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Les Fumeurs Noirs
Historique
En 1948, des chercheurs suédois à bord de l'Albatross constatent une
température anormalement élevée dans une fosse de la Mer Rouge. Dès
1971, on pense que ce réchauffement peut provenir d'une circulation
d'eau au sein de la croûte océanique.
En 1974, lors de la campagne franco-américaine Famous sur la dorsale
Atlantique, le submersible Cyana remonte un bloc de manganèse presque
pur. Les chercheurs français viennent de découvrir les premiers dépôts
hydrothermaux.
En avril 1977, l'Alvin fait sur la dorsale du Pacifique au large des
Galápagos, une découverte qui bouleverse tous les scientifiques : la
première source active (eau tiède à environ 15 °) avec de la vie autour.
A bord de Cyana, des scientifiques français repèrent peu après les
premières cheminées, les fumeurs. Dommage : elles sont inactives. Mais
après analyse des échantillons remontés, il s'avère qu'elles sont
constituées de sulfures métalliques.
L'année suivante, les Américains dans la même zone ont la chance de
tomber sur des fumeurs chauds (350 °C) en activité.
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Définition
Un fumeur noir est un type
de source hydrothermale. Il
s’agit d’un évent d'eau chaude
qui sort de l'intérieur de la terre.
Ces sources sont localisées dans
tous les océans du monde, et
plus spécifiquement dans la
zone des dorsales océaniques,
elles peuvent former de
véritables champs
hydrothermaux de plusieurs
dizaines à plusieurs centaines de
mètres de longueur et de
largeur. Parfois retrouvées à des
milliers de kilomètres de
profondeur, les sources
hydrothermales présentent des
caractéristiques extrêmes et la
plus part du temps, une faune
luxuriante. Les émissions des
fumeurs noirs ne sont presque
pas diluées. Elles sont
composées de fluide
hydrothermal presque pur et
sont très riches en hydrogène
sulfuré (H
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S). La température
des fluides émis varie de 300 à 400 °C.
Le contact de ces fluides hydrothermaux incolores, mais chargés en
éléments chimiques, avec l’eau de mer environnante glaciale (2 °C)
entraîne la précipitation des sulfures. L’accumulation des sulfures entraîne
petit à petit la formation de structures imposantes qui peuvent mesurer
plusieurs mètres de hauteur.
Il existe d’autres types de sources hydrothermales, telles les fumeurs
blancs et les émissions diffuses. Les fumeurs blancs, rejettent du sulfate
de calcium à des températures moins élevées (entre 200 et 300 °C), leurs
eaux n'ayant pas pénétré aussi profond dans la croûte océanique. Et entre
les noirs et les blancs, il y a toutes les nuances de gris. Les émissions
diffuses ne présentent plus de cheminées, mais des suintements. Les
fluides sont extrêmement dilués et à faible température (3 à 50 °C). Dans
ces conditions, leurs émissions se distinguent par un effet de moirage,
comme celui d’un mirage sur une route goudronnée en pleine canicule. La
vie y trouve des conditions de température particulièrement favorables.
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Comparaison de deux types de fumeurs
Caractéristiques Les fumeurs noirs Les émissions diffuses
Température (°C) 300 - 400 3 - 50
Concentrations d’hydrogène
sulfuré élevées faibles
Concentrations d’oxygène faibles élevées
Concentrations en métaux lourds
élevées faibles
Acidité des fluides élevée faible
Toxicité pour la faune importante faible
La formation d'un Fumeur Noir
L’intense fissuration et la perméabilité de la croûte océanique dans les
zones d’écartement des plaques favorisent l’infiltration de l’eau de mer
froide 2 °C). Cette eau de mer se fraie un passage à travers ces
fissures et descend lentement dans un seau de conduits bordés de
roches volcaniques nouvellement formées. Lors de son parcours, l’eau se
réchauffe et sa composition s’enrichit d'une multitude de métaux et de
divers éléments chimiques qui, pour la faune que nous connaissons mieux,
seraient hautement toxiques. Les fluides hydrothermaux qui s’échappent
des évents de hautes températures sont rapidement dilués par l’eau de
mer environnante et une partie des minéraux qu’ils contiennent
précipitent pour former les édifices hydrothermaux qui peuvent mesurer
plusieurs mètres de hauteur et de circonférence. L'édifice hydrothermal le
plus haut connu mesure 40 mètres de haut, soit l'équivalent d'un
immeuble de 15 étages. Les édifices peuvent aussi présenter des ruches,
des surplombs et des orifices multiples.
Fumeur noir en activité
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Une faune luxuriante
Les sources hydrothermales ont été qualifiées dès leur découverte
d'oasis de vie. Cet écosystème regroupe en effet une luxuriante faune se
développant grâce à la chimiosynthèse. La biomasse est très importante
mais la diversité spécifique est faible. Aucune plante n'est retrouvée dans
le système hydrothermal.
En février 1977, lorsque le sous-marin américain Alvin plonge par 2500
mètres de profondeur sur la crête de la dorsale des Galapagos, par 86° de
longitude Ouest au niveau de l'équateur, les observateurs découvrent
ébahis, une profusion de vie : une communauté d'organismes étranges de
grande taille et de morphologie étonnante forment autour des sources
chaudes des peuplements exubérants qui contrastent avec la pauvreté de
ceux des basaltes de la dorsale. Corliss et Van Andel, les deux géologues
présents dans le sous-marin, poursuivent leur chemin sur le fond et
découvrent autour de sources d'eau tiède (une dizaine de degrés au
dessus de la température ambiante de 2°C) de nombreux organismes
étranges qu'ils nomment en fonction de leur ressemblance : ainsi
apparurent dans la littérature scientifique le "pissenlit", le "ver tubicole
géant", le "clam géant", le "ver spaghetti", etc. Les scientifiques tombent
sous le charme et donnent à ces sites hydrothermaux des noms
évocateurs comme "La Roseraie", "Le Four à Coquillages", "Le Jardin de
l'Eden", etc.
Une population de vers géants (Riftia pachyptila)
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Dans un site hydrothermal, les organismes se répartissent en fonction
de leurs préférences écologiques et de leur capacité à résister à
l'agressivité du milieu. Les différentes espèces sont disposées en auréoles
concentriques autour des évents hydrothermaux. Sur la ride du Pacifique
oriental, on peut décrire une zonation (découpage en grands étages
verticaux) des principales espèces : sur les cheminées actives, les vers de
Pompéi qui broutent les bactéries, puis dans le fluide plus dilué les vers
géants, les clams et les modioles qui vivent en symbioses avec des
bactéries productrices, puis sur la ceinture extérieure, les serpules qui
filtrent la matière organique. C'est un schéma général que l'on retrouve
quel que soit l'océan, même si les organismes peuvent varier. Ainsi dans
les bassins-arrière-arc du Pacifique occidental, on peut trouver à la place
des vers géants, des gros gastéropodes et à la place des serpules, des
anatifes ou des balanes. Dans l'Atlantique, les vers de Pompei sont
remplacés sur les parois des fumeurs par des essaims très denses de
crevettes aveugles, et les serpules par des actinies.
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