Dossier pédagogique

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Les filles aux mains jaunes, porte un nouveau regard sur la Grande Guerre, en retraçant à travers elle, l’histoire de l’émancipation féminine. À notre connaissance, c’est la première fois que la Première Guerre Mondiale est abordée au théâtre sous l'angle de la condition féminine. En 2014, nous sommes entrés dans la période du centenaire de la Première Guerre Mondiale. Au-­‐delà des commémorations, et à travers elles, revenir sur un conflit aussi meurtrier et qui dessine encore l'Europe d'aujourd'hui, est toujours générateur de multiples questionnements. Notre fiction veut interroger et nourrir la réflexion sur ce que l'on retient de ce conflit, ce qu'il a initié en matière de bouleversements culturels dont nous sommes encore les héritiers, les époques qu'il a closes et les perspectives qu'il a ouvertes. Ce projet est un partenariat entre différentes structures culturelles implantées en Belgique, au Luxembourg et en France. Les filles aux mains jaunes est un prolongement cohérent en regard de notre démarche artistique, de notre implication dans les débats qui traversent la politique européenne d’aujourd’hui et notre volonté de rayonnement et de diffusion. À travers ce nouveau projet, nous voulons développer nos réseaux et pérenniser des collaborations et partenariats au niveau européen afin de participer à une réflexion, sur le spectacle vivant, ses formes, ses choix, son devenir. Dynamo Théâtre a reçu en 2012 et 2013, le soutien du Programme Culture de l’Union Européenne et de la CITF (Commission Internationale du Théâtre Francophone) pour ses précédents projets artistiques menés en partenariat avec quatre pays : Belgique, Turquie, Roumanie et France. Dans une optique d’échange de méthodes de travail, de visions de nos métiers, de métissages d'esthétiques et de partage de mémoire, ce projet fait appel à une distribution franco-­‐belge. La Production Théâtre Municipal de Esch-­‐sur-­‐Alzette, Luxembourg Théâtre le Public, Bruxelles Théâtre Le Sémaphore scène conventionnée, Port de Bouc, Bouches du Rhône Théâtre de Grasse scène conventionnée, Grasse, Alpes Maritimes La Chartreuse, Centre National des Ecritures du Spectacle Villeneuve-­‐les-­‐Avignon Théâtre des Doms, Avignon Éclats de Scènes-­‐CultureS Itinérantes, Vaucluse Les filles aux mains jaunes bénéficie du soutien de l : -
la Drac PACA, -
la Région PACA, -
la Ville de Marseille, -
Beaumarchais/SACD, -
ADAMI, -
SPEDIDAM, -
Mission du Centenaire - l’Aide à la diffusion du département du Pas de Calais. Le spectacle est labellisé « Mission du Centenaire » 3
Le résumé de la pièce 1914. Julie, Rose, Jeanne et Louise travaillent dans une usine d’armement. On les appellent les obusettes. Ou encore les filles aux mains jaunes car la manipulation quotidienne des substances explosives colore durablement leurs mains et leurs cheveux. Elles ont, toutes les quatre, un mari, un frère, des enfants sur le front, une famille à nourrir « sans homme à la maison ». Et pour certaines : des rêves d’émancipation... Dans l’enfer de l’arsenal, empoisonnées chaque jour par cette poudre jaune qui ne part plus à la toilette, payées deux fois moins que les hommes, elles font la connaissance de leur destin d’ouvrières. La voix de la petite Louise, la suffragette, résonne, éprise de liberté. Jeanne coud les robes noires du deuil et maudit l’ennemi. Julie attend l’amour et aspire la vie. Rose espère son mari... « (…) Autour d’une condition très souvent passée sous silence, un texte, très émouvant, aux accents de vérité, dans la tradition d’un théâtre social réussi, et quatre beaux portraits de femmes qui nous apprennent à les aimer pour toutes ces valeurs que les hommes, trop souvent, négligent. » Gilles Boulan (comité de lecture du PantaThéâtre, Caen) 4
Extrait du texte Rose Pourquoi tu es comme ça ? Louise Pourquoi je suis comment ? Rose Comme tu es. Enragée ! Tu as toujours les mâchoires serrées, tu ne te reposes jamais. Il y a eu un moment où tu as décidé que tu serais comme ça toute ta vie ? Louise Je veux ma place, c’est tout. Et une place pour chacune. Rose Tu es folle, tu n’arrives pas à soulever des obus et tu veux déplacer des montagnes ! ça ne se fait pas, de toute façon. Louise Pourquoi ? Rose Parce que chacun doit avoir son rôle. Tu te vois partir à la guerre à leur place ? Et qui ferait des enfants ? Et qui s’occuperait d’eux ? Et comment serait le pays quand ils rentreront ? Louise La guerre…on n’est pas à l’arrière ici, qu’est-­‐ce que tu crois. On est là où le front et l’arrière se rencontrent. C’est comme si on y était. On connaît des choses que personne devrait connaître. On prend des risques que personne ne prend. Tu devrais découvrir le monde, lire… Rose Arrête tes bêtises. Si tu crois que j’ai le temps. Louise Rose, le Bibelot. Tu n’es pas plus bête qu’une anglaise toute nue. Et pas plus nigaude qu’un autre. Qu’un de ceux qui se font la guerre, là-­‐haut. Rose Mon homme y est, tais-­‐toi. Louise Je t’amènerai des livres. Rose Je t’ai dit, j’ai pas le temps et ça donne mal à la tête. ….. Les filles aux mains jaunes/Michel Bellier Ce texte a obtenu la bourse d’aide à l’écriture Beaumarchais et a été écrit en résidence à Mariemont (Belgique) accueilli par les Éditions Lansman, le Centre des Écritures Dramatiques Wallonie-­‐Bruxelles et l’ASBL Promotion-­‐Théâtre. 5
La distribution Texte Michel Bellier Mise en scène Joëlle Cattino Lumières & scénographie Jean Luc Martinez Costumes Camille Levavasseur Composition musicale et interprétation en scène Avec : Jean Philippe Feiss (violoncelle) -­‐ Céline Delbecq (Louise) -­‐ Anne Sylvain (Jeanne) -­‐ Blanche Van Hyfte (Julie) Valérie Bauchau (Rose) -­‐ 6
Dossier pédagogique réalisé par Laurence Lissoir Pour le Théâtre Le Public -­‐ Bruxelles Rencontre avec Michel Bellier 7
Michel Bellier, bonjour, quelques mots sur votre parcours? J’ai fait mes études de théâtre au conservatoire de Marseille. Textes et dramaturgie classiques, textes contemporains qui racontent le monde de maintenant, qui le mettent en questionnement. Et puis, j’ai voulu savoir comment toutes ces pièces superbes qui traversaient les siècles « tenaient debout », comment elles étaient maçonnées de l’intérieur. Je me suis familiarisé avec cette technique bizarre qu’on appelle dramaturgie en suivant de stages, en lisant beaucoup. J’ai commencé à écrire. Les premiers retours étaient bons. J’ai maintenant écrit une trentaine de pièces. Des longues, des courtes. Des projets personnels. Des commandes (Éclat(s) de Scènes, Dynamo Théâtre....) Des rencontres. Des résidences (La Chartreuse, Mariemont, Théâtre de Grasse, Festival ATC de Nancy...). Et puis des prix, des bourses (CNL, Beaumarchais...). J’ai eu de la chance : toutes mes pièces ont été jouées. En France, en Belgique, mais aussi au Québec, en Pologne, en Turquie... Certaines sont éditées. D’autres ont été de simples feux, de colère ou de joie. Qui n’ont vécu que la flamme de la représentation. J’anime aussi des stages et ateliers d’écriture réguliers. À destination des enseignants, des collégiens et lycéens mais aussi à l’intention de populations «empêchées» et «fragiles» (Protection Judiciaire de la Jeunesse, Prison des Beaumettes de Marseille, Hôpital psychiatrique d’Aix en Provence, dispositif Culture du Coeur). Comment est née l'idée de la pièce “Les filles aux mains jaunes”? Elle est venue de la conjonction de deux centres d’intérêt. J’ai toujours été passionné par l’histoire de la Première Guerre Mondiale. Et je me suis toujours intéressé à la condition féminine. La Première Guerre Mondiale a été le creuset de multiples bouleversements, politiques, culturels et sociétaux. C’est à cette période là que le féminisme se conscientise, se structure. C’est véritablement pendant ces quatre ans de guerre que la présence des femmes est devenue visible dans l’espace public et que nos sociétés occidentales ont bien été obligées d’accepter le fait qu’elle étaient indispensables à la vie de toute société, autrement que par la maternité. Pourtant, dans le domaine de la fiction, peu de choses ont encore été écrites sur ce sujet. L’histoire des femmes a toujours été masquée par de nombreuses zones d’ombre... J’ai eu envie de mettre en lumière l’histoire de ces ouvrières dont on n’a jamais beaucoup parlé. Comme à l’heure actuelle, il est de bon ton de dénigrer la cause féministe, de dépeindre les féministes comme des hystériques, j’ai eu envie de mettre mon grain de sel d’artiste afin de rappeler quelques vérités historiques à tous et aussi d’être utile aux jeunes générations sans pour autant donner de leçon de morale. J’ai voulu montrer que les acquis féminins d’aujourd’hui se sont gagnés par de longues luttes. Que jamais rien n’a coulé de source. Qu’être citoyenne, pouvoir disposer de son corps comme on l’entend n’a pas tout le temps été une évidence. Et que cette conscience se développe au moment de cette grande boucherie, au moment où commence véritablement le XXe siècle. J’avais envie d’évoquer tout ça à travers une fable. Pour mettre en regard cette période du XXe siècle avec les tentatives réactionnaires d’aujourd’hui de remettre en question ces acquis. Votre famille a-­‐t-­‐elle été particulièrement touchée par la Première Guerre ? Je fais partie d’une génération pour qui ce conflit n’est pas que de l’histoire qu’on trouve dans les livres. Beaucoup de gens de ma génération ont eu l’occasion de côtoyer d’anciens poilus, des femmes qui les ont attendus, qui ont dû travailler pour survivre en leur absence. Quand j’étais gamin, la Première Guerre Mondiale, pour nous c’était encore du vivant, du palpable, des souvenirs d’adultes que nous fréquentions. C’étaient nos proches. Encore valides, bien amochés, qui nous faisaient sauter sur leurs genoux. Qui, quelquefois, se racontaient et, souvent, avaient d’étranges silences... Mon grand-­‐père maternel a combattu dans les Dardanelles puis sur d’autres « théâtres » d’opération. Il en est revenu gazé. Et très silencieux sur ce qu’il avait vécu pendant quatre ans. Un des rares souvenirs que j’ai gardé de lui : ses jumelles de l’armée. La légende familiale dit qu’elles ont scruté les hauteurs de Sarajevo. Ce qu’avait fait ma grand-­‐mère pendant ces quatre ans de guerre, on n’en parlait pas. On ne parlait que 8
des hommes, à l’époque. Les femmes, elles avaient toujours été là. Quand j’étais môme, j’allais souvent en Champagne-­‐Ardenne. Nous, les enfants, nous évoluions dans des intérieurs parsemés de souvenirs de la guerre. Les culasses d’obus de la première guerre servaient de porte-­‐parapluie. Les casques de la deuxième guerre de pots de fleurs...Il y avait des douilles gravées sur la cheminée. Les gens bricolaient tout un artisanat improvisé à partir du cuivre qu’on retrouvait dans les champs. Tout un décor où subsistait l’histoire. Les souvenirs des deux guerres se superposaient. On entendait encore parler des Allemands comme des Boches... Votre texte est recommandé aux adolescents. Etait-­‐ce votre public cible ? Pas forcément. Il est destiné à tous les publics. Chaque fois que j’écris un texte, il y a tout un faisceau de raisons qui me font écrire sur tel ou tel sujet. Mais je ne me préoccupe jamais de la « cible ». Néanmoins, le fait que ce texte puisse rencontrer, émouvoir, intéresser, bousculer, un public adolescent me ravit. J’aime ces rencontres à plusieurs générations de distance. Écrire quelque chose qui suscite l’intérêt chez de plus jeunes me fait dire qu’on partage les memes questionnements, parfois les mêmes inquiétudes quant au devenir ou à l’histoire de notre planète. Et donc, qu’on vit dans le même monde. C’est plutôt enthousiasmant. En cette année du centenaire, ils ont sans doute reçu beaucoup d’informations à ce sujet, si cette pièce peut provoquer un intérêt supplémentaire sur cet aspect particulier, c’est gagné! Quand j’écris, je me garde bien d’apporter des réponses. Je me contente de poser des questions. C’est, à mon sens, là où se situe le travail d’artiste. Ecrire une pièce et la mettre en scène, est-­‐ce une obligation pour vous? Je mets rarement en scène les pièces que j’écris. J’ai besoin d’un autre oeil. J’ai besoin qu’un autre univers vienne se confronter au mien, vienne le questionner. De plus, mettre en scène mes propres textes m’obligerait à écrire de façon « raisonnable », à réfléchir en termes de « faisabilité ». Ça briderait ma pensée et mon imaginaire. Je me refuse à penser « pratique », « économique », « possible ». Si j’écris « tel personnage disparaît de façon magique » ou « l’immeuble s’écroule autour d’elle », c’est au metteur en scène de résoudre ce problème! Et en écho à cette réponse, il est primordial pour moi qu’un metteur en scène s’empare de mes textes. J’ai besoin d’un autre regard, que quelqu’un apporte son univers personnel sur le plateau. J’adore découvrir le résultat le soir de la première! C’est toujours un grand moment d’une excitation particulière. Je suis souvent surpris! Pour l’instant, jamais déçu ! “Les filles aux mains jaunes” est mise en scène par Joëlle Cattino, la directrice artistique de Dynamo Théâtre. Nous travaillons ensemble de façon complice depuis plusieurs années. Son univers se juxtapose parfaitement au mien. Ce qui donne des objets théâtraux toujours surprenants et qui subliment le texte. En tant qu'auteur, comédien etc, avez-­‐vous une activité artistique préférée à une autre? Sans en être blasé, loin de là, je connais bien le métier de comédien. Il se trouve qu’actuellement, je prends beaucoup de plaisir à écrire. C’est une façon d’être à l’origine des choses. Construire des univers, architecturer des histoires. Je continuerai à travailler en tant que comédien. C’est, pour moi, indispensable pour rester en relation avec le monde. Mais je découvre tous les jours, de nouveaux plaisirs, en tant qu’auteur. Plaisirs mêlés d’incertitude et, quelquefois, d’angoisse évidemment. Comment écrivez-­‐vous ? Avez-­‐vous un horaire strict ? Strict ou pas, j’ai un horaire régulier. C’est le meilleur moyen de donner forme aux idées parfois chaotiques, aux rêveries qui ne sont pas encore des idées. Je m’enferme dans mon bureau le matin très tôt, je travaille environ quatre heures. J’essaie que le quotidian n’interfère pas avec cette discipline. Ensuite, je me « resocialise », j’écris des mails, je réponds au téléphone. Quelquefois, j’écris en fin de journée. Sinon, je prends tout le temps des notes. Sur des cahiers d’écolier. J’en ai souvent plusieurs sur moi. Je prends des notes de façon compulsive. Une réplique entendue dans le métro, une situation dans un bistrot ou sur un bout de trottoir. Ce qui ne simplifie pas le classement des idées, je vous l’accorde ! 9
Quels sont vos prochains projets ? Je viens de finir une commande que m’a passée le metteur en scène belge Frédéric Dussène. Cette pièce a pour titre “Molière” et s’inspire librement du “Roman de Monsieur de Molière” de Boulgakhov. A travers l’œuvre de Molière et de sa démarche de metteur en scène-­‐chef de troupe, il s’agit d’examiner les liens que l’artiste entretient avec le pouvoir. De (re)-­‐découvrir aussi l’auteur, grand témoin de son époque, de faire état de son combat esthétique et intellectuel contre l’obscurantisme et tous les travers moralistes de son temps. Cette prochaine sera jouée au printemps 2016 au Théâtre des Martyrs à Bruxelles par la compagnie Théâtre en Liberté. En cours d’écriture actuellement deux pièces distinctes. “Un jour ça casse” une commande d’une troupe niçoise autour du concept de rupture. Un seule en scène qui met en perspective une vie cabossée. Ce spectacle a la particularité d’être destiné à être joué hors les murs des théâtres. “Que faire?”, prochain projet de création de Dynamo Théâtre, une forme de théâtre musical qui met en scène les liens que nous entretenons avec les utopies aujourd’hui. Cette pièce verra le jour courant 2017, la création est prévue au Théâtre le Public à Bruxelles. Le mot de la metteuse-­‐en-­‐scène Les filles aux mains jaunes évoquent une période historique précise qui couvre toute la période de la 1ère guerre mondiale. Les personnages sont l’éventail des émotions par lequel ces quatre femmes nous font vivre leurs destins particuliers bouleversés par la Grande Histoire. Pour autant, la mise en scène et la scénographie, dans leurs partis pris esthétiques, s’éloignent de toute tentative de reconstitution historique se voulant réaliste. L’univers industriel, la pénibilité de l’effort, l’accélération des cadences sont matérialisés par tout un vocabulaire de gestus symboliques. L’idée est aussi de rester au plus près d’un théâtre populaire, suscité par l’esprit du texte. La scénographie est épurée, elle privilégie le texte et surtout l'acteur. C'est autour de son action que s’élabore l’espace théâtral. D’où la nécessité d’une scénographie épurée, graphique, une création lumières où prédominent de violents contrastes, qui renforcent l'expressivité des corps. La musique prend part à l’énergie de la scène. Ici rien d’illustratif, rien de réaliste non plus : plans inclinés, répétition de gestes accompagnés par le violoncelle aux modulations tantôt douces tantôt trépidantes, suffisent à imaginer avec effroi, le bruit tonitruant des machines et le rythme de travail éreintant, aux temps de pauses si limités. Dans ce principe d’une narration alliant assonances et dissonances, dans cette relation étroite entre le théâtre et la musique, les voix se mêlent aux éclats sonores et musicaux. Un conflit sensible, au travers duquel, s'expriment les choix de théâtralité de la parole. Fidèle à ma conception de l’art théâtral, le réel est transposé. Espace symbolique, empreint d’une sensation de menace, l’usine, omni présente, naît de la rencontre géométrique de lignes et de plans, de l’opposition entre ombre et lumière. Contraste, découpant, comme au scalpel, l’univers violent dans lequel évoluent ces femmes. Se dégage de cet univers, une esthétique tourmentée, miroir de l’époque et du lieu, où se déroule l’action de la pièce. Il est en référence à l’univers des films expressionnistes allemands et constructivistes du début du XXème siècle, contemporains du cadre historique du récit. 10
L’auteur Michel Bellier Parallèlement à son métier de comédien, Michel Bellier est écrivain et plusieurs fois boursier (Centre National du Livre, fondation Beaumarchais), il a été lauréat des Journées de Lyon des auteurs de Théâtre 2007. Accueilli en résidence au CNES La Chartreuse, au Théâtre d’O de Montpellier, au Centre Culturel Itinérant du Nord Vaucluse Éclats de Scène, aux Rencontres de la Haute Romanche, dans le Département du Nord, au Centre Des Écritures Dramatiques Wallonie-­‐Bruxelles, la Marelle-­‐Villa des Auteurs Marseille. Il a écrit une vingtaine de pièces qui ont toutes été jouées. Il anime aussi stages et ateliers d’écriture. En direction des enseignants, en milieu scolaire mais aussi à destination de populations « empêchées » et « fragiles ». Il fut observateur pour le théâtre et la littérature lors du projet Directlink 2008, échanges culturels et artistiques entre la France et la Turquie d’Asie. Il est également titulaire du Diplôme d’État pour l’Enseignement du Théâtre. Bibliographie L’Étincelle (Lansman) 2003 Ils Seront Là Bientôt, les Hommes ? (L’Act Mem) 2007, lauréate des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre Hyperland (Lansman) 2011, dans La Scène aux Ados n°7 Jusqu’à la mer et au delà (Lansman) 2012 Et des poussières… (Lansman) 2012 Va jusqu’où tu pourras avec Sedef Ecer et Stanislas Cotton (Lansman) 2013 Les filles aux mains jaunes (Lansman) 2014 Bidoch’Market (Lansman) 2015 La grande aventure (DramEdition) 2015, dans 10 sur 10 Dans des ouvrages collectifs : Une Envie d’Envol sur le Bout de la Langue, postface à Sedef Ecer dans un Œil sur le Bazard (L’Espace d’un Instant) 2010 Une Lampée de Mots dans L’Auteur en Première Ligne (L’Avant-­‐Scène Théâtre) 2010 L’Arche des Noyés dans Envie de Méditerranée (Cahiers de l’Égaré), 2010 Le Cavalier Bleu dans 33000 Mots (La Revue des deux Mondes), 2011 La metteuse en scène Joëlle Cattino En tant qu’interprète et metteuse en scène, elle affirme depuis ses débuts une sensibilité pour la recherche d'une écriture scénique mêlant formes et styles, pièces contemporaines et adaptations de textes non théâtraux. Étudie la dramaturgie contemporaine auprès de Alain Knapp (l'acteur et la dramaturgie-­‐Théâtre de la Tempête Paris 1991), Philippe Minyana (CNES La Chartreuse Villeneuve-­‐Lès-­‐Avignon 1992). Formation jeu de l'acteur, le clown auprès de Philippe Hottier (Théâtre du Phénix Paris 1986/88). Actrice au théâtre, elle a joué depuis 1984, plus d’une trentaine de pièces, notamment sous la direction de Jean-­‐Louis Hourdin, Dominique Lardenois, Yves Fravéga, Shauna Kanter (New York), François-­‐Michel Pesenti, Anne-­‐M Pleis (Berlin), Gilbert Barba. Sous leurs directions elle crée des rôles issus du texte contemporain comme du répertoire classique (Adamov, Ditlevsen, Shakespeare, Brecht, Slimovitch, Goldoni, Tchékhov, Fo, Bellier, Grumberg,..). Metteuse en scène Depuis sa première expérimentation, "I don’t want to die, bad trip" d'après le Journal de Danielle Collobert, en collaboration avec Marie-­‐Christine Soma, en 1991 au Théâtre de la Balsamine à Bruxelles, jusqu'à "Ad Vitam", de Joël Jouanneau, une commande du Théâtre d’O, Montpellier en 2009, Joëlle Cattino a mis en scène plus d'une vingtaine de spectacles originaux, mêlant textes du répertoire, textes contemporains, composition musicale et travail sur l’image. En janvier 2009 elle fonde la structure Dynamo Théâtre. Et signe les premiers envois d’une série de travaux qu'elle initie autour de l’écriture dramatique en osmose avec son propre cheminement esthétique. Elle signe entre 2010 et 2013, quatre créations originales. Elle crée également des mesures d’accompagnement culturel en direction des publics jeunes et des publics éloignés des pratiques culturelles et artistiques. 11
Contexte historique Les femmes et la Première Guerre Mondiale Pendant la Première guerre mondiale, la contribution des femmes à l'effort de guerre a revêtu des formes multiples : courage des femmes d'agriculteurs qui, dans une France encore à dominante rurale et agricole, ont dû assumer à partir de l'été 1914 les durs travaux des champs, dévouement des infirmières qui ont soigné les soldats blessés dans les hôpitaux de guerre et les maisons de convalescence, compassion des « marraines de guerre » qui écrivaient et envoyaient des colis aux soldats du front, rendaient visite aux blessés dans les hôpitaux, courage aussi des femmes des villes qui ont dû pallier le manque de main d'oeuvre dans de nombreux secteurs d'activités, distribuant le courrier, conduisant les tramways, travaillant plus de 10 heures par jour dans les usines d'armement. L’appel aux Françaises de Viviani Le 7 août 1914, le Président du Conseil René Viviani, qui songe à une guerre courte, lance un appel aux femmes françaises, en fait aux paysannes, les seules dont il pense avoir un besoin urgent dans les campagnes désertées par les hommes. Il leur parle le langage viril de la mobilisation et de la gloire : « Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie. Remplacez sur le champ de travail de ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-­‐vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés ! Il n'y a pas, dans ces heures graves, de labeur infime. Tout est grand qui sert le pays. Debout ! A l'action ! A l'oeuvre ! Il y aura demain de la gloire pour tout le monde ». La mobilisation des ouvrières est bien plus tardive, vers la fin de l'année 1915, dans un contexte bien différent. Elles seront 400 000 fin 1917, début 1918, à l'apogée de la mobilisation féminine, alors que l'ensemble du personnel féminin du commerce et de l'industrie dépasse de 20 % son niveau d'avant-­‐guerre. Les munitionnettes La plupart des hommes en âge de travailler avaient été mobilisés en 1914. Au fur et à mesure que s'envola l'espoir d'une guerre courte et qu'on s'engageait dans une guerre longue et totale exigeant une mobilisation de l'économie, il fallut ramener dans les usines les ouvriers les plus qualifiés, et faire appel à la main d'oeuvre féminine. Un certain nombre de femmes travaillaient déjà avant la guerre, mais elles étaient le plus souvent cantonnées dans des tâches considérées comme secondaires. Ce qui était nouveau et frappa les esprits, ce fut leur embauche dans les usines d'armement, dont les ouvrières furent bientôt désignées sous le nom de « munitionnettes ». Les « munitionnettes » donnèrent lieu dans la presse à des dessins jetant un regard nouveau non dépourvu d'humour, sur le travail féminin et le statut de la femme au sein de la famille et de la société. La pénibilité du travail dans les usines d’armement La journaliste Marcelle CAPY, féministe et libertaire, travaille quelques semaines incognito dans une usine de guerre. Son témoignage paraît dans La Voix des femmes entre novembre 1917 et janvier 1918 : « L'ouvrière, toujours debout, saisit l'obus, le porte sur l'appareil dont elle soulève la partie supérieure. L'engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions (c'est le but de l'opération), relève la cloche, prend l'obus et le dépose à gauche. Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg. Au bout de 3/4 d'heure, je me suis avouée vaincue. J'ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900 000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7 millions de kilos. Arrivée fraîche et forte à l'usine, elle a perdu ses belles couleurs et n'est plus qu'une mince fillette épuisée. Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête : 35 000 kg ». Qui étaient les « filles aux mains jaunes » ? L’opinion publique les avait baptisées : les munitionnettes, les cartouchettes ou encore les obusettes. L’histoire a retenu d’elles des images mythifiées, transcendées. Des beauties héroïques façonnant l’obus qui allait décimer l’ennemi sur des cartes postales qui, aujourd’hui, font sourire par leur naïveté et leur désuétude. 12
Pendant tout le temps de la Première Guerre Mondiale, la nation en fit les héroïnes d’une nouvelle féminité. Au même titre que les infirmières (les Anges Blancs) et les marraines de guerre. Elles travaillaient douze heures par jour dans un danger permanent. Au mépris de toutes les règlementations sociales de l’époque. Avec, pour seule protection, une paire de gants et un verre de lait censé lutter contre les émanations des produits chimiques qu’elles maniaient sans arrêt. Pour un salaire supérieur à ceux des autres corps de métier certes, mais qui restait bien inférieur à n’importe quel salaire masculin. Au nom de l’Union Sacrée, décrétée par tous les partis politiques, tous les syndicats et toutes les ligues féministes, ces femmes qui n’avaient pas le droit de vote, oeuvraient pour la nation. La plupart ne lisaient pas les journaux. La plupart s’étaient retrouvées désemparées par le départ de leurs maris au front. La plupart se conformait au rôle qu’on leur donnait à jouer, à savoir celui d’êtres contemplatifs, écervelés, et peu au fait de la vie politique et sociale. Toutes vivaient dans l’angoisse de recevoir le télégramme du Ministère de la Guerre annonçant la mort au champ d’honneur de leur mari, de leur frère, de leur fils. Certaines, déjà, portaient le deuil. Elles-­‐mêmes se surnommaient les Canaris ou encore les Filles aux Mains Jaunes. Car jaune était la poudre de TNT qu’elles inhalaient quotidiennement et qui colorait leurs cheveux et leurs peaux de façon indélébile. Ainsi, dans la rue, dans l’autobus, on reconnaissait facilement une Fille aux Mains Jaunes. Quand la médecine du travail, toute balbutiante, put enfin pénétrer dans les usines d’armement et organiser des visites médicales, le constat fut terrifiant. Un nombre incalculable d’anémies, de maladies du foie, d’hypertrophies de la rate et de cancers en tous genres furent diagnostiqués. La plupart de ces femmes en âge d’avoir des enfants était soit devenue stérile, soit s’exposait à mettre au monde des enfants anormaux. En 1918, 430 000 femmes travaillaient dans les usines d’armement. La parole aux adolescents Ce texte a été lu par plusieurs étudiants qui en ont tous gardé un souvenir percutant. Il est étonnant qu’un texte parlant d’une situation tellement éloignée d’eux puissent arriver à les toucher et à leur faire comprendre une situation grâce aux parcours de ces quatre femmes. Voici quelques extraits révélateurs de la force du texte pour un public jeune: “Les filles aux mains jaunes” de Michel Bellier évoque un autre aspect de la première guerre mondiale. L'auteur contredit les stéréotypes de cette période que l'on retrouve dans les livres d'Histoire. Il décide de plutôt de mettre en avant les munitionnettes à la différence de leurs maris restés au front. Quatre héroïnes sont contraintes, pour se nourrir et pour vivre, de travailler dans une usine de fabrication d'obus dans des conditions précaires. Ces femmes qui luttent, ces femmes qui se révoltent pour la parité salariale et ces femmes qui s'interrogent sur la couleur jaune de leurs mains. Nous avons dévoré cette pièce, nous avons particulièrement aimé le fait que les femmes se révoltent contre leur salaire minable vu leur temps de travail. (…) Notre passage préféré fut le moment où elles se retrouvent pendant leur jour de congé. Nous vous conseillons tout particulièrement la lecture de cette pièce. Elle est très agréable à lire, on en apprend beaucoup plus sur les conditions de vie des munitionnettes. Notre classe l'a beaucoup aimée. Vous, lycéens, lorsque la pluie tombe et que les jeux vidéos vous agacent, lisez à tout prix cette pièce, vous serez surpris! Camille, Sarah, Léane, Thomas et Léna 13
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