Polis/R.C.S.P./C.P.S.R. Vol. 14, Numéros 1&2, 2007
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philosophiques. La science politique contemporaine peut dans un esprit de
dialogue avec les travaux sociologiques développer des discours philosophiques
qui tendent non seulement à rendre explicites les soubassements des théories
empiriques mais aussi à dégager des lignes de force quant aux mutations
politiques internationales, lesquelles peuvent offrir des cadres pour les
théoriciens contemporains.
Dans la tradition réaliste, les Etats constituent les êtres essentiels dans
l’arène internationale. Les relations internationales utilisent comme postulat
récurent celui de l’Etat souverain, proposé par la pensée politique en général.
Cette dernière raconte de manière quasi mystique, la naissance de cet objet de
croyance qui inspire attachement et fidélité. Et le problème international, celui
des rapports entre Etats se réduit peu ou prou à l’affrontement ou à la
coopération entre puissances n’ayant que des intérêts. La paix ne signifie plus
qu’un équilibre mondial fragile qui ne résiste pas à l’émiettement des
puissances, dont le vouloir s’épuise en revendication d’intérêts, reléguant dans
l’archaïsme l’utopie du cosmopolitisme ou d’une fraternité universelle.
L’analyse de la figure politique de l’Etat souverain et indépendant, au
sein du système international, du point de vue de la philosophie politique des
relations internationales, peut permettre différentes lectures. Le concept
d’empire polarise la réflexion sur les relations internationales contemporaines.
Une façon d’investir cette actualité en termes critiques revient à mettre en
perspective l’idée impériale comme constitutive d’un art de mettre le monde en
ordre propre à toute approche radicale des rapports de pouvoir entre les
nations. A travers sa propre pensée, Machiavel est discrètement, furtivement
mais intimement au coeur d’un tel investissement. Avec lui, la forme impériale
de conduite de l’action internationale passe pour la réponse logique la plus
éprouvée du politique face à l’inépuisable incertitude du monde. Elle révèle,
par la même occasion, sa propre fragilité, celle d’un qui-vive permanent pour
lequel il n’est de meilleur « remède » que celui qui réduit le rapport aux autres
à une pure intelligence stratégique. S’inspirant de Spinoza, de Marx et de
Deleuze, le philosophe italien, Antonio Negri, avec Michael Hardt, décèle, sous
la figure de l’empire, un nouvel ordre politique global, qui résulte de la
mondialisation, qui porte la logique du capital, laquelle suscite des stratégies
de pouvoir, de contre-pouvoir (Beck, 2003) et de résistance altermondialiste.
L’empire est un pouvoir politique en réseaux constitués des Etats dominants,