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La Lettre du Sénologue - n° 20 - avril/mai/juin 2003
patientes, une activité ovarienne peut permettre le début du
développement des seins, le plus souvent jusqu’au stade S2.
Cette puberté spontanée se rencontre habituellement avec une
formule de mosaïque 45 X0/46 XX, avec toutes les modifica-
tions possibles de la structure de l’X (3, 4). Un développement
des seins S2 ne peut toutefois pas être retenu comme le témoin
d’une puberté qui se déroulera normalement (1).
Développement mammaire sous traitement
Traitement par hormone de croissance
Sous traitement par hormone de croissance, une puberté spon-
tanée peut apparaître et un développement spontané des seins
peut se faire jusqu’au stade S2, comme dans 34,1 % des 818 cas
ayant fait l’objet d’une analyse rétrospective internationale
multicentrique (4).
Traitement hormonal de féminisation
Le THF comporte deux étapes, la première qui est le traitement
de féminisation proprement dit, la seconde qui est un traitement
hormonal substitutif (THS) entretenant cette féminisation.
Traitement de féminisation
Le début du traitement de féminisation se fait actuellement
consensuellement lorsque l’âge chronologique a atteint 12-13 ans,
ou mieux pour un âge osseux de 11-12 ans (3, 5) sur le concept
qu’administrés à faibles doses, les estrogènes permettent d’amé-
liorer la vitesse de croissance pendant la première année du traite-
ment sans compromettre la taille finale. L’induction de la puberté
est réalisée par de faibles doses d’estrogènes (3), classiquement
2 µg par jour d’éthinylestradiol per os, désormais supplanté par
l’estradiol naturel, à doses équivalentes, par voie orale, per- ou
transcutanée selon le choix de la fille et de ses parents et les
divers problèmes cardiovasculaires et/ou métaboliques auxquels
elle peut être confrontée.
La reproduction des étapes de la puberté physiologique se fait
en augmentant la dose par paliers successifs de 6 mois, en
s’adaptant à la tolérance et à la réponse individuelle. Compte
tenu des effets connus de l’estrogénothérapie sur le risque de
cancer de l’endomètre (6), à partir de la deuxième année de trai-
tement ou si les faibles doses de début ont dû être augmentées
plus rapidement, un progestatif aussi neutre que possible sur
le plan métabolique, ou la progestérone naturelle sera prescrit
12 jours consécutifs. Si une hémorragie de privation hormonale
est induite, ce progestatif sera poursuivi de façon séquentielle
du quatorzième au vingt-cinquième jour du cycle, retrouvant les
modalités d’un traitement hormonal de la ménopause, ici véri-
tablement substitutif.
Traitement hormonal substitutif
Le THS est institué quand l’induction de la puberté est terminée
et que la patiente est arrivée à la fin de sa croissance, en en res-
pectant les contre-indications, en particulier ici les antécédents
thromboemboliques. L’estrogène, quelle que soit la voie d’adminis-
tration, est habituellement donné du premier au vingt-cinquième jour
adolescence, période d’une double crise, celle
psychologique identitaire du sujet lui-même et
celle de son rapport aux autres, est classiquement
la période allant de la puberté à l’âge de 20 ans. Elle correspond
pour l’Institut national d’études démographiques au groupe d’âge
15-19 ans. Selon les résultats officiels du dernier recensement,
il y a en France 3 932 101 adolescents dont 1 921 897 filles
(http://www.recensement.insee.fr).
Les trois principales situations dans lesquelles l’impact mam-
maire des thérapeutiques hormonales peut être envisagé dans le
cadre de ce dossier thématique, avec ses limites de temps et
d’espace, nous paraissent être les traitements hormonaux de
féminisation (THF), la contraception hormonale et l’approche
thérapeutique hormonale des anomalies mammaires.
TRAITEMENTS HORMONAUX DE FÉMINISATION :
L’EXEMPLE DU SYNDROME DE TURNER
Le syndrome de Turner est une dysgénésie gonadique dont la
fréquence est d’environ 1 pour 2 000 chez les filles (1, 2). C’est
sur le résultat du caryotype, confronté à un phénotype variable
selon l’âge, que repose l’affirmation du diagnostic. Il s’agit clas-
siquement soit d’une monosomie X avec un caryotype 45 X0,
soit d’un caryotype 46 XX avec des anomalies de structure d’un
chromosome X (par exemple isochromosome X, délétion du bras
court de l’X, délétion du bras long de l’X, chromosome en anneau),
soit enfin d’une mosaïque. La forme 45 X0/46 XX peut s’accom-
pagner de menstruations normales et même, exceptionnellement,
de fertilité. La forme 45 X0/46 XY, qui représente environ 5 %
des sujets, peut exposer à un cancer des gonades dysgénétiques
devant faire discuter une prévention chirurgicale (1, 2).
À côté des troubles de la croissance dont le traitement a été
transformé par l’hormone de croissance biosynthétique et de
l’infertilité, qui peut être contournée par le recours à des méthodes
d’aide médicale à la procréation, la dysgénésie ovarienne est res-
ponsable le plus souvent d’un impubérisme, parfois d’un déve-
loppement pubertaire incomplet, qui nécessite un THF. Dans le
syndrome de Turner, la migration des cellules germinales dans
les crêtes génitales se fait normalement et le développement
ovarien est normal jusqu’au troisième mois intra-utérin. À partir
du cinquième mois, la régression des gonocytes est telle que le
capital germinal est épuisé à la naissance ou très rapidement
ensuite (1). L’impact sur le développement mammaire est donc
majeur.
Développement mammaire spontané
Dans la majorité des cas des syndromes de Turner, il n’y a pas
de développement mammaire du fait d’un “impubérisme” com-
plet avec aménorrhée primaire. Toutefois, chez 10 à 15 % des
Sein et thérapeutiques hormonales
G. Boutet*
* 28, rue de Norvège, 17000 La Rochelle.
L’
du mois inclus, le progestatif du quatorzième au vingt-cinquième
jour du mois inclus, l’hémorragie de privation hormonale sur-
venant dans l’intervalle thérapeutique. En France, à côté de la
progestérone naturelle, le progestatif le plus utilisé est la dydro-
gestérone ou l’acétate de chlormadinone. La compliance à la
thérapeutique est souvent meilleure si l’on prescrit une spécialité
associant de façon fixe estradiol et progestatif. Compte tenu des
résultats des études épidémiologiques concernant la ménopause,
il paraît prudent chez ces patientes turneriennes d’éviter l’acétate
de médroxyprogestérone et les dérivés norstéroïdes. De même,
il a été proposé de prendre le relais avec une contraception estro-
progestative minidosée (5), mais se pose alors la question de
l’impact métabolique à long terme, le syndrome de Turner
s’accompagnant fréquemment d’une intolérance au glucose et
d’un risque majoré d’hypertension.
Effets mammaires du traitement hormonal de féminisation
Lors du traitement de féminisation et selon la description de
Thibaud (7), les faibles doses d’estrogènes d’abord prescrites
isolément font apparaître le bourgeon mammaire, puis le déve-
loppement des seins sera progressif, atteignant le plus souvent
le stade S2 de Tanner après six mois, le stade S3 à la fin de la
première année, le stade S4 à la fin de la deuxième année. Le
développement mammaire s’achève au bout de la deuxième à
la troisième année du THS prescrit après la fin de l’induction
pubertaire. La majorité des jeunes filles a un développement des
seins satisfaisant, comparable à celui de la population générale.
Toutefois, les jeunes filles présentant une malformation thora-
cique marquée avec thorax en bouclier, écartement et hypoplasie
mamelonnaire, auront souvent une hypotrophie mammaire.
Pendant la phase d’induction pubertaire, estrogénique pure au
début, la surveillance se fera principalement sur la courbe de
croissance, la maturation osseuse, la prise de poids, la tension
artérielle et le développement des caractères sexuels secondaires.
La surveillance du THS sera ensuite instituée de façon classique,
en gardant en mémoire que ces patientes peuvent présenter
n’importe quelle pathologie mammaire, les éventuelles masto-
dynies étant corrigées par adaptation estroprogestative.
IMPACT MAMMAIRE DE LA CONTRACEPTION HORMONALE
Les adolescentes viennent au deuxième rang de l’utilisation de
la pilule en France, après les 20-25 ans. Selon la plus récente
enquête publiée (8), 50 % des 15-19 ans prennent la pilule. Cette
proportion passe de 50 à 69 % entre 15 et 24 ans, un quart des
adolescentes ayant déjà eu un rapport à 16 ans, les trois quarts
d’entre elles à 19 ans.
La contraception hormonale utilisable chez l’adolescente peut
se présenter sous diverses formes bien connues. Rappelons qu’il
est devenu usuel d’utiliser une classification des contraceptifs
oraux estroprogestatifs combinés en fonction du dosage en
éthinyl-estradiol. Les estroprogestatifs normodosés contiennent
50 µg d’éthinyl-estradiol par comprimé, les mini-dosés 15, 20,
30 ou 40 µg. Les associations combinées peuvent se présenter
sous forme monophasique, biphasique ou triphasique, en prise
continue ou discontinue. La contraception progestative par voie
orale peut utiliser ce qu’il est convenu d’appeler micro-pilule,
c’est-à-dire une faible dose de progestatif en continu, ou une
forte dose de façon discontinue, dans l’AMM pour les dérivés
norstéroïdes, hors AMM pour les prégnanes dérivés de la
17-hydroxyprogestérone ou les norprégnanes. La contraception
progestative par voie injectable intramusculaire est affaire de
cas d’espèce chez l’adolescente, en règle générale en milieu
psychiatrique. L’utilisation de l’implant contraceptif à l’étono-
gestrel chez l’adolescente se fait le plus souvent en situation de
non-compliance à la contraception orale, particulièrement en cas
d’IVG à répétition.
Dans cette même enquête (8), sur les 151 jeunes filles inter-
rogées de la tranche d’âge 15-19 ans, 46 % utilisent des estro-
progestatifs de première ou de deuxième génération (norgestrel,
levonorgestrel, noréthistérone, norgestriénone), 8 % des estro-
progestatifs de troisième génération (désogestrel, gestodène,
norgestimate) avec une dose d’éthinylestradiol supérieure à
20 µg par comprimé, 25 % des estroprogestatifs de troisième
génération avec une dose d’éthinylestradiol inférieure à 20 µg
par comprimé. Notons également d’emblée que, dans cette
classe d’âge, les effets indésirables allégués associés à la prise
de pilule, indépendamment des troubles des règles (23 %), sont
une prise de poids (33 %) et des douleurs mammaires (19 %),
54 % étant cependant très satisfaites de leur pilule, 42 % assez
satisfaites et 4 % peu ou pas satisfaites.
Contraception orale et risque de cancer du sein dans la
population générale
La fréquence du cancer du sein, la possibilité de variation de la
vulnérabilité mammaire selon l’âge et la très large prescription
de la contraception estroprogestative qui semble être la meilleure
méthode de contraception pour les adolescentes par son efficacité,
ses très rares contre-indications pour cette tranche d’âge, son
respect de la spontanéité de la vie sexuelle et ses effets béné-
fiques sur la correction de la dysménorrhée et des ménorragies, la
régularisation du cycle menstruel et, pour certaines spécialités,
la correction de l’acné et des signes d’hyperandrogénie (9) font
que cette question a fait l’objet de très nombreuses études et
qu’elle reste débattue, même après la publication de la méta-
analyse du Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast
Cancer (CGHFBC) (10). Le tableau résume les résultats de
cette méta-analyse bien connue, qui a regroupé les données de
54 études épidémiologiques concernant l’utilisation de la contra-
ception orale chez 53 297 femmes atteintes d’un cancer du sein
comparées à 100 239 femmes indemnes.
L’âge au début de la contraception orale semble être un facteur
déterminant, le risque de cancer du sein paraissant d’autant plus
marqué que l’âge à la première utilisation a été précoce. De plus,
les femmes utilisatrices actuelles ou récentes de la pilule qui en
ont commencé l’usage dans les 5 ans qui suivent leur ménarche
ont un RR ± DS = 1,27 ± 0,095. Pour les femmes qui ont stoppé
l’usage de la pilule depuis 5 ans ou plus, la prise précoce de la
contraception orale par rapport à la ménarche ne modifie pas le
risque relatif (RR ± DS = 0,88 ± 0,105). Aucune modification
de risque n’est mise en évidence en fonction de la composition de
la contraception, mais il faut souligner que cette étude n’est pas
informative sur les pilules actuellement utilisées. Le CGHFBC
retrouve le même schéma de risque, que la contraception orale
ait été prise chez une nullipare, avant ou après la naissance du
premier enfant. Il n’y a pas d’augmentation du risque relatif
associée à un antécédent familial de cancer du sein ou à un
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La Lettre du Sénologue - n° 20 - avril/mai/juin 2003
DOSSIER
antécédent personnel de biopsie mammaire pour mastopathie
bénigne non proliférante. Il est généralement admis que l’inci-
dence des mastopathies bénignes est inversement proportion-
nelle à la dose du progestatif inclus dans une pilule normodosée
(2, 9). La méta-analyse du CGHFBC ne relève pas d’augmenta-
tion du risque relatif de cancer du sein chez les patientes ayant
pris une contraception orale après le diagnostic d’une masto-
pathie bénigne, quand la pilule a été débutée après l’âge de 20 ans.
Les données disponibles sont insuffisantes pour répondre quand
la pilule a été débutée avant l’âge de 20 ans. Après confirmation
histologique de bénignité et sous réserve d’une surveillance
attentive, il est actuellement consensuel (9) qu’une mastopathie
bénigne n’est pas une contre-indication à la prise d’estropro-
gestatifs, à l’exception des lésions proliférantes, en particulier
atypiques, fort heureusement exceptionnelles à cet âge, et qui
seront discutées au cas par cas.
Le fait que l’augmentation du risque de cancer du sein se fasse
rapidement après le début de la contraception orale, reste stable
avec la durée de prise, et tende à revenir à la normale 10 ans
après l’arrêt des estroprogestatifs, est compatible avec le concept
classique de promotion d’une tumeur préalablement déjà initiée.
Selon un calcul théorique (10), le nombre estimé de cancers du
sein attendus entre le début de l’utilisation de la pilule prise de
l’âge de 16 ans à l’âge de 19 ans et les 10 ans qui suivent son
arrêt serait de 4,5 pour 10 000. Chez les non-utilisatrices, le
chiffre attendu serait de 4 pour 10 000. On voit donc qu’il s’agit
d’un excès de risque limité, d’autant que les cancers mis en évi-
dence sont cliniquement moins évolués. L’introduction de la
notion du rapport bénéfice/risque amène à rappeler que si les
relations contraception orale-risque de cancer du col demeurent
controversées, les effets protecteurs de la prise d’estroproges-
tatifs sur le risque d’apparition d’un cancer de l’ovaire sont bien
documentés en population générale, tout particulièrement chez
les femmes ayant débuté la contraception orale avant l’âge de
25 ans. Il en est de même pour le risque de cancer de l’endo-
mètre. Une femme qui utilise un estroprogestatif pendant plus
d’un an voit décroître son risque de cancer de l’endomètre
pendant au moins 15 ans (2).
Les résultats de cette méta-analyse ont récemment été contredits
(11). Alors que plus de 2 500 femmes avaient débuté l’utilisation
de la contraception orale avant l’âge de 20 ans, le risque relatif
de cancer du sein dans cette situation est similaire à celui des
femmes qui ont débuté la pilule plus âgées : début de la pilule
avant 15 ans, RR = 0,9 (0,6-1,2) ; début de 15 à 19 ans, RR =1,0
(0,8-1,1) ; début de 20 à 24 ans, RR = 0,9 (0,8-1). Cette étude
(11) confirme par ailleurs que l’utilisation de la contraception
orale n’est pas associée à une augmentation du risque de cancer
du sein chez les femmes avec des antécédents familiaux de cancer
du sein.
Une étude cas-contrôle a récemment essayé d’évaluer spécifique-
ment le risque selon la composition de la contraception orale chez
1640 femmes âgées de 20 à 44 ans comparées à 1 492 femmes
témoins. Selon cet auteur (12), les combinaisons estroprogesta-
tives les plus faiblement dosées représenteraient le plus faible
risque. Portant sur très peu de cas dans chaque sous-groupe, ces
résultats ne peuvent pas être retenus sans confirmation.
Contraception orale et risque de cancer du sein en cas de
mutation BRCA1/BRCA2
Le risque cumulatif de présenter un cancer du sein pour une
femme porteuse de la mutation BRCA1 est estimé à 3,2 % à
30 ans, 19,1 % à 40 ans, 50,8 % à 50 ans, 54,2 % à 60 ans et
85 % à 70 ans, associé à un risque cumulatif de cancer de
l’ovaire variant entre 26 et 50 % (13).
Les femmes porteuses de la mutation BRCA2 semblent avoir
un risque de cancer mammaire similaire (13). Bien que les indi-
cations du diagnostic moléculaire soient théoriquement limitées
aux pathologies susceptibles d’être prises en charge avant l’âge
de 18 ans, ce qui exclut le risque de cancer du sein (14), un pra-
ticien peut être amené à utiliser un programme de calcul du
risque estimé de mutation génétique BRCA1, BRCA2 chez une
femme avec une histoire familiale de cancer du sein, de cancer
de l’ovaire ou des deux, évocatrice, programme validé dans la
prédiction du risque individuel et accessible à l’adresse
http://astor.som.jhmi.edu/brcapro/ (15).
Les mutations BRCA1 représentent environ 50 % des prédispo-
sitions génétiques au cancer du sein, et approximativement 5 % de
tous les cancers du sein (16). Il est déjà bien difficile d’apprécier
l’impact de la contraception orale sur le risque de cancer du sein
dans la population générale, d’autant que de plus en plus de
travaux s’intéressent aux facteurs in utero du risque mammaire
ultérieur. La question de savoir si l’utilisation de la contra-
ception orale majore le risque spontané déjà très important
de cancer du sein chez les femmes porteuses de mutation
BRCA1/BRCA2 est encore plus complexe. Ursin (17) avait
suggéré cette hypothèse dans un travail préliminaire, une base
biologique (16) pouvant être apportée par la constatation que
chez les femmes porteuses de la mutation BRCA1, on retrouve
un très important pourcentage des lobules de type 1, les moins
différenciés, qu’elles ait été enceintes ou pas, alors que chez des
femmes non porteuses, l’évolution se fait vers une augmentation
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La Lettre du Sénologue - n° 20 - avril/mai/juin 2003
Modalités Première utilisation Première utilisation Ensemble
d’utilisation avant l’âge de 20 ans entre 20 et 24 ans des utilisatrices
RR ± SD RR ± SD RR
(nb cas/nb témoins) (nb cas/nb témoins) (IC 95 %)
Utilisatrices 1,59 ± 0,093 1,17 ± 0,065 1,24
actuelles (1,15-1,33)
(565/945) (679/1 336) 2 p < 0,0001
Anciennes
utilisatrices
Arrêt depuis :
1-4 ans 1,49 ± 0,093 1,15 ± 0,060 1,16
(1,08-1,23)
(503/794) (768/1 379) 2 p = 0,0001
5-9 ans 1,07 ± 0,070 1,09 ± 0,046 1,07
(1,02-1,13)
(560/938) (1 224/2 039) 2 p = 0,009
10 ans et + 1,01
(0,96-1,05)
NS
10-14 ans 1,13 ± 0,072 0,93 ± 0,041
(555/771) (1 249/2 088)
15 ans et + 1,14 ± 0,077 1,01 ± 0,045
(524/714) (1 305/1 988)
Tableau. Utilisation d’une contraception hormonale et risque relatif
(RR + SD) de cancer du sein. Résultats de la méta-analyse du CGHFBC
(10).
progressive du nombre des lobules de type 3, bien différenciés,
particulièrement après la première grossesse. Hilakivi-Clarke
(16) fait donc l’hypothèse qu’une interaction entre un niveau
élevé d’imprégnation aux estrogènes et un gène BRCA1 non
fonctionnel peut être responsable de la présence persistante d’un
grand nombre de lobules de type 1 chez les patientes porteuses
de la mutation, une autre possibilité étant que la mutation d’un
seul des gènes BRCA1 soit suffisante pour empêcher la diffé-
renciation normale du sein au cours de la grossesse. Cette diffé-
renciation rend compte dans la population normale de la dimi-
nution du risque de cancer du sein pour une grossesse survenue
avant l’âge de 20 ans (16).
Bien que la majorité des cancers du sein associés à une mutation
BRCA1 n’exprime pas de récepteurs estrogéniques, les facteurs
qui influencent chez ces patientes le taux des hormones endo-
gènes paraissent modifier le risque de cancer du sein (18). D’un
côté, la castration diminue le risque, d’un autre côté la grossesse
semble l’augmenter. Narod et al. (18) ont tenté de répondre à la
question du risque de cancer du sein chez ces patientes sous
contraception orale en recrutant à travers 52 centres dans 11 pays,
891 paires de femmes porteuses de mutation BRCA1 et 330 paires
de femmes porteuses de mutation BRCA2. Parmi les porteuses
de mutation BRCA2, l’utilisation d’une contraception orale
n’est pas associée à une augmentation du risque de cancer du
sein (OR = 0,94, IC 95 % = 0,72-1,24). Pour les femmes
porteuses de mutation BRCA1, l’usage de la contraception orale
est associé à une petite augmentation du risque relatif de cancer
du sein (OR = 1,20, IC 95 % = 1,02-1,04). Quand les femmes
porteuses d’une mutation BRCA1, qui n’ont jamais utilisé la
contraception orale, sont comparées à celles qui l’ont utilisée
pour au moins 5 ans, ces dernières ont une augmentation du
risque relatif de cancer du sein plus marquée (OR = 1,33,
IC 95 % = 1,11-1,60). Cette augmentation se retrouve chez
celles qui ont utilisé la contraception orale avant l’âge de 30 ans
(OR = 1,29, IC 95 % = 1,09-1,52) ou dont le cancer du sein a été
diagnostiqué avant l’âge de 40 ans (OR = 1,38, IC 95 % = 1,11-
1,72). Ces résultats, qui modulent les recommandations de
l’expertive collective de l’INSERM (14) qui avait considéré que
“l’utilisation d’une contraception orale, dans l’état actuel des
connaissances, n’est pas contre-indiquée en raison de l’existence
d’un risque génétique”, tout en soulignant “qu’une attention
particulière doit être cependant apportée concernant les infor-
mations sur les avantages et les inconvénients de telles médi-
cations”, doivent être mis en rapport avec les données qui
suggèrent que le risque de cancer de l’ovaire ne diminue pas
avec la durée de prise d’une contraception orale en cas de
mutation BRCA1/BRCA2 (19).
APPROCHE THÉRAPEUTIQUE HORMONALE
DES PRINCIPALES ANOMALIES MAMMAIRES
Cette approche repose sur des avis d’experts ou de courtes
études de faible niveau de preuve, dans une “zone grise” de
l’evidence based medicine.
Mastodynies
Devant une mastodynie préalable à toute thérapeutique hormonale,
une fois confirmé le diagnostic et affirmé son caractère isolé, si la
jeune femme désire une contraception et si l’intensité des douleurs
mesurée par auto-évaluation sur une réglette graduée est sévère, on
pourra proposer une pilule combinée normodosée à climat proges-
tatif, par exemple Planor®, éventuellement associée à Progestogel®
dont la fonction placebo est par ailleurs précieuse chez ces jeunes
filles souvent “stressées”. Au bout de quelques mois, le relais pourra
être pris par une pilule combinée mini-dosée, mono- ou biphasique,
à climat également progestatif, par exemple Miniphase®, pour s’en
tenir aux spécialités remboursées. Si les douleurs sont moins
intenses, c’est cette option qui sera adoptée en premier. Si les
mastodynies sont apparues sous pilule combinée minidosée,
mono-, bi- ou triphasique, on pourra soit changer de spécialité dans
la même gamme thérapeutique en y associant la prescription de
Progestogel®quotidienne ou biquotidienne, soit passer à Planor®.
Signalons que la consommation d’alcool peut majorer la bio-
disponibilité de l’estradiol et celle du jus de pamplemousse, la
biodisponibilité de l’éthinylestradiol et favoriser ainsi les masto-
dynies. L’apparition de mastodynies sous Diane 35®est assez
fréquente du fait du climat estrogénique de ce composé large-
ment utilisé dans l’acné. Dans cette situation, le Progestogel®
reste d’un bon recours. On peut aussi associer pendant les 10 ou
12 premiers jours de Diane 35®la prise d’un quart, d’un demi
ou d’un comprimé par jour d’Androcur®, selon l’intensité des
douleurs (hors AMM). La substitution à la Diane 35®de pilules
triphasiques au norgestimate récemment sorties (Triafémi®, Tri-
cilest®), qui ont la double AMM pour contraception et acné
légère à modérée, représente également une solution.
Adénofibrome
Traitement de la forme typique
Dans 80 % des cas, l’adénofibrome est unique et le plus souvent
d’une taille de moins de 3 cm. Concernant les adolescentes, devant
un adénofibrome isolé, le praticien a trois solutions : surveiller,
tenter un traitement médical ou poser une indication chirurgicale.
Quelle que soit la solution retenue, le choix des mots et le poids
des informations tiendra le plus grand compte de l’inquiétude
toujours sous-jacente chez une adolescente, en proie à l’angoisse
d’être anormale. Un essai de traitement médical est envisageable
quand l’examen clinique et l’examen échographique mammaire
±cytoponction est compatible avec le diagnostic d’un adéno-
fibrome de moins de 3 cm, d’apparition récente et dans un
tableau clinique évoquant une hyperestrogénie relative. On peut
tenter un traitement progestatif antigonadotrope à forte dose, du
cinquième au vingt-cinquième jour du cycle ou 21 jours sur 28,
norprégnane ou norstéroïdien, seul ce dernier étant efficace pour
certaines (20). En cas d’évolution favorable, le traitement sera
poursuivi 6 à 12 mois, puis relayé par une complémentation
progestative en deuxième phase de cycle ou, en cas de désir de
contraception, par la prescription d’une pilule fortement anti-
gonadotrope à climat progestatif. On se souviendra que les effets
secondaires dermatologiques et métaboliques sous norstéroïdes
(acné, prise de poids, etc.) et les troubles du cycle sous norpré-
gnanes (aménorrhée, métrorragies, etc.) sont toujours très mal
tolérés à l’adolescence et qu’à cet âge, l’effet contraceptif réel de
ces molécules n’a jamais été validement évalué. Un antécédent
d’adénofibrome opéré n’est pas une contre-indication à la
contraception estroprogestative. Quand un adénofibrome est en
place, c’est-à-dire qu’il ne répond pas aux critères de la nécessité
23
La Lettre du Sénologue - n° 20 - avril/mai/juin 2003
DOSSIER
d’une exérèse chirurgicale, les estroprogestatifs combinés à climat
progestatif ne sont pas contre-indiqués. La surveillance régulière
se fera à l’occasion de la surveillance gynécologique habituelle
sous contraception orale. Si un adénofibrome survient chez une
femme sous estroprogestatif combiné mini-dosé, il faut soit
tenter un traitement médical progestatif selon les modalités déjà
décrites, soit recourir à un estroprogestatif normodosé à la nor-
gestriénone et surveiller l’évolution.
Les micropilules sont déconseillées car elles créent le plus souvent
un état d’hyperestrogénie iatrogène. Quand il existe une contre-
indication à la prescription d’une contraception orale estropro-
gestative combinée, on peut tenter de prescrire une micropilule
en complétant la prescription par un progestatif du quatorzième
au vingt-cinquième jour du cycle. La contraception d’urgence,
qu’il faudra toujours expliquer à la jeune fille, n’est pas contre-
indiquée par l’existence d’un adénofibrome.
Traitement des formes cliniques
Si l’adénofibrome géant et l’adénofibrome de type juvénile
relèvent d’une chirurgie d’exérèse, l’adénofibromatose, qui se
définit comme la présence d’adénofibromes multiples, unis ou
bilatéraux, synchrones ou successifs, et qui s’observe dans 10 à
20 % des cas d’adénofibromes, plus volontiers chez les jeunes
filles de race noire, avec une possible prédisposition familiale,
peut faire l’objet d’une proposition de traitement médical.
L’enjeu est d’être le moins agressif possible, en se souvenant
que tout adénofibrome de taille supérieure à 4 cm ou d’évolu-
tion rapidement croissante sera enlevé : pour la patiente parce
qu’il est gênant, pour le médecin par crainte d’une tumeur phyl-
lode, d’autant que des tumeurs phyllodes de plus ou moins haut
grade ont été observées au cours de l’évolution des adénofibro-
matoses de la femme jeune avec, dans ce cas, un temps de dou-
blement souvent inférieur à 3 mois. L’association d’un proges-
tatif norstéroïde (Orgamétril®, 1 à 2 comprimés par jour), ajusté
pour maintenir le taux d’estradiol inférieur ou égal à 60 pg/ml,
et d’un antioestrogène (Nolvadex®, 1 comprimé par jour) en
continu ou en séquentiel combiné (21 jours/28 jours) a été pro-
posée (20), hors AMM, dans les cas sévères, après avis médical
collégial et information exhaustive de la patiente et de sa famille,
pour permettre d’éviter une chirurgie délabrante par tumorectomies
multiples, les résultats s’observant généralement en quelques
semaines à quelques mois.
Hypermastie
À côté de l’hypertrophie constitutionnelle, volontiers associée
à une surcharge pondérale, qui ne relève pas d’un traitement
hormonal, l’hypertrophie juvénile ou virginale, typique de cet
âge où elle apparaît dans la période pubertaire et évolue de façon
rapide voire explosive, peut faire l’objet d’un traitement hor-
monal préalable à une plastie chirurgicale. Ce traitement, dont
l’indication sera donc exceptionnelle car ces formes majeures
sont très rares, est identique à celui de l’adénofibromatose déjà
exposé, associé à des mesures de prévention de prise de poids et
symptomatique d’atténuation des éventuelles vergetures.
Hypomastie
Aucun traitement hormonal des hypomasties n’est licite. En cas
de contraception, les estroprogestatifs à climat estrogénique
dominant peuvent parfois être temporairement flatteurs…
CONCLUSION
Quel que soit le motif de consultation mammaire d’une ado-
lescente, le praticien doit s’adapter à la situation de façon souple
et rassurante, la pathologie maligne étant rarissime entre 15 et
19 ans (0,3 pour 100 000) (21). Associé au traitement par l’hor-
mone de croissance et au soutien psychologique grâce à une
bonne relation jeune fille-parents-médecin, le THF permet de
transformer la vie des jeunes turnériennes. Associé à une infor-
mation sur la prévention des maladies transmises par voie sexuelle
et sur les risques du tabac (22), la demande contraceptive d’une
adolescente trouvera le plus souvent une solution orale adaptée
à son désir et aux nécessités médicales. Les résultats des études
épidémiologiques concernant la prise précoce de contraceptif
oral et le risque de cancer du sein sont bien sûr à garder en
mémoire, mais ils ne justifient pas actuellement de modifier des
habitudes de prescription dont les bénéfices sont solidement
établis. Dans ce domaine, comme dans l’approche thérapeutique
hormonale des problèmes sénologiques à cet âge, des travaux
complémentaires sont nécessaires, d’autant que l’évolution
constante des spécialités proposées rend précaire les résultats sur
lesquels nous sommes obligés de nous appuyer pour remplir
à chaque prescription nos obligations éthiques, déontologiques
et légales.
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La Lettre du Sénologue - n° 20 - avril/mai/juin 2003
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