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« La relation d’Okun, intensité, stabilité et asymétrie : une comparaison Etats-Unis
France »
Michel Edouard Ruben, Magistère d’économie et finances internationales, Université
Montesquieu Bordeaux 4, 2007
Résumé
Cette étude concerne l’intensité de la croissance en emploi aux Etats-Unis et en France. Les
précédentes études montraient que cette intensité était fonction du degré de flexibilité du
marché travail étudié et qu’elle était asymétrique. Ces études révélaient également que cette
intensité mesurée par le dit « coefficient d’okun » était plus stable aux Etats-Unis qu’en
France.
Nous mesurons tout d’abord les coefficients d’Okun pour les 2 pays en utilisant le filtre HP
pour extraire le taux de croissance potentiel et en considérant les taux donnés par le Bureau
des règlements internationaux. Ensuite nous analysons l’évolution temporelle du dit
coefficient. Les résultats obtenus nous ont conduit à regarder si la relation d’okun était
asymétrique.
Les résultats mettent en évidence une plus grande stabilité de la relation d’okun aux Etats-
Unis qu’en France, ce qui est en phase avec les autres études réalisées.
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La loi d’ Okun
« A la sueur de ton front tu gagneras ton pain », derrière cette sentence biblique se
trouve un principe économique et moral accepté de tous : le travail est un acte social qui
permet à l’être humain de se réaliser. Le travail procure en effet une rémunération permettant
aux individus de subvenir à leurs besoins, d’épargner en vue de se parer contre des imprévus,
de s’assurer une retraite ou de différer dans le temps leur consommation. L’importance
sociale et économique du travail justifie donc la lutte contre le chômage.
Après la grande dépression des années 30 et les millions de chômeurs qu’elle engendra,
survint une grande transformation dans la façon de percevoir la réalité économique. Cette
crise, caractérisée par l’absence de reprise spontanée restera comme la première infirmation
de la croyance classique disant que les marchés engendrent plein emploi et assurent des
situations d’équilibre voire de paix sociale. C’est dans ce contexte qu’apparut un économiste,
dont l’œuvre marquera une véritable révolution dans la pensée économique, avec un ouvrage
majeur : la théorie générale, ce génie c’est John Maynard Keynes.
Avant Keynes, il était admis et diffusé que le marché conduisait au plein emploi et
que le chômage n’était qu’une situation de déséquilibre, déséquilibre qui en plus devait être
passager. Avec « la théorie générale », Keynes nous enseigne que dans une économie les
prix sont visqueux ce sont les quantités qui s’ajustent et que les déséquilibres peuvent être
durables. En effet dit il, l’insuffisance de la demande globale est un obstacle au plein emploi
(alors que selon la loi de Say l’offre crée sa propre demande). Dans son analyse le chômage
n’est plus un déséquilibre passager dans le fonctionnement du marché du travail mais plutôt le
résultat d’une insuffisance de la demande globale. Le chômage volontaire de la théorie
classique se trouve donc évincer au profit du chômage involontaire qui ne donne naissance à
aucun effet d’ajustement vers l’équilibre de plein emploi. Dès lors la politique économique
capable d’augmenter la demande globale apparaissait comme une solution pour lutter contre
la situation d’équilibre de sous emploi. L’Etat n’étant pas dans la situation d’incertitude des
Entreprises, elle apparaissait donc la mieux placée pour relancer l’économie, « une assez
large socialisation de l’investissement s’avérera le seul moyen d’assurer approximativement
le plein emploi » écrit-il.
Sa Théorie Générale, a exercé une profonde influence sur les gouvernements
occidentaux, qui à la sortie de la seconde guerre mondiale, menèrent des politiques dites
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keynésiennes
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avec la ferveur propre à tous nouveaux convertis. Ces politiques permirent de
relancer l’économie mondiale et participèrent à la période faste des trente glorieuses.
La révolution keynésienne s’est également propagée dans la sphère théorique et la
pensée de Keynes a donné lieu à diverses interprétations
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, plus ou moins fidèles à ses idées.
L’une d’elles, la relation d’Okun, explique les variations du taux de chômage par les
mouvements conjoncturels du PIB. Cette relation vient boucler empiriquement le modèle de
Keynes et mesure « la sensibilité du chômage à une modification de l’output gap ».
L’objectif de ce papier est d’étudier la relation d’Okun.
Après avoir justifié théoriquement la portée de cette relation et présenté la revue de
littérature s’y rapportant, nous effectuerons une étude empirique visant : à déterminer le dit
« coefficient d’okun » aux Etats-Unis et en France
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. Nous chercherons également à
appréhender les effets d’asymétrie au niveau des variations à la baisse ou à la hausse du taux
de chômage dans les deux pays. Notre étude portera sur ces pays pour deux raisons. La
première tient à l’importance économique des Etats-Unis, véritables champions de la lutte
anti-chômage. La seconde est le constat que malgré les efforts répétés des gouvernements
successifs français et leurs nombreuses politiques pour l’emploi, le chômage reste à des
niveaux élevés.
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A partir des rapports Beveridge (1944)
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on peut citer entre autres ISLM et Courbe de Philips tous deux d’inspiration keynésienne
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sur données annuelles allant de 1978 à 2005
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Cadre théorique : le modèle d’Okun
Considérée comme le bouclage du modèle de Keynes, la relation d’Okun est le résultat
statistique du travail de l’économiste américain du même nom sur la relation existant entre
chômage et fluctuations de l’activité économique
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. Dans article, il formula deux versions du
lien existant entre chômage et activité macroéconomique aux Etats-Unis.
La première reliait la variation du taux de chômage au taux de croissance du produit
national brut :
U=-0,4(∆Y-3%) (a)
Cette relation nous renseigne sur le taux de croissance de l’activité requis pour éviter une
hausse du taux de chômage, soit 3% par an.
La seconde reliait l’écart du taux de chômage U par rapport à un taux naturel estimé
proche de 4% et l’écart au PNB potentiel (output gap).
U-4%=-0.36 (output gap) (b)
Il convient de définir à ce niveau les notions de taux de chômage naturel et d’output
gap.
Le taux de chômage naturel correspond au NAIRU (non accelerating inflation rate of
unemployment), autrement dit c’est le taux de chômage non inflationniste. Ce taux de
chômage naturel n’est pas sans rappeler le taux d’intérêt naturel présent dans « Interest and
prices » de Knut Wicksell, dans la mesure où c’est un taux neutre ; il est important de
remarquer que comme le taux d’intérêt naturel de Wicksell, le taux de chômage naturel
change à travers le temps.
L’output gap
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(écart relatif de production), correspond à l’écart entre le taux de
croissance de l’activité observée et le taux de croissance potentiel. Le taux de croissance
potentiel étant le niveau de croissance qu’une économie peut fournir sous condition d’emploi
total c'est-à-dire avec un niveau de chômage naturel et sans tension inflationniste. Un output
gap positif semble donc être la réponse à la question suivante : à partir de quel moment une
économie réduit elle son taux de chômage ?
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Étude réalisée sur les Etats unis en 1962, période sous étude 1947-1960
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L’output gap peut être défini de façon très générale comme l’écart entre le PIB et son niveau «potentiel », dans
notre définition, nous avons décider de retenir l’écart relatif.
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Le modèle d’Okun standard s’écrit donc sous une forme générale :
U-U* =β(∆Y-∆Y*)
U* correspond au taux de chômage naturel, Y* le taux de croissance potentiel et β un
paramètre négatif correspondant au coefficient d’Okun.
Revue de littérature
Depuis l’étude originelle d’Okun de 1962, d’autres ont suivi justifiant l’existence de
ce coefficient d’Okun. Ces autres travaux ont montré une remarquable stabilité du coefficient
aux Etats-Unis, coefficient qui se révèle moins stable quand les estimations sont menées sur
d’autres pays.
Parmi les travaux réalisés on peut mentionner celui de :
Baker et Schmidt (1997)
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qui déterminent le coefficient d’Okun pour un panel de pays
de l’OCDE. Ils ont montque pour les pays étudiés, la sensibilité du travail à la croissance
était plus forte dans les années 80-90 que dans les années 60.
Hubert (1997) qui montre que le coefficient d’Okun dépend en partie du degré de
flexibilité du marché du travail du pays considéré. Son étude suggère que le lien entre marché
du travail (mesuré par la variation du chômage) et le marché des biens (mesuré par l’écart de
production est plus élevé) est plus élevé dans les pays avec peu de restrictions sur le marché
du travail (grande flexibilité) comparés aux pays avec beaucoup de restrictions (moindre
flexibilité).
Muller et Buescher (1999)
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qui ont montré que la sensibilité du chômage à l’output
gap était affectée par la volatilité du change (D.M). L’argument est que la volatilité du change
crée de l’incertitude et génère des coûts supplémentaires de transaction. Selon les auteurs cela
va impacter négativement sur les exportations et par conséquent sur la production et l’emploi.
Ils sont arrivés à la conclusion qu’une forte volatilité du taux de change tendait à diminuer la
valeur du coefficient.
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The Macroeconomic Roots of High Unemployment:The Impact of Foreign Growth
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Exchange Rate Volatility Effects on the German Labor Market
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