une analyse économique - Direction générale du Trésor

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Diagnostics Prévisions
et Analyses Économiques
N° 100 – Fév. 2006
Perspectives d'appréciation du taux de change réel chinois :
une analyse économique1
Le taux de change réel chinois est-il sous-évalué ? C’est ce que suggère la croissance rapide de
l'excédent courant et des réserves de change ces dernières années. De nombreuses études se
sont penchées sur cette question et ont cherché à évaluer le taux de change réel d'équilibre afin de donner une estimation de l'ampleur de la sous-évaluation de la monnaie chinoise. Ces études utilisent soit
une approche par la balance des paiements soit une méthode dérivée de la théorie de la parité des pouvoirs d'achat. Les résultats sont assez hétérogènes en raison de la faiblesse des données statistiques disponibles, mais aussi parce que ces méthodes reposent sur l'hypothèse d'une économie proche du plein
emploi et ne souffrant pas de changements structurels, ce qui est loin d'être le cas de la Chine. Toutes
les études concluent cependant à une sous-évaluation plus ou moins prononcée du taux de change réel
chinois.
Outre l'accroissement important de l'excédent du compte courant (7,3% du PIB en 2005), il existe des
éléments convergents permettant de conclure à la sous-évaluation du taux de change réel chinois, bien
que son ampleur soit difficile à quantifier. Ils plaident en faveur d'une appréciation significative qui
pourrait s'exprimer dans le cadre du régime de change à flexibilité accrue, adopté à l'été 2005. Le différentiel de productivité de la Chine avec ses principaux partenaires commerciaux semble suffisamment important pour permettre à l'économie d'absorber sans dommage une appréciation
significative du taux de change réel.
Cependant la fragilité de plusieurs secteurs de l'économie devrait inciter à la prudence et à un
ajustement graduel vers le taux d'équilibre. C'est le cas du secteur agricole dont les gains de productivité semblent plus faibles que dans le reste de l'économie et dont le surplus de main d'œuvre,
estimé à 150 millions de personnes, pourrait engendrer des mouvements de population importants et
potentiellement très déstabilisants. Le secteur bancaire, dont la rentabilité est faible, pourrait aussi
souffrir d'un ajustement trop rapide.
Enfin, la perspective d'un démantèlement progressif du contrôle des capitaux sortants plaide en faveur
d'un ajustement partiel vers le taux d'équilibre via une flexibilisation graduelle du régime de change. En
effet, si la sortie des capitaux était libéralisée, il est probable qu'une partie significative de l'épargne chinoise quitterait le pays, exerçant ainsi des pressions à la baisse sur le taux de change d'équilibre. Les
autorités chinoises n'ont donc vraisemblablement pas intérêt à réaliser tout l'ajustement vers
la valeur d'équilibre avant l'ouverture complète du compte de capital afin d'éviter un phénomène de surajustement.
1. Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique et ne reflète pas nécessairement
la position du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
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de la Politique
Économique
et de la Politique Économique
Sommaire
des derniers numéros parus
Fév. 2006
n°99 • Une modélisation analytique des stratégies d’endettement de l’État, Jean-Paul Renne,
Nicolas Sagnes
n°98 • Les indicateurs de retournement : des compléments utiles à l’analyses conjoncturelle,
Pierre Emmanuel Ferraton
Janv. 2006
n°97 • Bilan des finances locales depuis 1980, Julie Marcoff
n°96 • Mondialisation et marché du travail dans les pays développés, Nadia Terfous
n°95 • Les interventions de change japonaises semblent faire s’apprécier l’euro à court terme,
Benjamin Delozier
Déc. 2005
n°94 • Croissances et réformes dans les pays arabes méditerranéens, Jacques Ould-Aoudia
n°93 • L'Asie émergente et la libéralisation du compte de capital, Pierre Mongrué, Marc Robert
n°92 • Influence de la fiscalité sur les comportements d’épargne, Maud Aubier, Frédérier Cherbonnier, Daniel Turquety
Nov. 2005
n°91 • La présence française en Asie, Stéphane Cieniewski
n°90 • Prix de l’Immobilier Résidentiel et Sphère Financière, Sébastien Hissler
n°89 • Un bilan de l’émission des obligations françaises indexées sur l’inflation, Benoît Coeuré,
Nicolas Sagnes
Oct. 2005
n°88 • Perspectives d’élargissement de la zone euro, Vanessa Jacquelain
n°87 • Les externalités budgétaires dans la zone euro, Benjamin Carton
n°86 • Le rôle du raffinage dans l’évolution récente des prix à la pompe, Julie Muro
Sept. 2005
n°85 • La situation économique mondiale à l’automne 2005, Nathalie Fourcade
n°84 • Taux d’actualisation public et calcul économique, Fabien Delattre, Adrien Véron
n°83 • Évolution de l’emploi public en France et au Royaume-Uni depuis 1980 : éléments de
comparaison, Patrick Taillepied
n°82 • Pourquoi le solde commercial américain a-t-il continué de se dégrader depuis 2002 malgré la dépréciation du dollar ? Pierre Beynet, Éric Dubois, Damien Fréville, Alain Michel
n°81 • Politique familiale et taille de la famille, Maryse Fesseau, Layla Ricroch
Août 2005
n°80 • Y-a-t’il un excès de liquidité ? Benjamin Delozier, Sébastien Hissler
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2
Le taux de change réel chinois est-il sous-évalué ?
La croissance rapide de l'excédent courant et des
réserves de change chinois le suggèrent. Du moins estil légitime de se poser la question du rôle joué par le
niveau du taux de change réel dans l'amélioration de la
compétitivité externe de l'économie. De nombreuses
études se sont penchées sur cette question et ont cherché à évaluer le taux de change réel d'équilibre afin de
donner une estimation de l'ampleur de la sous-évaluation de la monnaie chinoise.
Ces études utilisent soit une approche par la balance
des paiements soit une méthode dérivée de la théorie
de la parité des pouvoirs d'achat. Les résultats sont
assez hétérogènes en raison de la faiblesse des données statistiques disponibles, mais aussi parce que ces
méthodes reposent sur l'hypothèse d'une économie
proche du plein emploi et ne souffrant pas de changements structurels, ce qui est loin d'être le cas pour la
Chine. Toutes les études concluent cependant à
une sous-évaluation plus ou moins prononcée du
taux de change effectif réel chinois.
1. Méthodes d'évaluation du taux de change
réel d'équilibre2
Il existe trois méthodes principales pour estimer la
valeur d'équilibre du taux de change. Elles dérivent
des théories de la parité des taux d'intérêt (couverte ou
non), de la parité des pouvoirs d'achat et de l'approche
par la balance des paiements. La théorie de la parité
des taux d'intérêt est inapplicable dans un pays
comme la Chine dans la mesure où elle repose sur les
hypothèses d'un marché des capitaux concurrentiel et
de capitaux parfaitement mobiles, ce qui n’est clairement pas vérifié dans le cas de la Chine (voir
encadré 1).
1.1 L'approche par la balance des paiements
L'approche par la balance des paiements, définie par
par J. Williamson en 19833, est un processus en trois
2. Les paragraphes 1.1 et 1.2 reprennent les arguments développés par
S. Dunaway et X. Li (2005) : «Estimating China's equilibrium
exchange rate», IMF Working Paper 05/202.
étapes. Celui-ci consiste tout d'abord à établir la position sous-jacente du compte courant au taux de
change en vigueur, puis à définir, en fonction des conditions structurelles de l'économie, une norme (équilibre «structurel» de l'épargne et de l'investissement
interne, stabilisation du stock net d'actifs étrangers,
flux net de capitaux «normal») qui reflète l'équilibre de
la balance des paiements. Cette norme dépend des
caractéristiques de l’économie telles que le niveau de
développement, la structure démographique et la
situation budgétaire. La troisième étape consiste enfin
à établir, à l'aide d'un modèle de commerce international, l'ajustement du taux de change nécessaire pour
réconcilier le solde du compte courant et l'objectif
d'équilibre défini dans la deuxième étape. Cet écart est
utilisé comme une mesure de la sous-évaluation du
taux de change réel. Une description détaillée de cette
méthode est présentée dans DPAE n° 724, qui conclut
à une sous-évaluation de 20 à 30% des monnaies asiatiques.
Cette approche rencontre cependant un certain nombre de contraintes qui peuvent limiter la valeur de ses
conclusions. Elle requiert une quantité importante de
données et repose sur la stabilité des relations structurelles liant l'épargne, l'investissement et le compte
courant. Elle dépend, de plus, d'éléments subjectifs
pour la détermination de la position sous-jacente du
compte courant ainsi que pour la fixation de la norme
servant d'indicateur de l'équilibre de la balance des
paiements. Il se pose aussi des problèmes d'endogénéité dans la détermination de la norme utilisée dans
la deuxième étape car son niveau dépend de manière
croissante du taux de change réel à mesure que l'économie s'ouvre. Enfin, la dernière étape repose sur
l'utilisation d'un modèle d'échange en équilibre partiel
qui a tendance, par construction, à surestimer la correction à apporter au taux de change pour ramener
l'économie à l'équilibre.
3. J. Williamson (1983) : «The exchange rate system», Institute for
International Economics, Washington D.C.
4. B. Carton, K. Hevré et N. Terfous (Mai 2005) : «Interventions de
change asiatiques et taux de change d’équilibre».
Tableau 1 : estimations du taux de change réel d'équilibre
Approche par la balance des paiements
Approche par la parité des pouvoirs d'achat
Estimation de la sousévaluation
Année
considérée
15 - 30 %
2004
Lee, et al (2005)
Wang (2004)
légère surévaluation
2003
Coudert et Couharde (2005)
Wang (2004)
légère sous-évaluation
2003
23 %
2003
Goldstein (2004)
Coudert et Couharde (2005)
Estimation de la sousévaluation
Année
considérée
légère sous-évaluation
2004
18 - 49 %
2002
Wang (2004)
5%
2004
Frankel (2004)
36%
2000
Source : S. Dunaway et X. Li (2005).
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3
Encadré 1 : la théorie de la parité des taux d'intérêt non couverte et le taux de change chinois.
La théorie de la parité des taux d’intérêt non couverte repose sur la loi du prix unique appliquée aux marchés financiers.
Elle prédit que la parité des rendements des placements financiers doit être vérifiée pour deux pays distincts, en l'absence
de barrières aux mouvements de capitaux et si les marchés des capitaux sont parfaitement concurrentiels. Tout écart constaté entre les taux d'intérêt nominaux implique une variation du taux de change qui viendra le compenser.
Cette définition est résumée par l'équation suivante
(1) i = i∗ + ∆e
avec i le taux d'intérêt nominal chinois et ∆e la variation du taux de change anticipé exprimée en pourcentage (toute augmentation de e correspond à une dépréciation anticipée du renminbi par rapport au dollar américain). Les variables avec
une étoile représentent les valeurs aux États-Unis. En réarrangeant l'équation (1), on obtient l'expression pour la variation
de change : la variation du taux de change est égale à l’écart de taux d’intérêt entre les deux pays.
(1’) ∆e = i – i∗
Le contrôle des capitaux sortants affecte la valeur d'équilibre du taux d'intérêt nominal chinois i, ce qui biaise l'estimation
du taux de change d'équilibre.
La combinaison de la définition du taux d'intérêt nominal (2) avec celle de la parité relative des pouvoirs d'achat (3) permet
d’identifier la seconde difficulté majeure empêchant d'appliquer cette méthode au cas chinois.
(2) i = r + ∆p où r est le taux d’intérêt réel et ∆p le taux d’inflation
(2*) i∗ = r∗ + ∆p∗
(3) ∆p∗ = ∆e + ∆p
En soustrayant (2*) à (2) et en remplaçant ( ∆p∗ – ∆p ) par son expression dans (3) on obtient l'équation suivante :
(4) ∆e = ( r∗ – r ) – ( i∗ – i )
L'hypothèse de concurrence parfaite et celle de libre circulation des capitaux impliquent que la productivité marginale du
capital investi en Chine doit être la même qu'aux États-Unis (r = r*). On retombe alors sur l'équation (1’) exprimant la
parité non couverte des taux d’intérêt. Cependant aucune de ces hypothèses n’est actuellement vérifiée en Chine, r diffère
de r*. La mauvaise qualité des données et les distordions de concurrence sur le marché chinois des capitaux empêchent
d'estimer r. Combiné au fait que le taux d'intérêt nominal i n'est pas à sa valeur d'équilibre, cela empêche toute estimation
réaliste de l'équation (4) et donc la détermination de la valeur d'équilibre du taux de change réel du renminbi.
Les études récentes qui utilisent cette méthode
concluent à une sous évaluation du taux de
change effectif réel comprise entre 0%5 et 30%6
avec un point médian pour l'étude de Coudert et
Couharde7 à 23% (voir tableau 1). L’estimation
effectuée pour l’ensemble des monnaies asiatiques
(hors yen) par la DGTPE et présentée dans le DPAE
n°72, se situe dans le même ordre de grandeur. Les
écarts s'expliquent par des hypothèses différentes faites à chacune des trois étapes
5. Wang T. (2004), «Exchange rate dynamics» in China's growth and
integration into the world economy: prospects and challenges ed.
By E. Prasad, IMF Occasional Paper 232.
6. Goldstein M. (2004), «Adjusting China's exchange rate policies»,
présenté au «IMF's seminar on China foreign exchange system»,
Dalian, Chine, Mai 26-27.
7. Coudert V. et C. Couharde (2005), «Real equilibrium exchange rate
in China», CEPII Working Paper N° 2005-01.
1.2 L'approche dérivée de la théorie de la parité
des pouvoirs d'achat
L'estimation du taux de change réel d'équilibre par une
méthode dérivée de la théorie de la parité des pouvoirs
d'achat est plus simple que la précédente. Elle consiste
à supposer qu'un certain nombre de facteurs, tels que
l'effet Balassa-Samuelson (voir encadré 2), les flux
nets de capitaux ou la variation des termes de
l'échange font s’écarter le taux de change de sa valeur
de long terme, définie par la parité des pouvoirs
d'achat. Pour trouver la valeur d'équilibre du taux de
change, on estime tout d'abord une équation, qui
inclut l'ensemble des facteurs cités ci-dessus, sur un
panel de pays. Le taux de change réel d'un pays donné
est ensuite supposé à l'équilibre quand sa valeur observée est proche de la valeur prédite par l'équation esti-
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4
mée. Cette méthode est sujette, comme la précédente,
au problème lié à l’instabilité des relations structurelles
sous-jacentes mais aussi aux difficultés classiques liées
aux régressions économétriques telles que le choix des
variables explicatives et la manière dont elles sont
mesurées. Cette métode est parfois appelée BEER ou
PEER (Behavioural ou Permanent Equilibrium
Exchange Rate).
Plusieurs études concluent que le taux de change
réel chinois ne s'est pas apprécié autant que
l'effet Balassa-Samuelson ne permettait de le prédire et concluent donc à sa sous-évaluation. Les
conclusions varient (voir tableau 1) de 0%8 à 49%9 en
passant par des valeurs intermédiaires10. Les écarts
s'expliquent par l'échantillon de pays utilisé pour estimer l'équation ainsi que par les variables explicatives
qui y sont incluses.
Encadré 2 : l'effet Balassa-Samuelson
rationnement de l'offre de travail. Or dans le cas de
la Chine, le nombre de personnes sans emploi ou
sous-employées avoisine 200 millions ce qui fragilise l'argument.
Deuxièmement, l’effet Balassa-Samuelson repose sur
une corrélation importante entre la variation des salaires et celle des prix. Or elle n’apparaît pas aussi forte
en Chine qu'elle peut l'être dans une économie de
marché classique dans la mesure où une partie des
prix est encore contrôlée par l’État et que la libéralisation en cours n’intervient pas de manière
uniforme dans tous les secteurs.
Ces deux difficultés affaiblissent donc singulièrement
l’argument selon lequel l'effet Balassa-Samuelson prédirait un taux de change réel supérieur à celui observé
dans la mesure où la structure actuelle de l'économie
chinoise ne lui permet pas de jouer à plein. La sousévaluation du taux de change est donc vraisemblablement inférieure à celle qui est mesurée
dans les études précédemment citées.
1.3 L'évolution récente des fondamentaux
La productivité dans le secteur des biens échangeables
croît plus vite que celle du secteur des biens non échangeables en raison de la concurrence internationale. Les
salaires dans le secteur des biens échangeables augmentent en proportion de la productivité, entrainant par la
suite les salaires du secteur des biens non-échangeables,
qui se retrouvent à croître plus vite que la productivité
de leur secteur. Il en résulte une augmentation des prix
relatifs des biens non-échangeables par rapport aux
biens échangeables.
En aggrégé, pour un pays «en rattrapage» dont le niveau
de la productivité est plus faible que dans le reste du
monde mais dont les gains de productivité sont forts,
ces hausses de salaires vont être plus forte qu’à l’étranger ; les prix domestiques ont donc tendance à croître
plus vite que les prix du reste du monde ce qui induit
une appréciation réelle du taux de change.
Deux difficultés théoriques apparaissent dans l'application de cette méthode au cas chinois comme le font
remarquer S. Dunaway et X. Li11. Tout d’abord la
mesure de l’effet Balassa-Samuelson nécessite que le
marché de l'emploi soit proche de l'équilibre afin que
les hausses de productivité se traduisent par une augmentation des salaires et non par une diminution du
Les estimations du taux de change réel d'équilibre
concluent toutes à une sous-évaluation mais divergent
quant à son ampleur. Elles doivent être traitées
avec prudence en raison des difficultés techniques soulevées précédemment mais aussi de
l'évolution rapide de la situation. En effet, les
séries statistiques utilisées dans les études citées cidessus portent pour la plupart sur 2003 ou 2004 et ne
prennent donc pas en compte l'évolution récente du
compte courant et des réserves de change chinois. La
situation a fortement évolué depuis un an. Les
réserves de change ont crû de plus de 35% en 2005
comme le montre le graphique 1. L'excédent du
compte courant est passé de 4,2% du PIB en 2004
à 7,3% en 2005 alors que les flux nets de capitaux
ont représenté un montant à peu près équivalent
(voir graphique 2). Si l'afflux de capitaux peut en partie s'expliquer par l'anticipation des marchés de voir le
taux de change s'apprécier, l'augmentation de l'excédent du compte courant plaide en faveur d'une sousévaluation réelle accrue.
Graphique 1 : réserves de change de la Banque
populaire de Chine
900
M ds $
600
8. Lee J., G.M. Milesi-Feretti, L. Ricci et S. Jayanthi (2005), «Equilibrium real exchange rate: estimates for industrial countries and
emerging markets», mimeo IMF.
9. Coudert V. et C. Couharde (2005), «Real equilibrium exchange rate
in China», CEPII Working Paper N° 2005-01.
10. Frankel J. (2004), «On the Renminbi: the choice between adjustment under a fixed exchange rate and adjustment under a flexible
rate», NBER Working Paper 11274.
11. Dunaway S. et X. Li (2005), «Estimating China's» equilibrium
«exchange rate», IMF Working Paper 05/202.
300
0
2001
2002
2003
2004
2005
Source : International Financial Statistics (FMI).
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et de la Politique Économique
5
Graphique 2 : balance des paiements
2.1 Les demandes américaines et la position des
autorités chinoises
300
Mds $
200
100
0
compte courant
compte de capital
erreurs et omissions
variation de réserves
Le G7 demande régulièrement depuis 2003 aux autorités des pays asiatiques d’introduire davantage de
flexibilité et de laisser leurs taux de change s'apprécier.
A cet égard, le communiqué du G7 de Londres
(décembre 2005) s’attendait à «ce que la poursuite de la
mise en oeuvre d’une plus grande flexibilité du régime de change
chinois améliore le fonctionnement et la stabilité de l’économie
mondiale et du système monétaire international».
-100
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
(prev)
Source : International Financial Statistics (FMI).
2. Les limites à une appréciation importante
du taux de change à court terme
Les éléments développés ci-dessus plaident en faveur
d'une appréciation significative du taux de change de
la monnaie chinoise qui pourrait s'exprimer dans le
cadre du régime de change plus flexible adopté à l'été
2005 (voir encadré 3). Le différentiel de compétitivité
globale de la Chine avec ses principaux partenaires
semble suffisamment important pour permettre à
l'économie d'absorber une appréciation significative
du taux de change réel à court terme. Les gains de productivité potentiels, d'une économie dont les stocks
de capital physique et humain sont encore peut-être
nettement inférieurs à ceux des pays développés, sont
tels que l'appréciation du taux de change réel pourrait
se poursuivre à moyen terme sans créer de dommages
significatifs à la compétitivité globale de l'économie
chinoise. Cependant la fragilité de plusieurs secteurs
de l'économie devrait inciter à la prudence et à un ajustement graduel vers le taux d'équilibre.
Aux Etats-Unis, le Congrès estime que l’industrie
américaine souffre d’une concurrence déloyale exercée par la Chine qui manipulerait son taux de change12.
Le Trésor américain publie un rapport semestriel
pour le Congrès («Report to Congress on international economic and exchange rate policies»), dont la
dernière publication qui date de l’automne 2005 est
plus mesurée, le Trésor ne souhaitant pas envenimer
les relations bilatérales.
Les autorités chinoises ont partiellement répondu aux
demandes américaines et du G7 (tout en s'en défendant) en adoptant un nouveau régime de change et en
permettant une appréciation de leur taux de
change de 2,6% par rapport au dollar depuis le 21
juillet 2005. Elles estiment cependant avoir (du moins
temporairement) apporté une réponse à la question du
taux de change et souhaitent maintenant concentrer leurs efforts sur le rééquilibrage de la croissance économique au profit de la consommation
intérieure et le sauvetage des systèmes social et
de retraites, comme l'a indiqué cet automne le gouverneur de la banque centrale.
12. L'US-China economic and security review commission a recommandé à l’automne 2005 à l'administration américaine d'exiger une
réévaluation minimale de 25% de la monnaie chinoise pour renoncer à la mise en oeuvre de sanctions.
Encadré 3 : la réforme du régime de change chinois du 21 juillet 2005
Le 21 juillet 2005, les autorités chinoises ont annoncé une réévaluation de 2,1% du taux de change du yuan par rapport au
dollar (de 8,28 CNY/USD à 8.11 CNY/USD) et dans le même temps une réforme du régime de change.
Le nouveau régime prévoit toujours une bande de fluctuation de ± 0,3% autour d'un cours pivot mais la nature de ce dernier a changé. D’une part il est maintenant défini en référence à un panier de monnaies dont la composition demeure
cependant inconnue. D’autre part, et c’est la principale différence, le cours pivot n'est plus fixe mais varie chaque jour. Le
cours pivot du jour est défini par la valeur du taux de change de la veille à la clôture des marchés. Cela permettrait donc, en
théorie, au taux de change de glisser de 0,3% par jour et aux autorités d'adopter un régime de «crawling peg».
La libéralisation du marché des changes est progressive : le 3 janvier 2006, la Banque centrale a franchi une étape supplémentaire en autorisant le fonctionnement d’un marché interbancaire de gré à gré en plus du marché officiel. Les transactions de change n’ont donc plus systématiquement la banque centrale pour contrepartie.
Dans la pratique, les autorités monétaires chinoises semblent toujours attacher la plus grande importance au taux de
change avec le dollar et ne souhaitent pas le voir fluctuer. En effet, elles n'ont laissé le taux de change s'apprécier que de
0,5% depuis la réforme et la réévaluation de juillet 2005.
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Les termes du swap d'une année conclu fin novembre
2005 par la Banque populaire de Chine avec dix banques commerciales permettent de se faire une idée de
l'ordre de grandeur de l'appréciation du renminbi
envisagée par les autorités pour l'année à venir.
L'accord prévoit un taux de 7.85 renminbi pour un
dollar, ce qui implique que la banque centrale envisage implicitement une appréciation de l'ordre de
3% pour l'année à venir13.
Le FMI n'a pas contesté le choix des autorités chinoises de limiter les fluctuations du taux de change depuis
le changement de régime mais a indiqué lors d’une
conférence de presse donnée par le Directeur du
département Asie en novembre 2005 que le temps
était maintenant venu de laisser les forces de marché
jouer un rôle plus important dans sa détermination.
Par ailleurs, R. Rato a clairement indiqué il y a quelques jours que la Chine devait maintenant aller plus
loin dans la flexibilisation de son régime de change.
De même le dernier communiqué du G7 cité plus haut
indique clairement que davantage de flexibilité serait
maintenant souhaitable.
2.2 Les contraintes internes limitant la possibilité d’une appréciation rapide et importante
Le fait que la sous-évaluation du taux de change réel
semble avérée et que le différentiel de productivité de
la Chine avec ses principaux partenaires commerciaux
soit important n'implique cependant pas nécessairement qu'une correction trop rapide du taux de change
nominal soit souhaitable. En effet, une variation brutale des prix relatifs aurait vraisemblablement des conséquences importantes sur certains secteurs de
l'économie réelle dont la productivité est encore faible
et (ou) dans lesquels des réformes d’ajustement sont
nécessaires mais ne peuvent être réalisées que graduellement.
Le secteur agricole souffre d'un excédent de main
d'œuvre et sa productivité est vraisemblablement
inférieure à celle du reste de l'économie. Si l'appréciation du taux de change devait être trop brutale, la
production nationale perdrait sa compétitivité par rapport aux importations et le surplus de main d'œuvre
du secteur, estimé à 150 millions de personnes par les
autorités chinoises, pourrait progressivement migrer
vers les villes comme l'explique R. Mundell14. Par
13. La banque centrale a prêté 6 milliards de dollars aux banques commerciales en leur assurant qu'elle les rachèterait à 7,85 CNY/USD
dans un an. La différence de taux de change ne reflète que le différentiel de taux d'intérêt (2,86%) au moment de la transaction. On
peut cependant raisonnablement penser qu' avec cette opération, la
Banque populaire de Chine cherche à influencer les anticipations
des marchés.
14. R. Mundell (2004) : «China's exchange rate: the case for the status
quo», article présenté lors du séminaire du FMI sur «les systèmes
de change», Dalian, Chine, 26-27 mai.
ailleurs, la baisse des prix agricoles aurait un impact
négatif important sur le pouvoir d’achat de la population concernée. Compte tenu du niveau d'inégalités
déjà critique de la société chinoise15, les mouvements
de population et la baisse des prix relatifs de l’agriculture pourraient créer des tensions sociales et des problèmes politiques importants.
Les avis sont plus contrastés sur la capacité du secteur
bancaire à absorber une appréciation significative du
taux de change. Les actifs nets en devises étrangères des banques commerciales s'élevaient à 114
milliards de dollars à la fin 2004. Ce chiffre peut
paraître relativement modeste en proportion du PIB
(6,9%), comme le suggèrent E. Prasad et ali16. Néanmoins, la faible rentabilité du système bancaire,
l'absence d'instruments de couverture et la possibilité
que certains établissements détiennent une part non
négligeable de leurs actifs en monnaie étrangère laissent peser le risque d'une crise systémique si l'appréciation de la monnaie devait être trop brutale. Les
problèmes du secteur financier peuvent se répercuter
sur l’économie réelle et avoir des conséquences
importantes comme l’a montré la crise des pays du
Sud-Est asiatique à la fin des années 1990. Les conséquences sociales potentielles ne sont pas non plus
négligeables car le système bancaire maintient encore
artificiellement en vie une partie des entreprises publiques qui emploient toujours une partie significative de
la main d'œuvre et lui fournissent une couverture
sociale. Là aussi, des réformes structurelles de grande
ampleur constituent un préalable important un ajustement plus rapide du taux de change.
L'argumentation présentée dans la Revue financière
Grande Chine 17repose sur l'hypothèse que le système
bancaire, en très mauvaise santé, ne peut voir sa rentabilité se dégrader plus encore et ne peut donc supporter une appréciation du taux de change supérieure
au différentiel de taux d'intérêt. Au taux d'intérêt en
vigueur, cet argument implique que la hausse du taux
de change ne doit pas dépasser 2,6% en 2006. Cette
conclusion est sans doute excessive car les actifs
libellés en monnaie étrangère ne représentent en
réalité qu’une petite partie du portefeuille des
banques. Elle peut cependant fournir une estimation
de l'ampleur de l'appréciation minimale pouvant être
envisagée même si une appréciation de plus grande
ampleur est sans doute souhaitable.
15. Le coefficient Gini aurait progressé de 0,4 (soir le 45e rang mondial) dans les années 1990 à 0,5 (soit le 15e rang mondial) en 2004.
Le coefficient maximum observé dans le monde est de 0,62.
16. E. Prasad, T. Rumbaugh et Q. Wang (2005) : «Putting the cart
before the horse? Capital account liberalization and exchange rate
flexibility in China», IMF Policy Discussion Paper 05/01.
17. Revue financière grande Chine (2005), n°302, 21 novembre 2005,
Mission économique de Pékin, Ambassade de France en Chine.
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et de la Politique Économique
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Le secteur exportateur ne serait pas le plus en
danger si une appréciation importante et rapide
du taux de change réel devait intervenir car une
part importante de la valeur des biens exportés
est constituée d'importations. De plus, la croissance de la productivité et la faiblesse des salaires relatifs assurent au secteur exportateur des marges élevées
qui permettraient d’amortir considérablement
l’impact de l’appréciation du taux de change sur les
prix d’exportations en monnaies étrangères et donc
sur la compétitivté extérieure des produits chinois.
Néanmoins, compte tenu de la part élevée du secteur
exportateur dans le PIB, un ralentissement même
minime, des exportations, aurait un impact sur la
croissance de l’économie chinoise. L'impact sur les
investissements directs étrangers serait en revanche
modéré, les compagnies étrangères étant désireuses de
s'implanter sur le marché chinois pour bénéficier du
fort potentiel de croissance de son marché intérieur.
2.3 Les autres contraintes de la politique de
change
Le taux de change réel chinois est sous-évalué et
son appréciation est inévitable à mesure que
l'ouverture de l'économie aux capitaux étrangers
rendra la politique de stérilisation18 des réserves
de change de plus en plus onéreuse.
En effet, le différentiel entre la rémunération des bons
du Trésor américain et celle des bons émis par la Banque populaire de Chine est aujourd'hui positif ce qui
permet aux autorités monétaires chinoises de stériliser
sans coût immédiat les entrées de capitaux étrangers.
Cependant, la libre circulation des flux de capitaux
devrait induire la convergence des taux d'intérêt
domestiques vers ceux des marchés mondiaux, rendant de nouveau coûteuse la stérilisation des réserves
de change.
Par ailleurs, il est préférable pour l'économie chinoise que l’appréciation réelle de la monnaie
s'opère via une appréciation du taux de change
nominal plutôt que par un accroissement de l'inflation en raison des ses effets distorsifs sur l'économie
réelle : les périodes d’inflation élevée empêchent les
agents économiques d’allouer leur épargne de manière
optimale car l’information sur les rendements réels
des actifs est moins claire. De plus, une inflation plus
élevée viendrait rogner le pouvoir d’achat des ménages et pèserait sur la demande intéreure, ce qui accroitrait encore l’excédent courant.
18. Les interventions de la banque centrale sur le marché des changes
ont un impact direct sur la masse monétaire. Pour éviter que l’achat
de dollars par la banque de Chine ne conduise à une augmentation
de la masse monétaire en circulation, elle doit vendre un montant
équivalent de titres sur le marché monétaire.
Il convient de noter que les autorités chinoises
attendent un rééquilibrage du compte courant
plus rapide que celui du taux de change. Si le
niveau du taux de change réel est un déterminant
important de la demande chinoise de biens étrangers,
il n'est pas le seul. Ainsi, toutes les mesures permettant
une augmentation de la consommation devraient
avoir un effet positif. C'est en particulier le cas des
mesures de redistribution qui permettraient de réduire
les inégalités et d'accroître ainsi la demande intérieure.19
2.4 Les perspectives d’évolution du régime de
change ne sont pas indépendantes de la question de l’ouverture du compte de capital
Une flexibilisation plus poussée de la politique de
change pourrait passer par un démantèlement
progressif du contrôle des capitaux sortants20,
qui peut lui-même avoir en retour un impact sur
le taux de change réel d’équilibre.
En effet, la libéralisation du compte de capital pourrait
inciter les ménages chinois à diversifier leur portefeuille et placer une partie de leur épargne à l'étranger.
Ces sorties de capitaux ajoutées à celle des capitaux
spéculatifs, entrés dans le pays pour profiter de
l'appréciation du taux de change nominal et qui ressortiraient une fois l’appréciation réalisée, pourraient
ensuite pousser le taux de change d'équilibre à la
baisse.
Ce mécanisme plaide aussi en faveur d’une flexibilisation graduelle du régime de change accompagnée
d’une ouverture progressive du compte de capital. Les
autorités n'ont, en effet, aucun intérêt à un surajustement, même temporaire (le temps qu'elles libéralisent
complètement leur compte de capital), de leur taux de
change.
Marc Y. Robert
Directeur de la Publication : Philippe BOUYOUX
Rédacteur en chef : Philippe GUDIN DE VALLERIN
Mise en page : Maryse DOS SANTOS
(01.44.87.18.51)
19. Voir notamment sur ce sujet O. Blanchard et F. Giavazzi (2005) :
«Rebalancing growth in China : a thre-handed approach», contribution au projet «China and the Global Economy 2010».
20. voir sur ce sujet le DPAE n° 93 : «L’Asie émergente et la libéralisation du compte de capital», Pierre Mongrue et Marc Robert qui
montre notamment que la libéralisation du compte de capital dans
les pays émergents doit être accompagnée d’une réforme du secteur
financier et d’une politique macro-économique équilibrée.
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