1
ÉPREUVE D’ANALYSE D’UNE SITUATION PROFESSIONNELLE
OPTION LETTRES MODERNES « THÉÂTRE »
Rapport présenté par Yves Maubant
1
I. Rappel : les fondamentaux et les codes de l’épreuve
1. Bilan de la session
La session du Capes externe de Lettres option Modernes 2015 est la deuxième comportant la
nouvelle épreuve ASP ; la moyenne globale en ASP option théâtre (légèrement supérieure à
10) invite à se réjouir d'une meilleure maîtrise globale de l'exercice et de l'esprit de l'épreuve.
Cela montre notamment que les candidats ont su tenir compte du premier rapport de jury.
Cela confirme que cette épreuve, dont est rappelée ci-dessous la très nette définition, permet
la réussite, voire l'excellence quand elle est bien comprise et surtout bien entrainée. Nous
insisterons donc, dans l’exacte lignée d’un premier rapport fondateur, sur les codes de
l’épreuve mais aussi sur plusieurs points essentiels de vigilance que le jury tient à souligner
avec solennité et fermeté, dans un cadre que l’introduction du rapport 2014 précisait :
« L’épreuve d’analyse professionnelle, option théâtre, s’adresse avant tout à de futurs
professeurs de français et de littérature. Ce n’est pas une option de spécialité qui déboucherait
sur une certification donnant accès, par la suite, aux enseignements artistiques « théâtre ». En
revanche, elle nécessite d’avoir une bonne connaissance de ce qui touche au théâtre et de ce
qui figure, d’abord, en toutes lettres, dans les programmes de collège et de lycée. »
2. L’essentiel : la définition du concours et les modalités de passation de l’épreuve.
Rappelons la définition institutionnelle des épreuves dans le Journal officiel : JORF n°
0099 du 27 avril 2013.
2° Analyse d'une situation professionnelle.
Durée de la préparation : trois heures ; durée totale de l'épreuve : une heure (exposé : trente
minutes ; entretien : trente minutes) ; coefficient 2.
[…]
5. Théâtre ou cinéma.
L'épreuve consiste à élaborer, pour un niveau donné, un projet de séquence d'enseignement
assorti du développement d'une ance de cours, à partir d'un dossier proposé par le jury et
composé d'un ou de plusieurs textes littéraires ou de documents divers (reproductions
d'œuvres d'art, travaux de mises en scène, extraits de films, documents pour la classe,
articles...). Cette proposition du candidat sert de point de départ à un entretien d'analyse de
situation professionnelle.
[…]
b) Théâtre :
L'épreuve prend appui sur un ou plusieurs extraits d'une captation théâtrale
accompagné(s) d'un dossier constitué de plusieurs documents (photos de mises en scène,
textes, notes d'intention, articles théoriques ou critiques). Le candidat analyse les
1
Merci à tous les membres des commissions d’interrogation qui à travers sujets, indications
bibliographiques, contributions, remarques et échanges fructueux ont nourri ce rapport, œuvre
collective et collaborative. Merci à Isabelle Polizzi pour ses relectures attentives.
2
documents, les enjeux du dossier et les questions dramaturgiques posées par les extraits
en s'appuyant sur sa culture théâtrale et critique, de manière à en proposer une
exploitation sous la forme d'un projet de séquence.
L'épreuve d'analyse d'une situation professionnelle vérifie la capacité des candidats :
― à analyser ces textes ou ces documents et à faire preuve d'esprit critique ;
― à inscrire l'ensemble des textes et documents dans une démarche d'apprentissage en
relation avec les programmes et à proposer de manière précise et réfléchie la mise en œuvre
d'une séance dans une classe ;
à mobiliser, à un premier niveau de maîtrise, les procédés didactiques courants mis en
œuvre dans un contexte professionnel réel, procédés susceptibles notamment de favoriser
l'intérêt et l'activité propre des élèves, au service des apprentissages ;
― à se projeter dans l'exercice du futur métier ;
― à communiquer à l'oral de manière claire et organisée.
Au cours de l'entretien qui suit l'exposé du candidat, la perspective d'analyse de situation
professionnelle définie par l'épreuve est élargie à la capacité du candidat à prendre en compte
les acquis et les besoins des élèves, à se représenter la diversité des conditions d'exercice de
son métier futur, à en connaître de façon réfléchie le contexte dans ses différentes dimensions
(classe, équipe éducative, établissement, institution scolaire, société) et les valeurs qui le
portent, dont celles de la République.
Rappel des modalités de l'épreuve :
L’intitulé des billets est le suivant :
« En prenant appui sur l’ensemble des documents proposés (captation, textes, images), vous
analyserez les enjeux du dossier et les questions dramaturgiques posées en vous appuyant sur
votre culture théâtrale et critique, de manière à en proposer une exploitation sous la forme
d’un projet de séquence assorti du développement d’une séance de cours, à destination d’une
classe de [collège ou lycée]. »
Cet intitulé a une valeur prescriptive dont il faut prendre la mesure : le candidat ne doit pas
s'autoriser à changer le niveau (collège/lycée) pour lequel le sujet lui demande de composer,
ni à changer la classe quand celle-ci est explicitement désignée, et pas davantage proposer un
exposé sur une autre œuvre que celle qui lui est indiquée - faute de quoi il s'expose à des
horssujets évidemment pénalisés dans l'évaluation.
Comme le précisait le rapport 2014, « chaque sujet comporte un extrait de captation vidéo
d’une mise en scène donnée, ainsi qu’un dossier constitué de différents documents. On ne
s’interdira pas toutefois de proposer plusieurs extraits, courts, de captations dans le cas, par
exemple, d’une étude comparative de mises en scène. Des moyens de vidéo projection sont
mis à disposition du candidat, non seulement pendant le temps de préparation, mais aussi au
cours de son passage. Ces outils, très simples à manipuler, facilitent le visionnage, vivement
recommandé, d’une partie de la captation au cours de l’épreuve, devant le jury. »
L’épreuve se déroule en deux temps. Le candidat présente un exposé de 30 minutes : c’est là
une mesure qu’il faut bien prendre. Cet exposé s’appuie sur un dossier dont les éléments
s’articulent autour de la captation et d’enjeux dramaturgiques précis. Il doit contenir « un
projet de séquence assorti du développement d’une séance de cours » à destination d’une
classe ou d’un niveau donné.
Le candidat doit tenir pour acquis le fait que le jury ne s’exprime pas pendant l’exposé et
qu’il connait le dossier – textes et captation(s).
Dans un deuxième temps, un entretien de 30 minutes donnera l’occasion au jury d’échanger
avec le candidat sur sa présentation, de vérifier sa culture théâtrale au sens le plus large qui
3
soit, ainsi que sa connaissance du métier d’enseignant dans ses différentes composantes
institutionnelles.
3. Les meilleures prestations
Les meilleures prestations sont celles qui ont rendu manifeste l’équilibre et les liens entre
les deux temps de l’exposé : analyse des documents captation(s) comprise(s) - et pistes
d’exploitation didactique, c’est-à-dire celles qui ont su tirer profit d’une exploitation fine et
problématisée du dossier pour penser la construction didactique. Les connaissances
mobilisées à cette occasion (le théâtre de l’absurde, le tragique, l’ironie…) ne sont pas surtout
pas décontextualisées mais mises au service d’un dossier (théâtre contemporain par exemple)
qui les appelle directement. Une attention aux effets suscités par les objets esthétiques
singuliers (et dont on interroge la singularité) du dossier permet d’éviter les réflexes défensifs
de la fiche de cours, ou l’utilisation de certains concepts et connaissances plaquées qui font
écran à l’analyse concrète des documents. Par exemple analyser l’énonciation dans un extrait
où elle fait question, et faire apparaître les exploitations possibles en langue auprès des élèves
se vèle fructueux, tandis que les notions de « polyphonie informationnelle » ou « double
énonciation », utilisées sans discernement, deviennent de regrettables stéréotypes et ne
permettent pas une réflexion sur les dossiers.
Les meilleurs exposés ont également su faire un usage gulier et diversifié de la vidéo tout
le long du propos. Les modalités de cet usage sont diverses, complémentaires et très variées :
judicieux arrêt sur image en arrière plan et « décor » de l’exposé, prise de vue initiale à partir
d’un extrait bien choisi, analyse problématisée d’un groupement de séquences courtes ou
d’une séquence particulière de deux à trois minutes, développement significatif d’une séance
pédagogique dans la deuxième partie de l’exposé, analyse alternée texte / captation, mise en
regard systématisée d’extraits dans le cas de comparaison de captations. Le choix peut aussi
être de privilégier des commentaires thématiques : décor, lumière, déplacements ou regards,
dispositifs scéniques, travail de costumes, parfois en lien avec une iconographie ou le propos
d’un scénographe.
Les prestations qui ont mobilisé une réflexion sur le niveau de classe lorsque celui n’était
pas précisé et qui ont fait mention d’un titre et d’une problématique de séquence / de séance
clairement formulés c’est-à-dire tels qu’ils pourraient l’être auprès d’une classe - ont
également été appréciées. Le déroulé de la séquence se garde alors d’une approche par
empilement de séances et souligne un mouvement, une progression et un sens, c’est-à-dire à
la fois une direction et une signification, soulignés par le recours à des phases de synthèse, au
cours desquelles la démarche d’ensemble est indiquée ou rappelée.
Enfin les meilleurs candidats ont consacré un temps significatif (ne fixons pas de norme :
c’est la densité du propos qui a compté) à l’analyse (et non à la description) du dossier avant
la proposition d’action. C’est à la fois une commande institutionnelle et une logique de travail
: peut-on proposer une séance détaillée sans savoir ce qui légitime ce choix, sans l’argumenter
même ?
Conformément à la définition officielle du concours, les meilleurs oraux équilibrent donc
trois temps et trois propos :
- un d’analyse du dossier, captation comprise, qui en prend clairement la mesure
scientifique, culturelle et didactique ;
- un de séquence ou d’hypothèses d’action dument motivées à partir de la
problématisation du dossier.
4
- un de séance qui fait la preuve de la maitrise interprétative du candidat, et cela toujours
à partir de contenus du dossier et non pas de principes généraux et vides de sens (« les élèves
feront une recherche au CDI » pour prendre un exemple bien flou).
Pendant l’entretien, le jury a pu constater des qualités relationnelles, une capacité
d’adaptation précieuse dans le métier d'enseignement et une aptitude au dialogue et à la
remise en jeu des éléments de son exposé. Nous avons eu des candidats qui à cette occasion
se sont révélés, par la finesse de leurs analyses, par leur capacité à reconstruire certains
aspects de leur exposé avec l’aide du jury, par leur écoute active et un questionnement
intellectuel ouvert, par l’authenticité de leur culture théâtrale.
4. Conseils et préconisations.
Cette session de concours, pour le jury tout entier, révèle quelques points de vigilance sur
lesquels il nous faut insister.
1. Gérer son temps. Tenir les 30 minutes de son exposé, c’est les équilibrer et notamment,
nous soulignons, ne pas utiliser les deux tiers pour l'exposé linéaire, platement descriptif et
peu problématisé du dossier. Rechercher l'équilibre et la cohérence entre les moments de
son exposé, c’est ne sacrifier aucun des temps essentiels : ni la séance demandée, ni
l’analyse, distribuée ou groupée, de la captation.
Dans ce temps de monologue qui sait prendre en compte ses destinataires et travailler ses
effets d’adresse, un rythme de bon aloi est à trouver, ni trop lent ni trop expéditif. Certains
candidats ne permettent pas au jury de prendre des notes tant ils parlent vite. Il ne faut pas lire
ses notes les bras croisés mais régulièrement regarder le jury et s'assurer du fait qu'il est mis
dans la situation de suivre parfaitement ce qui se dit. Le texte dramatique proposé ne doit pas
être lu au jury, pas plus que la captation ne doit lui être montrée dans son intégralité sans autre
forme de procès, sans commentaire, voire sans le son !
2. Articuler le dossier à la captation. Il s’agit d’abord de laisser toute sa place à l’analyse
de la captation. Le recours régulier et les usages variés de la vidéo, comme nous l’avons
montré ci-dessus, sont appréciés, nécessaires et à entrainer en amont du concours : extraits
choisis avec soin, moments d'analyse de ceux-ci sans parasitage de sa voix par celle des
comédiens. Nous insistons sur cet équilibre à trouver pour une épreuve qui reste nouvelle
mais qui est très précisément définie.
On évitera deux défauts constatés par le jury : une diffusion complète de l’extrait sans autre
forme d’exploitation, ou une utilisation si ponctuelle qu’elle n’a pas le temps d’être
pertinente.
Le dossier offre des informations, des approches, des angles et même des interprétations
précieuses pour l'analyse de la captation à qui sait les lire. Comme nous l’avons déjà dit
cidessus, c’est une caractéristique fondatrice de cette nouvelle épreuve, soulignée dans le
rapport 2014 : « Nous rappelons qu’au cours de l’exposé la captation doit être utilisée et
commentée. Le candidat ne peut se contenter de références allusives. Il aura recours au
visionnage de courtes quences, il pourra faire des arrêts sur image. Il devra pouvoir faire la
preuve de sa capacité à commenter lui-même avec précision les choix du metteur en scène et
leurs significations. »
Nous notons pour un nombre certain de candidats, épreuve oblige sans doute, une maîtrise
évidente des TICE. C’est aussi une donnée incontournable du métier de l'enseignant, ici
clairement centrée sur les contenus accessibles et une approche pédagogique renouvelée du
texte de théâtre. A l’inverse, en de plus rares occasions, certains candidats gagneraient dans
5
leur préparation à vraiment se familiariser avec ces outils, à s’entraîner à enclencher la lecture
d’un document vidéo, à rechercher un passage précis, à faire un arrêt sur image… ces
compétences sont absolument généralisées dans les classes et de plus en plus intégrés au flux
ordinaire des cours, toutes matières confondues d’ailleurs. C’est un exercice (et une pratique
de classe) auquel il convient de se préparer avec régularité dans l’année du concours et dans
ses stages et expériences sur le terrain.
3. Faire une lecture problématisée du dossier. Le point central de notre insistance, pour
lequel nous assumons une certaine redondance, est le fait que trop d’exposés font une
longue et fastidieuse paraphrase des documents, faute de connaissances parfois. La
présentation doit être problématisée. Confronter, comparer, opposer les documents, c’est en
définir la nature et sortir du simple descriptif relisant leur référenciation. Les aborder d’une
manière non linéaire, avec une perspective d'ensemble, une hiérarchisation est une
nécessité qui fait la preuve d’une lucidité didactique et pédagogique face au corpus : tel
propos de Dominique Blanc sera le document « premier » pour orienter la lecture de la
scène d’exposition du Mariage de Figaro et en comprendre les enjeux, ou pour comparer
les deux captations et les prestations d’Anne Kessler ou de Dominique Blanc ; tel propos
d’Edward Bond lui-même, opportunément fourni par le dossier, donnera une clé de lecture
pour la captation comme pour la scène de Pièces de guerre à étudier.
Une problématique n'est donc pas seulement une question, ni l'annonce d'une
démonstration, mais l'amorce d'un questionnement pluriel, d’une analyse dramaturgique, d’un
faisceau d’analyses conduisant à des décisions pédagogiques dont on peut penser à voix haute
et claire les variations possibles, et, comme le disait le rapport 2014 : « Entre ambition et
réalisme, le futur professeur saura mesurer son projet et lui laisser un peu de souplesse, voire
penser à voix haute des hypothèses ou des variantes pédagogiques. »
Les dossiers sont construits de manière à ouvrir un large champ d’actions possibles, on sera
donc vigilant quant à une démarche systématisée, quelle qu’elle soit. Le candidat présente de
préférence son analyse problématisée du dossier en structurant son propos et évite de plaquer
un plan préconçu ou des formules-types sur le contenu du dossier. Attention par exemple à
une pseudo « méthode » par juxtaposition d’enjeux (génériques, historiques, dramaturgiques,
esthétiques…) qui, si elle ne les relie pas à une problématisation claire, présente les écueils de
la liste vaine.
Chaque dossier, original et singulier, appelle un traitement adapté et le jury n’attend pas une
réponse unique et obligée, mais une appropriation rationalisée, voire passionnée dans certains
cas. Le rapport 2014 soulignait à plusieurs reprises cette liberté d’action : « Les dossiers qui
seront proposés aux candidats sont très ouverts et laissent une grande liberté didactique et
pédagogique. » […] le candidat est libre d’orienter son propos comme il l’entend. […]
L’appropriation personnelle du dossier est valorisée : elle prouve des choix, des
connaissances, un esprit critique et une organisation induite par la lecture du dossier, et non
pas à l’aide d’un plan préconçu. »
4. Prendre en compte l’intégralité du dossier. Très nombreux sont les candidats qui ne
lisent pas en profondeur les dossiers proposés, et semblent même ne pas les lire en totalité ;
or ceux-ci sont constitués de façon à permettre à chacun de bâtir une séquence
d'enseignement y compris si le candidat ne connaît pas a priori, ou ne connaît pas très bien,
l'œuvre sur laquelle on lui demande de travailler ou certaines problématiques. Ne pas se les
approprier, ne pas s'appuyer non plus pour situer les extraits sur les chapeaux introducteurs
rédigés à leur intention, ne pas mettre en lien concret et répété texte et captation, c'est donc
très souvent s'ôter les moyens de réussir l'épreuve. Certains auteurs, peut-être moins connus
1 / 30 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !