme
le font parfois les affiches commerciales, le message doit être compris par le plus grand nombre et
générer l’adhésion de tous.
Pour son exposition au Musée de l’Hôtel-Dieu, le peintre chilien Augustin Olavarria a créé une affiche
extrêmement narrative, une sorte de « paysage en folie » où se déroulent des expériences sorties du
vécu ou de l’imaginaire de l’artiste.
Quant à l’affiche du dessinateur belge François Schuiten, elle présente le bâtiment de l’Hôtel-Dieu dans
un abîme qui génère le récit fantastique.
7. De l’art d’être efficace Moins, c’est plus
En ville, que l’on soit piéton ou automobiliste, on est assailli d’informations : enseignes lumineuses,
vitrines, panneaux de signalisation, colonnes Morris et murs d’affichage, etc. Sans parler des photos,
des dessins, des icônes, des symboles et des pictogrammes qui débarquent dans nos sphères privées
via nos portables ou les étiquettes d’emballage, les timbres, les billets de banques, etc.
Conscients du risque de saturation, les publicistes vont assez tôt dire ou montrer moins pour suggérer
plus. Dès 1904, le graphiste allemand Lucian Bernhard ouvre la voie avec des affiches où le message est
réduit à sa plus simple expression : le produit est représenté simplement en gros plan (une allumette
ou une chaussure), associé au nom de la marque, allant jusqu’à supprimer le slogan ou les explications
devenues superflues.
La formule Less is more (Moins, c’est plus) apparaît dans les années 1960. Pour certains artistes, il s’agit
de privilégier la simplicité, le dépouillement, voire le minimalisme. En matière de création d’images, il
s’agit d’ôter plutôt que de rajouter.
8. Une touche d’humour
Vendre du bonheur
Faire sourire à partir d’une image est un défi en soi, car l’humour n’est pas universel. Il dépend de
notre âge (les blagues à Toto font rire un temps), d’un état d’esprit (l’humour potache n’a rien à voir
avec un trait d’esprit à la Molière), voire d’une culture (l’humour juif ou anglais).
L’humour rassemble s’il est compris, l’humour divise s’il tombe à plat.
Sur le plan de la communication, l’humour permet de dédramatiser (par exemple le droit de vote des
femmes ou la complexité de l’art contemporain), de redonner confiance (en l’emprunt de guerre),
d’insuffler une identité festive (le Festival du Chant du Gros) et surtout d’associer à un produit de
consommation l’idée de joie ou de nécessité.
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Oser la caricature
À l’origine, la caricature désigne « un portrait ridicule en raison de l’exagération des traits ». Observez
la molle obésité de ce fumeur de Virginie (Burrus), le profil batracien de cet amateur d’art (Exposition
jurassienne des beaux-arts) et l’air parfaitement niais de ce Suisse progressiste (Frauenstimmrecht Ja).
Quant à la caricature politique, elle est, par essence, féroce. En 1952, Roland Béguelin se réjouissait
que la caricature s’épanouisse dans le contexte de la Question jurassienne, même si le rire est parfois
triste aussi : « (…) en riant de ses misères, le Jurassien opère une transposition. Il fait, sur le papier, une
victime de celui qui le domine.» Plus récemment, elle s’est invitée dans les affiches du groupe Bélier ou
celles du Collectif jurassien contre le World Economic Forum (WEF). Et, grâce à la plume acérée de
Jean-Louis Baume, on retrouve l’ours bernois malmené dans la pure tradition des caricatures du Jura
Libre.
9. L’affiche « tous publics »
La publicité qui s’adresse aux plus jeunes ne doit pas être confondue avec l’enfant dans la publicité.
La publicité qui vise le public non adulte est assez récente. Aujourd’hui, on la trouve principalement sur
les chaînes de télévision ou dans des revues « jeune public », où elle promeut des produits qui lui sont
spécifiquement destinés (jouet, nourriture, mode). Les marques considèrent que l’enfant est un
consommateur potentiel, soit parce qu’il possède son propre argent de poche, soit parce qu’il est
capable d’influencer ses parents. Certains artistes ont su adapter leur dessin afin de s’adresser de façon
privilégiée (et presque exclusive) à ce public particulier. C’est le cas d’Herbert Leupin avec son clown
sur fond rouge pour le Cirque Knie ou de Noyau avec une souris-projecteur pour La Lanterne magique.
La publicité qui utilise l’enfant comme image attractive est plus ancienne. A l’origine, le visage d’un
bébé était associé à un produit qui lui était spécialement destiné (lait en poudre ou talc). Par la suite, il
est devenu un outil pour toucher les mères, qui disposaient progressivement d’un vrai pouvoir d’achat.
Petit à petit, les bambins vont incarner de nouvelles idées. Ils symbolisent la pureté, la douceur, la
famille, l’avenir (voir l’affiche Oui au canton du Jura). Et, comme on dit « simple comme un jeu
d’enfant », ce dernier devient le symbole d’une utilisation facile, par exemple pour une machine
agricole (affiche Th. Cruise).
Lenfance peut aussi être évoquée à l’aide d’images qui lui sont intimement associées, comme par
exemple le Père Noël ou les jouets (de la poupée au robot en tôle).
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